L’euronde s’est arrêtée de tourner samedi soir. Le temps d’une quatrième série du Melodifestivalen certes, mais surtout du grand retour de Loreen en sélection. Verdict et compte-rendu par Loreen elle-même (ou plutôt l’auteur de ses lignes, qui prétend l’incarner).

Après trois premières séries terriblement décevantes, dont pas grand chose, si ce n’est rien, n’avait émergé, la série 4 allait-elle tenir toutes les promesses annoncées tant par le casting, alléchant, que par les privilégiés qui avaient eu la chance d’écouter en avant-première les propositions en lice ? Trêve de suspense : oui, oui et oui. Enfin la Suède nous a offert une soirée à la hauteur de la réputation de sa sélection, façon de sauver l’honneur d’une édition jusqu’ici historiquement faible. À tel point qu’avoir réunir les sept artistes en compétition dans cette même série relevait du sacrilège, tellement certains auraient pu connaître bien meilleur sort dans une série plus facile.

Évidemment, comme le chanterai La Zarra, et sans surprise, la présence tant attendue de Loreen à la position de favorite de la production (dernier rang de passage de la dernière série) n’était pas pour rien dans l’engouement tant collectif que personnel pour cette série. Annoncée à cors et à cris comme la future reine de l’édition, la vainqueure de l’Eurovision 2012 avait fort à faire : faire oublier son retour raté au Melodifestivalen 2017 (élimination en Andra Chansen face à Anton Hagman …) et montrer que la Reine est bel et bien toujours, qu’importe la présence de Carola en Interval Act. D’autant plus qu’elle a du s’y reprendre à deux fois pour délivrer sa prestation, la faute à un activiste venu perturber la première sur scène avec une banderole. Ce qui a donné lieu à de longues minutes de flottement entre les deux passages, le temps de remettre le dispositif technique à flots.

Trêve de bavardage : maintenant que l’embargo de la production est levé, voici l’ensemble des prestations de samedi soir, et surtout l’avis de Loreen (alias Rémi), qui a aujourd’hui l’honneur historique de s’auto-évaluer (et congratuler par la même occasion, spoiler) en bonne et due forme. Enfin l’auteur qui se cache derrière Loreen d’évaluer Loreen. Bref, vous m’aurez compris.

L’intégralité des 28 prestations des séries est disponible sur la chaîne YouTube officielle du Melodifestivalen, de même que vous pouvez (ré) écouter les titres proposés sur Spotify et toutes les bonnes plateformes de streaming en ligne.

Kiana – Where Did You Go

Première au Melodifestivalen pour la benjamine de l’édition – qui a fêté ses seize ans règlementaires le soir même de sa série – et première réussie avec ce titre up tempo très efficace et accrocheur, aux allures de bop en puissance. Sans doute pas révolutionnaire (pour mieux me répéter) et au refrain somme toute assez simple (à l’origine même de son efficacité), Where Did You Go est extrêmement entêtant et pourrait bien enflammer le dancefloor de la Melfest WKND Pre-Party, voire de l’Euroclub à Liverpool. C’est ainsi qu’avec son titre et forte d’une prestation très assurée pour son âge, Kiana s’avance parmi les favorites de la demi-finale et pourrait bien accrocher dans la foulée un joli classement en finale si, d’aventure, elle décroche son billet. Pour mieux signer un retour prochain au sein de la sélection suédoise ? C’est en tout cas tout le mal que je lui souhaite.

Signe et Hjördis – Edelweiss

Un titre pop folk en suédois pour le duo de jeunes sœurs, qui signaient également leur première au Melodifestivalen. Affublées du second rang dans l’ordre de passage – celui des invités surprises que personne n’attendait et n’attend tout court, Signe et Hjördis nous ont proposé trois jolies minutes suspendues sur la scène de la Malmö Arena. Edelweiss n’avait certainement pas la carrure pour trouver sa place dans une série 4 très relevée, de même que le manque d’expérience de ses interprètes se faisait sentir face aux mastodontes qui les entouraient cette soirée-là. Qu’importe : c’est un agréable et doux voyage à travers les sonorités suédoises traditionnelles que nous ont offert les soeurs, avec un style musical qui figure parmi les marronniers du programme de tout bonne édition du Melfest.

