Enfin ! À la veille de la demi-finale du Malta Eurovision Song Contest, Loreen s’est enfiiiiiiin décidée à livrer son avis sur les vingt-deux forces en présence. Oui, vingt-deux, comme le nombre de kilomètres que parcourt l’interminable playlist. On n’est certes pas dans un marathon à l’israélienne (dans lequel il y avait cependant du talent à revendre), mais … Bref, vous le comprenez d’ores et déjà : Loreen exprimera d’elle-même la voix de son auteur afin de préciser la délicate situation musicale de la sélection maltaise 2022. Autrement dit : attachez vos ceintures, car la maxime « ces avis n’engagent que leur auteur » n’a peut-être jamais eu autant de raisons d’être.

Tu as la flemme de te faire les 22 titres (sachant pertinemment que …) ? Ce recap est fait pour toi ! (N.B. : ce top 22 est celui d’ESC Ukraine, pas le mien)

Artiste et chansonCommentairesLoreen
Nicole Hammett – A lover’s heartUn espèce de mix pop-opéra à la Elina Nechayeva, mais n’est pas notre eurostar estonienne qui veut. A Lover’s Heat part dans tous les sens et souffre d’une production plus que largement perfectible, tout comme la composition gagnerait à plus de rythme. It’s My Life version Roumanie 2013 (que, comme vous le comprenez à présent, je vénère chaque jour encore plus neuf ans après) n’est pas excessivement loin. Pour ne pas dire qu’il n’est qu’à quelques encablures.
Jessica Grech – AphrodisiacDiscount, définition : rabais sur un prix, ou magasin où l’on pratique des prix bas. Si le producteur de Jessica Grech s’appelait Aldi, il n’a visiblement pas tenu à faire de cadeau ni à son artiste, ni au public qui aura le loisir de découvrir ce chez d’oeuvre de l’histoire de la musique maltaise. Plus insipide qu’aphrodisiaque en somme (ce à quoi n’aurait pas foncièrement dit non le haut du panier de feu la sélection nationale biélorusse nonobstant).
Janice Mangion – Army Mouais … Mouais… Oublions Kewkba 2017, rangeons nous telle une armée et marchons, marchons, qu’un sang … Stop. Fin du délire. Janice Mangion nous propose donc ici une ballade pop de facture correcte au demeurant et nul doute qu’elle la portera très bien sur la scène du MESC. Si, niveau production, on est dans l’un des titres les plus quali de la sélection, pour le reste, je ne suis guère emballé par cette espèce de ballade en mode Dark Disney filant la métaphore guerrière trois minutes durant. Mais ça reste passable à l’écoute.
Denise Mercieca – BoyBon, dans ce tsusami de … faible qualité (dirais-je poliment), Boy reste l’un des titres à la production des plus correctes, pour ne pas dire convenables. On est loin de l’exceptionnel et je n’en ferai certainement pas un hit, loin de là, mais bon, l’ensemble présente quand même une jolie rythmique et un côté entêtant toujours bienvenu lorsqu’il s’agit de rendre un titre mémorable, sur la scène de l’Eurovision et ailleurs.
Matt BLXCK – Come AroundUn titre pop-RNB qui se veut jouer sur les codes américains, mais en version production locale. Autrement dit, la décence fait qu’il vaudrait mieux que Come Around ne soit jamais publiquement confrontée à ces tubes en lesquels son producteur espèce trouver des pairs qui n’en sont objectivement pas. Il n’en reste pas moins qu’en dépit de quelques faiblesses sur le plan de la compo et d’une interprétation clairement exagérée qui s’annonce mythique jeudi soir, la chanson reste clairement l’une des propositions les plus sympathiques et les plus pêchues du circuit de cette sélection maltaise 2022. Ou du moins de celles qu’on retient le plus, fut-ce pour de bonnes ou de mauvaises raisons.
Baklava Ft Nicole – Electric IndigoSi pour la première fois de l’histoire, j’avais à mettre 3 Loreen en PLS, je pense que Baklava (comme le célèbre gâteau oriental) aurait pu largement décrocher le pompon, et je dis ça sans avoir assisté à la prestation scénique qui s’annonce du meilleur goût. Je ne sais pas si l’Indigo est aussi électrique que le bleu n’est une couleur chaude (hashtag La Vie d’Adèle), mais je suis en tout cas certain que la recette du Gloubi-boulga n’est pas la meilleure invention culinaire qui ait pris racine sur Terre, n’en déplaise à ce pauvre Casimir.
Sarah Bonnici – HeavenOn passe heureusement à quelque chose de plus serein pour les tympans avec ce titre pop-soul qui, en vrai, propose de bonnes idées initiales promptes à lui conférer un joli potentiel. Dommage que la qualité très approximative des arrangements nuise à un ensemble qui aurait pu virer au « pas mal ». Néanmoins, un revamp pourrait rimer avec une séance de musculation musicale salvatrice : je dis ça, je dis rien.
Richard Micallef – Hey LittleLe revenant Micallef nous revient avec un titre pop-folk dans la droite lignée de son univers. Hey Little n’est pas exceptionnel en soi, mais il reste simple, efficace, et surtout (largement) l’un des titres les mieux fichus et les plus « solides » de la sélection. Peut-être même l’un des seuls à pouvoir offrir de petites perspectives de finales à Malte…
Norbert Bondin – How special you areLe titre se fait démonter dans bien des top 22 du MESC et j’avoue avoir du mal à saisir cette sévérité. La faute au désespoir musical peut-être, je ne sais pas, à moins que je n’ai tout simplement un avis différent de la majorité. Le tout est que (promis, j’accouche) … Ok, les paroles sont ce qu’elles sont. Ok, dans la catégorie ballade classique, pleine de bons sentiments, etc etc, on. l’archétype parfait. Ok, l’air de déjà vu est tellement gros que même le sapin de Jeff Koons paraît petit à côté. Néanmoins, ça passe plutôt bien chez moi. Quoiqu’à la réflexion, je me dis qu’on n’est pas très loin de The Best In Me …. À chaque fois j’ai compris.
Derrick Schembri – IINiveau arrangement, ce n’est ni de première fraîcheur, ni de premier choix. Musicalement, on a clairement connu mieux, même si quelque chose me dit que ça aurait pu faire son petit effet il y a quelques (grosses) années. Il ne m’en reste toutefois pas moins plutôt léger et sympathique dans la catégorie pop maltaise ET en langue maltaise s’il vous plaît. Je l’aurais entendue durant un trajet en bus entre Mdina et la San Julian’s Bay que j’aurais bien kiffé mon petit moment.
Nicole Azzopardi – Into The Fire« Je ne suis jamais tombée pour cette illusion parfaite »

