C’est bientôt la fin pour 2024 et qui dit fin d’année, dit Top 10 des rédacteurs. L’ensemble des rédactrices et rédacteurs vous présentent le classement de leurs dix chansons préférées voire coups de cœur issues du concours « adulte » mais aussi du concours junior et même, pourquoi pas, des sélections nationales pour cette année 2024. Et aujourd’hui, c’est au tour de Juliette de partager le sien.

Ah, 2024… Année compliquée, émotionnellement parlant. J’en garde un souvenir contrasté. De bonnes chansons, mais une ambiance toxique au possible, et une partie des Eurofans en roue libre, utilisant des causes légitimement importantes pour justifier leurs comportements les plus détestables. En cette veille de Noël, où bonheur et joie règnent, je souhaite que 2025 soit plus calme, plus apaisée, et que les artistes n’aient pas à subir les foudres d’une meute en furie pour un oui ou pour un non.

Ceci étant posé, il est temps de passer à mon top 10. Il a été pour le moins coton à réaliser, car presque toutes les chansons de ce concours portent la marque de mon abattement; chacune m’évoque le craquage mental qui m’a assailli après l’Eurovision 2024, me faisant presque douter de rester Eurofan. Alors j’ai décidé de revenir à l’époque ou tout allait encore à peu près bien (Notez le « À peu près »). Les finales nationales. Ce top 10 ne sera composé que de chansons issues des sélections, parce qu’une fois la saison Eurovision passée, ce sont elles que j’ai le plus souvent écoutées. Et puis c’est l’occasion, comme à mon habitude, de remettre en avant des pépites trop vite oubliées.

10) Islande – Bashar Murad – Vestrid Villt – Songvakeppnin 2024

Je n’ai pas reconnu le Songvakeppnin cette année. Où était passée ma chère sélection si indie, si discrète? Rien n’avait d’âme, rien ne sortait du lot, à part cette chanson. « Vestrid Villt« , qui m’a plu de suite par son ambiance minimaliste mais diablement accrocheuse. Le morceau n’aurait sans doute pas eu beaucoup de chances de se qualifier (et s’il y était parvenu, ça n’aurait pas été pour les bonnes raisons), mais ç’aurait été bien plus honorable que cette horrible relique Eurodance d’un autre âge (Pardon, Hera, je me suis emportée… Remarque, ce n’est pas la dernière fois que ça arrivera dans ce top). Le morceau aurait pu être beaucoup plus haut (car je l’ai beaucoup écouté), seulement je ne lui accorde que la 10ème place pour avoir choisi d’interpréter le morceau en anglais s’il gagnait (En Islandais c’était bien plus classe, que Diable !), et pour les polémiques infinies et les dramas inutiles qui ont davantage concerné les origines de l’artiste plutôt que son talent musical.

9) Portugal – Leo Middea – Doce Misterio – Festival da Cançao 2024

À l’inverse de la stellaire édition 2023, le Festival da Cançao 2024 m’a laissée un peu sur le carreau. De bonnes chansons, mais rien de réellement marquant. Sauf cette jolie envolée brésilienne signée Leo Middea, qui vous emmène en voyage et vous donne envie de tropiques et de chaleur. Vocalement comme musicalement, le titre m’a immédiatement évoqué Voyou (artiste français qui m’est cher, vous le savez). C’est dansant, c’est coloré, tout en gardant cette classe indicible qu’on ne retrouve qu’au Festival da Cançao. Moi qui ne croyait pas en ses chances en dépit de l’avoir pour gagnant, j’ai été bien heureuse qu’il se place si haut en finale. Les Portugais ont beaucoup de goût (mais ça, ce n’est plus à prouver depuis maintenant plusieurs années !).

8) Ukraine – Yagody – Tsunamia – VIDBIR 2024

Dès l’annonce des participants et la découverte des chansons, on savait d’avance que c’était plié pour Alyona et Jerry (avec raison et mérite). Cependant, pendant longtemps, j’ai cru à une victoire surprise de ce morceau épique aux sonorités si typiques, qui me donne des frissons à chaque écoute. Le morceau n’aurait pas démérité je pense. Une troisième place (comme celle obtenue par « Teresa & Maria » à Malmö) aurait été facilement atteignable je pense. On connaît tous le talent des Ukrainiens, qui savent à merveille mettre en valeur leurs contributions par des mises en scène des plus soignées. En ce moment, Yagody est en course dans la wildcard qui permetra à un seul parmi les candidats restants de la shortlist d’accéder à la finale du VIDBIR. J’espère les revoir, et que leur chanson sera tout aussi impactante.

