C’est en novembre dernier qu’est révélée sa participation au Festival da Canção 2022 en tant que compositrice invitée. Elle est ensuite dévoilée comme interprète de son propre titre et s’impose rapidement comme l’une des grandes favorites de la sélection portugaise, qu’elle remporte haut la main tant du côté des jurys régionaux que du télévote. C’est donc avec saudade, saudade qu’elle portera les couleurs de son pays à l’Eurovision 2022 et en direct de Bruxelles (où elle était en tournée) qu’elle nous a accordé un échange. Voici MARO en interview !

EAQ : Quel est votre état d’esprit à quelques semaines de la compétition ?

MARO : En ce moment, je suis en tournée européenne, en première partie de Charlotte Cardin (une artiste montréalaise), et par chance, je me concentre davantage sur ça en ce moment. Cela me permet de ne pas être trop nerveuse à propos de l’Eurovision, je suis juste très excitée. J’ai hâte de pouvoir vivre ces deux semaines, et de voir tous les artistes et les performances en live. Donc oui, je suis super excitée pour l’instant.

Ne ressentez-vous pas une forme de pression à mesure que Turin approche ?

Par chance : non. Pour l’instant, je vois les choses de la façon suivante : simplement aller sur scène, chanter cette chanson que j’adore, avec un groupe de femmes que j’adore. C’est vrai qu’il y a une sorte de pression du fait de représenter son pays, mais pour moi, c’est tout pour la musique : le reste n’est que bonus. C’est tout tout ce que je ressens pour l’instant.

Que représente l’Eurovision pour vous, en tant que spectatrice et en tant qu’artiste ?

Je trouve que cela brise les barrières. Elle continue d’être une célébration de la musique et de la performance, et c’est génial.

Et quels seraient quelques-uns de vos meilleurs souvenirs de l’Eurovision ?

J’en ai un, très spécifique, même s’il n’est peut-être pas très original en tant que Portugaise. Le jour où Salvador Sobral a gagné, c’était aussi le jour de ma remise de diplômes à Berklee, et ma mère était venue me rendre visite à Boston pour y assister. J’ai reçu mon diplôme, et puis nous avons regardé le concours sur l’ordinateur pour suivre qui avait gagné… Et puis Salvador l’a emporté, et je me suis dit : “Wow, le Portugal gagne, et je suis diplômée le même jour”. Pui nous avons assisté au dîner de célébration de la remise de diplôme avec mes amis : tout le monde avait obtenu son degree. Je trouve cela extraordinaire que ce souvenir-là soit associé à un chapitre de ma vie.

Oui, c’est évident qu’être une artiste venant d’on pays gagnant doit avoir une saveur particulière.

(Elle acquiesce)

Comment décririez-vous votre chanson, saudade, saudade?

saudade, saudade est une chanson très spéciale, écrite à propos de mon grand-père. Le mot saudade est celui qu’on utilise quand quelqu’un vous manque, vous éprouvez de la saudade. Oui, c’est vraiment une chanson très spéciale pour moi : elle est en deux langues parce que je l’ai enregistrée avec des amis américains, et on l’a faite au Brésil. Ce sont les deux langues que je parle. La chanson commence en anglais, et puis au refrain, saudade était le seul mot qui m’est venu à l’esprit. C’est vraiment une chanson très personnelle.

Était-ce une évidence pour vous de choisir ce style, de présenter ce genre de sonorités au Festival da Cançao (et in extenso à l’Eurovision)?

La chanson est venue naturellement. Je fais beaucoup de musique avec ma meilleure amie, et les chansons vont et viennent. Quand on a eu cette chanson, on s’est dit : “Oh, c’est la chanson pour l’Eurovision” – nous avions déjà reçu notre invitation à participer au Festival da Canção. Le morceau est né en premier, on l’a aimé, et pour nous, c’était la chanson qui devait aller à l’Eurovision. On ne s’est pas posée la question de quel type de sons conviendrait le mieux au concours. C’était juste… Cette chanson.

saudade, saudade rencontre beaucoup de succès. Vous avez gagné le Festival da Cançao, remportant à la fois les votes du jury et du public, et votre morceau cartonne sur Spotify et sur les plateformes de streaming. Comment le ressentez-vous ?

