Après une semaine de pause, et alors que le Junior approche à grands pas, l’EAQ se remet parallèlement sur la route d’Eurovision France 2022, cherchant des suggestions à faire à la délégation pour compléter la line up de notre future sélection nationale. Aujourd’hui, c’est à une artiste unique que nous nous intéressons.
L’histoire, à l’instar de bien d’autres, aurait oy être résumée en un seul et unique mot : rencontre. De celle que chantait Christophe dans le velours des Mots Bleus, à la différence qu’il s’agit ici d’une histoire de musique. À moins que le mot envol ne convienne toutefois mieux.
Nous trois ou rien, c’est quelque part le mot d’ordre qui a régi le match à trois entre Kimberly, étudiante en psychologie, Anthony, infirmier urgentiste et Alexandre, pianiste. La première, en voie de reconversion, rencontre le deuxième, qui fait de la musique avec le troisième, devant lequel elle chante. Nous sommes alors au début des années 2010.
Mission
I’m a fool to want you
Pity me, I need you
I know it’s wrong, it must be wrong
But right or wrong I can’t get along
Without you
I’m a fool to want you – Frank Sinatra (1951)
C’est toutefois en solo que Kimberly, d’origine anglaise par son père et ghanéenne par sa mère, fera ses premiers pas dans la musique, encouragée en cela par ses amis. Sans n’avoir jamais pris de cours de chant, elle participe alors aux castings de Nouvelle Star, saison 10, en 2013, où elle séduit le jury qui la qualifie pour les épreuves du théâtre. Après avoir résisté aux différentes étapes de ce moment charnière, elle interprète I’m a Fool To Want Tou de Billie Holiday lors de l’épreuve de la dernière chance. Ce qui lui permet alors d’accéder aux primes sur D8.
Elle reçoit 4 bleus lors du prime inaugural grâce à sa prestation sur Sympathique de Pink Martini, ainsi que la confiance du public, qui la qualifie pour la semaine suivante.
Pour ce second prime, Kim décide d’interpréter You Gotta Be de Dess’ree, et convainc une nouvelle fois le jury, qui ne lui offre cependant que 3 bleus pour un rouge d’Olivier Bas.
Mais le public ne sera pas sur la même longueur d’onde, puisqu’il la place dans le bottom 4 du prime. Le jury se voit offrir la possibilité de repêcher un·e candidat·e, tandis que celle ou celui qui avait reçu le plus de votes du public est invité·e à poursuivre l’aventure. Malheureusement, ce sera la fin de l’aventure Nouvelle Star pour Kim, tenue de rester à quai. Une expérience dont l’artiste, à la culture musicale mêlant Madonna, Whitney Houston, Beyoncé ou encore Britney Spears, affirmera ultérieurement garder un souvenir plus que mitigé.
Passion
Seems like today is just a foggy day
How much longer will your love hide away
Away from you away from me
Maybe I will get a drink
Maybe I walked out a dream
About us, about us, about us, about us
About us, about us, about us, about us
About Us – Kimberose (2016)
Tout juste devenue mère peu de temps avant sa participation au télé-crochet, Kim prend alors une pause vis-à-vis de la musique et suit des études d’infirmière, tout en s’occupant de son enfant. Mais le manque de la musique se fait criant, et affecte son moral. « Tu es un oiseau. Un oiseau, ça chante. Tu ne seras jamais heureuse si tu ne deviens pas chanteuse » lui dit Anthony. Il ne faut alors pas plus d’un an et quelques pour que le trio initial soit rejoint par un bassiste et batteur. C’est ainsi parce que Kimberly ose que naît Kimberose.
En seulement deux semaines, le groupe écrit et compose 50 titres (!), avant de publier son tout premier en 2016. About Us précède ainsi la sortie de leur premier EP, It’s Probably Me, et laisse découvrir un univers musical à l’âme éminemment soul et teinté d’accents R&B, illuminé par le timbre ensorcelant de la chanteuse.
Dans la foulée, le groupe publie également des sessions d’enregistrement réalisées au Palm Studio à Paris. La musique est alors un moyen pour Kim d’essayer d’exorciser ses démons, ses douleurs, ses tristesses, notamment dans son rapport à son père, auquel elle dédie la chanson George (et consacrera d’autres chansons par la suite).
Consécration
I’m back to my old place
I don’t know what’s the cause of this
Maybe it was just time
Maybe we’ll both be fine
Keep calm with this
I’m Sorry – Kimberose (2017)
À l’automne 2017, le groupe est repéré par Fabrice Nataf, producteur de Taratata 100% Live sur France 2. Nagui découvre les premiers morceaux du groupe et les inviter à venir chanter I’m Sorry sur son plateau. Un titre qui aborde le thème de la rupture amoureuse, et le partage des torts qui va avec.
