Plus que 4 jours avant de filer à Kaunas pour la dernière étape du marathon lituanien. C’est au terme de cinq semaines d’aventure qu’Eurovizija.LT célèbrera son dénouement et lèvera enfin le voile sur l’identité du représentant du pays à l’Eurovision 2025.

… Mais en attendant, Loreen (alias Rémi, qui se glissera souvent dans le costume en cette super semaine de sélections) a écouté avec la plus grande attention les 12 titres en lice pour la grande finale d’Eurovizija.LT. Peut-être est-il grand temps pour elle/lui de vous dévoiler son avis sur ce cru lituanien 2025 ?

Avis général

Décidément, la sélection lituanienne reste l’une des plus sous-côtées de la saison. Il faut pourtant avouer le travail considérable mené par LRT (télédiffuseur national) pour offrir un éventail aussi qualitatif et diversifié d’une scène musicale lituanienne pourtant relativement restreinte, si l’on considère la taille du petit pays balte (2,8 millions d’habitants, soit quatre fois moins que la Belgique ou le Portugal). Justement, puisqu’on évoque ici nos amis lusitaniens, Eurovizija.LT n’est pas sans évoquer le Festival da Canção tant vénéré par Juliette et moi par bien des aspects. Une nouvelle fois, la finale lituanienne impressionne par la qualité musicale, l’audace et l’ambition de certaines propositions, qui cohabitent ici avec d’autres bien plus classiques et génériques qui, même elles, auront bien du mal à trouver un pendant dans la saison des sélections tant la touche lituanienne est manifeste. Assez parlé : partons ensemble pour un tour d’horizon des 12 finalistes d’Eurovizija.LT 2025.

Note : les avis et les commentaires ici exprimés n’engagent que la propre opinion de leur auteur, et ne reflètent en aucun cas l’avis général de la rédaction.

Noy – Just Take Me on a Date

C’est un titre pop à la rythmique joueuse que nous propose Noy pour l’Eurovision. Un Just Take Me On A Date pleine de malice et fort sympathique à l’écoute, dotée d’une jolie musicalité tout en simplicité qui n’est pas sans évoquer certains codes musicaux des années 2000, avec un son contemporain. Après, si la chanson est loin d’être déplaisante, est-elle suffisamment impactante pour le concours ? J’ai de réels doutes, d’autant que le package reste assez basique, surtout lorsqu’on le compare au reste du line up de la finale.

Gøya – After Storm

Dans la catégorie musique d’ambiance, je demande GØYA qui, fut un temps, aurait largement pu trouver sa place sur une playlist Buddha Bar, tant le style minimaliste et énigmatique que la teinte électro-pop-house collent parfaitement avec l’idée qu’on se fait du genre. Un son qui vous plonge dans une atmosphère envoûtante, qu’il n’est pas étonnant de retrouver ici, mais qui n’en resterait pas moins difficile à défendre sur une scène de l’Eurovision peu habituée à telle expérience. Qui plus est avec une finale 100% télévote, un titre à la mélodie aussi peu identifiable en première écoute risquerait malheureusement de passer inaperçu au profit de propositions plus faciles et plus grand public. Il n’en reste pas moins un titre de qualité, très Festival da Canção compatible et surtout extrêmement séduisant par ses sonorités et son univers.

Liepa – Ar mylėtum

Que l’esprit de Loreen sorte de ce corps ! Le titre de Liepa n’est pas sans évoquer les influences musicales de l’eurolégende, tout comme cette dernière aurait tout à fait pu compter un Ar mylėtum dans son line up sous trois conditions : l’anglais pour la langue, la touche lituanienne en moins et le renforcement de la production scandinave en plus. Justement, si la proposition aurait sans doute pu gagner un poil en production (mais vraiment un poil), elle dispose d’un véritable supplément d’âme, rare dans ce style musical, qui nous aspire pleinement. Avec Ar mylétum, Liepa nous plonge dans une atmosphère vaporeuse qui permet au charme d’opérer en toute liberté, qui plus est avec la manière dont l’artiste l’incarne sur scène. Vous l’aurez compris : la Lituanie tient ici l’un de ses meilleurs atouts pour Bâle, surtout avec un titre qui parvient bien à accrocher l’oreille.

