Plus que quelques petits jours avant de tourner enfin la page de 2021 et de souhaiter la bienvenue à 2022. Si l’année toujours en cours ne volerait pas le qualificatif d’ « étrange » à bien des égards, elle fut toutefois loin d’être avare en bonheurs d’eurofans, puisqu’elle a marqué le grand retour de notre concours favori après deux insoutenables années d’absence, une deuxième place pour Barbara Pravi à la clé. Cela seulement quelques mois avant de voir la France accueillir l’édition junior pour la première fois de son histoire, et un concours Eurovision de la chanson pour la première fois depuis 1978… Que d’émotions. Que de magie. Que de superlatifs dont j’use et j’abuse au fil de mes articles, presque au point de te provoquer une overdose tarantinienne cher•e lecteur•rice (pour la réf, regarder Pulp Fiction sans plus attendre, excepté si tu as moins de seize ans, parce que aïe aïe aïe ouille), mais jamais ces derniers ne seront assez nombreux pour exprimer mon comblement et reproduire sous vos yeux les étoiles qui emplissent les miens.

Trêve de bavardages, puisque mission nous est donnée de réaliser notre top 10 individuel basé sur les concours adultes et junior, ainsi que sur les sélections nationales. Déjà que je ne suis guère économe en mots, je préfère t’épargner les détails sur la taille de mes playlists Spotify, évidemment et éminemment peuplée d’êtres eurovisionesques (entre autres choses). Alors s’il faut en sélectionner seulement 10, soit autant que mes doigts et que les dix d’Agatha Christie… Bref, puisque telle est la mission, c’est avec la dignité, la sportivité et l’élasticité (ou presque) d’Ethan Hunt (ou plutôt de Sergey Lazarev) que j’accepte de la relever.

Mentions spéciales

Pour commencer, petit hommage à celleux qui ratent la marche du top 10 de justesse aujourd’hui – et qui se sont bien battu pour l’intégrer :

  • Little Tot de Dotter (Melodifestivalen) – parce que Forever Dotter (et Bulletproof Revenge)
  • Naõ vou ficar de Pedro Gonçalves (Festival da Canção) – parce que boule de flipper qui roule
  • Magique de LMK (Eurovision France, c’est vous qui décidez) – parce qu’elles sont magiques
  • Magus melanhoolia de Jüri Pootsman (Eesti Laul) – parce so arty
  • El diablo d’Elena Tsagrinou (Chypre) – parce que je suis (Lady) Gaga et fière de l’être
  • Somebody de Sara James (Pologne Junior) – parce que moment de grâce
  • The Funeral Song (sélection bulgare) – parce que « C’est ma victoire, c’est ma Victoria« 
  • La genesi dei tuoi colore d’Irama (Sanremo) – parce qu’elettricità plutôt qu’Elettra
  • Hero de Raylee (Melodi Grand Prix) – parce que Flashdance
  • VOLTE-FACE d’ EU.CLIDES (Festival da Canção) – parce que so indie pop
  • Let’s Count The Smiles de Niko (Géorgie Junior) – parce que « Si tu me crois, je te crois… « 

10- Alléluia d’Andriamad (Eurovision France, c’est vous qui décidez)

« Alleluia, nos différences. Alléluia, de nouvelles couleurs, People of The World. » 11 mots qui suffisent à poser les choses pour cette petite pépite signée feu Andriamad (puisque le groupe a hélas récemment annoncé la fin de son aventure sous son format actuel). Les mots se font hymne, les sons se font couleurs musicales, mon tout rime avec l’essence de l’humanité : l’addition, l’entremêlement et l’incessante rencontre de nos cultures et de nos différences. Ou plutôt de nos belles complétudes. Car « Same same mais pas différents »

9- Monument de KEiiNO (Melodi Grand Prix)

Oui, la page est tournée. Oui, j’ai accepté de voir les votes ne pas frimper aussi vite que ceux de la tornade TiX. Oui, j’ai accepté l’impossible. Oui, je me suis incliné devant l’inacceptable. Oui, j’ai digéré que – gloups – KEiiNO ne fasse pas – gloups gloups – son grand retour – hic hic HIIIC – à l’Euro-… NOOOOOOOOON ! Bref. Quoiqu’il m’en coûte alors que la plaie est encore vivace, béante, voire purulente un an après encore, je ne pouvais faire l’économie de la présence de mes Animaniacs préféré•es dans ce top 10 avec l’incarnation même de l’irreproductible scandic popdont seul•es les locaux•les ont la recette. À la différence prêt que KEiiNO y ajoute un ingrédient magique dont elleux seul•es ont le secret. Comme Francesca Gherini et ses cookies dans Candice Renoiren somme. 

8- Adrenalina de Sehnit (Saint-Marin)

Dans la catégorie icône religioso-eurovisionesque, comment ne pas citer Sainte Senhit, patronne des Rainbow Warriors, divinité des intrépides et des freakyqu’elle incarne avec une majesté et une prestance inégalables ? Plus que de l’adrénaline, c’est du véritable et flamboyant feu de technicouleurs qui jaillit de son lance flammes, et ce ne sont pas ses mémorables prestations lors des prepartieset du live à Rotterdam qui nous diront le contraire. Dommage que les européen•nes soient resté•es de marbre devant tant de singulière poésie. Pour ma part, cette vitaminée surdose d’adrénaline, j’ingurgite sans résistance telle une potion magique, Ô ma Reine.

