Anggun l’a souvent répété. Pour elle, l’Eurovision, c’est les Jeux Olympiques de la chanson. Elle en est tellement persuadée qu’elle s’est inspirée de cette idée pour sa chorégraphie sur la scène de Bakou.

Alors que la flamme de Londres s’apprête à rendre l’âme, on peut se poser la question de savoir s’il existe des similitudes entre les JO et l’Eurovision. Et en se penchant sur l’histoire des deux événements, on peut presque parler d’un «destin similaire».

D’abord, les Jeux de l’ère moderne ont débuté dans la quasi indifférence, au printemps 1896 à Athènes. Pas de serment, pas de flamme, pas de mascotte. Seuls 14 pays y ont participé. Aujourd’hui, on en dénombre 204.

Pour l’Eurovision, c’est pareil. En 1956, 7 pays avaient répondu présent pour ce qui apparaissait alors comme un simple télé crochet. Aujourd’hui, on est proche des 45 nations.

Au fil du temps, les deux compétitions ont évolué, les passions se sont enflammées jusqu’à muer ces rendez-vous en «événements incontournables».

Mais la comparaison ne s’arrête pas là. Tous deux ont connu les mêmes galères, et pendant la même période.

Début des années 80, l’absence de sponsors étouffait les organisateurs. En 1982, l’Allemagne était le seul pays à déclarer vouloir organiser l’Eurovision. Et ça tombait bien, puisque cette année là, nos voisins avaient gagné. Les difficultés financières étaient également de mise aux JO. Le gouffre financier qu’a représenté (et représente encore maintenant) les jeux de Montréal en 1976 ont considérablement freiné l’envie d’organiser la compétition sportive. Si bien que pour 1984, un seul pays s’est porté candidat : Los Angeles.

Cette année-là marque un tournant dans l’histoire des JO. L’Amérique de Reagan organise des jeux commerciaux financés pour la première fois par le secteur privé, avec à la clé une cérémonie d’ouverture grandiose de plus de quatre heures retraçant l’histoire des Etats-Unis. Une véritable réussite et, pour la première fois, les jeux ont dégagé un bénéfice (150 millions de dollars).

Pour l’Eurovision, il faudra attendre 1987 pour que l’UER consente à l’apparition de sponsors. Une véritable bouffée d’air pour les télévisions organisatrices qui commençaient à peiner sous le poids financier du Concours.

Alors bien sûr, le mode de financement n’est pas le même pour les JO et pour l’Eurovision. L’événement sportif se chiffre en milliards, celui de la chanson en millions. Et pour ce dernier, les dépenses sont engagées principalement par les chaînes de télévision.

Le destin similaire se poursuit de nos jours. En 2008, les Jeux se déroulent à Pékin. En 2012, l’Eurovision plante son décor à Bakou. Deux villes, deux pays qui ont en commun les mêmes problèmes : les droits humains et la liberté de la presse n’y sont pas respectés. Et, connexion supplémentaire, ces deux nations ont consacré à leurs événements respectifs un budget pharaonique sans précédent.

Malgré toutes ces similitudes, ira-t-on jusqu’à dire que l’Eurovision s’assimile de plus en plus à un sport ? Certes, l’effort physique d’un athlète n’a rien à voir avec celui d’un chanteur, et les stars de l’Eurovision ne passent pas un contrôle anti-dopage après leur prestation. Mais notre Concours, c’est une compétition. On parle désormais de demi-finales et de finales, deux termes qu’on utilise en sport. Et que dire de certaines sélections marathon (Melodifestivalen, Melodi Grand Prix…) qui s’apparentent de plus en plus à un championnat national ?

De nos jours, les hordes de fans brandissant le drapeau de leur pays ont remplacé dans les tribunes les officiels guindés qui applaudissaient les chansons du bout de leurs doigts gantés. Et le gagnant du Concours brandit un drapeau de son pays lorsqu’il revient sur scène, un peu comme un athlète lorsqu’il fait son tour d’honneur dans un stade.

Quoiqu’il en soit, Jeux Olympiques et Eurovision ont un point en commun qu’on ne peut en aucune façon contester : ils rassemblent les peuples. Au-delà du sport, au-delà de la musique… n’est-ce pas ce qui est le plus important ?