Cher Eurofan confiné,
A situation exceptionnelle, situation exceptionnelle ! Je vais te raconter ma vie ! Enfin, un petit bout, parce qui se je te raconte toute ma vie, je dois ouvrir ma propre succursale de Google, et c’est pas Eurovista qui a la primeur de mes incroyables aventures qui te dira le contraire !
Où es-tu confiné ? Moi je suis dans ma petite maison à la campagne, tout seul par la suite des circonstances. Et moi aussi cet isolement me rappelle un autre moment de solitude forcée où l’Eurovision était pour moi un moyen de s’évader. A l’époque, je n’étais pas au même endroit, face à mon jardin ensoleillé le long de Central Park (de mon village…). C’était il y a dix ans…
Mais d’abord, je vais revenir un peu en arrière. Quand j’étais petit, je n’avais pas le droit de regarder l’Eurovision, car pour mes parents, c’était une émission idiote et interminable. Pourtant, sans savoir pourquoi, j’ai toujours été attiré par le concours. Évidemment, mon merveilleux caractère et mon légendaire esprit de contradiction m’ont donné d’autant plus de passion pour ce que détestaient mes parents… C’était la fin des années 90… Dana International faisait scandale, et Marie-Line ne faisait pas franchement une publicité d’enfer pour le concours… J’ai quand même pu regarder les concours à partir de 1999 sur une télévision de l’époque de Frida Boccara, puis à partir de 2006 sur une vraie télé ! Mais je ne suis devenu fan et je n’ai découvert qu’il y avait des demi-finales, des sélections et tutti quanti, que pendant mes années d’étudiant.
Après de bons et loyaux services universitaires, je fus invité à commencer une thèse de doctorat en littérature… J’en ai pris pour quatre ans fermes sans remise de peine ! A éplucher des kilomètres d’archives, lire des bouquins sur des jeunes filles qui meurent de faim et me faire insulter par mon directeur de thèse. Surtout, j’ai dû quitter ma grande ville universitaire pour rentrer dans ma campagne où je ne connaissais plus personne. A passer mes journées sur l’ordinateur, le hasard m’a fait tomber sur un site de fans du concours. Je découvre alors, à ma grande surprise, que je ne suis pas le seul à adorer l’Eurovision, qu’il y a des clubs de fans et que l’on peut suivre la sélection des chansons pendant plusieurs mois. J’ai donc fait connaissance avec les chansons de l’Eurovision 2009 à la manière d’un calendrier de l’avent… J’ai même pour la première fois regardé les demi-finales, dont j’ignorais l’existence quelques années auparavant, en bon français…
En 2010, je décidai donc de suivre les sélections nationales. La première à démarrer fut celle de Malte, avec des séries de chansons chantées à la queue-leu-leu sur un plateau improbable. Quel amusement de regarder une émission de télévision maltaise pour suivre une successions de ballades et de chansons dance improbables interprétées par la voisine de la cousine du candidat précédent !
Mais le véritable choc vint quelques mois plus tard. A l’époque, il n’existait pas encore tout à fait d’Eurovision au Quotidien, alors j’errais un peu tout seul sur internet pour découvrir les sélections nationales. Et je tombai sur l’Eesti Laul. Dix chansons présentées à la suite, avec une charte graphique moderne et attirante. Je clique sur la première image qui attire mon attention parce que la fille ressemblait vaguement à Björk…
Et soudain, l’impression d’avoir découvert une des meilleures chansons que j’avais jamais entendues. J’atterrissais sur une planète en total décalage avec la peau de bête de Ruslana, la chemisette de Sakis ou le chignon de Virginie Pouchain. L’Eurovision n’était pas que du show, des paillettes, et un voyage européen le temps d’une soirée, il était aussi un rendez-vous musical.
Je clique alors sur les autres chansons avec avidité et découvre des pépites… Et j’attends avec impatience le soir où toutes ces chansons prendraient vie…
Et nous y voilà ! Première du soir, un morceau un peu drum & bass sur la vanité de l’existence qui donnait le ton… ! Et me rappelait qu’on était bien dans une sélection OVNI !
2ème de la soirée, une chanson pop-rock plus habituelle de Marten Kuningas tout fraîchement demi-finaliste de la Nouvelle Star face à un certain Ott Lepland, mais avec un swag pas très Eurovisionesque !
