Les linottes mélodieuses nous l’avaient bien chanté : voici venu le temps du calme après la tempête. Oui, voici venus les mois d’été, vacances pour les uns, désert musical pour les autres, les fanatiques de l’Eurovision les seuls à attendre avec impatience le premier septembre, date officielle de lancement des festivités.
Comment combler ces mois, ces semaines, ces heures qui nous séparent de l’instant X, celui de l’ouverture de l’inénarrable plate-forme musicale de la télévision suisse ? Eh bien, en suivant les conseils de nos saints tutélaires, Saint-Benny et Saint-Björn, et en rouvrant ce fameux livre d’histoire sur l’étagère, celui qui se répète sans cesse : le grand livre d’histoire de l’Eurovision.
Replongeons-nous ensemble dans les riches heures du Concours, revivons les moments anthologiques, les prestations éblouissantes, les instants iconiques, revisitons les soixante années d’histoire de l’Eurovision sous forme de listes et de classements. Suivez le guide !
Aujourd’hui et en l’honneur d’une certaine demoiselle : les cinq drag-queens les plus marquantes.
5. 1986 – Norvège – Ketil Stokkan – Romeo – 12e place
Pour nos amis belges, 1986 évoque évidemment Sandra Kim et la seule victoire à ce jour de leur pays. Les autres se souviendront que cette année-là, le Concours fut organisé pour la première fois par la Norvège Le pays hôte fut représenté à Bergen par le vainqueur du traditionnel Melodi Grand Prix, Ketil Stokkan et une chanson narrant ses tentatives malheureuses pour séduire l’élue de son cœur. Ketil interpréta son Romeo, accompagné de deux danseurs, curieusement déguisés à la mode du XVIIIe et chargés d’une étrange chorégraphie : Olav Klingen et Jonny Nymoen. Et c’est à ce dernier, travesti en marquise, que revint l’honneur de devenir la première drag-queen de l’histoire du Concours ! Avouez qu’un instant, vous avez cru qu’il s’agissait de Ketil lui-même…
4. 2007 – Danemark – DQ – Drama Queen – 19e place en demi-finale
En 2007, les résultats du Dansk Melodi Grand Prix causèrent quelques surprises aux observateurs et aux fans. Des seize actes sélectionnés en demi-finales, huit allèrent en finale. Des huit autres éliminés, deux furent repêchés par décision du public. Le premier fut Jørgen Olsen, membre des Olsen Brothers, vainqueurs en 2001, et le second, Peter Andersen, plus connu sous le nom de son alter ego féminin, DQ. Lors de la finale, DQ s’imposa de façon inattendue et obtint ainsi le droit de représenter son pays à Helsinki. Hélas, elle eut beau changer deux fois de costume durant sa prestation, s’agiter dans des plumes et des diamants et promouvoir l’industrie dentaire, elle fut sèchement éliminée en demi-finale, ayant à peine récolté quelques voix de sympathie de la part des autres pays scandinaves. Comment dit-on, en danois, « Mon dentiste est riche » ?
3. 2002 – Slovénie – Sestre – Samo ljubezen (Rien que de l’amour) – 13e place
Seize ans après les sautillements de Jonny Nymoen à Bergen, la scène de l’Eurovision vit les drag-queens revenir par la grande porte. En 2002, la Slovénie se fit représenter par le groupe Sestre (les Sœurs), composé de Miss Marlena (Tomaž Mihelič), d’Imperatrizz (Damjan Levec) et de Daphne (Srečko Blas). Ces trois délicieuses hôtesses de l’air suscitèrent une immense controverse dans leur pays d’origine. Suite à un problème technique lors de la finale de l’EMA, le télévote slovène, qui avait été remporté par Karmen Stavec, fut annulé. Seuls les votes des jurys furent pris en compte et accordèrent la victoire à Sestre. L’opinion publique slovène s’en émut, la protestation fut relayée par les activistes anti-gays et tout ce ramdam déboucha sur des manifestations, puis des contre-manifestations, dans les rues de Ljubljana. Le Parlement slovène se saisit de la question, avant qu’elle ne rebondisse au Parlement européen. La controverse retomba d’elle-même, après le Concours. Qui a dit « beaucoup de bruit pour rien » ?