Smash Into Pieces – Six Feet Under

Le célèbre groupe de rock metal était très attendu sur la scène du Mello, et il n’a pas déçu ! Il livre ici un titre qui s’inscrit dans son registre habituel, peut-être en un soupçon plus générique, mais certainement pas moins qualitatif. De très bonne facture, Six Feet Under est parfait pour réveiller une édition jusqu’ici assez plate et endormie, qui plus est avec un style musical que la Suède gagnerait à envoyer un jour à l’Eurovision, histoire de rompre avec sa pop générique. De quoi permettre à Smash Into Pieces de signer l’une des prestations fortes de la soirée, et tout simplement de l’édition, tant sur le plan vocal (où le chanteur a été tout simplement excellent) que scénographique, et de transcender un titre aux sonorités qui rappellent parfois les années 2000 – mais sans outdated, attention ! Contrairement au duo Signe et Hjördis, l’expérience scénique du groupe se sent pleinement et c’est en toute logique qu’on le retrouve en finale, où il serait légitime de lui offrir un classement à la hauteur d’une performance assurément marquante.

Mariette – One Day

De retour au Mello après trois ans d’absence, Mariette revient avec une ballade générique aux sonorités scandic-pop très marquées, dont la compo évoque parfois ABBA version remastérisée pour le film Mamma Mia. Difficile de faire preuve d’objectivité avec une artiste que j’adore, qui livre ici une prestation à la hauteur de son expérience de la sélection, quoique la scénographie pourrait gagner en lisibilité et en fluidité. Mais s’agissant de One Day, je suis plus partagé. Non pas que le titre soit mauvais – il ne l’est pas et il est agréable à l’écoute. Mais même après plusieurs écoutes, et quand bien même il m’est aussi sympathique que son interprète, il continue de manquer d’accroche à mon oreille (notamment le refrain, qui refuse d’imprimer mon esprit). La faute à une linéarité trop marquée et à un manque de décollage évident. Bien que de bonne facture, One Day aurait ainsi largement gagné à un soupçon de puissance, dont le défaut même a manqué de coûter de peu sa place en demi-finale à Mariette.

Emil Henrohn – Mera mera mera

La popularité du Tiktokeur préféré de Suède auprès des jeunes générations n’a pas suffi pour lui permettre de rêver à la demi-finale, les plus de trente ans l’ayant littéralement massacré au moment des votes (dernier dans toutes les catégories les plus âgées). Dommage, parce que placé dans une autre série, Emil aurait mérité de poursuivre l’aventure avec ce schläger très sympathique, dansant et pleinement assumé comme ce qu’il n’est pas : un chef d’oeuvre. Non seulement Mera mera mera est un titre très entraînant et surtout très entêtant, mais il est porté par l’énergie et le sourire de son interprète, qui a signé une prestation accrocheuse malgré quelques imperfections vocales. Mention spéciale à une scéno aux tons roses, bleus et violets (qui évoquent les couleurs du drapeau bisexuel) et aux allures de piste aux étoiles recouverte d’une avalanche de paillettes. Il n’en fallait pas plus qu’autant de facilité pour assurer mon bonheur et mon plaisir d’eurofan.