Gebrasy –Whole

On commence à ne plus compter les participations pour l’éternel recalé des sélections, réellement révélé aux yeux des eurofans lors de l’édition « factice » 2021. Pour sa nouvelle finale, Gebrasy reste fidèle à son style, à savoir une pop contemporaine qui ne se distingue pas forcément par une accroche immédiate à l’oreille, mais n’en demeure pas moins de qualité. Whole n’est objectivement pas le titre le plus entêtant de la terre et le plus facile à retenir à la première écoute, ce qui ne le rend pas évident à défendre sur la scène de l’Eurovision – sur le papier. Il n’en reste pas moins une proposition séduisante, travaillée, relativement épurée, qui trouve une place légitime dans cette finale et que son interprète exécute très bien dans une scénographie actuelle (qui n’est pas sans rappeler celle d’Eric Saade au Mello 2021…).

Amoralu – Freedom

Envolée électro-pop alternative comme seules Eurovizija.LT et le Festival da Canção savent en proposer, Freedom aurait de quoi en déconcerter plus d’un par sa composition un soupçon déconstruite, mais en même temps paradoxalement cohérente. Musicalement, les qualités de la proposition d’Amoralu me semblent indéniables, quand bien même ce genre de titres assez minimalistes ne fera pas l’unanimité. De là à l’envoyer tenter sa chance sur la scène du concours, il y a un pas que je n’oserai franchir, le manque d’accroche immédiate et la difficulté à retenir la mélodie me paraissant rédhibitoires pour l’Eurovision. Il n’en reste pas moins une bonne proposition sur le plan musical, qui dispose d’une âme et une véritable identité, que l’interprète se suffit à elle-même de porter seule sur scène.

Anyanya – Running Out of Time

Une première évidence : Anyanya incarne son titre à la perfection et le transcende littéralement sur scène. Pourtant, Running Out Of Time reste un titre pop-soul de facture assez classique et n’est pas, sur le papier, le plus marquant de cette édition. Bien qu’agréable à l’écoute, l’ensemble reste très simple dans la composition et gagnerait à une production plus impactante. Mais son interprète est une telle bête de scène que l’option pourrait être envisagée en plan B pour Bâle si, d’aventure, les titres les plus intéressants de la sélection venaient à être laissés sur le carreau en catastrophe. Sans toutefois grande chance à l’Eurovision, car Anyanya trouverait inévitablement plus fort sur son chemin.

Justė Baradulinaitė – Tired

Dans la catégorie titre pop à la guitare, je demande Justé Baradunilaité, qui propose un titre relativement proche de celui de Sophie Ali (voir plus bas), à savoir un classique qui ne révolutionne pas le genre, peut-être la candeur en moins. Pas de quoi apporter une réelle plus-value musicale sur la scène de l’Eurovision (surtout avec le line up de la sélection nationale lituanienne), mais suffisant pour que le charme opère et pour le considérer, là aussi, comme un éventuel plan B ou C pour Bâle. Là aussi sans garantie de résultat, puisque Tired croisera forcément sur sa route des titres plus impactants… Ce qui est déjà le cas dans une sélection lituanienne plus ambitieuse musicalement que le titre de Justé Baradunilaité.

Katarsis – Tavo akys

Voilà les grands favoris de la sélection et autant dire qu’ils n’usurpent pas leur titre. Le groupe Katarsis nous offre ici une plongée dans un rock psychédélique et alternatif qui trouve ses influences dans les sons des années 80-90, dont la description comme « sombre » et « post punk » colle parfaitement au Tavo akys qu’ils proposent pour Bâle. Voilà une expérience hypnotique que nous offre le groupe avec ce titre envoûtant, qui nous plonge dans une atmosphère cinématographique que n’aurait pas renié feu David Lynch. La musicalité relativement linéaire du titre et son univers pourraient laisser certains sur le carreau, mais Tavo Akys possède une telle accroche sensorielle et il est tellement habité qu’il me semble à même de se faire une place sur la scène de l’Eurovision 2025, pour laquelle il représente de loin la meilleure option d’autant plus à la découverte du live de Katarsis.

