Hier soir, la rédaction a regardé attentivement le Jury Show – ou plutôt Evening Preview Show dans sa dénomination officielle et en l’absence de jurys autres que ceux de secours -, durant lequel les quinze artistes de la demi-finale 1 et trois finalistes d’office ont performé. On vous dit tout !

Ouverture

Une ouverture de feu et d’eurostars vous attend avec Eleni Foureira qui foulera la scène en premier avec Fuego, avant de laisser place à Eric Saade et son Popular, puis à Chanel en SloMo. Tous trois laisseront ensuite place à Malin Akerman et Petra Mede pour lancer le show, expliquer la procédure de vote et ouvrir officiellement l’Eurovision 2024.

Cartes postales

Pour chaque pays, la carte postale démarre par une mapemonde, sur laquelle est réalisé un zoom sur le pays concerné. Après la diffusion d’extraits de deux prestations iconiques du pays à l’Eurovision, une ancienne et une nouvelle, on retrouve l’artiste en train de se filmer dans son pays, dans une mosaïque d’images façon Fotojet où il est entouré d’éléments de la culture locale. Sur le fond visuel de l’édition, l’artiste apparaît ensuite en gros plan entouré de son nom.

01 – Chypre | Silia Kapsis – Liar

Sur un fond vert d’eau, nous retrouvons la benjamine de l’édition 2024 entourée de ses quatre danseurs, qui font tomber le tee-shirt à la fin de la prestation. Si l’efficacité est saluée, ainsi que la performance vocale de Silia, l’ensemble apparaît comme trop simple et basique par rapport au potentiel d’un titre certes formaté. Une prestation qui manque d’envergure, tout en restant une bonne option d’ouverture de show.

02 – Serbie | Teya Dora – Ramonda

Le titre n’avait déjà pas fait l’unanimité au sein de la rédaction, et il semblerait que ce soit toujours le cas ce soir. La prestation vocale de Teya Dora est parfaite et elle sublime le délicat Ramonda du haut de son rocher artificiel, noyée dans un nuage de fumée sur fond de rivières et de montagnes. Seulement, la serbe s’inscrit dans une première moitié de tableau où elle précède un enchaînement diabolique, tandis que les trois minutes voient se succéder trop de plans larges là où le caractère intimiste de la chanson en appelle des resserrés. Quelque chose de l’envoûtement du Pesma Za Evroziju s’est évaporé dans la Malmö Arena …

03 – Lituanie | Silvester Belt – Luktelk

Plongée dans l’atmosphère clubbing électro-pop vintage avec Silvester Belt et ses danseurs, dans une ambiance teintée de rouge (surtout) et de bleu (parfois) électriques. Outre le caractère addictif et entêtant de Luktelk. l’artiste lituanien assure sa performance et accroche indéniablement le téléspectateur avec son titre entraînant et loin de tout formalisme.

04 – Irlande | Bambie Thug – Doomsday Blue

Il est LÀ le CHOC de cette première demi-finale ! Doomsday Blue a pourtant de quoi cliver son auditoire et complexifier l’union par la musique appelée par le slogan du concours. Mais quand lae sorcier·e Bambie Thug surgit sur scène, tout s’arrête et se suspend le temps d’une prestation captivante, déconcertante, diabolique, dont la réalisation confère au sublime maléfique ou au maléfique sublime. Plus qu’une prestation, un véritable acte artistique qui ne laissera personne indifférent, tandis que même les non-adeptes pourraient se laisser posséder par l’incarnation de Bambie. Et s’il était là, le Dark Horse de l’édition 2024 ?

F – Royaume-Uni | Olly Alexander – Dizzy

Le héros de It’s A Sin avait promis une mise en scène très gay, et force est de constater qu’il ne nous a point menti sur la marchandise. Entouré de ses quatre danseurs boxeurs vêtus de shorts et de jockstraps, Olly s’adonne à une chorégraphie à la tonalité sexuelle, mais la clé de la performance réside plutôt dans la réalisation spectaculaire. Plongé en immersion dans un vestiaire-club des années 80 perdu dans une lointaine galaxie, le spectateur ne verra le public qu’à la fin de la prestation, qui le reconnectera au présent après avoir été soufflé par la prouesse technique trois minutes durant. Une prestation qui fera assurément date dans l’histoire du concours, au-delà d’un titre très bien porté par son interprète.