7) Allemagne – Ryk – Oh boy – C’était quoi déjà, le nom de cette NF ?

Ah, l’Allemagne, l’Allemagne… Cette année, c’était déception sur déception. Une NF oubliable, une fausse rumeur cruelle, et même pas de JEREMIAS à l’horizon (Bon, ça, j’aurais dû m’en douter, mais on ne m’ôtera pas de l’idée qu’un jour on les verra à l’Eurovision. Il le faut !)… Rien n’allait, vraiment! Et ma seule lueur d’espoir fut balayée d’un souffle, comme la flamme d’une bougie qu’on éteint, plongeant la pièce dans le noir absolu. « You and I » fait partie de mes classiques; c’est une des premières chansons de finales nationales qui ait fait autant battre mon coeur, et j’étais bien contente de revoir Ryk. Le voilà de retour avec ce « Oh Boy » électrisant qui m’évoqua instantanément « Retrograde » de James Blake (Si vous ne connaissez pas, écoutez vite ce titre, c’est une merveille). Il était le favori des fans, tout semblait bien parti, et… Eh bah non. Quand ça veut pas, ça veut pas. Le voilà qui arrive troisième, encore. Comme en 2018. Si Isaak a apporté une 12ème place assez surprenante (et particulièrement rageante quand on pense que Lord of the Lost aurait mérité un top 10 l’an dernier), les regrets subsistent de mon côté. J’attends toujours de l’Allemagne qu’elle se montre vraiment (et qu’elle envoie enfin de l’Allemand, bon sang !). Avec Stefan Raab aux manettes pour 2025, et plus de 3000 contributions reçues, opter pour la facilité de la pop radio-friendly serait impardonnable. Il est temps que l’Allemagne se secoue les plumes. Si l’Irlande a pu le faire cette année, pourquoi pas eux ?

6) Espagne – St. Pedro – Dos Extraños (Quarteto de cuerda) – Benidorm Fest 2024

Du Benidorm 2024, j’ai presque tout oublié. Même la chanson gagnante (qui n’a pas duré dans ma playlist une fois l’Eurovision fini). Tout, sauf une chanson. Un bolero tout en douceur, en élégance, en sobriété, en retenue (ce dont on manquait un chouilla avec « Zorra« . Juste un chouilla). C’était un moment suspendu comme je les aime, qui nous enveloppait dans sa chaleur et son romantisme mélancolique. Avec son charme sud-américain, « Dos extraños (Cuarteto de cuerda) » aurait joué quitte ou double. C’était soit top 10, soit bottom 5. Mais peut-être aurait-il mieux valu, avec le recul, faire bottom 5 avec le pari de la tradition; j’aurais tellement aimé entendre le silence dans la Malmö Arena, subjuguée par cet instant unique.

5) Norvège – Farida – Heartache – Melodi Grand Prix 2024

Et oui. Votre chère Juliette n’aime pas que des grandes propositions élégantes et artistiques. Il m’arrive aussi de succomber au charme d’un morceau bien basique, générique au possible, pompier à souhait dans sa construction. « Heartache » vous attrape l’oreille par sa rythmique sautillante, et ne vous lâche plus d’une semelle. C’est cela qui a capturé mon attention, précisément. L’organisation bancale des demi-finales (Quelle idée de mettre presque tous les favoris dans la même demi?!), et la fâcheuse tendance des Norvégiens à voter uniquement pour les trois derniers du running order dans chaque demi aura été fatale à cette très bonne chanson pop, qui aurait mérité au moins la finale. (Je cherche toujours à comprendre comment « Speak tenderly to me » a bien pu lui chiper la place). Et encore! On n’a pas évoqué le plus grand vol du Melodi Grand Prix. Soyez patients, on y viendra (et j’aurai des choses à dire !).