7- A vida sem acontecer de Graciela (Festival da Canção)

Autre salle, autre ambiance, avec le charme et la poésie vintage de la pop tout droit sortie des sixties de Graciela, telle une cousine lusitanienne de Clara Luciani. C’est doux. C’est velouté. Ça caresse la peau et les tympans. Ça vous emmène dans un appartement style rétro, un soir de semaine, par la nuit tombée, un lampadaire en formica allumé au dessus du canapé. Et toi assis•e sur le canapé, l’air exemplairement neutre, une clope au bec, la fumée embaumant visuellement et olfactivement la pièce, et ton visage avec. C’est beau, tout simplement. Aussi beau qu’une ville la nuit. Surtout si celle-ci porte le nom de Lisbonne.

6- Behöver inte dig idag de Clara Klingenström (Melodifestivalen)

Miel pop, certainement pas et loin de là. Les premières notes jaillissent des cordes de la guitare. À leur âme se mêle la musicalité unique de la langue suédoise, pour ensemble composer une sensible et douce-amère rhétorique de l’amour brisé. Il n’y a pourtant qu’à fermer à peine les yeux pour voir approcher le printemps à sa porte, et sa fine et mélancolique lumière, que nul chef opérateur ne saurait reproduire aussi fidèlement que la musique de Clara Klingenström. D’autant plus qu’il est bien connu qu’après la pluie vient le beau temps, surtout pour les petits coeurs jaune et bleu en réparation. 

5- Maps de Lesley Roy (Irlande)

La vie est le reflet du monde : une vaste carte sur laquelle se juxtaposent des dizaines et des centaines et des milliers de places qui forment autant de chemins que l’on choisit d’emprunter ou pas. Il faut parfois (souvent ?) du temps pour trouver le sien propre, ce après avoir sillonné à travers bien des routes tortueuses qui nous mèneront finalement à bon port. Et ce n’est pas le live vocalement très aléatoire de Lesley Roy qui obscurcira les indescriptibles énergies positives que me procurent ces cartes. Sans doute pas remarquables de ouf sur le plan musical, mais qui m’enthousiasment et m’embaument le coeur sans que je ne puisse vous dire pourquoi.

4- Love is On My Side de The Black Mamba (Portugal)

Après la verte Irlande, nous voilà embarqué•es aux Etats-Unis, sur la mythique et sudiste route du blues,´au travers des notes ensorcelantes de The Black Mamba et du timbre de son chanteur. Des mots qui nous racontent une histoire, celle d’une rencontre unique, de celles que la vie pose sur notre chemin, sans crier gare, avant qu’elles ne s’inscrivent dans notre esprit de manière indélébile, et qu’on ne décide de les partager en musique. L’amour est bien de notre côté, tout en douceur en chaleur, et plus que jamais intense et passionné, au parfait instar de cet envoûtant petit bijou portugais que je respire  et que je vis dès lors que j’en entends les premières notes.

3- Zitti e buoni de Måneskin (Italie)

(Glam) Rock’n Roll attitude ! C’est avec un décoiffant clair de lune que l’Italie soulève – enfin ! – pour la troisième fois le Micro de Cristal, pour une prestation de chic et de choc qui aura étreint l’Europe de rafraîchissantes et énergiques vibrations ô combien bienvenues. Un vent nouveau à l’exquis goût du vintage a soufflé sur Sanremo et la scène musicale italienne, avant de s’être transporté jusqu’à Rotterdam, Pays-Bas, où ces braises flamboyantes d’or n’ont pu qu’enflammer la salle, et les téléspectateur•rices avec. Et quelque chose le dit que les incandescentes flammes måneskiniennes ne sont pas prêtes de s’éteindre. Une déca-danse qui ne devrait pas être pour déplaire à une partie du paysage cinématographique italien. 

2- Voilà de Barbara Pravi (France)

Voilà. Barbara. Tout simplement.

1- Discoteque de The Roop (Lituanie)

Si les Déesses et Dieux de l’Eurovision n’avaient pas créé The Roop, comment diable aurait-on pu inventer êtres si pop, si iconiques, si glamour, si…. tout ? Car The Roop n’est pas qu’un groupe : ce n’est avant tout et pour toute chose que du génie pur, absolu, pour ne pas dire son incarnation même. À ciao le pouvoir des fleurs (enfin, non, parce qu’on en a bien besoin  pour irradier nos vies de couleurs et d’odeurs), et bienvenu au Yellow Power de Vaidotas. Vaidotas… le seul individu au monde capable de faire fondre  de son charisme et de son charme d’une intensité inatteignable par le commun des mortels une cabine de douche en PVC fabriquée en Corée du Nord. Et Loreen sait si des gens capables de faire l’amour à la caméra ou à un tractopelle comme personne, d’un simple quart de clin d’oeil, il y en a… Et plus si affinités (cosmiques, bien entendu). Parce que la secte The Roop et son marabout Vaidotas sont juste le cosme personnifié.

Bon, ce n’est pas tout, mais il est grand temps d’aller discothéquer…

Crédits photographiques : Andres Putting | UER