En plein dans le rush de l’Eurovision Junior 2021, et à seulement quelques heures du live le plus attendu de notre vie d’eurofan français, la rédaction vous propose de faire un nouveau tour côté coulisses (comme Kris et Rémi en ont accidentellement réalisé un lors de leur arrivée jeudi) et de vous présenter aujourd’hui un maillon plus qu’essentiel dans la performance future d’Enzo. Son visage vous dit d’ailleurs peut-être fort quelque chose, puisque la candidature de Barbara Pravi en mai dernier à Rotterdam l’avait en partie mise dans la lumière : Léa Ivanne. Un portrait réalisé à travers des recherches, oui, mais surtout une rencontre avec l’héroïne du jour dans les coulisses de La Seine Musicale, à quelques minutes seulement des deuxièmes répétitions d’Enzo.

Pour elle, ”petite française née en Provence” pour paraphraser Michèle Torr, la musique est une histoire d’amour qui date de l’enfance, et qui commence devant la télévision, rêvant d’être l’une de ces chanteuses qu’elle regarde depuis sa ville d’Orange natale. Pourtant issue d’une famille fort éloignée de la musique, elle sera attirée par les lumières de la musique, un rêve qu’elle mettra du temps à valider au sein de son univers familial.

Si elle évolue aujourd’hui dans ce monde qui lui a toujours fait briller les yeux, c’est en licence d’administration économique et sociale (A.E.S. pour les intimes) qu’elle a commencé son parcours juste après son bac, évoluant pendant trois ans sur les bancs du campus de Villeurbanne, non loin de Lyon. Dotée d’une culture musicale qu’elle qualifie de ”franco–française et provinciale” et revendique, marquée par des artistes comme Sheila, Corinne Hermès ou Karen Chéryl, c’est avant tout la musique qui titille Léa depuis toujours. Elle va ainsi se battre pendant près de dix ans pour atteindre son rêve : chanter.

Un parcours long, difficile, mais passionné et motivé, durant lequel elle réussit à monter à Paris et à enchaîne les rencontres musicales, auxquelles elle partage ses créations. Pendant ce temps, afin de pouvoir vivre dans la chère capitale, Léa travaille dans la mode, tout en voyant depuis la fenêtre de son appartement du quartier des Halles les stars se précipiter aux portes du club tenu par Dani. C’est d’ailleurs en habitant dans ce coin peuplé d’artistes et empreint de diversité qu’elle commence à rencontrer des gens du métier, elle qui assume ne pas avoir réussir à se constituer des idoles dès lors qu’elle a commencé à prendre la plume.

C’est la rencontre avec Erick et Roland Benzi qui sera déterminante. Après avoir écouté les chansons de la jeune artiste, qu’elle a écrites et composées, le deuxième des frères les porte sur le bureau de Warner, qui offre alors à Léa Ivanne un contrat. C’est ainsi qu’à la fin des années 1990, Léa Ivanne voit son rêve devenir réalité.

C’est en 2000 que paraît son premier album chez Warner Music France. Intitulé À prendre ou à laisser, il est composé de 11 titres parmi lesquels Même (quand tu dis je t’aime), Je m’envole, Offre-moi le silence ou encore À prendre ou à laisser – dont elle a tourné le clip à Los Angeles. Un album qu’elle a pour l’essentiel co-écrit et composé aux côtés de Bill Ghiglione.

Pendant deux ans, Léa défendra son album à travers un processus de promotion classique, qui la conduira toutefois à faire la première partie de Johnny Hallyday à l’Olympia au cours de l’été 2002 (la fameuse année ”Oooooooh les champions !” de notre monument national) et celle de la tournée de Véronique Sanson, Un papillon en étoile. Des expériences que l’artiste qualifie d’extraordinaires. C’est toutefois un succès timide que rencontrera l’album, qui ne s’écoule qu’à 20 000 exemplaires : des chiffres de vente insuffisants pour le nouveau PDG de la maison de disques, qui ne renouvellera malheureusement pas le contrat de Léa Ivanne, dont la carrière de chanteuse s’arrête là.