C’est alors le début de la consécration pour Kimberose, qui reçoit dès le le lendemain pléthore de sollicitations et commence rapidement à fréquenter les principaux plateaux télé et radio de France.
Quelques mois plus tard, en 2018, c’est chez le label Six et Sept créé par Pascal Nègre que Kimberose sort son premier album, intitulé Chapter One. Il est notamment porté par une reprise de Where Did You Sleep Last Night ?, un classique de la chanson folk américaine à l’auteur inconnu, mais repris par des artistes aussi divers que Lead Belly, Nirvana ou Brian May. Le titre sera d’ailleurs utilisé dans la bande originale du film Ma fille de Naydra Ayadi, porté par l’acteur Roschdy Zem.
Véritable plongée dans une soul moderne, l’album permet à Kimberley de déployer l’étendue de son talent et de sa voix. Nina Simone, Billie Holiday, Amy Winehouse, Aretha Franklin… D’aucun la comparent à ces légendes de la musique qui ont accompagné les premiers pas de Kimberose, dont elle convoque l’esprit fort et déchirant tout en y apportant de nouvelles énergies et une incroyable vigueur.
L’album est d’ailleurs rapidement suivi d’une édition deluxe, enrichie d’un deuxième disque composé de reprises et de ses premiers enregistrements au Palm Studio. La même année, le groupe propose une reprise de Smile de Charlie Chaplin, notamment interprétée par Nat King Cole.
Ce premier disque sera un véritable succès pour le groupe qui, outre l’approbation de la critique, obtiendra l’onction du public et verra Chapter One s’écouler à plus de 75 000 exemplaires. Une aventure qui sera marquée par une tournée de 120 dates, qui passe notamment par les grands festivals et les salles parisiennes les plus mythiques qui accueillent Kimberose à guichets fermés pendant deux ans.
Émancipation
Back on my feet
I hit the street
I finally found a way out
Back on my feet
I’m off my knees
See I’m only in to break free
Back On My Feet – Kimberose (2016)
En 2020, alors que se profile le contexte pandémique, Kimberose distille sur les réseaux sociaux quelques indices sur son avenir artistique. Nous la retrouvons alors quelques mois plus tard. « La » et pas « les ». Ces dernières années ont permis à la timide Kimberly Rose de trouver enfin la confiance qui lui faisait défaut, suffisamment pour pouvoir accomplir sa passion et se lancer désormais dans l’aventure solo. Ce sera chose faite dès le mois de septembre avec le titre Back on My Feet.
Le titre devient très vite un succès et approche les dix millions d’écoutes sur Spotify. Il annonce la sortie du deuxième album de la jeune artiste pour le début de l’année 2021. C’est ainsi qu’au mois de janvier paraît Out.
Véritable ode à la liberté et à l’émancipation, parfait miroir de l’évolution personnelle de Kim, ce disque est l’occasion d’un virage artistique pour l’artiste. Sans abandonner son identité soul, profondément ancrée dans une voix à laquelle elle ne veut pas être réduite, et qu’on retrouve par exemple dans Keep On Loving, Kimberose diversifie son univers par l’abord de styles qui ont toujours fait partie intégrante de sa culture musicale, comme le hip-hop ou la pop, omniprésente.
Les mots, eux, se veulent le reflet des expériences personnelles de l’artiste, et surtout le récit d’une émancipation. La rupture avec le groupe a été salutaire. Ces années passées ont permis à Kim de grandir, de mûrir, de gagner en assurance, tant sur le plan artistique que personnel. Elle sait où elle va. Elle sait ce qu’elle veut. Elle sait ce qu’elle ne veut pas. Out sonne comme l’occasion de faire son coming out et révéler véritablement qui elle est en tant qu’artiste. De Weak and Ok, qui évoque la dépression, à Sober, qui parle de la relation à l’alcool qui fait parfois office de refuge, Kimberose se livre sur sa vulnérabilité. Mais elle fait des difficultés qu’elle a traversées (et que nous sommes tou·tes susceptibles de traverser) une force pour le présent et l’avenir, vers lesquels sont résolument tournés les textes d’un album empli d’espoir et d’optimisme, là où le premier était plutôt marqué du sceau du passé.
Alors que l’anglais est davantage ancré dans sa culture musicale et son histoire personnelle, Kimberose en profite pour nous proposer L’envie de valser, son premier titre en français, une langue qu’elle appréhende de par sa complexité d’écriture eu égard à son univers musical, éminemment anglophone. Alors pourquoi en français ? Parce que c’est ainsi que les mots sont venus lors du travail en studio avec le pianiste Sofiane Pamart.
