Здрастуйте !

À la (pile) veille d’une finale nationale ukrainienne qui aura davantage suscité les passions par un récent passé (hashtag Kom Zu Mir, Kom Zu Mir, Pom-Pom-Pom) mais qui, rassurez-vous, ne semble pas de sitôt prête à rompre avec le saint précepte de l’eurodrama, Loreen a fait le tour des forces en présence. Par la voix de son auteur (dont l’avis n’engage que lui-même), elle s’apprête donc à vous livrer son verdict.

Artiste et chansonCommentairesLoreen
Cloudless – All Be AlrightUn titre pop-rock dans la veine de ce que l’Ukraine nous propose régulièrement dans ses sélections nationales. All Be Alright est agréable à l’écoute, de facture très correcte et possède un refrain plutôt mémorable. Néanmoins, la proposition ne me semble pas à la hauteur des attendus d’un concours international d’envergure. Sentiment de déjà vu et entendu, absence de renouvellement des codes du genre, composition beaucoup trop simple et légère, … Un an après le grand retour de l’Ukraine dans le top 5 du concours, je loin d’être persuadé que ce titre soit le mieux placé pour permettre au pays de viser une nouvelle fois les hauteurs du classement.


Michael Soul – Demons

Attention, performance sur scène légendaire à prévoir. Du moins est-ce là une manifestation de mon intuition à la découverte du clip et des mimiques du chanteur, dont les talents de tragi-comédien semblent aussi remarquables que son titre. Dire ainsi que ces Demons là me laissent circonspect est un doux euphémisme. Alors, oui, une fois de plus, on aura entendu pire et il est fort probable que l’on entende pire, mais l’interprétation très théâtrale de la chose et la composition assez aléatoire de l’ensemble ne me semblent pas refléter le meilleur goût de la scène musicale ukrainienne actuelle. Alors, Michael, qui est le démon l’un de l’autre ici ?



Our Atlantic – Moia liubovLa voix du chanteur n’est pas des plus agréables à mes oreilles (et plus on avance dans la chanson, plus cela se confirme, particulièrement au tout début du refrain, qui me fait particulièrement tressaillir de peur pour le live), mais sur le pur plan musical, ce Moia Liubov à la tonalité vintage assumée me plaît plutôt pas mal. Sans atteindre la qualité des artistes cités en suivant, le titre respire par bien des accents un mix entre l’univers électro-alternatif de Metronomy et la pop-nu-disco des français·es de L’Impératrice, ce qui est non seulement pour me séduire, mais également apporter une petite plus-value à la ligne musicale de l’Eurovision 2022. Même si l’ensemble gagnerait clairement à un surcroît de force et de marquant … et que je tremble à l’idée d’entendre le chanteur en direct …

Barleben – Hear My WordsMichał Szpak n’est pas très loin, mais il reste heureusement à 783 kilomètres de Kiev (et seulement 1h35 de vol direct pour 120€). Si je devais résumer cette ballade exclusivement assurée au piano et plutôt bien portée par son interprète, je dirais que la production des bientôt quinquagénaires Feux de l’amour n’aurait pas foncièrement rejeté l’instru si elle n’avait pas tenu son célèbre générique en stock. On tient ici la ballade la plus classique de l’Univers, peut-être même l’une des moins actuelles de la scène musicale internationale, et il suffit d’assouplir ses narines pour respirer le délicat parfum de kitsch et de suranné noyé dans des océans d’amour, gloire et beauté. Bon, dans le style (que j’espère assumé par l’équipe de la chanson), ça fait plutôt correctement son job, et l’ensemble reste relativement digne … mais pas au point de faire s’enjailler Loreen, il ne faut pas déconner. Espérons que le preux Barleben – figure chevaleresque à mi-chemin entre Jerominas le Lituanien et son homologue polonais précédemment cité – reste gentiment sur le quai du Vidbir. Peut-être qu’en année hors Zdob di Zdub, la Moldavie n’aurait pourtant pas dit non, à y regarder de plus près…

Alina Pash – Tini zabutykh predkivOn me dit dans l’oreillette que Jamala figure dans le jury et que sa pancarte 12 points est déjà sortie de dessous la table (à condition qu’Alina et la Russie ne soient pas trop potos). Tini zabutykh predkiv est très significative de l’évolution du rapport de l’Ukraine à son passé et du déplacement de la question sur la scène musicale (eurovisionesque). On pense inévitablement à 1944 pour le texte et la noirceur de l’Histoire tragique, on pense à Go_A pour l’alliage du traditionnel et du contemporain (même si ce n’est pas ici le marqueur principal). C’est ainsi tout cela que mêle et assemble l’excellente Alina Pash dans sa saisissante proposition. Certes, je ne suis pas certain que le titre tournerait en boucle dans ma playlist Spotify, et on s’inscrit ici dans une claire continuité (si ce n’est accentuation) des trips nationalistes du pays. Mais l’Ukraine tient indéniablement ici l’une de ses propositions les plus fortes et les plus impactantes pour Turin, si ce n’est LA. Et Alina ne nous a pas encore livré sa prestation live…

(Commentaire écrit avant la sortie de la polémique Alina et le drapeau russe)