À défaut de regrets, c’est quelques années après un soulagement pour l’artiste, qui confie de ne pas s’être sentie très à l’aise sur le devant de la scène, raison peut-être du timide succès de son album selon elle. Se défendre sur le ”marché du disque” n’est en effet pas sans contraintes pour une artiste dont l’âme du travail repose sur la création, à rebours de l’aspect répétitif et superficiel du travail de promotion d’un album. Mais c’est ailleurs que Léa va véritablement trouver son bonheur.

Sous contrat avec un éditeur, Léa, qui écrit et compose de manière prolifique, a alors toutes les cartes en main pour en offrir à d’autres interprètes. C’est ce qu’elle sera encouragée à faire, avec au bout une expérience ”passionnante qui [lui] a nourri le coeur et l’âme” : celle d’écrire pour les plus grands artistes français. C’est ainsi qu’au cours des années suivantes, elle va offrir sa plume d’autrice-compositrice à des artistes de la trempe de Chimène Badi, Patricia Kaas ou encore Roch Voisine, avec lequel elle collabore depuis dix-huit ans et pour qui elle a écrit vingt-quatre chansons, dont le célèbre et grand succès Tant Pis (qu’affectionne particulièrement votre humble serviteur).

Parmi les autres grands noms pour lesquels Léa Ivanne a écrit, citons Julio Iglesias (représentant espagnol à l’Eurovision 1970) ou Gianni Morandi (vainqueur du Festival de Sanremo en 1987. Au cours des années 2000, elle a aussi posé ses notes et ses mots pour de nombreux jeunes talents tels que David Charvet, Paolo Meneguzzi (représentant suisse à l’Eurovision 2008), Lionel Tim (finaliste de la sélection nationale française en 2005), Vincent Niclo ou encore Thierry Cham, Sonia Lacen et Jonatan Cerrada (représentant français à l’Eurovision 2004), dont elle a écrit plusieurs titres de son premier album Siempre 23. L’euromonde n’était déjà pas très loin.

Rapidement, Léa va être encouragée par les maisons de disques à aider les artistes à entrer dans leur texte et à s’ancrer vocalement. Elle va alors les accompagner en studio. Dans la foulée, elle commence à être contactée afin de préparer en amont les jeunes artistes avant leur entrée en studio. C’est ainsi que, de chanteuse, Léa est devenue ”coach” vocale, un mot qu’elle accepte, mais qu’elle trouve galvaudé, auquel elle préfère les termes d’ ”accompagnement” ou de ”collaboration” vocale. Car pour elle, le ”coaching” est avant tout un engagement et un échange artistique. Rentrer dans le ”coaching” vocal selon elle, c’est rentrer dans la création d’une relation et d’une interprétation, tout en allant dans la profondeur des choses.

C’est une approche globale que défend Léa. Pour elle, ”la voix est une deuxième carte d’identité, et un instrument à part entière”, et il est indispensable pour un artiste de valider et de légitimer sa propre identité à l’intérieur de lui-même avant de pouvoir se livrer à cette ”énergie du don” qu’est le chant. Un sens du lâcher prise, de la vérité et de l’authenticité qui, selon la coach, distingue les artistes qui passent en radio et vendent des disques de ceux qui n’en vendent pas.

Patricia Kaas, Roch Voisine, Liane Foly, Chimène Badi ou encore Vincent Niclo : ces mêmes-là pour lesquel·les elle a écrit – et tant d’autres qui ne souhaitent pas voir leur nom divulgué – bénéficient de l’accompagnement vocal de Léa, qui collabore également avec des comédien·nes comme Bruno Putzulu, Charlotte Valandrey ou Laurent Hennequin, tout en assurant aussi du coaching radio, comme elle a pu le faire avec Amir et Élodie Gossuin sur RFM.

C’est alors que les portes de la télévision vont s’ouvrir à elle. Une jeune productrice nommée Alexandra Redde-Amiel cherhe un·e coach vocal·e pour sa nouvelle émission, Rising Star. Les deux femmes ne se connaissant alors pas, mais le nom de Léa Ivanne parvient jusqu’aux oreilles de la productrice. Elles se rencontrent. L’échange direct, précis, tonique et la vision d’Alexandra Redde-Amiel plaisent à Léa Ivanne et vice-versa : c’est ainsi que la coach vocale réalise son entrée en télévision, où elle travaille également sur le programme N’oubliez pas les enfants de Nagui.

