Le débrief des « National Final », c’est maintenant ! Chaque jour de cette semaine, un top à thème vous attends pour faire le point sur ces candidats ou ces faits qui ont marqué cette période de sélections nationales si riche pour les eurofans.

Chaque fois qu’une finale nationale se déroule, on a droit à des surprises. Un candidat tristement éliminé, un score surprenant chez les juges, etc… Mais parfois, ces surprises sont favorisées par le système. .. Et c’est ce que je voulais passer en revue aujourd’hui : ces trucs bizarres qu’on vois dans les finales nationales qui nous font dire « eh, mais, c’est nul !  »

Attention, gros risque que vous ne soyez pas d’accord avec des choses qui seront écrites !

10) Norvège : un ordre de passage sans importance ?

En 2013, lorsque l’ordre de passage de l’Eurovision allait être désormais déterminé par les producteurs, il paraît que Jon Ola Sand -qui est norvégien – avait déclaré que l’ordre n’avait pas d’impact signifitcatif sur les résultats. Franchement quel fan va avaler ça ?. Quand on voit comment se sont déroulées les trois demi-finales norvégiennes, on ne peut pas lui donner raison. Le scénario a toujours été le même : des six candidats, ce sont les trois derniers à chanter (aux numéro 4, 5 et 6 donc) qui se sont qualifiés pour la finale. Alors, les producteurs ont un peu provoqué cela puisque les gros favoris sont toujours placés en tout dernier… Parce que tant qu’à avoir des favoris, autant les booster encore plus ! De même, en finale, deux membres du top 3 final passaient tout derniers !

9) Italie : barrage de la panique

Le Sanremo n’est pas vraiment une sélection pour l’Eurovision, mais on va quand même en parler pour son détail qui change tout : le top 5 de chaque soirée est dévoilé à l’issue de l’émission. Ce qui évidement, risque d’influencer les votants, juges et salle de presse par la suite … Alors, il y a plein de sélections où les scores des demies sont dévoilés, mais si je parle de l’Italie, c’est parce qu’on y a vu un des plus gros revirements …

… Il a rapidement été révélé que le rappeur Geolier, pas considéré comme étant l’un des meilleurs par les observateurs, faisait des scores hallucinants au vote du public, poussé par les habitants de Campanie. Le jury et la salle de presse pourraient le stopper, à condition qu’ils aient un vainqueur commun clair et net … Et résultat : le dernier soir, dans un mouvement de défense, la salle de presse fait un tir groupé en votant en masse pour Angelina Mango, (73% des votants !) ne laissant presque rien aux autres super-finalistes.

Cela serait-il arrivé aussi si les résultats étaient conservés secrets ? Les eurofans ne se sont pas plaints car ils n’étaient pas pour Geolier, mais si la situation avait été inversée, il y aurait eu du tonnerre dans l’euromonde !

8) Albanie : télévote sans espoir

Depuis l’an dernier au FiK, il y a deux demi-finales, mais les candidats qui ont déjà participé au Fik les années passées se qualifient dans tous les cas, seuls les nouveaux passent en finale. Moyennement sympa, ils pourraient mettre tout le monde sur un même pied d’égalité, mais rassurez-vous : le public peut quand même voter pour l’un des candidats éliminés le soir de la finale afin de l’envoyer à l’Eurovision … Et ce alors qu’ils ne chantent pas lors de la finale. Tous les gens qui n’auront pas vu les demies ne voteront donc pas pour eux, autant dire que c’est peine perdue …

7) Finlande & Tchéquie : le corps de votants inutile

Ce n’est pas nouveau, mais en Finlande, on fait du 25/75 pour Jury/Public, et en Tchéquie, du 30/70 pour public tchèque/public international. Et, très important, les scores sont donnés proportionnellement en fonction des votes reçus…