Axel Schylström – Gorgeous

Il s’en est fallu d’un minuscule point pour voir se refermer les portes de la demi-finale … Terrible et injuste verdict pour Axel Schylström, qui aurait pu viser bien mieux dans l’une des trois autres séries, et peut-être même un Direkt Till Final qui aurait été objectivement mérité. L’artiste, de retour au Mello après six ans d’absence, proposait ici une belle ballade pop qu’il a incarné à la perfection sur la scène de la Malmö Arena. Debout devant un backdrop montrant les brûlures de son corps meurtri, Axel a livré une interprétation puissante, pétrie de sincérité et de vérité, à même de transcender un Gorgeous de très bonne facture et de calibre bien supérieur à de nombreuses contributions de cette édition 2023. Une mise à nu de sa sensibilité qui n’a malheureusement pas suffi : The Game is on again, et règles du jeu oblige, un potentiel Direkt Till Final voit son aventure se terminer ici …

Loreen – Tattoo

Inutile de vous rappeler ma vénération extrême pour la Reine de mon Eurovision, celle-là même qui a allumé la flamme en 2012. Inutile de vous dire à quel point aussi extrême je l’attendais de retour au Melodifestivalen, au point que j’en ai mis en pause mon week-end bruxellois (info indispensable) rien que pour la délivrance d’une attente insoutenable. Qui plus est dans la position annoncée de favorite qu’elle a confirmé samedi soir, en lui adjoignant désormais le terme « grande ». Car, oui, comme annoncé, comme entendu par-ci par-là, Loreen et son titre sont au-dessus du lot. Pas seulement « très », ni même « largement », tout comme se contenter d’une adjonction des deux serait insultant : ils le sont stratosphériquement, au-dessus.

J’annonce la couleur d’emblée : porté par un autre interprète que Loreen, Tattoo n’aurait clairement pas la même hype sur le papier, tellement le titre recèle de codes génériques, dans une composition marquée du sceau de Thomas G:Son. Là où on a connu l’artiste offrir une certaine audace avec Statements (mais cela a cassé net à l’époque), elle reste ici dans une certaine zone de confort, qui n’aurait pas le même goût chantée par quelqu’un d’autre (tout comme Euphoria n’aurait pas été la même chantée par Danny Saucedo – oui, oui, cela a failli …). Tout comme la scénographie, au demeurant très réussie et de loin la meilleure vue jusqu’ici au Melodifestivalen 2023, n’est pas aussi innovante que certains le prétendent. Même si c’est celle qui a le plus d’âme, et là aussi de très loin.

… Mais Tattoo est surtout un titre terriblement addictif, auquel on a envie de goûter et de re goûter encore et encore du moment qu’on y a touché une fois. Il est indéniable que l’ensemble est d’excellente facture, très bien calibré, et que Loreen y insuffle son âme à la perfection, comme elle, l’artiste à fleur de peau, sait si divinement le faire. Onze années n’ont pas suffi, et l’aura de la Reine est toujours aussi forte, vive, subjuguante. Onze années n’ont pas suffi, et Loreen en veut encore et encore. Comme elle le dit si bien elle-même, Tattoo incarne un pendant clair d’Euphoria, tant dans l’ambiance que dans la scénographie seule en scène beaucoup plus lumineuse que celle, sombre et mystique, de 2012. Le cousinage entre les deux titres est évident, tant les ressemblances sont fortes et frappantes sans que le deuxième ne soit pour autant un copycat du premier – d’où un terme de continuité sans doute plus adéquat. Sans être une réplique ou une imitation, je le répète, Tattoo reprend ici des codes similaires à ceux qui ont fait le succès du vainqueur de l’Eurovision 2012, et cela n’est en aucun cas un hasard. Voir un cousin ou une continuité d’Euphoria à l’Eurovision onze ans après : n’est-ce pas là ce que les eurofans attendant au fond de l’une des vainqueures les plus emblématiques de l’histoire du concours ?

(En résumé : oui, j’adore Tattoo malgré mes commentaires que je pense objectifs, oui, je l’ai écouté environ deux cents fois depuis samedi, oui, je chante le refrain à tue-tête sous ma douche et dans les rues de Paris en faisant la choré sous les regards de passants éberlués, oui, j’ai même fait une story de mon asso sportive avec – il y a même des spectateurs qui ont reconnu Loreen, calice ! – et oui, JE VEUX REVOIR LOREEN À L’EUROVISION)

Alors Loreen elle est contente ?

