Au milieu des marathons scandinaves, l’Estonie lance cette semaine sa sélection. Vingt-trois prétendant-es sont en lice pour prendre la place d’Uku Suviste, qui aimerait également rempiler pour Rotterdam. Lesquel-les ont vraiment leur chance toutefois ? Ce sont les pronostics que je vais essayer de poser, aidée par l’incontournable Loreen – notre code morse à nous -.

Justement, Loreen est mitigée sur ce cru Eesti Laul : elle a un peu l’impression de voir jouer une énième fois les mêmes cartes et les mêmes rôles, et de distribuer des commentaires très similaires à ceux de l’an dernier. Toutefois, la compétition reste ouverte entre une petite demi-douzaine de titres dont il sera intéressant de découvrir les lives. Uku Suviste est, selon moi, loin d’avoir déjà son deuxième billet pour Rotterdam en poche !

Pour rappel, à l’Eesti Laul, chaque demi-finale qualifie six de ses participant-es. Un premier tour de vote à 50-50 entre les classements du jury et du public en fait émerger quatre, puis le télévote en repêche deux autres.

PREMIERE DEMI-FINALE : JEUDI 18 FEVRIER : 18H30-21H15, avec une coupure entre 20h et 20h30 (Heure de Paris. Il faut ajouter une heure de plus pour avoir les horaires de Tallinn).

Si on peut sans trop se mouiller miser sur une qualification des 3 grands noms masculins de la soirée aux chansons solides (Koit Toome, Ivo Linna et Egert Milder), les trois autres tickets seront plus ouverts puisque cette demi-finale manque un peu de rythme et enchaîne des classiques de l’Eesti Laul : jazz innocent (mais pas toujours inoffensif !), pop estonienne féminine classique, et quelques autres parmi lesquels un hip-hop, des ballades anglophones intimistes ou plus classiques, ou encore de la country estonienne. Un panorama intéressant et plutôt homogène en qualité.

« Chanson » – ArtisteCommentairesLoreen

« Best Night Ever » – TanjaTanja nous revient avec un disco façon bonne soirée entre copines, qui ne réveille pas vraiment les foules et auquel je ne suis pas du tout réceptive. Au delà de la bonne énergie qu’elle y met, cela manque cruellement d’originalité et de punch.

« One By One » – Hans NaynaHans a une tessiture de voix très agréable, chaleureuse et réconfortante, qui colle très bien à cette chanson d’amour. Comme beaucoup de chansons de l’Eesti Laul néanmoins, elle a pour défaut d’être assez oubliable passé les 3 jolies minutes de live.

« Tuuled » – WiiraltDe la country esto-estonienne, paroles façon spiritualité native-naturaliste, qui apporte un peu d’éclectisme, mais ne sera probablement pas un prétendante sérieuse à la victoire. Elle se fond dans l’ambiance, mais ne marque pas l’oreille.

« Hypnotized » – KéaA nouveau un morceau pop rétro léger qui commence bien et se perd complètement dans une dernière minute un peu fouilli. L’ensemble, et je vais encore me répéter beaucoup sur ce cru Eesti Laul, passe assez vite à la trappe passé les 3 minutes…

« Wingman » – Andrei Zevakin ft. PluutoNotre « Youtuber qui veut faire l’Eurovision » (à la dernière minute) annuel et son compère Pluuto proposent un son hip-hop assez quelconque, dont les paroles (hélas) et l’ambiance du clip empestent la boîte de nuit. Si c’est appréciable en musique de fond ou contexte festif (mais qui fait encore la fête même ?), je vois mal comment transcrire cette énergie en live convaincant pour l’Eurovision.

« Kiss Me » – Karl KillingUne petite bluette à l’acoustique, mignonette et naïve. Elle est pleine de bons sentiments, et dépendra beaucoup de l’ambiance que pourra instaurer Karl en live. Toutefois, je ne miserai pas dessus si cela devait représenter l’Estonie.

« Calm Down » – Nika MarulaTout comme l’hélicoptère de son clip, la chanson de Nika ne décolle pas vraiment. Sur ses 2min36, elle en met bien la moitié à réellement démarrer… Comme la plupart des chansons de ce cru, elle n’est pas de mauvaise facture, mais il va être difficile de lui donner une dimension en live qu’elle peine déjà à prendre en studio/clip.

