Certaines Eurostars 2020 ont surmonté bien des obstacles avant de décrocher leur sésame pour l’Eurovision. Leurs rêves ont hélas été brisés au dernier moment, par l’annulation du Concours. D’autres Eurostars ont, elles, été éliminées bien avant cela. Notre ami Pascal leur a déjà rendu hommage dans un bel article. Consacrons celui-ci à la plus mythique, la plus inoubliable, la plus incroyable d’entre elles, celle qui est désormais la reine absolue des multirécidivistes : Aistė Pilvelytė !
Dans ce deuxième épisode, revenons sur ses douze tentatives manquées de représenter la Lituanie à l’Eurovision et comparons ses chansons à celles l’ayant emporté. Embarquons dans notre machine à remonter le temps et repartons droit pour 1999 !
C’était il y a vingt ans déjà. Aistė en a lors vingt tout rond. Après quatre années d’absence, la Lituanie revient à l’Eurovision. La chanteuse, qui étudie encore la communication, l’informatique et le chant, se lance en solo, après avoir été membre d’un groupe composé d’enfants. Elle entre dans l’Euromonde avec fracas, puisque deux de ses chansons sont retenues pour la sélection lituanienne
Des débuts modestes, ceci étant dit. Tylos vėrinys termine neuvième et Nubudusi širdis, onzième. Cette année-là, c’est une autre Aistė qui l’emporte, Aistė Smilgevičiūtė, avec Strazdas. À Jérusalem, elle se classera vingtième.
Aistė laisse s’écouler cinq années et revient en 2004, pour un marathon eurovisionesque. La sélection lituanienne s’est transformée en long fleuve intranquille : six demi-finales, suivie par une grande finale. Aistė se présente à la quatrième demi-finale, avec Amor.
Elle y termine troisième et se qualifie de justesse pour la finale. Là, face à elle, quelques Eurostars lituaniennes connues des Eurofans les plus acharnés : B’Avarija, Rūta Ščiogolevaitė, Indraya ou encore Saules Kliošas. Le vote se termine par un désaccord complet entre le jury (qui plébiscite Rūta) et le public (qui plébiscite de très loin Amberlife – descendu par le premier). Résultat : Aistė termine à une modeste douzième place et Linas & Simona l’emportent un peu par défaut, avec leur What’s Happened To Your Love. À Istanbul, ils termineront seizièmes de la demi-finale.
En 2005, la sélection lituanienne passe à sept demi-finales. Aistė concourt dans la première et y termine première avec I’ll Let You Fly.
En finale, elle retrouve notamment B’Avarija, Vilija Matačiūnaitė et Saulės Kliošas. Suite aux résultats controversés de 2004, la LRT a supprimé le jury, les téléspectateurs lituaniens décident seuls. Après une bataille serrée avec Alanas Chošnau, Laura & The Lovers l’emportent. Aistė termine neuvième. Laura et son groupe s’envolent donc pour Kiev, où ils interprètent Little By Little. Ils y terminent derniers de la demi-finale, l’un des pires résultats de la Lituanie à l’Eurovision.
Aistė, de son côté, monte en puissance. En 2006, elle replonge dans les méandres tortueux de la sélection lituanienne, avec Just For Fun. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Cette année-là, la dite sélection comporte quatre soirées de présélections pour les nouveaux venus. Elle enchaîne ensuite avec trois demi-finales où les survivants sont mêlés aux candidats expérimentés. Faisant partie de ces derniers, Aistė rejoint la compétition à la septième et avant-dernière soirée. Elle termine quatrième de sa demi-finale et se qualifie à nouveau de justesse pour la finale.