Ça tombe bien, moi non plus.

« Jusqu’à ce que je te rencontre, mon coeur était en sécurité« 

Bah moi c’étaient surtout mes oreilles.
Jessika Muscat – KaleidoscopeRendez-moi la Jessica de l’époque Fandango ! La supra multi-récidiviste du MESC (9ème participation !) ne s’est visiblement pas remise de passage par Saint-Marin, dont elle a hérité la qualité de son défaillant Kaleidoscope visiblement déniché à l’occasion des soldes. Principe de base durant cette période jadis bénie des consommateur·rices : acheter en solde ne signifie pas forcément faire une bonne affaire. Quelle idée absurde de se ramener avec un kaléidoscope en même temps …
Miriana Conte – Look what you’ve done nowNouvel exemple des limites de la production de cette sélection maltaise. Avec son côté pop-RnB (et probablement son interprète), Look What You’ve done Now présente un certain potentiel et s’avère loin d’être désagréable à l’écoute. Le titre se défendrait encore moins mal si on lui conférait le gros soupçon de caractère qui lui fait défait. La solution miracle porterait le délicieux nom de revamp.
Emma Muscat – Out of SightEmma nous propose ici une ballade pop de jolie facture et de bonne production, ce qui est plutôt espèce rare dans cette sélection maltaise. Même si elle gagnerait à un soupçon de plus mémorable et de lisibilité dans la composition, Out of Sight se défend plutôt très bien dans cet ouragan de médiocrité (ça y’est j’ai prononcé le mot interdit) et pourrait être l’une des rares options (la seule ?) que le pays pourrait prendre afin de tenter d’exister à Turin.
Raquel Galdes Briffa – Over YouLe texte, le texte, le texte … Dire que Malte est loin d’avoir embauché la crème des auteur·rices-compositeur·rices est un doux euphémisme, et cela se vérifie une nouvelle fois. Bon, on a connu pire, et l’ensemble reste très écoutable rapporté à la globalité de la sélection insulaire. Ce qui fait plus que sous-entendre qu’on a connu mieux … surtout avec les arrangements de la seconde moitié, qui nuisent clairement à la chanson. Mais bon, mention passable vais-je dire.
Jade Vella (Giada) – REVELACIÓNOubliez La La Land et laissez place à Na Na Na Land ! Dommage que le refrain à ces pauvres onomatopées à la fois guilty pleasure et détestées des eurofans, car le titre tient plutôt bien la route eu égard aux standards de ce MESC. Là où les refrains offrent clairement un potentiel exploitable, le bien faible refrain nuit grandement à la qualité d’un ensemble pourtant très correct.
Francesca Sciberras – RiseRise est plutôt joli à l’écoute et le titre de la chanson colle bien à la performance vocale de la version studio. Couplets et refrains bénéficient d’une production tout à fait convenable et d’un bon crescendo. Dommage que le tout soit d’un classique sans nom et sente le réchauffé à plein nez.