Ensuite, j’ai vu débarquer Mimicry dans leur chambre avec une Kene Vernik (de la même Nouvelle Star) balafrée vendant sa chanson au thème mystérieux (pour moi, c’est un viol, mais….) comme une agonie musicale sur un thème électro totalement saturé de Paul Lepasson faisant semblant de pianoter sur son truc les pieds-nus…
Et soudain Tiiu Kiik, évanescente au milieu de choristes congelés, qui s’envole sur une balançoire…
Puis ce furent le tour du trio sexy Violina en pantins musicaux, et de l’inénarrable Rolf Junior dans un costume avant-garde comme on en mettrait nulle part ailleurs… Une chanson beaucoup plus habituelle dans le cadre de l’Eurovision, mais avec un emballage assez étonnant !
Et voilà déjà Piret Järvis de Vanilla Ninja qui se déhanche dans une robe digne de Lady Gaga avec Disko 4000 (4000 rien que ça) qui n’ont pas moins que deux batteurs, et deux choristes désarticulées avec un casque sur la tête…
Je retrouve mon Iiris qui ne m’a pas déçue. Un look over the top, trois danseuses bien martiennes et une chorégraphie d’anthologie qui a failli virer à la catastrophe aux 2/3 de la chanson…
Je retrouve aussi Lenna de Vanilla Ninja en princesse Raiponce dans la chambre de Marie-Antoinette de Sofia Coppola….
Un excellent morceau brit-pop à la sauce estonienne pour se remettre de nos émotions…
Et c’est déjà la dernière chanson avec Malcolm Lincoln. Un incroyable morceau schizophrénique porté par le dandy dégingandé Robin Juhkental et ses quatre choristes rencontrés eux aussi à la Nouvelle Star de la même année… En même temps, la Nouvelle Star et l’Eesti Laul avaient la même productrice.
La suite, on s’en souvient. Lenna était censée gagner sans problème, mais elle a été battue par Malcolm Lincoln qui était pourtant repêché suite à la disqualification de Nikita Bogdanov. Malcolm Lincoln fera un flop, contrairement à Urban Trad l’année précédente, et Heidy Purga, productrice de l’Eesti Laul et tête pensante de l’Eurovision en Estonie à l’époque, sera vivement critiquée pour avoir produit un show beaucoup trop alternatif. Mais l’avenir lui a donné raison, car c’est cette direction qu’ont pris beaucoup de pays dans les années 2010, avec des sélections dans le même esprit : la Finlande avec son UMK, la Lettonie avec son Dziesma, la Hongrie avec A Dal, même un temps la Norvège avec son nouveau MGP… Et pour moi, cette sélection reste un modèle, même si l’on sait bien qu’il en faut pour tous les goûts !
J’étais donc devenu fan de l’Eurovision, puis lecteur et bientôt rédacteur du tout nouveau Eurovision au Quotidien. Et j’ai eu tous mes diplômes quand même… ! Il ne me reste plus qu’à te remercier de ton attention, cher Eurofan, et de te souhaiter bon courage jusqu’à la fin de ce confinement… en musique !
Antoine
Ah les études, ce n’est pas forcément que des moments de plaisir surtout si on doit passer des journées à lire des livres plus ou moins intéressants. Bref, heureusement que tu as eu l’Eurovision pour faire passer la pilule
Vivement la fin du confinement.
🙂 Ce sont des lectures intéressantes, c’est moi qui ai choisi. Mais c’est pas très paillettes et Melodifestivalen ! 😀
Merci pour cette article mon cher Antoine pour moi le confinement est bientôt l’hôpital normalement et sans ordinateur c’est le triple… Merci de ses bons souvenirs et de ce beau article…. Il me sera impossible de voter pour le quorovision cette année vu ceux que j’ai et plus d’ordinateur vu qu’il est impossible pour l’instant de me déplacer et d’en commander un
Merci Antoine de partager tes souvenirs
De rien 😉 et bon courage à toi !
Une enfance de Cosette eurovisionesque ! Tes parents ont-ils changé d’attitude envers l’Eurovision depuis ?
Hahahaha Tout à fait !
Je dirais que les Thénardier ne sont toujours pas fan du tout, comme toutes les personnes que je connais dans ce bas monde… C’est pas facile de croiser quelqu’un qui aime l’Eurovision !
– Je n’ai pas eu cette malchance : j’ai pu suivre tous les concours sans le moindre obstacle donc j’ai été plus chanceux que toi ! Par contre, comme je l’avais dit à Pauly, je ne suivais pas du tout les sélections nationales et donc, la sélection estonienne était une illustre inconnue pour moi. Donc, ce que je viens d’écouter était une grande découverte pour moi : certes, beaucoup de faussetés, d »étrangetés et d’excentricités mais au moins c’est marquant et on s’en souvient, surtout si c’est la première fois que l’on découvre la sélection.
– Merci de m’avoir fait découvrir ton univers issu de ton confinement.
