Il s’est fallu de deux doigts… Un majeur et un index devaient m’envoyer à l’Eurovision, et me voilà à présenter la cérémonie des Moustaches pendant que d’autres se pavanent au Het Grote Songfestivalfeest en agitant fièrement leur drapeau d’eurostar.
Générique.
Comme chatte échaudée craint l’eau froide, à moi aussi, cette dernière n’a pu me refroidir, chère Margaret. Il faut dire qu’une quarantaine de passages en sélections nationales (au bas mot) pour autant d’échecs insoupçonnés et insoupçonnables ont plus de quoi vous réchauffer de colère que vous dissuader de retenter l’expérience. Du haut du rooftop du 360° Cocktail Bar, d’où je m’apprête à lancer une nouvelle catégorie en direct des Moustaches 2024 (après un petit aller-retour en hélicoptère avec le Christmas Theatre bienvenu pour l’empreinte écologique), je refais le fil.
L’histoire relue à la faveur de mon propre regard dithyrambique, je ne peux m’empêcher d’en conclure que beaucoup de pays sont quand même passés à côté de ma gloire. Je ne développerai pas à nouveau ici, j’ai déjà assez raconté dans vos colonnes bien des mésaventures survenues – à tort, et juridiquement contestables – en sélection nationale. La France 1999, où je fus sortie comme une malpropre au profit d’un groupe basque (cliquez pour redécouvrir cette histoire). Le Festival da Canção 2014, où Rui Andrade dut nous séparer Suzy et moi, après que je me sois jetée sur elle telle une lionne pour répondre à la manière dont elle m’avait narguée, suite à une promesse de Rui qui ne fut que du vent (cliquez pour relancer le nombre de vues de cet épisode). Sanremo 2022, où j’étais censé assurer un duo chimique avec Dottore Rettore (à qui j’avais piqué trois millions d’euros) avant que Ditonella Delapiaga ne me pique la place que je lui avais usurpée au préalable (cliquez pour relire et faire exploser les statistiques trois ans après). Du refus biélorusse en passant par les épisodes allemand et norvégien, j’en passe pour le reste. Mon plus grand eurodrama personnel restera toutefois tout autre, et il porte le nom de l’Andorre (mais cliquez enfin !), dont je devais porter les couleurs à l’Eurovision 2010 avec mon tube Aquí sóc la reina de la pista de ball (Ici, c’est moi la reine du dance-floor). C’était sans compter mon éviction par Susanne Georgi… Cessons de remuer le couteau, je vous prie. Ce qui me fait d’ailleurs penser que, malgré la chaleur de ma proximité avec Kostas Martakis, je n’ai jamais participé à la sélection nationale grecque à ce stade : encore aurait-il fallu que l’ERT daigne en organiser une ces dernières années. Au moins cela m’a-t-il évité de m’incliner devant Freaky Fortune ft. RiskyKidd : quand on n’a pas d’honneur, on en a encore moins de complexes il est vrai.
Descends plus bas
Pas plus haut
Oh qu’est-ce que j’aime être avec toi
Que Zaho soit avec vous – et avec votre esprit.
Rien de tel qu’une Kostas Croisière pour vous faire oublier vos tourments le temps d’une nuit d’été sur une plage d’Egine, le gosier émerveillé de pistaches et le corps recouvert de sable. Du haut de mon rooftop, où j’attendais que Maria-Elena Kyriakou (à qui les Moustaches promettaient d’offrir un second souffle de carrière) finisse son play-back sur un remix hellénistique de Bambie Thug, un soupçon de rancœur me restait en travers quant à mon absence de la scène de l’Eurovision à ce jour. Quel autre terme qu’eurodiva pourrait pourtant seoir le mieux à votre maîtresse de cérémonie ?
Oups, c’est vrai que Dotter a, elle aussi, raté l’obtention du statut au point près. Ballot, ma fille.
(Pendant ce temps-là, l’auteur du présent article se roule par terre en pleurs, voyant son traumatisme de l’eurodrama suprême de la saison 2020 réveillé par la maîtresse de cérémonie des Moustaches 2024. Car oui, la défaite de Dotter face aux Mamas reste et restera l’un des plus grands drames de son existence d’eurofan, heureusement atténué par l’annulation de l’Eurovision 2020. Quand on pense que, depuis, Dotter n’a pas été capable de reproduire un tel aspirant eurotube, la douleur se ravive encore plus.)