C’est toujours très spécial. Au final, ma chanson était très spécifique, parce qu’elle a un lien direct avec mon grand-père, qui était une personne très importante dans ma vie. Et c’est merveilleux de voir que les gens aiment cette chanson, et parviennent à s’y connecter. Certaines personnes parviennent même à s’y connecter comme je l’ai fait pour mon grand-père. Beaucoup de gens m’écrivent pour me dire que que saudade, saudade leur rappelle quelqu’un de cher qui n’est malheureusement plus là dans leur vie. Et aussi, je ne sais pas si d’autres musiciens vous en ont déjà parlé, mais il y a cette sensation bizarre… Quand je l’ai écrite, cette chanson était la mienne… Et la seconde où je l’ai dévoilée au public, c’est comme si elle avait cessé de m’appartenir, comme si je ne l’avais pas écrite. C’est vraiment un sentiment étrange, parce que je sais que c’est moi qui l’ai écrite, pour mon grand-père, et pourtant je me dis : “C’est moi qui l’ai écrite ? Oh, intéressant”. C’est vraiment bizarre. (Elle sourit. C’est une chose merveilleuse quand cela arrive, et de voir tellement de gens aimer la chanson et s’y identifier. On ne pourrait demander meilleure réaction.

Depuis qu’elle a été choisie pour représenter le Portugal à l’Eurovision, votre chanson semble avoir reçu un bon accueil de la part des eurofans et de l’euromonde. Comment gérez-vous toutes ces réactions ?

J’ai vu des réactions vraiment gentilles, les gens disent de jolies choses… Mais pour être honnête, je n’ai pas beaucoup regardé. J’aime plutôt bien le fait qu’une fois qu’une chanson est sortie, il faut la laisser vivre et laisser les gens dire. Tout le monde n’a pas toujours une bonne opinion de tout, et je suis sûre qu’il y a des critiques. Ce qui importe, c’est que j’aime la chanson, que des gens ont envie de suivre les choses que je vais écrire et partager, et c’est ce qui m’importe le plus. Mais tout ce que j’ai vu, pour l’instant, était vraiment adorable et réconfortant, et tout ça me rend heureuse.

Quand on vous voit sur scène, on n’a pas l’impression de voir MARO et cinq choristes, mais un vrai collectif. Est-ce que le collectif est une notion importante pour vous ?

Que ce soit quand j’étais enfant ou lors de mes études de musique à l’Université, j’ai toujours aimé l’idée de collaboration. En musique, quand il y a un musicien que vous admirez, il n’y a pas de sentiment de menace, de concurrence, mais plutôt l’envie de jouer ensemble. Et j’ai toujours pensé que, même à travers les barrières – comme celles des langues – le langage de la musique nous connecte tous. Je n’aime pas être au centre de l’attention : je n’ai pas envie de chanter ma chanson, de faire mes harmonies, en étant seule sur le devant de la scène pendant que des choristes invisibles chanteraient dans le noir. Je veux qu’on parle plus fort en étant unies à travers la musique, et je sais que cela peut être un peu détonnant dans le contexte de l’Eurovision, mais c’est ce qui me fait me sentir bien.

Quelles sont vos influences musicales ?

Un peu de tout. Je sais que c’est un peu vague, mais je peux écouter de tout… De la musique du monde… Rajeri, un artiste Malgache. Joao Afonso, qui vient du Mozambique… Des chorales bulgares, mais aussi des choses comme Nick Drake, les Beatles… Les classiques brésiliens, Chico Buarque, Joao Gilberto… Et même de la pop ! J’ai grandi en écoutant Justin Bieber. Mes influences musicales forment un peu un bazar.

Votre histoire avec la musique est très intéressante. Vous avez étudié à l’Université de Berklee, à Boston. Vous avez de l’expérience aux États-Unis. Et il y a une personne très importante pour vous : Quincy Jones (producteur mythique, N.D.L.R.). Pouvez-vous nous raconter votre collaboration avec lui ?