Là, un certain sentiment de déjà-vu, puisqu’elle retrouve B’Avarija, Saulės Kliošas et Alanas Chošnau, mais aussi InCulto. À nouveau, le public décide seul. Aistė décroche une belle sixième place, son meilleur résultat jusque-là. InCulto termine deuxième avec l’inénarrable Welcome To Lithuania. La victoire revient à l’une des plus mémorables propositions lituaniennes de l’histoire de l’Eurovision : LT United et We Are The Winners. À Athènes, le groupe termine sixième de la finale, le meilleur résultat jamais obtenu par la Lituanie, encore à ce jour.
En 2007, Aistė entame son âge d’or eurovisionesque. La sélection lituanienne devient baroque avec des quarts de finale séparés pour les artistes inconnus, demi-reconnus et reconnus. Aistė concourt dans cette dernière catégorie avec Emotional Crisis. Elle y termine sixième, mais décroche sa place pour la demi-finale.
Elle y renverse la situation en sa faveur, termine deuxième et se qualifie pour la finale. Après un premier tour de vote de la part du public seul, elle se qualifie pour la superfinale, aux côtés de 4Fun et Rūta Ščiogolevaitė, qui porte son mythique If I Ever Make You Cry.
Après une bataille féroce, Aistė termine troisième ; Rūta, deuxième et 4Fun décroche son ticket pour Helsinki, avec Love Or Leave. Qualifié automatiquement pour la finale de l’Eurovision, le groupe y termine vingt-et-unième.
Arrive 2008. Aistė enchaîne sa cinquième sélection consécutive. Elle obtient un passe-droit et se qualifie directement pour la grande finale, sans devoir subir l’épreuve des demi-finales. Le 2 février, elle y interprète le premier opus de sa trilogie d’argent : Troy On Fire.
Face à elle, Sasha Son et un vaste panel d’inconnus dont l’Euromonde n’entendra plus jamais parler.
Alors que le jury avait été réinstauré pour les demi-finales, lors de la finale, la LRT décide de laisser à nouveau le public lituanien décider seul. La lutte est homérique. Après un insoutenable suspense, Aistė obtient 11.242 votes. Soit 432 de moins que Jeronimas Milius. Sasha Son termine troisième, loin derrière le duo de tête. Aistė s’incline face à Jeronimas qui, à Belgrade, interprète son Nomads In The Night. Il y est sèchement éliminé en demi-finale.
Aistė marque une pause et passe son tour en 2009. Elle repart à l’attaque en 2010. La LRT frôle le retrait, faute de fonds, mais soutenue par un sponsor privé, assure sa participation au Concours. Cette fois, Aistė interprète le deuxième opus de sa trilogie d’argent : Melancolia.
Elle remporte sa demi-finale et retrouve en finale une belle brochette d’Eurostars lituaniennes : Ruslanas Kirilkinas, Monika Linkytė, Evelina Sašenko, Amberlife ou encore Sasha Son. Cette fois, le résultat est déterminé par un vote combiné classique, moitié pour le jury, moitié pour le public. Tous deux attribuent leur deuxième place à Aistė et couronnent unanimement InCulto et son Eastern European Funk. Le groupe part pour Oslo et y est éliminé en demi-finale, terminant douzième, juste derrière Anna Bergendahl.
Après cette deuxième deuxième place, Aistė prend ses distances durant trois années. Elle ne revient à la sélection lituanienne qu’en 2014. Lassée de ses insuccès, la LRT en bouleverse le format de fond en comble. Artistes et chansons y concourent séparément, formule curieuse et inédite. Parmi les candidats en lice, Sasha Son, Jurijus Veklenko, Justinas Lapatinskas, Soliaris, Ieva Zasimauskaitė, Mia, Monika Linkytė ou encore Vaidas Baumila. Aistė est malheureusement éliminée au deuxième tour, après une reprise remarquée d’Euphoria.
Après trois mois et douze soirées aux règles et votes complètement rococo, Attention est sélectionnée comme chanson lituanienne 2014. Trois interprètes s’en disputent l’interprétation lors de la grande finale. Vaidas termine troisième.
Mia, deuxième.