Petunija – Į saldumą

C’est au son de l’univers indie pop auquel elle nous a habitué que la chamane Petunija se présente ici à nous avec Į salduma. Chamane ? Parce que c’est un véritable voyage initiatique que nous offre l’artiste à travers ce titre envoûtant, dans lequel un son chaleureux joue de ses charmes pour mieux nous ensorceler, sans que nous opposions la moindre résistance. Oui, il y a quelque chose de l’ordre de l’esprit dans cette proposition teintée de touches électro, qui achèvent de nous plonger dans une atmosphère ésotérique.  Į salduma ne laisse pas indifférent, Į salduma est fait de tout sauf de marbre, mais la magie pourrait-elle opérer sur la scène de l’Eurovision ? Faites vos jeux, jouez votre va-tout, quoiqu’il en soit le coup se tente, surtout vu le profil de cette sélection lituanienne. Surtout que le concours a aussi besoin de titres comme celui-là pour élargir son éventail musical.

Sophie Ali – The Bluest Bell

La jeune interprète nous propose une bien jolie ballade pop à la guitare qui, sans bousculer le genre, reste trois minutes douces et agréables à l’écoute. Le titre de Sophie Ali est bourré de charme, et même en restant classique dans son style, il pourrait tout à fait trouver sa place sur la scène du concours… par défaut. Car la Lituanie ne viserait sans doute pas un résultat mirobolant avec une proposition certes charmante, mais une concurrence probablement plus ambitieuse. Ce serait sûrement dommage de privilégier pour Bâle un Bluest Bell là où la Lituanie pourrait s’aventurer sur d’autres terrains, surtout vu le line up exigeant proposé par Eurovizija.LT cette année.

Lion Ceccah – Drobė

Ce visage vous parle ? Normal, puisque derrière l’identité de Lion Ceccah se cache son anagramme Alen Chicco, déjà présent plusieurs fois en sélection avec sa personnalité et son univers détonants, qu’il met une nouvelle fois au jour avec ce Drobé assez indescriptible, pour ne pas dire déroutant pour le commun des mortels. On retrouve à la fois de l’électro, des sonorités traditionnelles, de la pop, des sons contemporains, pour un ensemble qui part dans bien des directions tout en gardant une certaine cohérence. Ne dit-on pas que tous les chemins mènent à Vilnius ? Force est de constater la véritable patte artistique de Lion Ceccah qui, s’il ne représente pas l’option la plus évidente pour Bâle, fait une proposition à l’identité unique, qui bénéficie du charisme d’un interprète habité et déjanté.

Black Biceps – Visaip man reik

Non, c’est non. LT United est un passé révolu dont l’Histoire a tourné la page depuis belle lurette et puissent les sombres heures de la Lituanie à l’Eurovision rester solidement derrière nous. N’essayez même pas de me parler de Zdob si Zdub, je suis encore traumatisé du train dans le coup de 2022. Mes comparaisons peuvent sembler sévères, voire un poil exagérées, mais voilà ce que m’évoque littéralement le titre de Black Biceps : un improbable mix entre les deux, une touche de Freedom Jazz (groupe ukrainien du Vidbir 2019) en plus, un soupçon de folklore à la Emir Kusturica pour relever le tout, un zeste de fanfare dans le schmilblick, et nous voilà empêtrés dans un beau bordel. Ne cherchez pas : Visaip man reik laissera à cette finale le goût d’un digestif trop amer : rien de pire pour conclure un beau menu.

Conclusion

Loreen/Rémi a parlé : comme évoqué en introduction, Eurovizija.LT offre un line up à part entière dans une saison où des sélections très formatées et génériques vont en côtoyer d’autres beaucoup plus singulières, comme c’est ici le cas. La Lituanie incarne une espèce de niche indescriptible sur la planète Eurovision, où des Silvester Belt vont côtoyer des VB Gang ou Hansanova sur la même scène, bien que nos défenseurs des dragons et des arc-en-ciels ne soient pas le meilleur exemple à citer. Eurovizija.LT peut dérouter par bien des aspects, il n’en reste pas moins que depuis 2021, la Lituanie a assuré une série inédite et historique de quatre qualifications en finale consécutives, un top 15 en finale de l’Eurovision systématiquement à la clé – là aussi, un fait inédit et qui n’était pas gagné d’avance, lorsqu’on considère par exemple un Sentimentai. Autant vous dire que le pays balte est déterminé à passer la cinquième ! Mais pour ce faire, quelles options la Lituanie tient-elle à sa disposition cette année ?