Kalush Orchestra – StefaniaDeux ans après la première sélection de Go_A en 2020, voici une nouvelle caution « mix tradi-moderne » du Vidbir 2022. Une caution qui a le mérite d’exister – et que toute bonne sélection nationale qui se doit serait censée idéalement proposer au public -, mais qui n’est pas franchement des plus marquantes à plus d’un titre. Ici, les sonorités « traditionnelles » sont mêlées à un espèce de rap pour la partie « moderne », ce qui nous donne un ensemble certes tout à fait convenable … mais c’est tout de mon côté. Car Stefania manque d’impact, de force et de solidité dans sa production et sa composition, pour lesquelles un revamp me semble indispensable. Il permettrait assurément de solidifier considérablement la chose. Mais stratégiquement parlant, vouloir rejouer la carte du mix tradi-contempo à la Go_A avec une proposition nettement inférieure sur le plan qualitatif n’est-il pas la pire des idées ? Paraît-il en tout cas que Kalush Orchestra figure parmi les favoris : soit.

ROXOLANA – GirlzzzzOn revient ici à la pop pure mêlée de sonorités ethniques dans ses ponts (récente évolution des standards ukrainiens en termes d’Eurovision, qui livrait avant 2015 des propositions très efficaces mais beaucoup plus formatées). Livrée avec un clip volontairement inclusif (grâce à une traduction simultanée en langue des signes), Girlzzzz est une proposition assez radio-friendly de très bonne facture, tant au niveau de la composition, très solide, que de son habile mélange des langues et des sonorités. À voir ce que cela rendra sur la scène du Vidbir (le live radio tenait en tout cas très bien la route), mais l’Ukraine serait probablement bien avisée de piocher du côté de ROXOLANA pour la représenter sur la scène du PalaOlimpico au mois de mai prochain.


Wellboy – Nozzy BossyDernière chanson à avoir vu sa vidéo publiée (ces dernières 24 heures précisément), Nozzy Bossy n’est pas sans rappeler la rap-pop orientale, une nette touche parodico-gag ajoutée à l’ensemble. Léger dans tous les sens du terme, agréable sans relever du chef d’oeuvre, point du potentiel eurovisionesque le plus ouf sur le papier (quoiqu’avec une scéno sympa sait-on jamais…), le titre de Wellboy est plutôt plaisant à l’écoute, bien que force et solidité ne forment pas d’évidents points forts de prime abord. Il n’en reste pas moins que la proposition s’avère sympathique à bien des égards, et apporte sa petite touche à la sélection ukrainienne 2022 sans se prendre la tête et s’assumer comme telle.

L’avis de Rémi

Euphoria ? Pas vraiment. Réputée comme l’une des sélections les plus intéressantes et diversifiées de la saison, force est de constater le Vidbir ne tient pas toutes ses promesses cette année. S’il faut continuer à souligner la belle diversité des propositions (dont aucune n’est le copycat de sa voisine – ce que certains diffuseurs gagneraient à imprimer), et si l’intérêt reste quand même de rigueur, l’ensemble est néanmoins de facture beaucoup trop inégale et, qui plus est, dénuée DU titre pour imprimer suffisamment ce cru global 2022.

Plusieurs choix s’offrent à l’Ukraine pour Turin, sans que la seule, l’unique, l’évidence n’émerge réellement. Il y a les options à laisser gentiment à la maison, de la ballade classico-mielleuse-Color Of Your Life à la pop tragico-théâtrale aux accents de tragédie pop. Il y a celles honnêtes, plaisantes, amicales, mais pas réellement de taille à affronter un concours d’envergure internationale, puisse t-il s’agir d’un rap-pop-gag orientalesque à une pop-rock déjà largement vue et entendue en passant par une agréable rétro-pop dont les risques ne sont pas à exclure sur le plan vocal. Et puis il y a celles qui se démarquent réellement, au point de pouvoir permettre à l’Ukraine de se distinguer sur la scène du PalaOlimpico.

Ces deux-là sont pourtant fort différentes, pour ne pas dire opposées, mais l’une comme l’autre s’inscrivent clairement dans la modalité « Elles ou rien ». Je parle évidemment d’Alina Pash, avec sa puissante ballade ethnique et de Roxolana avec sa pop ukraino-internationale, qui me semblent de loin les propositions les plus solides pour défendre les couleurs de leur pays à Kiev. Deux risques toutefois : pour la première, celle de la redite d’un registre nationaliste de plus en plus prégnant pour le pays (à mon avis gommable par la puissance annoncée du live), et pour la seconde, celle de trouver titres davantage taillés sur sa route (mais elle tiendrait à mon sens pas trop mal la concurrence). Reste la troisième voie, du moins celle qui semble séduire assez largement à mon exception : Kalush Orchestra. Avec un solide revamp, pourquoi pas. Pour les raisons que j’ai toutefois exprimées dans les commentaires, je ne suis pas du tout persuadé que ce soit une bonne voix stratégique après que la déferlante Go_A ait ébloui l’Europe. Qu’ils démentent toutefois mes a priori si, d’aventure, les ukranien·nes décidaient de les envoyer à l’Eurovision.

Du coup, qu’en pense t-on de votre côté, cher·es lecteur·rices ?

Ukraine 2022 : quel est votre titre préféré du Vidbir ?
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À demain fin d’après-midi pour suivre ensemble la finale tant attendue du Vidbir 2022 !

Crédits photographiques : UA:PBC