J’ai étudié à Berklee, Boston, pendant trois ans, puis j’ai vécu un an à Los Angeles. Et durant cette année-là, j’ai été repérée par Jacob Collier, un artiste dont l’agence de production est celle de Quincy Jones. Il connaissait donc Quincy. Jacob Collier m’a invitée à faire partie de son groupe, et je suis partie en tournée avec lui durant toute l’année 2019. Et début 2019, l’équipe de Quincy a entendu parler de moi (au travers de Jacob, parce que j’étais dans son groupe). Ils ont écouté mes chansons, elles leur ont beaucoup plu, et ils m’ont alors proposé de travailler avec eux, de rejoindre l’équipe de Quincy Jones. Et ce sont les personnes avec lesquelles je travaille encore aujourd’hui. Mais c’est au travers de Jacob que tout s’est passé. En tout cas, c’est un immense privilège.

Dans votre parcours musical, quelle est votre meilleure expérience, ou la plus marquante ?

Toute l’année 2019, la tournée avec Jacob. C’était ma première grande tournée. C’était avec un groupe, mais cela m’a beaucoup appris sur ce fonctionnement, et Jacob est un artiste immense, et une personne incroyable humainement. Alors oui, je pense que 2019 toute entière a été, jusque-là, mon expérience la plus importante.

Avant l’interview, on m’a dit que vous aviez déjà fait des concerts en France, et que vous parlez un peu français. Quelle est votre relation avec la France ?

Depuis que je suis enfant, j’adore, j’adore, j’adore le français. En musique, mais pas seulement : lorsque les gens le parlent, aussi. Je trouve que c’est l’une des plus belles langues du monde. Quand j’avais sept ans, je suis allée à Paris. Je pense que cela a dû avoir un impact. C’était mon tout premier voyage, mon premier véritable voyage hors du Portugal. J’étais avec ma mère, ma sœur et ma grand-mère. Nous avons vu tout de Paris, et je répétais “Excusez-moi, excusez-moi”, les seuls mots que je connaissais. Au fil du temps, j’ai eu des amis français, et j’ai commencé à leur parler un peu en français ; je voulais échanger avec eux et apprendre la langue. Puis, en 2020, nous étions en pleine pandémie, et j’ai déménagé à Paris. J’y ai vécu pendant trois mois, et c’est là que j’ai vraiment commencé à parler français de manière plus fluide, plus naturelle. Je n’ai aucune famille en France, aucun lien avec le pays… C’est juste par pur plaisir.

Revenons à l’Eurovision. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la performance que vous réservez au public, lors de l’Eurovision ?

Je pense que je verrai quand j’y serai. Je serai toujours avec les filles – nous étions cinq au Portugal, et nous serons six à Turin, mais pour le reste, nous verrons ça le jour venu.

Avez-vous écouté les autres chansons en compétition ?

Oui.

Parmi les contributions, avez-vous des morceaux et des artistes favoris ?

Il y a évidemment des chansons avec lesquelles je me connecte plus que d’autres, mais je dirais qu’elles sont toutes géniales. Je n’ai pas envie de nommer explicitement un favori pour n’influencer personne, mais je trouve vraiment que, chaque année, la barre devient de plus en plus haute en ce qui concerne les chansons. J’écoutais celles de cette année dans un train, durant la tournée, et je les appréciais chacune à leur manière. Je trouve que chaque artiste est vraiment fort, et j’ai hâte de voir tout le monde en live. Du coup, j’ai certes des préférences, mais en ce moment, je profite de chaque morceau individuellement.

Quels sont vos projets futurs après l’Eurovision ?

Je sors un album cet été. C’est ce sur quoi je me concentre principalement en ce moment. Et puis je suis aussi sur la tournée Européenne de l’artiste québécoise Charlotte Cardin.

Avez-vous un dernier message pour nos lecteurs et pour les fans qui vous soutiennent ?

Merci d’avoir pris le temps de me lire, et merci de vous connecter avec ma musique et mes chansons. Simplement, merci.


Un grand merci à MARO d’avoir répondu aux questions de L’Eurovision au Quotidien. Merci également à Maria Ferreira, responsable presse de la délégation portugaise, pour l’organisation de cette interview, et à Juliette, pour sa retranscription et sa traduction.

Nous lui donnons rendez-vous le mardi 10 mai prochain, en 10ème position de la première demi-finale de l’Eurovision 2022 ! Avant cela, l’artiste a sorti un nouveau titre, we’ve been loving in silence, que vous pouvez écouter ci-dessous.

Mais avant de vous quitter, MARO a une petite surprise les lecteurs de L’Eurovision au Quotidien !

© Joey Schultz