Résultat : en Finlande, le candidat dernier du vote jury (complètement inutile donc) et pas du tout favori des fans gagne avec un très haut score du public finlandais , tandis qu’en Tchéquie, un score très suspect au vote en ligne international (+ de 50% des voix) fait gagner la chanteuse qui avait complètement raté sa performance, et était 5e du vote tchèque (qui n’a donc servi à rien non plus).  Vraiment, la combinaison vote déséquilibré + vote proportionnel » est un gros piège…

6) Malte : même chose mais plus bizarre

Si vous trouvez que du 30/70 ou du 25/75 c’est pas normal, Malte a encore plus original cette année : du 78/22 ! Mais pourquoi ? Eh bien, les 78%, ce sont 7 jurés individuels, et les 22% qui restent, c’est les points du public à distribuer, équivalents à ce qu’auraient donné 2 jurés individuels. Ok, pourquoi 2, et pas 3 voire plus ? Dans tous les cas, avec un système 50/50, Sarah Bonnici aurait gagné aussi, mais plus ric-rac.

5) Espagne : le faux 50/50

Le Benidorm Fest mériterait un article spécial pour expliquer comment fonctionne son système bien à lui … (et qui n’est pas nouveaun, il ressemble à cela depuis 2022). D’un côté, un jury international distribue des points pour un minimum de 16 et un maximum de 96, de l’autre, un jury démoscopique voit son classement converti en points allant de 16 à 40, et enfin, le public voit également son classement converti en points allant de 16 à 40. Et donc ? Faites le calcul : si on considère que le jury démoscopique, à mi-chemin entre jury et public, peut être considéré comme un public, les points de celui-ci vont de 32 à 80, donc sont plus aplatis que ceux du jury. (Comme à l’Eurovision junior en fait)

Donc, ce qui se présente comme du 50/25/25 est dans les faits davantage un 60/20/20. Néanmoins, depuis que le Benidorm Fest est utilisé comme sélection pour l’Eurovision, soit jury et public étaient d’accord, soit le destin a montré que le jury avait fait le meilleur choix (Chanel les en remercie !), on peut dire que les espagnols ont « eu de la chance » jusque-là.

Notez que, comme en Italie, on connait le classement des demi-finales avant la finale, ce qui doit aussi avoir son influence.

4) Suède : la seconde chance expédiée

Cette année, on a 5 séries au lieu de 4 au Melo ! Mais la seconde chance alors ? Elle est mise au placard, à la place les 10 candidats arrivés aux places 3 et 4 de chaque série sont soumis à un vote, le « Finalkval » lancé juste après les résultats de la cinquième soirée. Résultat des courses : le vote est torché en dix minutes, et les qualifiés sont … les deux candidats qui avaient chanté le soir même, dans la cinquième série ! Evidemment, ils sont ceux dont les spectateurs se souviennent le mieux … Si vraiment la SVT veut une seconde chance, qu’elle la fasse pour de vrai.

3) Saint-Marin : bienvenue à l’IA !

L’Intelligence artificielle qui s’immisce dans l’art, c’est toute une controverse … Sauf pour Saint-Marin qui a sauté à pieds joints dedans. En choisissant l’agence Casperaki en tant que sponsor, ils ont proposé une wildcard pour le moins originale : tout d’abord, des volontaires peuvent créer et envoyer une maquette de chanson avec l’IA mise à disposition par Casperaki. Ensuite, 10 maquettes sont choisies, et à l’arrivée, quatre chansons furent produites pour de vrai, et elles furent toutes … Bien peu originales, mais venant d’une IA, est-ce surprenant ? Alors, celle choisie, « The Last Polar Bear » qui fut défendue par Dana Gillepsie, une ancienne gloire de la chanson, avait un texte qui traitait du changement climatique sous un angle un peu original, mais la balade n’avait pas vraiment d’intérêt.

En réalité cette idée est plus risible que mauvaise. J’aurais pu vous parler aussi des demi-finales de 30 candidats qui se battent pour une seule place en finale ou 4 places de repêchage….

2) Estonie : vous aviez la flemme de faire trois soirées ?

