L’Eurovision Junior 2022 terminée, tous les regards sont à présent tournés vers le concours adulte 2023, dont la saison des sélections vient tout juste de commencer. Et la France dans tout ça ?

Tout juste auréolée d’une seconde victoire à l’Eurovision Junior, France Télévisions peut à présent diriger son regard vers Liverpool, tout se lançant d’ores et déjà dans la préparation du Junior 2023 à domicile. Deux échéances majeures qu’il n’est jamais aisé de mener de front, et c’est pourtant avec réussite que la France avait accompli la difficile mission en 2020-2021, Barbara Pravi décrochant la deuxième place à Rotterdam quelques mois après la victoire de Valentina au Junior. Mais … Parce qu’il y a un mais.

Plus que quelques semaines avant que la saison des sélections ne batte son plein, et à ce jour, silence radio du côté de France Télévisions quant à l’Eurovision 2023. À la même époque l’année dernière, Eurovision France : c’est vous qui décidez avait été confirmé depuis plusieurs mois (même si la date de diffusion n’a été annoncée que tardivement) , de même qu’un appel à contributions avait été lancé et déjà bouclé. En 2020, nous connaissions même le casting des douze participants ainsi que les titres avec lesquels ils s’apprêtaient à participer. Cette année ? Rien. Ni appel à contributions. Ni noms. Ni rumeurs. Et surtout, pas de confirmation officielle à ce stade.

Jusqu’à présent, Alexandra Redde-Amiel semblait se projeter vers une nouvelle sélection nationale, comme elle l’avait évoqué lors de la conférence de presse d’Alvan & Ahez en avril 2022. Interrogée sur l’échec d’audience du programme, la cheffe de délégation française avait affirmé vouloir prendre le temps d’installer la marque Eurovision France sur l’antenne de France 2, soulignant notamment le rôle d’incubateur de révélations de la chaîne. Elle rappelait également les moyens mis en oeuvre par le télédiffuseur public pour faire vivre l’Eurovision à l’année, soulignant l’attachement de France Télévisions au concours.

À l’occasion de la conférence de presse de rentrée de France Télévisions en juillet dernier, ARA avait même « officialisé » le retour d’Eurovision France, c’est vous qui décidez dans un format et à une date indéterminés. Depuis ? Pas grand chose, sinon rien. Sauf jusqu’à très récemment.

Invitée à la veille de Noël dans Sud Radio média co-animée par Valérie Expert et Gilles Ganzmann, Alexandra Redde-Amiel est revenue sur la victoire de la France à l’Eurovision Junior 2022, confirmant à nouveau le souhait du télédiffuseur d’accueillir la vingt-et-unième édition du concours à domicile. Surtout, Gilles Ganzmann l’a interrogée sur les modalités de sélection du candidat à l’Eurovision 2023, lui demandant si la chaîne opterait pour une reconduction d’Eurovision France (pour l’occasion rebaptisée En Route pour l’Eurovision, big up à nos amis et partenaires !) ou un choix en interne. Une question à laquelle la cheffe de délégation a apporté l’énigmatique réponse suivante au micro de Sud Radio.

On s’est tellement concentré sur l’Eurovision Junior que j’ai beaucoup travaillé en parallèle sur l’Eurovision adulte. J’ai plein de belles surprises que je vais vous annoncer, pas tout de suite mais bientôt. On a envie de gagner l’Eurovision, donc il y a plusieurs hypothèses. Je vais prendre quelques jours de vacances et je pense que ma décision va se prendre à cette occasion.

Relancée par l’animateur qui la soupçonne d’avoir en tête le nom du candidat français pour l’Eurovision 2023, Alexandra Redde-Amiel refuse alors d’en dire plus, réitérant juste sa volonté de continuer à « être fiers » et à donner de l’élan à la marque Eurovision en France. Surtout, la cheffe de délégation l’affirme haut et fort : la France veut gagner l’Eurovision.

Il suffisait de cela pour relancer la machine chez les eurofans français qui, depuis, s’interrogent : France 2 procèdera t-elle à une sélection nationale pour l’Eurovision 2023 ou bien choisira t-elle son candidat en interne ?