05 – Ukraine | Alyona Alyona et Jerry Heil – Teresa & Maria

Les bookmakers ont beau laisser l’Ukraine dans le rouge, ce n’est pas du tout le ressenti ici, où le pays pourrait bien crier Winner vibe au consensus dans un concours très ouvert. La prestation se déroule ici en trois temps, avec tout d’abord Jerry Heil, qui s’avance seule dans une atmosphère teintée de la couleur sable. Elle grimpe sur une pente et cède ensuite la place à Alyona Alyona pour la partie rappée, dans des teintes noires et grises où la caméra exécute des mouvements comme impactés par des pas lourds, les cubes LED affichant des silhouettes et des ombres. Le duo se rejoint ensuite pour le final, concluant un tableau impactant qui confirme le talent de l’Ukraine dans les scénographies, mais aussi dans ses artistes et ses propositions musicales.

06 – Pologne | Luna – The Tower

Luna, reine d’une partie d’échecs avec deux tours géantes et trois danseurs vêtus de costumes figurant des … tours : voilà le concept de la scénographie polonaise, à la fois attrayant et pas complètement convaincante. Si l’artiste assure clairement ses meilleures prestations vocales depuis le début de son marathon Eurovision, la scénographie surchargée et parfois ridicule (le cheval …) pourrait bien transformer la partie d’échecs en échec tout court.

07 – Croatie | Baby Lasagna – Rim Tim Tagi Dim

Le grand favori sur le pont de l’Eurovision avec une prestation dans la droite lignée du Dora, mais en version nettement améliorée, tant dans l’aisance vocale et scénique de Baby que dans le rendu global rock’n folklore. Un ensemble indéniablement efficace, qui ambiancera le public et imprimera dans son esprit un rythme entraînant et entêtant. De là à décrocher la victoire ? Pas de Winner Alert à l’EAQ, à rebours des bookmakers qui donnent désormais 28% de chances de victoire à la Croatie et de l’Audience Poll du Jury Show auquel Baby Lasagna a écrasé la concurrence (plus de 37% des votes). Pas dit toutefois que les jurys nationaux soutiennent en masse la proposition croate …

08 – Islande | Hera Björk – Scared Of Heights

De retour sur la scène de l’Eurovision quatorze ans après, la reine Hera n’a rien perdu de son Je Ne Sais Quoi qui lui confère quelque chose de spécial, à savoir un indéniable talent de performeuse. L’artiste islandaise transcende son titre et essaie de lui donner une envergure là où celui-ci souffre tout de même de faiblesses structurelles et d’une réelle concurrence. Il n’empêche : quoiqu’un soupçon kitsch dans son exécution, la vibe disco prend plutôt pas mal et nous plonge dans une ambiance sympathique et dansante, à laquelle il manque toutefois un soupçon de modernité.

Séquence hommage à Ingmar Bergman avec un extrait du Septième Sceau sur fond d’Arcade de Duncan Laurence et Fanny & Alexandre sur fond de Dancing Lasha Tumbai de Verka Serduchka.

F – Allemagne | Isaak – Always On The Run

Dans une structure métallique où il figure au coin du feu avant qu’elle même ne s’enflamme, Isaak déroule sa prestation vocale, et confirme qu’il n’a nul besoin d’un tel decorum inutile pour servir son talent. Le rendu visuel n’est pas mal en soi, mais on a l’impression que la délégation allemande a voulu meubler pour meubler, sans parler des choristes façon années 90-2000. Diffcile pour l’Allemagne d’échapper au Bottom 5, voire à la dernière place, même si certains prédisent le soutien des jurys.

09 – Slovénie | Raiven – Veronika

Sur le strict plan de la prestation artistique, Raiven et ses danseurs du ballet de l’opéra de Ljubljana nous offrent un moment de grâce, tant ils épousent à la perfection l’âme de Veronika. Quid de la scénographie qui partage pile ce but ? Là demeurent les interrogations, qui plus est avec la difficulté de restituer un univers aussi onirique et fantasmagorique sur scène. Si l’intention est là trop de plans larges et des jeux de lumières beaucoup trop clairs ne nous connectent pas complètement à l’ensemble et en rompent une partie du charme, qui opère toutefois à plus d’un titre.