2. 2007 – Ukraine – Verka Serduchka – Dancing Lasha Tumbai – 2e place
2007 passera à l’histoire comme l’année des deux drag-queens, bien que toute la lumière se soit concentrée sur la seconde, l’ukrainienne Verka Serduchka. De son vrai nom Andriy Danylko, Verka enflamma l’atmosphère du Concours, de sa sélection par la télévision ukrainienne jusqu’à l’obtention de sa deuxième place, et même par-delà, lors de certaines interviews « délicates ». Certains parlementaires ukrainiens la traitèrent de « grotesque et vulgaire » et des politiques russes crurent entendre dans le refrain de sa chanson, un appel à rompre les liens séculaires entre l’Ukraine et la Russie. L’ambassade de Mongolie à Moscou leur vint en renfort, spécifiant que « lasha tumbai » ne signifiait rien en mongolien et ouvrant un boulevard à l’hypothèse du « Russia Goodbye ». Sept ans plus tard, Verka continue à diviser l’opinion : symbolise-t-elle un archétype éternel ou un stéréotype fâcheux du Concours ?
1. 2014 – Autriche – Conchita Wurst – Rise Like A Phoenix – 1ere place
Qui d’autre ? Qui d’autre que Conchita aurait pu recevoir le titre de drag-queen la plus mémorable de l’histoire du Concours ? Ne fut-ce que par sa victoire, l’émotion suscitée, les remous internationaux conséquents et l’entrée dans la mêlée de stars telles que Cher, Julio Iglesias et Lady Gaga. Que dire sur Conchita que vous ne sachiez pas ? Héroïne de la cause pour les uns, Antéchrist réincarné pour les autres, « Zizi l’impératrice » pour les Guignols de l’Info, la poupée barbue a d’ores et déjà marqué l’Eurovision de son empreinte. Impossible de l’arrêter désormais…
Notre liste s’arrête ici et n’aurait pu être prolongée. Car voici un de ses curieux enseignements : en soixante ans, le Concours n’a connu que cinq actes travestis et demeure donc loin des clichés du genre. Pourtant, lorsque vous croisâtes Madame Michu, à l’épicerie du coin, au lendemain de la victoire de Conchita, elle vous assena un magistral : « Moi, d’façon, j’regarde p’us l’Eurovision ! C’est que travelos et compagnie ! » C’est qu’une fois encore, Madame Michu parlait d’un sujet qu’elle ne connaissait pas… Ah, si toutes les Madame Michu du monde lisaient ce site !
Bonus
Un cas qui aurait pu figurer dans ce classement, suscite débat. Nous parlons de Carlotta Rivelo, « la grande diva Carlotta Rivelo » comme la présenta Helga Guitton. Elle fournit le numéro d’entracte de la dix-huitième édition du Concours, qui eut lieu à Luxembourg, le samedi 7 avril 1973. Il s’agissait en réalité du célèbre clown Charlie Rivel. Un homme déguisé en clown déguisé en cantatrice, est-il une drag-queen ? À vous de juger !
Petite précision: la langue de la Mongolie est le mongol. Un mongolien appartient à un tout autre domaine.
Article intéressant, cependant, pour moi, Conchita Wurst représente bien plus qu’un travesti à barbe, c’est aussi une chanteuse qui de la voix, une véritable artiste contrairement aux autres qui se sont essayés à l’Eurovision.
On ne parle pas de Dana International, car c’est un transsexuel,, pourtant la confusion existe encore en 2014, la preuve, le commentateur suisse Jean-Marc Richard n’a pas su faire la différence lors de la DF et la finale, en qualifiant Conchita de transsexuelle ! Encore un qui devrait se renseigner avant de dire des inepties !!