Merci à toi ! 🙂
Je crois que ça fait presque partie du parcours du combattant de chaque eurofan d’etre confronté à un environnement hostile en matière d’Eurovision : entre la famille, les amis et même les collègues de boulot, c’est parfois très compliqué de vivre sa passion sans être jugé ringard ou bizarre par des gens qui , pour la plupart, n’ont pas vu le concours depuis au moins une dizaine d’années.
J’ai eu ce désagréable sentiment à l’automne dernier où j ai vécu le Junior depuis le canapé parental, après un repas à rallonge (oui, le JESC démarrait à 16h et vous imaginez ma détresse ai fur et à mesure que l’heure du concours se rapprochait).
Il y a cependant une happy end : après avoir copieusement dénigré les premiers candidats, l’ambiance , Stephane Bern…, ma famille s est prise de passion pour le petit kazakh ! Et , malgré le succès de la Pologne, la plupart s’est prise au jeu au point d’envisager de regarder le concours 2020 (ca, c’était avant ce que vous savez..)
Merci Antoine pour ces tranches de vie et quitte à être un poil seul sur ce coup là, j’aime beaucoup le titre de Malcolm Lincoln
Moi aussi j’aime beaucoup Malcolm Lincoln. Leur album était excellent, tout comme ce que fait Robin depuis. 🙂
Merci pour ton commentaire ! 🙂
Pas toujours simple de suivre un concours quand tout le monde autour de toi le dénigre. Et sachant que dans les années 90 et jusqu’à 2005, les réseaux sociaux, YouTube, etc… n’étaient pas encore là, il n’y avait même pas moyen de se cacher pour regarder ça tranquille (mais Bon, regarder caché et seul c’est pas gai). Du coup je compatis avec toutes les personnes n’ayant pu regarder le concours à leur convenance.
De mon côté j’ai eu plus de chance même si il s’agit aussi de persévérance. J’ai regardé le concours pour la première fois en 2006 et suis devenu réellement fan en 2010. Ma famille ne comprenait pas trop ce que j’appréciais dans ce concours mais m’ont laissé vivre ma passion pour la musique de manière générale. Et au fil des ans mon entourage a pris goût à l’événement et maintenant tout le monde regarde (excepté mon père parce qu’il est toujours occupé).
Idem pour mes amis. À un âge où tous les garçons parlaient de foot au lycée, moi j’étais là à aimer l’Eurovision. On s’est un peu moqué de moi au début mais, lorsqu’il nous a été demandé de présenter en anglais quelque chose que l’on aime bien, j’ai sauté sur l’occasion (d’autant que ma présentation était tombée pile la semaine du concours 2012. Le soir même, Loreen gagnait sa demi finale). Et à ma grande surprise, j’ai captivé bien plus de monde qu’attendu. Aujourd’hui et depuis quelques années maintenant, la moitié de mes amis regarde le concours et impossible pour moi de suivre la finale sans recevoir des dizaines de messages!
Oui, ça c’est le bon côté, on devient le référent Eurovision du village… 🙂
Merci à toi, cher homonyme… de dix ans de moins que moi. Damned !
Le parcours du combattant de l’eurofan … Pour ma part, j’ai été relativement chanceux dans le sens où j’ai assez vite convaincu ma mère de l’intérêt du concours, alors qu’en parallèle mon père trouvait ça plutôt exotique on va dire, mais n’insistait pas. Par contre, effectivement, du côté des amis, ça oscille entre la drôlerie, la surprise, la curiosité, le sentiment de l’originalité et peu à peu, la drôlerie prend de moins en moins de place – même si en 2018, dans l’avion direction Porto le lendemain de la DF1, mes potes ont sorti « on a regardé l’Eurovision hier soir c’était trop nul! ». Je les ai récompensées d’intempestifs Fuego et Toy distillés sciemment le long du séjour 😀
Toi aussi tu es donc de la team thésards mon pauvre ! Perso, j’ai lâché l’affaire il y a deux ans. Bravo à toi pour ton courage et ta persévérance, je suis admiratif des abnégatifs de la thèse. En lettres en plus, quelle belle discipline !
2010 … À l’époque je ne regardais pas encore les demi-finales, mais c’est cet été là que j’ai commencé à regarder les vidéos des demies passées. Le scandale Horehronie, largement sortie en DF, alors que ça aurait été digne de la finale. L’élimination historique de la Suède avec un titre très oubliable. Le grand retour de l’Allemagne. Belle année, 2010. Je ne regardais pas encore les sélections nationales : je dois remercier Loreen pour m’y avoir familiarisé deux ans plus tard.