À chaque jour son nouveau bruit de couloir ! Selon un document confidentiel qu’a réussi à se procurer le toujours très renseigné Aftonbladet, la SVT semble vouloir enchaîner les grands coups dans l’organisation de l’Eurovision 2024.

Le document prend l’allure d’un cahier des charges à destination de la future ville hôte, décliné en 123 points édictés sur 14 pages (sur lesquels nous reviendrons dans l’article dédié à la course à la ville hôte), qui n’ont rien de très surprenant ou révolutionnaire jusque-là. Car la véritable information se trouve ailleurs.

Alors que NRK (télédiffuseur norvégien) vient de révéler que des discussions étaient en cours quant au vote des jurys, il semblerait que SVT veuille carrément aller plus loin. Autrement dit : elle envisage de réduire la durée de la finale d’une heure.

Le document diffusé par Aftonbladet évoque des hypothèses de dates (7, 9 et 11 mai ou 14, 16 et 18 mai) et d’horaires pour le concours. Si les demi-finales resteraient diffusées entre 21h et 23h, la finale, quant à elle, se verrait « limitée » à un créneau de 21h à 0h15, soit 3h15 de show !

Aucune précision n’est apportée à ce stade quant aux solutions envisagées pour réduire la durée d’un concours qui n’a cessé de croître ces dernières années, en témoigne l’évolution de la durée de la finale entre 2010 et 2023.

EditionDurée de la finale
20103h20
20113h28
20123h24
20133h26
20143h35
20153h59
20163h52
20173h45
20183h50
20194h11
20213h56
20224h11
20234h14

En treize ans la durée de la finale a augmenté de presque une heure, alors même que le nombre de finalistes n’a pas bougé d’un iota, et que la durée de l’actuelle séquence de vote n’a guère augmenté par rapport à l’ancien système, où les porte-paroles annonçaient les 8, 10 et 12 points du classement combiné de chaque pays.

Depuis hier, l’euromonde s’agite, tandis que chacun y va de ses hypothèses quant aux options que pourrait choisir la SVT pour réduire drastiquement la durée de la finale. Suppression de la parade des drapeaux (pourtant instaurée par les suédois en 2013 et devenue emblématique) ? Révolution de la séquence de vote (l’un des fondamentaux, si ce n’est le fondamental du concours) ? Réduction du nombre de pays finalistes, voire suppression du BIG 5 (au risque de susciter la colère des participants et des plus gros contributeurs – dont la France) ? Raccourcissement des entractes ? De quoi susciter interrogations et inquiétudes chez des eurofans profondément attachés à l’essence du concours.

Au-delà d’un projet caractéristique de réduction de la durée de la finale, et compte tenu de certaines options prises ces dernières années, la Suède souhaite t-elle faire de l’Eurovision un giga Melodifestivalen et une production télévisuelle encore plus formatée, ce au risque du renier les fondamentaux de l’Eurovision et de diluer son identité ?

Au-delà de questionnements légitimes, les solutions pourraient en réalité être plus « simples » qu’on ne le croit.

Depuis une dizaine d’années, la durée de la finale est notamment impactée par un intervalle croissant entre la fin de la dernière prestation et le lancement de la séquence de vote. Alors qu’il ne s’était écoulé qu’à peine plus de 30 minutes entre la fin de la dernière prestation et le début des votes en 2011, il a fallu plus d’une heure (1h03 environ) avant que Tel-Aviv ne commence à dévoiler ses résultats en 2019. Cette année, 50 minutes ont été nécessaires avant que Martin Osterdahl ne donne son feu vert de son inimitable « You’re Good To Go ».

Surtout, le temps de mise en place de certains pays tend à ralentir l’enchaînement du show et force les organisateurs à multiplier les (longues) pauses, ce qui n’est pas sans impacter la durée du programme. À titre d’exemple, alors que la durée moyenne de mise en place entre deux prestations était de 48 secondes à Liverpool en 2023, Loreen a ainsi bénéficié de 5 minutes pour l’installation de son dispositif scénographique … De quoi multiplier les temps de pauses commerciales et des formes d’entractes qui ne disent pas leur nom.

L’une des clés pourrait se se trouver dans une « simple » intensification du rythme du show, là où l’introduction de nouvelles séquences semble avoir de manière surprenante un impact plutôt limité sur la durée du show ces treize dernières années. Ainsi en est-il de l’acte d’ouverture où, avant l’introduction de la parade des drapeaux, les présentateurs mettaient en moyenne 12 minutes avant de prononcer le fameux « Let the Eurovision Song Contest begin » , contre 15 minutes aujourd’hui. Objectons-y les lancements express de Kiev 2005 et Helsinki 2007, soit 7 minutes chrono, mais autre époque, autre concours …

Intensifier le rythme du show en se contentant de limiter la durée des séquences ou d’en supprimer peu sera t-il suffisant pour répondre aux objectifs de la SVT ? Difficile à dire. Quoiqu’il en soit, limiter le programme à une durée de 3h15 (soit la durée de la finale 2009 à 25 participants) pourrait difficilement faire l’économie de décisions drastiques de la part du télédiffuseur organisateur, à même d’accroître notre vigilance.

Vectrice d’une influence sans nom sur l’organisation du concours (qui plus est avec un suédois au poste de superviseur exécutif …),, la SVT paraît plus déterminée que jamais à laisser son empreinte durable sur l’Eurovision, dont la Suède est aujourd’hui l’incontournable bastion.

Crédits : Chloe Hashemi | UER