Un sujet qui ne semblait pas vraiment se poser en avril et en juillet derniers mais qui, aujourd’hui, brûle à nouveau les lèvres de l’euro monde francophone, et ce pour plusieurs raisons. Outre son échec d’audience (1,47 millions de téléspectateurs et 8,8% de part de marché), Eurovision France avait subi des retours mitigés quant à la qualité de sa sélection (ce malgré la réception annoncée d’environ trois mille contributions). Surtout, l’avant-dernière place d’Alvan & Ahez à Turin (soit le plus mauvais résultat de la France depuis l’Eurovision 2005) est venue ternir le bilan. De quoi faire revenir la délégation sur ses pas et opter à nouveau pour une sélection interne – comme elle l’avait fait de 2008 à 2017 (exception faite de la pseudo sélection de 2014) et en 2020 (avec la réussite artistique que l’on sait) ? That’s the question.

À ce stade, les hypothèses des eurofans vont bon train.

  • France 2 aurait-elle déniché LE candidat idéal et LA chanson pour l’amener jusqu’à la victoire, au point d’envisager de switcher une finale nationale forcément coûteuse (mais à laquelle sont attachés les eurofans) et toujours risquée du point de vue des urnes (coucou le précédent Margaret en Pologne 2016) ?
  • La délégation aurait-elle choisi un candidat pour lequel elle souhaiterait mettre plusieurs chansons en ballotage auprès du public lors d’une sélection nationale sous le format « un artiste, plusieurs chansons » (comme le fit la Roumanie en 2020 ou Israël en 2021) ?
  • ARA souhaiterait-elle faire monter en gamme Eurovision France en optant pour une sélection plus resserrée, mais plus qualitative, d’où l’absence d’appel à contributions et le choix – présumé – de privilégier le démarchage des artistes et des maisons de disques (comme la VRT pour l’Eurosong 2023) ?
  • Et si, tout simplement, France 2 préparait un retour d’Eurovision France et jouait sur les nerfs des eurofans comme elle le fit l’an dernier avec ses annonces tardives (qui, elles aussi, avaient laissé place à tout un éventail de spéculations finalement avortées) ?

Notre collègue Juliette, elle, met une autre option sur la table : et si, hésitant entre plusieurs favoris à l’instar de la Pologne en 2022, France 2 décidait finalement de les mettre en concurrence lors d’une sélection nationale ? Pourquoi pas.

Dans l’attente, les rumeurs vont et viennent, se narguant et se contredisant l’une et l’autre. Quand X se déclarant proche de la délégation « confirme » une reconduction annoncée d’Eurovision France, Y se déclarant également proche de la délégation affirme que France Télévisions dévoilera le nom de son candidat retenu en interne début janvier. Et si l’hypothèse de la sélection interne venait à être confirmée, se poserait alors une nouvelle question : QUI ? À ce jeu, pas de noms pour l’instant.

De par l’effervescence et le spectacle qu’il procure, la sélection nationale est un format auquel la majorité des eurofans semble aujourd’hui attachée. Surtout, il offre la possibilité aux téléspectateurs de choisir leur candidat pour l’Eurovision aux côtés d’un jury professionnel (dont l’expérience montre l’intérêt de pondération partout en Europe). Dans un pays tel que la France, qui n’est pas un pays « d’eurofans » et où la culture de l’Eurovision est en voie de construction depuis 2016 (et la sixième place d’Amir devenu superstar grâce au concours), le succès d’audience d’une sélection nationale n’a rien d’inné. Un tel programme demande un temps d’installation dans l’esprit des téléspectateurs, ainsi qu’un travail de communication et de promotion poussé auprès de ces derniers. Et pour en faire un incontournable de la grille de France Télévisions, rien n’est plus indispensable qu’une sélection de candidats et de chansons qualitative et représentative de la diversité de la scène musicale française, susceptible d’être diffusés en radio. Surtout, la promotion de la candidature française devra faire l’objet d’une véritable campagne électorale, tant auprès des français que des européens, tandis que les « perdants » devront se voir offrir la possibilité de faire vivre leur contribution après la sélection. Autant de raison de poursuivre les efforts engagés jusqu’à présent.

Morale de l’histoire : les hypothèses auront beau avoir bon train, rien ne sera confirmé tant que la fumée blanche ne sera pas sortie de la cheminée du 7 esplanade Henri-de-France, Paris 15ème, vers laquelle tous les yeux seront rivés jusqu’à annonce officielle.

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