À l’issue de l’écoute des 12 titres, une évidence fait jour, et les eurofans ne s’y trompent pas si l’on considère les sondages et les bookmakers : la Lituanie a un atout maître pour Bâle et il porte le nom de Katarsys. Avec Tavo Akys, le groupe continuerait non seulement d’alimenter l’identité musicale singulière du pays sur la scène de l’Eurovision, mais il apporterait surtout une touche unique au concours, avec un rock post-punk alternatif dont les sonorités se font rarement attendre au concours. Un titre ambitieux, captivant, cinématographique, qui pourrait aspirer les européens tout comme il pourrait en laisser d’autres sur le bord du chemin. Mais l’expérience est telle que le pays aurait bien tort de se priver d’un tel atout pour l’Eurovision et de mettre en lumière sa scène musicale actuelle de la sorte, parce que c’est aussi à cela que sert le concours. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que la prestation du groupe est la plus regardée à ce jour parmi les finalistes et que les retours des parieurs et des sondeurs plaident très largement en faveur de Katarsys.

Derrière, la Lituanie a également d’autres options dans sa manche, à commencer par Liepa et Petunija qui, chacune dans leur style, apporteraient la plus-value lituanienne sur la scène de l’Eurovision, chacune dans son style. Peut-être le style de la première est-il beaucoup plus accessible pour le public européen, là où l’aventure hypnotique et ésotérique de la deuxième pourrait en rebuter certains. Il n’en reste pas moins que les deux auraient tout à fait leur place au concours et que la scène musicale lituanienne aurait de quoi être fière d’être représentée par des artistes et des titres de telle qualité. Pour celles et ceux qui préfèrent du plus classique, Noy, Anyanya, Justé et Sophie Ali ne seraient pas des représentants dégradants, mais tout en étant agréables à l’écoute, leurs titres ne tiennent pas une concurrence bien plus intéressante sur le plan musical.

Un bon compromis pourrait toutefois être trouvé avec Gebrasy, l’éternel recalé qui, à défaut de présenter le titre le plus accrocheur à l’écoute immédiate, propose un package contemporain très travaillé et assez épuré qui pourrait séduire. Tout réfléchi, le line up de cette finale ne compte en réalité qu’une seule erreur (hormis la présence de Black Biceps) : l’absence de Rūta Budreckaitė, sèchement éliminée en demi-finale, dont l’ensorcellant Tai kur namai aurait sans doute été mon choix numéro 1 pour l’Eurovision.

Pour le reste, vous avez pu constater que Loreen/Rémi est globalement très enthousiaste sur cette sélection lituanienne 2025. Pourquoi, alors, ne pas élargir la liste des potentiels représentants pour Bâle ? Pour une bonne et simple raison, assez similaire d’ailleurs, à celle du Festival da Canção : il faut saluer l’ambition, la singularité et l’identité de ce cru. Gøya, Lion Ceccah ou Amoralu apportent indéniablement leur patte à la sélection, tout comme ils amèneraient l’Eurovision hors des sentiers battus avec leurs propositions éclectiques. Mais une excellente musique d’atmosphère ne fait pas forcément un bon titre pour l’Eurovision, dans le sens où les impératifs du concours, quoique de plus en plus à rebours des standards et du formatage du passé, ne collent pas forcément avec ce style de chansons. La fameuse accroche immédiate est notamment indispensable pour se faire une place sur la scène de l’Eurovision, et son absence semble rédhibitoire pour envoyer certains titres au casse-pipe du concours, à contrecoeur tant l’exigence et le souci de qualité sont ici au rendez-vous. Là est un peu la limite d’Eurovizija.LT si l’on considère stricto censu son caractère de sélection pour l’Eurovision, mais on sait bien qu’un tel programme (comme le Festival da Canção d’ailleurs) va bien au-delà de ça. Pourvu qu’il garde son âme et qu’il continue d’offrir un tel panorama du paysage musical lituanien !

Et vous, que pensez-vous de cette sélection lituanienne 2025 ? Quel est votre favori d’Eurovizija.LT 2025 ? Dites-nous tout avant samedi soir !

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Lituanie 2025 : quel est votre favori d'Eurovizija.LT ?
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