En parallèle de l’album, Kimberose s’adonne à des collaborations artistiques de premier plan. C’est ainsi que nous la découvrons en septembre dernier aux côtés de Grand Corps Malade dans Nos plus belles années, un titre issu de la version collector de l’album Mesdames dans lequel le slameur rend hommage aux femmes à travers une série de duos, qui devient l’un des succès de l’automne dans la foulée du carton enregistré par l’album depuis sa sortie (350 000 exemplaires vendus).
Alors qu’Out séduit critiques et public, c’est désormais sur les routes que Kimberose va poursuivre l’aventure de ce deuxième album (qui concourt d’ailleurs pour l’Album RTL de l’année aux côtés d’une certaine Barbara Pravi), avec une tournée 2021-2022 qui doit notamment passer par la Salle Pleyel à Paris le 14 décembre prochain.
Eurovision ?
And now that I’m sober
My temperature’s a little colder
I see it clearly now, I only fell for you
‘Cause I was young, dumb and broken
I hate being sober
My hands are shaking and the nights are lonely
I put my body and my soul through hell for you
Why does it hurt that it’s over?
Sober – Kimberose (2020)
Oui, oui, oui (écouter Kimberose à l’Eurovision) ! Car il suffit de quelques secondes pour être saisi par le talent incroyable. Il suffit de quelques notes pour que, soudain, tout s’arrête, et que votre attention soit exclusivement captée par le timbre unique et la voix envoûtante, qui convoque à juste titre les plus grandes. Univers musical à la culture essentiellement anglophone, dont les ramifications et les héritages restent somme toute assez rares sur la scène musicale française, la soul compte aujourd’hui une nouvelle et digne représentante nommée Kimberose, qui lui offre par la même occasion un souffle nouveau et un vent de fraîcheur manifeste. Si avec son deuxième album, l’artiste a opté pour un univers résolument plus pop, marqué par l’apport de nouveaux styles musicaux, elle ne renie pas pour autant cette marque de fabrique, cet ADN, cette âme si singulière et chaleureuse à la fois, qui s’inscrivent dans une histoire riche dont elle incarne la modernité, les douleurs et la vigueur, le tout sous le sceau de l’espoir. Écouter Kimberose une première fois, c’est accepter qu’elle refuse de nous quitter, telle une petite musique qui tourne au quotidien, et qu’elle ensorcelle nos esprits, emportés par le charme d’une voix extrêmement séduisante et par des qualités musicales remarquables.
Parlons Eurovision. On reprochait jadis au concours de se cantonner à un style « Eurovision » orienté vers une pop formatée exclusivement pour le concours ou, à défaut, vers des ballades plutôt sirupeuses. Une critique à laquelle je n’ai jamais souscrit (même si certaines éditions n’ont pas rendu particulièrement grâce au concours par le passé, et qui mieux qu’un eurofan est mieux placé pour le dire et le savoir). Une caricature qui, retournée dans tous les sens, n’a jamais eu aussi peu de raisons d’être. D’autant plus que les dernières éditions ont marqué l’accélération d’un phénomène : celui de la diversification musicale du concours. Rock, métal, hard-rock, indie pop, électro pop, … La liste des styles ayant plus ou moins récemment réussi à conquérir la scène de l’Eurovision est longue, et il serait bienvenu que la pop-soul rejoigne la liste, elle qu’on n’entend que trop rarement, si ce n’est jamais, au concours. Et si la France avait le bon goût de se choisir un·e représentant·e issu·e de cette famille musicale, qui mieux que Kimberose pourrait en être le fier étendard ? Loin de ne former « qu’une voix », les cordes que l’artiste compte à son arc sont si nombreuses qu’elles tissent quelque chose d’unique, de singulier, de profondément beau, qu’il serait dommage de ne pas partager avec l’Europe entière, qui aurait de quoi tomber sous le charme du talent de Kimberose.
Je ne résiste évidemment pas à l’idée de partager avec une vous une vidéo du concert privé qu’a donné Kim à la Salle Wagram en juin dernier et récemment diffusé sur ARTE.
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Crédits photographiques : page Facebook officielle de l’artiste
Elle a un grain de voix particuier qui se marie bien avec l’anglais. Elle chante peu en français apparemment.
– Ce n’est pas mauvais mais ça reste assez cantonné dans un style musical assez ressemblant et ça me fait l’effet de chansons pas toujours grand public. J’ai de gros doutes que la greffe prenne avec la majorité du public Lambda d’où mon « NON ».
J’aime beaucoup Kimberose pour sa voix puissante et mélodieuse.
Bien que – comme l’évoque Rem_Coconuts – les propositions marquantes à l’eurovision ne répondent plus obligatoirement à une logique formatée (voire sclérosée), j’ai un peu de mal à projeter cette jeune chanteuse dans la logique musicale de ce concours… Mais pourquoi pas, si Kimberorse réussit à faire se rencontrer sa superbe voix avec une chanson percutante en français…