« Free Again » – Egert MilderBien évidemment que moi, comme vous, j’ai poncé l’album « Native » de OneRepublic en 2014. Cette resucée est dans la veine du folk que chantait l’an dernier déjà Egert Milder, il n’invente pas l’eau chaude, mais ça se retient et ça dégagera beaucoup de bonnes ondes sur scène. Un moment de fraîcheur qui appelle à sortir prendre un bon bol d’air (avant 18h), à coup sûr sympathique, mais quel potentiel pour les standards du Concours ?

« Üks öö » – Tuuli RandL’Eesti Laul vient avec son quota de pop en estonien. Üks öö n’échappe pas à la malédiction de ce registre : chanteuse comme chanson sont interchangeables, les « oh oh » du refrain ne marquent pas l’esprit. Le sourire de Tuuli est bien le seul élément qui réchauffe un peu ce morceau qu’on entend en 4 déclinaisons à chaque Eesti Laul.

« We Could Have Been Beautiful » – Koit ToomeJ’en suis la première surprise : Koit nous propose une ballade mature, loin d’être tarte, qui reste néanmoins classique, mais joliment classique. L’atout majeur réside dans sa technicité, qui me prend à chaque fois : il va falloir que Koit prouve qu’il peut la porter en live tout en y mettant la juste dose d’émotion. Celles et ceux qui se rappellent de « Verona » à Kiev savent que ce n’est pas gagné d’avance !

« Find A Way » – Kristin KalnapenkKristin porte le dossard de la chanson jazzy cette année. Sa ballade est bien sympathique, de même que sa voix et sa diction, même si je trouve le refrain casse un peu l’ambiance « doux matin » instaurée par les couplets par sa banalité. On a souvent vu ce genre de chanson se sublimer en live, au point de devenir des dark-horse parfois. Toutefois, coincée entre deux monstres de la scène estonienne, une qualification en finale serait déjà une grande réussite.

« Ma olen siin » – Ivo Linna, Robert Linna & SupernovaPour qui se rappelle d’Ivo Linna, cette chanson est dans la droite lignée de ses autres compositions. Une ballade rock crooner qui serait du plus bel effet en fond d’une soirée au pub dans une ville estonienne. Pas assez marquante pour une perspective internationale. Ivo Linna est une star, il chez lui à l’Eesti Laul, et conclura comme un roi cette demi-finale; je suis moins convaincue par l’apport de son fils Robert, qui a une partie un peu brouillonne et a l’air d’en faire des caisses sur l’interprétation.

DEUXIEME DEMI-FINALE – SAMEDI 20 FEVRIER – 18H30 A 21H15, avec une coupure entre 20h et 20h30 (Heure de Paris).

Cette demi-finale est équilibrée par rapport à la première, quoique plus éclectique et hétérogène en qualité : outre l’entrée en piste du sortant et favori, Uku Suviste, les autres chouchous des fans de Gram-of-Fun devront faire leurs preuves, ignorés par les parieurs. Plusieurs ovnis musicaux seront aussi au programme, certains de grandes qualité (Jüri Pootsmann, Uku Haasma) et d’autres plus… variables (Redel, Alabama Watchdog). Bien évidemment, vous reprendrez au passage un peu de pop estonienne et de ballades anglophones !

« Chanson » – ArtisteCommentairesLoreen


« Time » – SissiC’est une ballade soul tout en délicatesse qui ouvre cette demi-finale. Sissi est une chanteuse charismatique qui attire la sympathie, mais il faudra sacrément transcender cette ballade pour en faire quelque chose de compétitif pour la victoire.



« Lost In A Dance » – Gram-Of-FunAh, là, je m’emballe ! Kristel Aaslaid et son groupe surfent sur la tendance rétro qui monopolise les ondes et les charts avec ce morceau pop sous-ton mélancolie qui vous fera vous sentir nostalgique pour absolument aucune raison. Tant pis si ce n’est pas ce que pensent les parieurs: pour moi, le choix est clair tant il survole la sélection; maintenant, et au vu de l’historique de Kristel à l’Eesti Laul, reste à voir si le live sera à la hauteur.



« Energy » – Kadri VoorandJ’ai toujours autant de mal à réécouter une chanson qui s’appelle « Energy » sans m’attendre à de la pop, du rock, bref, tout sauf la ballade que c’est. Sans être mauvaise ou datée, je la trouve malheureusement très quelconque et curieusement construite avec ses changements de tessiture incessants… Trop difficile d’accès pour l’apprécier.