4) Italie – Annalisa – Sinceramente – Festival de Sanremo 2024

Le voilà! Le voilà enfin! Le superbe, le grandiose, l’indescriptiblement génial Festival de Sanremo! Cette année était phénoménale de par sa qualité. Dites-vous que j’écoute encore les 30 chansons en course, sans exception, tant elles m’ont suivi partout. J’ai même eu, je dois le dire, beaucoup plus de plaisir à suivre le Festival de Sanremo que l’Eurovision! La techno engagée de Dargen D’Amico, le girl-bop de Clara, la belle ballade de Diodato, le disco enflammé des Kolors, les Santi Francesi et leur indie-pop d’une classe folle, Geolier qui donne un coup de jeune au Napolitain, Ghali plus fort que jamais… Il était magique, ce Sanremo ! Magico ! Fantastico ! Bellissimo ! Objectivité zéro! Parmi toutes ces merveilles, il y avait bien sûr Annalisa et son « Sinceramente » qui a enflammé les foules. De la pop italienne comme seuls eux savent a proposer, avec ce soupçon de prestance qui n’appartient qu’à eux. Impossible de ne pas remuer frénétiquement les épaules au son de ces « Quando quando quando » obsédants, ou de hurler à pleins poumons les « Sinceramente tuaaaaaaaaaaaa » du refrain. C’est la pop que j’aime, celle qui ne va pas dans la facilité tout en restant bougrement accessible. Viva la regina, viva Annalisa !

3) Italie – BNKR44 – Governo Punk – Festival de Sanremo 2024

Juste derrière Angelina Mango dans mon classement du Sanremo, ils étaient là. Avec leur belle énergie et cette chanson qui n’a pas fini de me mettre de bonne humeur. « Governo Punk » est passée inaperçue, mais pas chez moi. Oh non. Avec ses touches brit-pop et ses références à Blur et à Queen, c’était le cocktail parfait pour que je succombe à la tornade. Et ça n’a pas loupé. C’est dans ces moments-là que je me dis que les morceaux de ce genre manquent quand même à Sanremo. Un petit soupçon de rock et de pop anglaise ne feraient pas de mal… (D’ailleurs, message aux organisateurs de Sanremo : prière d’inviter Damiano David en co-animateur d’une des soirées de 2025, grazie mille !). Le temps des doléances étant passé, enchaînons avec le top 2, et attention, je risque de m’énerver. Beaucoup…