Et c’est Vilija Matačiūnaitė qui l’emporte, à l’unanimité du jury et du public. À Copenhague, elle marque les esprits, mais termine onzième de sa demi-finale, offrant une nouvelle élimination à la Lituanie.
Ce système abracabrantesque est reconduit en 2015, mais abolit en 2016. La sélection lituanienne en revient au système plus classique d’un interprète portant une chanson. La LRT décide cependant de laisser sa chance au plus grand nombre et multiplie les soirées presque à l’infini : huit éliminatoires, une demi-finale et une finale. Aistė se présente cette fois avec You Bet.
Elle remporte sa première, sa deuxième et sa troisième éliminatoire ; termine deuxième de sa quatrième, puis quatrième de la demi-finale. En finale, elle affronte Ruslanas Kirilkinas, Ieva Zasimauskaitė, Rūta Ščiogolevaitė ou encore Erica Jennings, qui termine deuxième avec Leading Me Home.
Aistė termine cinquième et c’est Donny Montell qui s’impose avec I’ve Been Waiting For This Night. À Stockholm, il se qualifie pour la finale et y termine neuvième, le deuxième meilleur résultat de la Lituanie à l’Eurovision.
Aucun répit pour Aistė, qui reprend le chemin de la compétition dès l’année suivante, avec le troisième volet de sa trilogie d’argent : I’m Like A Wolf.
Le chemin est long : dix soirées, truffées de surprises, de rebondissements et de changements non annoncés du règlement. Aistė remporte sa première, sa deuxième et sa troisième éliminatoire. Elle termine ensuite deuxième de la demi-finale et se qualifie ainsi pour la finale. Elle y retrouve Greta Zazza, Gabrielius Vagelis ou encore Kotryna. Après une autre mémorable bataille au télévote, Aistė termine deuxième, concédant la victoire au groupe Fusedmarc et à leur Rain Of Revolution. À Kiev, ceux-ci sont éliminés en demi-finale.
Vous l’aurez noté : à chaque fois qu’Aistė termine deuxième, le vainqueur est éliminé en demi-finale de l’Eurovision. Après deux années loin des lumières de l’Euromonde, Aistė, incapable de renoncer à son rêve, se représente à la sélection lituanienne pour l’Eurovision 2020, cette fois avec Unbreakable.
La chanson polarise les Eurofans et le jury lituanien, mais tous rendent hommage aux impeccables prestations qu’en délivre Aistė. La chanteuse remporte son éliminatoire devant The Roop. Elle termine ensuite deuxième de sa demi-finale, derrière The Roop. En finale, elle conclut son parcours à la cinquième place, derrière Rūta Loop, Monika Marija et Moniqué. The Roop l’emporte avec On Fire, à l’unanimité du jury et après un plébiscite historique au télévote.
Aistė a alors quarante ans, elle participe depuis plus de vingt ans à la sélection lituanienne, sans l’avoir jamais remportée. De son côté, The Roop caracole en tête des sondages et pronostics. Le reste appartient à la légende de l’Eurovision : le monde affronte une virulente pandémie, un tiers de l’humanité entre en confinement, la Lituanie suit le mouvement, ferme ses frontières et interdit tout déplacement inutile sur son territoire, le Concours est annulé pour la première fois en soixante-cinq ans d’existence. Vivement l’an prochain !
(avec la collaboration de Sakis)
Crédits photographiques – gyvbudas.lrytas.lt
Bel hommage à la reine Aiste qui aura bien du mal à réaliser son rêve, surtout maintenant que la Lituanie a le vent en poupe et attire des artistes de plus en plus compétitifs dans sa sélection.
J’ai découvert Aiste en 2016 avec « You bet » où elle s’epoumonait avec élégance.
Mon titre préféré d’elle était « I’m like a wolf « . Cette année là, la LRT s’était vraiment tiré une balle dans le pied en sélectionnant Fusedmarc..