Durant les huit semaines de cette période intermédiaire, jetons un œil dans les coulisses de l’Eurovision 2021 et traçons le portrait de seize de ses piliers discrets, producteurs, auteurs, chorégraphes, designers ou encore directeurs artistiques. Tous concourent à la réussite de cette soixante-cinquième édition, tous méritent d’être mis en avant.

Aujourd’hui, retrouvons un danseur qui, lui, apparaîtra bien à l’écran, mais dont le parcours tourmenté et plein d’enseignements mérite d’être retracé. Mais qui est Ahmad Joudeh ?

PARCOURS ACADÉMIQUE ET PROFESSIONNEL

Ahmad est né en 1990 à Yarmouk, camp de réfugiés palestiniens à Damas. Son père est palestinien, sa mère est syrienne. À huit ans, il assiste pour la première fois à un ballet et décide de devenir danseur professionnel à son tour. À seize ans, il auditionne auprès de la compagnie Enana. Il est retenu et débute des études de danse classique et moderne, ainsi que de gymnastique. Sa mère le soutient, son père désapprouve et finit par les quitter.

Grâce à sa compagnie, Ahmad voyage et se produit notamment au Qatar, en Algérie, en Tunisie, en Jordanie et au Liban. En 2011, la guerre civile syrienne rompt son existence. Il perd cinq membres de sa famille et sa maison est détruite lors d’un bombardement. Sa sécurite personnelle est également menacée : il reçoit d’incessantes menaces de mort de la part d’extrémistes condamnant ses activités de danseur.

En 2014, il participe à la version arabe de So You Think You Can Dance et y termine demi-finaliste. Sa renommée atteint alors tous les pays arabes. Dans la foulée, Ahmad s’engage pour les enfants syriens orphelins et leur donne des leçons de danse. En 2016, il décroche son diplôme en danse et chorégraphie de l’Institut Supérieur des Arts Dramatiques de Damas.

En 2016, le journaliste néerlandais Roozbeh Kaboly réalise un documentaire à son sujet. Sa diffusion dans de nombreux pays européens apporte une nouvelle reconnaissance internationale à Ahmad. À sa vision, le directeur du Ballet national néerlandais, Ted Bransen, l’invite aux Pays-Bas. Ahmad s’installe alors à Amsterdam. Il retrouve son père, qui réside dans un centre d’accueil à Berlin. Tous deux se réconcilient après onze années de séparation.

Ahmad se produit ensuite partout à travers le monde, aux États-Unis, en France, en Belgique, en Suisse ou encore en Italie. En 2018, il publie son autobiographie, Danser ou mourir. Il continue de soutenir activement la cause des enfants victimes de la guerre.

À L’EUROVISION

Ahmad se produira durant l’entracte de la deuxième demi-finale. Son numéro sera chorégraphié par Sidi Larbi Cherkaoui, directeur du Ballet Vlaanderen, et combinera danse classique, contemporaine et soufi. Il sera accompagné sur scène par le rider BMX Dez Maarsen, dont le numéro sera chorégraphié par Marco Gerris, déjà primé avec son ISH Dance Collective. L’ensemble illustrera le pouvoir qu’offre leur unité aux Néerlandais et qu’ils tirent de l’acceptation de leurs différences.

CONCLUSION

Des ruines de Damas à la scène de l’Eurovision, tel est le parcours d’Ahmad. Lui, le danseur syrien, écrira son nom dans la légende du Concours, à la suite de tant d’autres prestigieux, de Yehudi Menuhin à Madonna, en passant par Sissel Kyrkjebø, Riverdance, Lesley Garrett, Goran Bregović ou encore Justin Timberlake. Ce sera pour nous, un aboutissement et pour lui, une autre étape, avant d’en gravir de nouvelles, qui l’amèneront vers d’autres sommets chorégraphiés.

Vous repenserez à tout cela, le jeudi 20 mai prochain, et vous aurez une pensée pour tous les enfants qui souffrent au milieu des conflits et des guerres de notre temps. Souhaitons-leur de réaliser leurs propres rêves, d’accomplir leur vie et de nous rejoindre pour illuminer de leurs talents, le plus grand spectacle du monde.

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Crédits photographiques – @ahmadjoudehofficial