2) Norvège – Mileo – You’re Mine – Melodi Grand Prix 2024

UN SCANDALE !!! UN VÉRITABLE SCANDALE À ABSOLUMENT TOUS LES NIVEAUX !!! OUI J’ÉCRIS EN MAJUSCULES POUR BIEN APPUYER MON AGACEMENT !!! « You’re mine » avait tout pour se démarquer. Une chanson très marquante avec une mélodie accrocheuse et une construction pop classique mais redoutablement efficace (qui n’est pas sans rappeler les grands succès d’Ava Max). Un storytelling plus qu’audacieux. Se mettre dans la peau d’un Yandere (c’est-à-dire un personnage si follement amoureux qu’il est prêt à tous les extrêmes pour l’autre. C’est assez courant dans les mangas.), fallait oser. Je ne suis pas du tout fan de ce genre de personnages en général, mais Mileo le portait à merveille, et puis au moins ça change des paroles creuses qui font rimer « Fire » avec « Desire » et « Pain » avec « Rain ». Mais voilà. Les Eurofans (ceux de Twitter, en tous cas) sont pour la plupart jeunes, et peu informés des plus anciennes années du concours. (Je vous jure ! Y en a même qui pensent que l’Eurovision n’existe que depuis 2010. Si on leur propose de regarder les éditions d’avant les années 2000, ils partent en syncope !). Ils ne savent pas que « La source » a existé. Que dès 1956, Fud Leclerc se mettait dans la peau d’un homme qui préfère la mort plutôt que sa vie misérable. Ils ont oublié que, oui, on peut jouer un personnage horrible en musique, et ne pas être en accord avec les actes dudit personnage. (Imaginez si Nick Cave cautionnait les actions de ses murder ballads !). Ils ont oublié qu’un an avant « You’re Mine« , SZA cartonnait dans le monde entier avec « Kill Bill« . Elle aussi jouait les Yandere, chantant gaiement qu’elle voulait tuer son ex par dépit amoureux (et on se doute bien qu’elle jouait là un personnage, ça tombe sous le sens). Bref : les Eurofans ont eu une perte de mémoire collective, et c’est tombé sur Mileo. « C’est quoi ces paroles ? », « Qui a laissé passer ça ? », « Chanson honteuse », « Ça devrait être disqualifié », « Comment on peut chanter ça en 2024 », « Ça n’a rien à faire à l’Eurovision », « Ça glorifie les relations abusives », « Mileo est un abuser » (je n’ai pas réussi à traduire convenablement; c’est le mot anglais pour désigner une personne horrible qui maltraite les autres), « C’est une chanson misogyne » (Commentaire hors de propos puisque la cible du Yandere dans le titre est un homme, mais le quiproquo a longtemps perduré sur le fait qu’il s’agissait d’une femme)… Voilà les commentaires qu’ont dégainé les haters, qui se sont employés à mener une véritable guerre contre le morceau. Sur Twitter, aimer « You’re mine« , c’était équivalent à être considéré(e) comme un(e) criminel(le). Cette polémique (qui a même fait l’objet d’une question pour Mileo lors du MGP), sans compter la répartition déséquilibrée des demis, plus le fait de passer dans les trois premiers, c’était le cocktail parfait pour un résultat injuste. Hors Twitter (là où la polémique n’a pas fait rage), tout le monde s’accordait sur une chose : c’était un vol. Un vrai, en bonne et due forme. Mileo aurait dû passer en finale (et, de mon point de vue, il aurait dû représenter la Norvège. Même si « Hulveham » était un superbe choix, j’aurais aimé voir cette folle histoire de Yandere prendre vie sur la scène de Malmö; il y aurait eu de quoi attirer l’œil du public). Je ne peux espérer qu’une seule chose. Que cette expérience ne froisse pas Mileo. Qu’il retente l’aventure Norvégienne. Ou bien que l’Australie (sa deuxième patrie) ne lui tende la main.

Allons bon. Je ne peux tout de même pas terminer ce top sur de la colère et des regrets. Achevons ce classement en douceur, voulez-vous?

1) Lituanie – April Frey – New Years – Eurovizija.LT 2024

Évidemment, c’est la tradition. On termine ce top avec un titre que tout le monde a oublié. (En même temps je vous comprends. Une demi-finaliste parmi tant d’autres dans la flopée de chansons proposées chaque année par la Lituanie, qui irait s’en souvenir ?) Et elle aurait également pu tomber dans mes oubliettes personnelles s’il n’y avait pas eu ce petit truc en plus : une ressemblance vocale frappante. Fermez les yeux… Écoutez bien… Ne croirait-on pas entendre Billie Eilish ? Même musicalement, la talentueuse américaine aurait pu créer une ballade aussi feutrée, seulement teintée de piano.
Enfin, Juliette, c’est bien mélancolique comme chanson. C’est ça, ton numéro 1 ? Tu veux plomber l’ambiance ?
Et pourquoi pas ? Après tout, je suis quelqu’un de mélancolique. Et ce top ne l’est-il pas, au fond ? Teinté de la nostalgie d’une année un peu volée, où les drames du monde ont pris le pas sur la musique ?
Alors oui. Ce numéro un est mon moyen d’exprimer à la fois ma tristesse sur l’année écoulée, mon besoin terrible de douceur dans toute cette violence et cette agressivité, et mon espoir de connaître une nouvelle année, un peu moins tourmentée. « New Years« , nouvelles années. Je n’ai pas choisi ce titre par hasard, vous pensez bien. Alors merci, April Frey, d’avoir composé, avec cette chanson, la bande originale de mon cœur qui guérit, petit à petit.

Ce top est maintenant terminé. Quels ont été vos titres préférés parmi ceux cités ? Il me tarde de lire vos avis sur ce top qui sera je l’espère, une année encore, hors des sentiers battus.


Passez un bon réveillon, un joyeux Noël, et que 2025 soit douce.


Musicalement,


Juliette.

Crédit photo : EAQ

Crédit vidéos : chaînes Youtube des chaînes publiques nationales sus-citées