« Nii kõrgele » – HelenAlors là, c’est intéressant, car la chanson trouve le moyen de créer une hype et de faire retomber le soufflé en deux phrases : en plein dans son refrain. Le moment où elle chante le titre ne fait pas le job de pay-back après le build-up qui précède et ouvre le refrain. Le titre, qu’on peut traduire par « si haut », veut retranscrire le sentiment amoureux et la légèreté qui l’accompagne. C’est cohérent, mais cela n’accroche pas du tout l’oreille.



« Tartu » – RedelClassique de l’Eesti Laul : le numéro humoristique en estonien. En l’occurrence, il s’agit d’égréner avec une voix nasillarde des noms de « petites villes en bois », mais dont aucune n’égale Tartu et encore moins Viljandi, « faite de turbo-bois », « qui te mets une écharde dans les fesses ». Le téléspectateur local décrochera un sourire devant ce numéro, peut-être pas son téléphone… Je ne mets pas 3 Loreen négatives pour le fait d’avoir conceptualisé le « turbo-bois » car c’est mon adjectif préféré de la langue française et ça, ça m’amuse. Mes articles, mes critères, not sorry.



« Sunday Night » – RahelJe ne sais pas trop où cette pop veut m’emmener Il est difficile de faire émerger un refrain mémorisable, ce qui donne peu de chances au morceau de marquer le téléspectateur au milieu des deux pièces atypiques qui l’entourent…



« Kaos » – Uku HaasmaClassiquement à l’Eesti Laul : le morceau indé-ambiance en estonien. Je boude rarement mon plaisir. Cette année, Uku propose trois minutes assez fournies musicalement, qui respirent la nostalgie de l’été et installent une vraie atmosphère. Un incontournable appréciable de l’Eesti Laul, mais qui a rarement ses chances au-delà de son public de niche.



« 6 » – HelezaJe suis de ces personnes qui n’aiment pas le bilingue français chez des artistes non-francophones. je le trouve souvent cliché et raté. Je ne suis donc pas particulièrement fan de ce morceau, même pas tant pour le passage français, qui s’y insère bien et a un côté désuet appréciable, mais surtout parce que c’est trop répétitif et un peu kistch…



« The Lucky One » – Uku SuvisteMusicalement, on se situe sur la même ligne que « What Love Is » (= 20 ans en arrière), sauf que cette fois c’est bourré d’artifices sonores aléatoires pour tenter de la faire paraître moderne, on associe un texte low-key « je largue mon horrible partenaire » (à notre grand âge, c’est fini ça) à un clip qui rassemble les poncifs du lover dramatique courant 2010… Tous les vieux démons de l’Estonie. Mais c’est Uku Suviste, et il part avec une grosse prime au sortant.



« Alabama Watchdog » – Alabama WatchdogJ’aime bien le rock, de base. J’aime moins quand on flirte avec la transphobie et la rhétorique complotiste. J’imagine que c’est ça, quand votre pays shift culturellement, ça finit par vouloir envoyer ces textes à l’Eurovision. C’est une variable que je ne peux pas ignorer dans ma note, le groupe ayant nié toutes les portes de sorties et explications proposées. L’ensemble est catchy pour qui ne comprend pas l’anglais.



« Magus melanhoolia » – Jüri PootsmannChangement radical de registre si vous n’avez pas suivi la carrière de Jüri Pootsmann depuis sa cuillère en bois à Stockholm. Il propose un morceau indé typique de ce qu’on trouve à la sélection estonienne. La production et le concept sont intéressants (grosso modo, on parle d’un matin de jeune flirt estival), mais le morceau est court et, forcément, très atypique.



« Heaven’s Not That Far Tonight » – Suured TüdrukudNous sommes là aussi en présence de rétro, rétro-disco cette fois, un peu kistch. Comme on en a quasi tous les ans à l’Eesti Laul, en estonien ou en anglais. Ca fera se dandiner sur son canapé à la fin de cette demi-finale, mais le trait n’est pas assez forcé pour en faire un plaisir coupable catchy.

Le sondage sortira avec le récapitulatif et les Loreen des finalistes sera en ligne dans la semaine précédent la grande finale, soit d’ici une dizaine de jours. Les directs pourront d’ici là rebattre les cartes. En attendant, quelles sont vos chansons favorites et vos pronostics pour la finale ?