Bref, trêve de bavardages, l’oreillette me lançant un « à vous le rooftop » pour introduire la cinquième catégorie des Moustaches 2024. Et si vous ne voyez vraiment pas où on veut en venir, c’est que vous êtes probablement une cause aussi désespérée que ne le fut en un temps Sanna Nielsen au Melodifestivalen. Prêts pour la remise de…
La Moustache de la presque eurostar
Ils s’appellent Dotter (donc), Barbara Tinoco (eurodrama n°2 de l’existence d’eurofan de votre auteur), Ace Wilder, Jesper Nohrstedt (vous savez, le DMGP 2012 ?), Valeria Pasha (qu’on se permet de citer d’autant plus qu’elle n’est pas nommée HAHA – rire diabolique), Mirela (contigo ? Bah surtout sin ti), Rüta Mur, Erlend Bratland (MGP 2015), Laura Bretan ou encore Ginie Line (pour remonter encore plus loin dans l’histoire), références en la matière. Leur point commun ? Avoir touché leur rêve d’Eurovision du doigt et l’avoir vu s’échapper pour quelques minuscules points, si ce n’est d’absurdes règles de départage des égalités. Là où la rencontre avec l’Europe aurait pu booster leurs carrières, voire la changer à jamais pour certains, c’est finalement dans leurs pénates nationaux (et sans même une médaille d’argent autour du cou) que ces aspirantes eurostars ont dû rentrer, à défaut d’un billet pour Malmö, Rotterdam ou encore Liverpool (on ne va pas non plus faire la liste). Sortir de la lumière potentielle pour mieux retomber dans l’ombre, définition… Quoique nous soyons mauvaises langues s’agissant de certains, qui ont quand même réussi à faire ou à poursuivre leur carrière sans l’Eurovision, là où d’autres sont juste restés les inconnus au bataillon qu’ils étaient initialement. Molly Sandén (qui n’a même plus besoin de participer au Melodifestivalen) vs Christophe Héraut (qui ?), en somme.
Cameron Crowe avait réalisé Presque célèbre : les Moustaches y préfèrent le « presque eurostar ». Quand le statut de (grand) favori d’une sélection vous met quasiment dans l’avion pour l’Eurovision, pour au final vous retrouver assis dans le dernier métro ou, au mieux, dans un piteux tacos offert par le télédiffuseur… Ainsi le dirait Faust, une presque eurostar, c’est comme « une idole qu’on assassine, coulent des larmes de crocodile », d’autant plus que le destin ne vient pas toujours frapper deux fois à votre porte – autrement dit, ce n’est pas tous les jours qu’on débarque en favori de sa finale nationale, ou qu’on parvient tout simplement à en intégrer à nouveau le casting, quand bien même votre statut de presque eurostar devrait vous y donner un droit d’accès d’office. Ainsi l’euromonde ne compte plus ses multirécidivistes qui, année après année, persistent tout en continuant à se prendre le mur eurovisionesque : Markus Riva, Danny Saucedo, Petunija, Aisté Pilvelyté, Linda Bentzing,… Sachez que l’espoir n’est pas vain, regardez Sanna Nielsen, ou plutôt : mieux ! Rappelez-vous le fabuleux destin d’Olivia Lewis, 11 participations en sélection nationale maltaise (il y a de quoi être admiratif) avant d’accéder au Graal en 2007, tout ça pour finir dans le vertige de la 25ème place sur 28 participants en demi-finale à Helsinki, dans une Hartwall Arena aux trois quarts vide. Alors, sûrs de vouloir récidiver encore et encore ? En même temps, quand la sélection est le seul moyen d’exister sur la scène musicale locale… Bref, souhaitons tout de même un autre destin à nos nommés du jour !
Les nommés pour la Moustache de la presque eurostar sont :
Annalisa
Quand on pense qu’elle a été vaincue par l’ennui… Les tops 10 des rédacteurs ont été révélateurs : la perdante magnifique de l’année Eurovision 2024, c’est assurément elle. Vainqueure de l’OGAE Second Chance Contest et de l’OGAE Song Contest à l’automne (un doublé inédit), la star italienne Annalise aura fait vibrer l’euromonde à coups de Sinceramente, qui a su faire sa place dans la légende des (presque) eurotubes dès la première écoute. Il faut dire que le titre pop-disco (qui a évidemment cartonné en Italie avec plus de 200 millions d’écoutes et de vues en streaming !) a tous les pré-requis de l’eurotube prêt à enflammer le public de l’Eurovision et son euroclub et, surtout, que son interprète est l’essence même de l’eurodiva déjà inscrite dans les coeurs des eurofans. Si la salle de presse et le jury radio/TV/web de Sanremo a fait un autre choix stratégique face au raz-de-marée Geolier au télévote, il n’en reste pas moins qu’aux yeux de certains, Annalise est sincèrement la véritable gagnante de cette édition 2024, promise à un grand avenir eurovisionesque. Reste désormais à l’accomplir… et pas à Saint-Marin si possible (voir plus loin).
Krick
L’infirmière de Mertzig se serait-elle doutée de ce qui l’attendrait au moment de franchir la porte des auditions du Luxembourg Song Contest en 2023 ? Sans doute pas. Non contente d’avoir été retenue dans la shortlist de la première sélection de l’histoire du Grand-Duché, c’est en grande favorite de cette dernière qu’elle s’est finalement avancée avec Drowning In The Rain, une puissante ballade non dénuée d’accents jamesbondien. De quoi tenir déjà le trophée entre ses mains… Mais c’était sans compter sur une certaine Tali, dont le titre pop en français Destination Eurovision-friendly a fait carton plein auprès du jury international. Malgré une victoire de justesse au télévote de la super-finale, Krick a vu le titre de sa chanson devenir une prophétie, puisque les lumières de Malmö se sont transformées en noyade sous la pluie hivernale d’Esch-sur-Alzette (so sexy sushi). Comble du comble : la presque eurostar a retenté sa chance au casting du LSC 2025, pour finir éconduite lors de la dernière étape des auditions. Dommage que les auditions n’aient pas été organisées à Toulouse, sinon cela aurait été too loose.