10 – Finlande | Windows95man – No Rules

Il est là le Joke Act de l’année. La prestation finlandaise est un vaste bordel et c’est ainsi que l’assume Windows95man : sans queue ni tête. Mention spéciale aux techniques cache-sexe (même si l’attribut de Teemu est tout de même dissimulé derrière un string couleur chair) et à l’overdose de jean qui parsème la performance. Pour le reste, tout n’est que célébration du slip et fête du slibard sans queue ni tête, dans la droite lignée de la prestation de l’UMK (à laquelle celle de l’Eurovision est en tout point similaire) et devrait évidemment engranger de nombreuses voix au télévote.

11 – Moldavie | Natalia Barbu – In The Middle

Pour son grand retour à l’Eurovision dix-sept ans après Helsinki, Natalia Barbu se retrouve bien seule en scène, pile au milieu de la salle, vêtue de sa robe blanche et armée de son violon comme seul compagnon de route dans un décor kitsch, où des papillons volent au-dessus des arbres tandis que l’eurostar moldave arpente un parterre de fleurs. Un visuel certes plus réussi que celui de la polonaise Blanka l’année dernière – difficile de faire pire -, mais qui tranche avec la concurrence, à l’instar d’un titre peu compétitif. Dommage : le talent de Natalia – qui assure très bien son titre – mérite une proposition à sa hauteur.

F – Suède | Marcus & Martinus – Unforgettable

Place aux locaux de l’étape, touche futuriste de l’édition, qui évoluent dans un système métallique parsemé de jeux lumières néons. Assurément télégénique, imparable d’efficacité au niveau d’une scénographie extrêmement réussie et contemporaine, mais c’est être focalisé sur le visuel au détriment de la chanson, plus oubliable que son intitulé, et d’une prestation très vocodée. Malgré son artificialité, le tout fonctionne cependant et devrait garantir à la Suède son top 10 habituel.

12 – Azerbaïdjan | Fahree ft. Ilkin Dovletov – Özünlə Apar

Les chances de qualification de Fahree et Ilkin sont sur le papier minimes, pour ne pas dire infimes. Passé inaperçu en fin d’hiver, Özünlə Apar recèle pourtant de sonorités azéries traditionnelles jamais entendues jusqu’alors au concours, là où le pays privilégie d’habitude des suédoiseries sans âme. De l’âme, il y en a dans la prestation du duo, qui évolue dans un décor parsemé de noir, de gris et de blanc, dans une atmosphère tout aussi mystérieuse et envoûtante que la créature qui y apparaît, le tout collant parfaitement à l’authenticité de la chanson. De là à créer la surprise dans cette première demi-finale ?

13 – Australie| Electric Fields – One Milkali (One Blood)

Si une prestation devait résumer le slogan United By Music, ce serait assurément celle d’Electric Fields. Hymne à la diversité et aux fiertés, One Milkali (One Blood) est porté avec énergie par le duo australien, ses danseurs et le musicien au didgeridoo, invitant ainsi le public à faire communauté et à ne plus être qu’un. Trois minutes de couleurs et de pétillant que nous pourrions finalement bien retrouver en finale, le rendu télévisé accrochant bien le téléspectateur, sans parler des plans magnifiques sur les visages des chanteurs. On est en tout cas plus enthousiaste qu’escompté sur la prestation australienne !

14 – Portugal | Iolanda – Grito

Elle est là, la claque de la seconde moitié de show. Avec un titre pourtant non dénué de qualités, mais sans doute pas le plus fort de ce cru, Iolanda et ses danseurs vont au-delà du potentiel de Grito grâce à une mise en scène à la fois intense et élégante, et pas surfaite pour un sou. Dans un environnement blanc et noir où les cubes LED sont baissés pour un rendu intimiste, la représentante portugaise impose silence et respect dès ses vingt secondes d’a cappella en ouverte, pour ensuite dérouler le fil de sa démonstration artistique. Initialement en lutte pour les dernières places qualificatives, le Portugal pourrait finalement se qualifier plus facilement que prévu et, si tel est le cas, compter sur le vote des jurys en finale.

15 – Luxembourg | Tali – Fighter

Last But Not Least, nous retrouvons nos amis luxembourgeois avec Tali et Fighter, dans un environnement teinté d’or et de feux, où des graphiques de fauves guère du meilleur goût surgissent à moment donné de la prestation pour illustrer le propos. Il s’agit ici d’un point de détail dans une prestation aussi charmante que la proposition qu’elle illustre, où l’artiste livre sa meilleure performance vocale de la saison entourée de ses danseurs. Sera-ce néanmoins suffisant face à la concurrence, qui plus est en français et pour un micro-Etat ? Rendez-vous ce soir pour le savoir.