… Quelle question stupide. Tu en connais, toi, des gens qui seraient insatisfaits d’être une reine ? Tsssssss …

MELLO WINNER ALERT ! L’euro monde entier l’attendait avec impatience, et elle n’a pas déçu, bien au contraire : Loreen est bel et bien de retour, et sa présentation samedi soir le confirme : c’est un Melodifestivalen 2023 spécialement concoctée pour elle que nous a proposé la production. À tel point que l’on se questionne même sur la répartition des séries, bref, passons …

Oubliez la concurrence. Oubliez les vingt-huit autres. Oubliez Smash Into Pieces (qui ont pourtant été excellents samedi soir). Oubliez Marcus & Martinus (et laissez-les sur TikTok par la même occasion). Oubliez (surtout) Maria Sur. Et arrêtez tout. Car la Suède n’a tout simplement pas d’autre choix que l’évidence, et cette dernière porte le nom de Loreen. Un océan Pacifique entier ne suffirait pas à signifier la démesure de l’écart qu’elle a installé avec la concurrence la plus proche. Car on parle ici tout simplement de la distance entre la Terre et la Lune.

Loreen, Tattoo, la prestation, la scénographie : autant d’éléments incomparables au égard au reste de la setlist. au cas où l’ordre de passage vous en aurait fait douter, la production veut Loreen à l’Eurovision, et l’euro monde avec. Tout autre choix de la part de la Suède est impensable. Sachons rester mesurés toutefois. Gardons à l’esprit que le télévote a davantage d’appétence pour les jeunes artistes masculins que pour leurs collègues féminines plus âgées (surtout avec des Marcus & Martinus très populaires en Scandinavie). Gardons également à l’esprit qu’un storytelling peut mobiliser le public au détriment de la qualité d’une proposition (le petit père des suédois Anders Bagge l’année dernière, et Maria Sur cette année). Mais artistiquement, il n’y a pas match, et il n’y a même pas lieu de le questionner. À vraiment croire – et sans vouloir verser dans de pseudos théories du complot – que la production a vraiment choisi la faiblesse du casting de titres en fonction de Loreen …

Voici quelques jours, la Suède est passée en première position chez les bookmakers, devançant enfin l’Ukraine. Hasard ? Non. De là à dire que, si Loreen venait à remporter le Melodifestivalen 2023, elle s’imposerait en grande favorite de l’Eurovision ? Je ne sais pas. La concurrence est là aussi plutôt faible à ce jour, et les plus sérieuses options à ce jour semblent très ouvertes. Outre son talent et son art de la performance, indéniables, Loreen bénéficie pour elle d’une hype innommable auprès de l’eurofandom, mais les eurofans n’incarnent ni le public suédois, ni le public international. Ne mettons pas la charrue avant les boeufs. Wait and See. Première étape : la finale du Melodifestivalen. Que je lui souhaite des plus favorables.

Ma Reine Loreen ne doit toutefois pas éclipser la qualité globale d’une série 4 de très bonne facture, dont la densité est questionnable par rapport à la faiblesse des trois précédentes séries. Car réparties dans les autres séries, bien des forces en présence auraient pu prétendre à un meilleur sort, fut-ce une qualification directe en finale ou un billet pour la demi-finale. Dans une autre série, Kiana aurait pu peut-être prétendre à une finale directe, tout comme Axel Schylström aurait pu davantage trouver sa place, là où l’effet Mariette a peut-être été décisif dans le duel pour le dernier ticket. De même, Emil Henrohn aurait peut-être pu viser une demi-finale, même si le défaut total de soutien des catégories d’âge supérieures à trente ans a de quoi être rédhibitoire dans le système de vote actuel. Bref, inutile de réécrire l’histoire. Mais quand on pense que Where Did You Go va devoir côtoyer For The Show de Melanie Wehbe, Diamonds de Victor Crone, ou Elov & Benny en demi, il y a de quoi se questionner …

Melodifestivalen 2023 - série 4 : quelle prestation vous a le plus séduit samedi soir ?
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