C’est en 2019 qu’une connaissance vient à nouveau frapper à la porte de Léa Ivanne, qui travaille également en tant que coach indépendante voix parlée et chantée tant pour de futurs candidats aux castings de The Voice que pour des entreprises, des collectifs et des écoles. Devenue directrice des divertissements et des variétés de France Télévisions, Alexandra Redde-Amiel endosse alors le rôle de cheffe de délégation de la France à l’Eurovision. Un programme que Léa regardait par le passé avec sa famille, mais duquel elle s’était éloignée depuis quelques années, dans le sens où elle ne parvenait plus à ressentir ce qu’il s’y passait, trouvant la chose devenue ”Too much”. Mais c’est en revenant à l’Eurovision par les coulisses qu’elle va renouer avec le concours, dont la prestation de Duncan Laurence en 2019 résonnera pour elle comme un déclic, tant sur le plan de la voix que de la chanson. Une prestation ”belle, simple, évidente” qui la percute et la refait passer du côté spectatrice du concours, délaissant momentanément l’oreille professionnelle aguerrie qui est la sienne. Et une belle rencontre humaine qu’elle aura la chance de réaliser par la suite, puisque vont s’ouvrir à elle les portes de l’aventure eurovisionesque.

Alexandra Redde-Amiel propose en effet à Léa d’assurer l’accompagnement vocal du candidat français : Léa accepte. C’est ainsi qu’elle collabore dans un premier temps avec Tom Leeb, dont elle co-écrira d’ailleurs la nouvelle version de The Best In Me intitulée Mon alliée, dont elle a fait des propositions pour l’écriture du refrain depuis le studio d’enregistrement. Un titre que Tom n’aura malheureusement jamais la chance de défendre sur la scène du concours pour les raisons sanitaires que l’on connaît.

Depuis, Léa Ivanne est devenue une actrice majeure de l’Eurovision en France, puisqu’elle accompagne non seulement nos représentant·es au concours adulte et au Junior, mais également les candidat·es à Eurovision France, c’est vous qui décidez. Celle pour qui être coach vocale revient à entrer dans l’intimité des artistes assure notamment une magnifique collaboration avec Barbara Pravi, d’ailleurs mise en lumière dans le documentaire consacré à l’artiste peu de temps avant le concours. Incarner un texte, le vivre, montrer au public ce qu’il se passe dans son âme et sur son visage lorsque vous vivez les mots : cela nécessite de pouvoir rentrer dans la profondeur de l’artiste. Une porte que Barbara a grand ouvert à Léa, pour qui voir une artiste aussi pétrie de talent se sur-épanouir relève tout simplement de la magie et du merveilleux.

De quoi faire écho au travail que Léa Ivanne mène sur le pouvoir positif de la voix, à travers des ateliers dispensés au public, dans lesquels elle met en avant la puissance insoupçonnée de la voix de chacun, qui lui permet d’être non seulement entendu, mais aussi écouté. Car la voix est pour elle un instrument de guérison, auquel se connecter revient à se connecter à son âme et à qui l’on est. Des interventions qu’elle met notamment au profil d’associations professionnelles de femmes (avocates, expertes-comptables).

L’une de ses plus belles expériences ? Accompagner les douze candidat·es à Eurovision France, c’est vous qui décidez. Entrer dans douze univers de douze personnalités différentes : 120 heures de coaching pour optimiser, faire briller et révéler le talent de chacun qui furent galvanisantes pour Léa, en parfaite symbiose et empathie avec les artistes, dont les retours ont rendu son bonheur grand.

Cette année, après avoir écrit les paroles du spectacle musical NOÉ, la force de vivre, composé par Essai Altounian, Léa Ivanne accompagne avec grand enthousiasme et confiance Enzo dans sa belle route vers la Seine Musicale et l’Eurovision Junior 2021. Avant de devenir coach vocale pour le Dalida Institute, un institut de la voix lancé par Roberto Ciurleo, qui accueillera sa première promotion en septembre 2022 à Aix-en-Provence.

Un immense merci à Léa Ivanne d’avoir accepté d’échanger avec nous en vue de l’écriture de ce portrait côté coulisses, ce malgré un planning eurovisionesque fort chargé ! Une très belle rencontre qui, je l’espère, transparaîtra dans ce portrait.

Crédits photographiques : réseaux sociaux de Léa Ivanne