Période de vote et entracte

À l’issue de la prestation de Tali, Malin et Petra reviennent sur scène pour ouvrir la période de vote d’un « Europe Start Voting Now » qui lance en parallèle le premier recap.

On retrouve ensuite la légende Johnny Logan entourée d’un petit orchestre symphonique, non pour interpréter ses titres vainqueurs comme on s’y serait attendu, mais pour une reprise d’Euphoria de Loreen.

Après un magnéo d’ameublement sur le Turquoise Carpet (raté) en mode défilement d’images tout droit sorti d’une chaîne câblée américaine dédiée à la mode, on nous présente brièvement les seize artistes en lice lors de la demi-finale 2 et les trois membres du BIG 5 qui y interprèteront leur chanson.

Nouveau magnéto sur les prestations iconiques du concours, avant de laisser place à la nouvelle star suédoise et ancien représentant au concours (en 2018 à Lisbonne), alias Benjamin Ingrosso. Non dénué de talent et d’énergie à revendre, le jeune homme livre un medley à la tonalité vintage et rétro, entouré de choristes et danseurs aux tenues évoquant les années 70. Un entracte qui nous laisse l’impression d’une longue séquence promo destinée à meubler à défaut d’incarner véritablement quelque chose, là où Rotterdam et Liverpool débordaient d’énergie créative.

Un dernier magnéto pour la route, ce n’est jamais trop, et place désormais à un hommage aux 61 langues ayant déjà été utilisées à l’Eurovision à travers des prestations là aussi iconiques (Croatie 2006, Finlande 2010, etc.).

Les résultats

Nous retrouvons ensuite Malena et Petra au desk, presque aussi grand que la scène (et je fais à peine mon marseillais) pour l’annonce des résultats. Quelques échanges avec Martin Osterdahl qui de son traditionnel « You’re good to go ! » lance la procédure et donne le feu vert de la révélation aux présentatrices, qui révèlent alors les dix qualifiés factices du Jury Show.

Dévoilée tout en haut du grand écran LED, la Green Room disposée en gradins laisse voir les 15 délégations attendre le résultat. Pour chaque pays qualifié, un zoom est réalisé sur la réaction de l’artiste, tandis qu’à droite apparaît un extrait vidéo de la prestation.

À l’issue de la révélation des dix qualifiés, un récap est diffusé, avant que Malin et Petra ne concluent la demi-finale et que la caméra file le long de la rambarde de la Green Room pour filmer les visages des dix finalistes.

L’avis de la rédaction

Le rendu visuel de la scène et les jeux de lumière sont époustouflants. Le dispositif scénique fera date dans l’histoire du concours, et offre un rendu salle et télévisuel exceptionnels. À contre-temps des bookmakers et de l’Audience Poll, la Croatie ne suscite pas d’alerte victoire chez nous, et les jeux nous semblent plus ouverts que jamais. Si un cercle fermé nous semble quasi assuré de franchir l’étape de la demi-finale 1, ils seront nombreux selon nous à lutter pour décrocher un accessit pour la grande finale de samedi, et on pourrait avoir des surprises ce soir au moment de la révélation des résultats. La rédaction s’est néanmoins prise au jeu des pronostics, et à l’issue de cette seconde répétition générale, les voici :

Chypre, la Lituanie, l’Irlande, l’Ukraine, la Croatie, la Slovénie, l’Australie, la Finlande, le Portugal et le Luxembourg

Si la scène fait l’unanimité, tout comme aucune fausse note n’a impacté les prestations sur le plan vocal (ce qui est assez rare pour être souligné), on aurait cependant pu s’attendre à mieux sur certains points. Magnétos expédiés, cartes postales tournées à l’économie budgétaire et comme montées sur Canva, entractes certes efficaces mais dénués de créativité, … Pour le bastion de l’Eurovision, il y a de quoi être déçu par la manière dont SVT expédie bien des aspects du concours 2024, tant dans la production télé que dans l’organisation sur place.

Rendez-vous ce soir à la télévision, sur la chaîne YouTube officielle de l’Eurovision ou encore sur notre compte X pour suivre la demi-finale 1 de l’Eurovision 2024 !