Cette année en Estonie, il y avait 20 chansons, comme l’an dernier… Et là, un petit génie a sorti une idée lumineuse : « Eh les gars, vous vous souvenez de ce système à demi-finale unique employé de 2004 à 2007 à l’Eurovision ? Et si on faisait pareil ? » (Je rigole, ça ne s’est sûrement pas passé comme ça).

On se retrouve donc avec une demi-finale de 15 titres dont se qualifient seulement 5 candidats, qui rejoignent 5 qualifiés automatiques déterminés par la prod’, pour une finale de 10 candidats. Bah c’est sympa ça aussi dites donc. Mais le pire, c’est qu’en fait, la finale n’était pas vraiment plus forte que la demi-finale ! Une grosse partie de ceux qui devinrent favoris devaient passer par l’entonnoir de la demie, et une fois en finale, les deux premiers étaient issus de la demi-finale …

Digression : en Croatie non plus, on a pas eu beaucoup de flair : Baby Lasagna n’avait pas été sélectionné parmi les 24 candidats du DORA, mais était 25e, sur une liste d’attente. Un candidat s’est désisté, et il a pu prendre part à la sélection, dont il fut le grand favori illico.

1) : Allemagne : Ich Will Zum Letzter Platz

Et la palme de l’idée la plus nulle des sélections nationales 2024 revient à … l’Allemagne pour Ich Will Zum ESC!, la nouvelle Wildcard allemande !

Ich Will Zum ESC! c’était 15 candidats, déjà castés, qui allaient participer à un mini télé-crochet : tout d’abord, une audition face aux (seulement) deux juges (comme à Nouvelle Star), ce qui revient à se refaire caster donc. Ceux choisis rejoignent l’équipe de chaque juge pour faire ensuite des battle de chant (comme à The Voice donc), puis ils font des battle de lip-sync (comme à Drag Race, bon dieu mais à quoi ça sert ?!), pour enfin garder quatre candidats qui créent leur chanson. Ceux ci vont l’interpréter en live lors d’une soirée retransmise en direct lors de laquelle un seul candidat sera choisi. .. À l’arrivée, la chanson préférée des internautes a été retirée car sa chanteuse fut malade le jour de la finale, et c’est le titre le moins apprécié qui emporte le vote des spectateurs .

… Arrivé à Das Deutsche Finale, Floryan, le candidat de la wildcard, est classé dernier par tous les jurys. Le public le sauve tout juste de la dernière place. Quand on sait que les autres candidats des wildcard allemandes ont toujours terminé au moins dans les deux premiers de la finale allemande, ça fait mal. Concrètement, on n’est pas contre les Wildcard qui permettent à un inconnu de tenter sa chance, mais faites simple, par pitié, celle-ci est inutilement alambiquée et frise le ridicule.

Autre curiosité de la finale allemande, qui était déjà en vigueur l’an dernier : les votes du public restaient ouverts pendant environ 10 minutes après que les vote des jurys aient été dévoilés. Donc, impossible de savoir si Isaak et Max Mutzke auraient remporté le télévote dans tous les cas, ou si après le vote des juges, ils ont obtenus des « votes du désespoir » car les autres candidats n’avaient presque plus aucune chance de gagner.

Pour conclure …

Je n’ai pas pu tout citer, et puis tout est discutable : un jury ou pas de jury ? Superfinale ou pas de Superfinale ? Vote en ligne ou vote par sms uniquement ? … Tous ces détails peuvent changer la donne, mais on ne mettra jamais tout le monde d’accord sur le système à employer…

A titre personnel, je suis pour le 50/50 non proportionnel. Un système qui a permis d’avoir Teya Dora en Serbie au lieu de Breskvica (je trouve que c’est tant mieux), mais qui a fait éliminer Valeria Pasha au profit de Natalia Barbu (je trouve que c’est dommage) …  Tout cela pour dire qu’en réalité, il n’y pas de système parfait. Un jour, il fera gagner le candidat dont vous rêviez, l’année d’après, il peut servir à sélectionner celui dont vous ne vouliez pas. Et ce n’est pas une raison pour changer à chaque fois !

À demain pour un autre top 10 !

Crédit image : EAQ