Loredana Berté
Loredana et Sanremo, c’est Je t’aime moi non plus : 12 participations au mythique festival et zéro victoire pour la grande dame de la musique italienne. 4ème de l’édition 2019 sous les huées de l’Ariston scandalisé du traitement injuste réservé à la star et scandant « LOREDANA ! LOREDANA ! », c’est l’esprit revanchard que la Bertè se présentait sur la grille de départ de Sanremo 2024. D’autant plus que sa participation présentait un autre enjeu qu’une « simple » première victoire au festival : son ex-mari ! Mariée pendant trois ans à la légende du tennis suédois Björn Borg, Loredana était plus que jamais décidée à monter sur la scène de la Malmö Arena pour « emmerder » ce dernier. Las, son aventure sanrémasque s’est arrêtée à la septième place, brisant ainsi son plan. C’était sans compter sur la volonté de fer de la chanteuse, qui trouva une issue de secours à… Una Voce per San Marino, dont elle s’avançait alors en gigantissime favori face au niveau général de la « sélection ». Une tâche d’autant moins compliqué que le jury – entièrement décisionnaire – était censé être simple à manier… Las encore ! Saint-Marin lui a fait l’affront de la classer deuxième derrière les espagnols de Megara, recalés du Benidorm Fest. Prochaine étape la Moldavie en cas de victoire de Måns à Bâle ?
Medina
Les gars, c’était les Jeux Olympiques, pas la coupe du monde de football ! Qu’importe, après le carton de sa première participation en 2022 (troisième place), c’est parmi les favoris que le duo star de Suède débarquait au Melodifestivalen 2024, clôturant les demi-finales à la fameuse dernière position de favoris de la production. Surtout, Que sera avait tous les ingrédients pour mettre le feu à la Malmö Arena et faire exploser les compteurs du télévote suédois : un hymne sportif chantant, entêtant, universel, à même de réunir l’Europe et de la faire danser. Assurément l’une des meilleures options pour une sélection suédoise (trop) addict à la scandic pop très formatée dont elle abreuve l’Eurovision (au plus grand plaisir des jurys nationaux). C’était sans compter sur deux diaboliques jumeaux norvégiens, plébiscités par les jurys et le télévote, que les suédois ont finalement décidé d’envoyer à Malmö avec un titre-performance beaucoup plus oubliable que son intitulé. Simple deuxième, Medina a une nouvelle fois vu son rêve d’Eurovision s’échouer sur le podium, mais qu’importe : rendez-vous est pris pour la suite.
Sarah Siipola
« Vaincue par un slibard » : ainsi pourrait être le titre du film de Sara Siipola, grande favorite de l’UMK 2024 avec sa très belle ballade scandic pop actuelle et ultra-efficace. Reine des reines des neiges sur la scène de la Nokia Arena, Sara s’apprêtait à quitter Tampere triomphale, les valises déjà prêtes pour Malmö. C’était sans compter sur le (mauvais) goût du télévote finlandais pour des numéros aussi ravagés que lui et sur l’effet Käärijä qui semble avoir contaminé le pays tout entier ! Une nette victoire au vote du jury et un solide télévote n’ont hélas pas suffi à l’aspirante eurodiva, terrible deuxième derrière Windows95man et sa relecture… philosophique de l’histoire de la vie, pourtant terminé dernier du jury. Satané système de vote finlandais… Réflexion faite au final, la (presque) eurodiva n’a perdu rien d’autre que son honneur (car s’incliner face à un type en string éclos d’un oeuf a de quoi vous faire perdre votre dignité) et la chance de se faire connaître de l’Europe entière. Pour le reste, sa participation à l’UMK a marqué la naissance d’une star et ça, ça vaut toujours plus qu’un mini short en jean tombé du ciel.
Annalisa, Krick, Loredana Berté, Medina et Sara Siipola : on se demande bien qui est la grande favorite là-dedans (même les bookmakers n’ont pas osé se plonger dans le sujet), mais tout de même 5 nommés pour un seul enjeu : coiffer sa plus belle et rageante des Moustaches pour mieux viser une prochaine carrière d’eurostar. Qui sera le plus désiré des eurofans francophones ? Qui décrochera le trophée de la (presque) eurostar et verra ainsi son honneur (temporairement) sauvé après la désillusion ? À vous de choisir via le sondage ci-dessous, jusqu’au dimanche 12 janvier à midi !
Annonce des résultats le 13 janvier !
Rendez-vous à 12h pour découvrir une nouvelle catégorie des Moustaches 2024… et vous prononcer sur les moments les plus iconiques de cette année Eurovision !
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