P.S. : trop de beat tuent le beat. Car Love n’est pas forcément On The Beat.
Aidan Cassar – RitmuAidan nous sort là un Ritmu en mode Summer Hit qui respire le soleil et la chaleur accablante de Malte. En soi, rien de bien exceptionnel dans ce petit titre qui se veut et s’assume comme léger. Il n’en reste pas moins que l’ensemble est loin d’être désagréable et qu’il s’avère même très plaisant pour un road-trip sur la route du petit port de Marsaxlokk, à défaut d’être réellement compétitif. Et en langue maltaise qui plus est.
Mark Anthony Bartolo – SerenityPfff … Ça passait en première écoute, mais en nouvelles écoutes 225 chansons après le début de la sélection, on touche à l’exaspérant. La guitare, l’amour, la ritournelle sous le balcon, etc. ça va trente secondes, mais n’est pas Tom Dice et encore mois Ed Sheeran qui veut. Passe sur la place principale de Buggiba un soir d’été caniculaire … et encore.
Enya Magri – ShameL’une des rares chansons à laquelle je pourrais adjointe le qualificatif de « bien ». Dans le sens où c’est ce qui reflète la qualité des couplets et la facture globale de ce titre pop qui, une nouvelle fois, n’est révolutionnaire à aucun point de vue, mais se révèle agréable à l’écoute. Avec un refrain davantage musclé et quelques petites finitions, Shame pourrait voir sa petite efficacité très bien accomplie.
Malcolm Pisani – We came for love« Transforme ta douleur en poésie ». Redescends, chaton, redescends, car Shakespeare est encore à quelques années lumière de portée. La première écoute m’avait dit sympatoche, les suivantes ont dévoilé sous mes yeux – et dans mes oreilles – l’adjectif « risible ». Paroles, interprétation, le « no NO NOOOOO », tout est là pour me faire fuir (et surtout m’esclaffer) devant la venue de cet amour-là.
Rachell Lowell – White DovesDiscount Disney sors de ce corps … et de ce son ! Comme bien de ses collègues, White Doves rime avec recyclage de codes existants – ici de la ballade, pour un ensemble facilement résumable en trois lettres magiques : B O F. Pas comme Bande Originale de Film – car je crains que ces colombes blanches n’en aient guère la carrure. Non. Bof, comme plat et insipide en soi. Même si pas tout à fait indigeste.

L’avis de Rémi

Je crains que les commentaires précédemment exprimés se suffisent largement à eux-mêmes et qu’il est donc inutile d’éclaircir plus que de raison mon avis global sur ce Malta Eurovision Song Contest.

Malte qui, en grande difficulté au concours sur la décennie 2010, nous a envoyé Destiny, Michaella Pace, Ira Losco, et même des Amber, Christabelle, Kurt Calleja, Thea Garrett, artistes de talent et avec le mérite de nous délivrer des propositions honnête d’un point de vue qualitatif, si ce n’est clairement très bonnes, voire excellentes, s’agissant des deux dernières représentantes (et hasardeusement une Destiny sacrée meilleur classement maltais depuis 2005). Malte, qui après deux sélections au prisme de son télé-crochet X Factor (qui regorgeait quand même de quelques stars locales), nous offre donc une sélection nationale assez pléthorique pour la taille de l’île. Mon constat est sévère, mais il est a le mérite d’être cash : à organiser une sélection de facture aussi médiocre, autant s’abstenir.

De vague souvenir (il faut dire que je n’adoptais pas un suivi particulièrement assidu du MESC par le passé), il ne me semblait pas que les sélections maltaises, bien qu’inégales et pas forcément folles, atteignaient un tel niveau. Parce qu’à l’écoute éprouvante des 22 chansons, je ne vois clairement pas comment Malte peut envisager une finale à Turin en mai prochain, à moins d’envisager un très sérieux revamp de la chanson vainqueure, voire un changement de titre pur et simple (ce qui avait été réalisé pour Ira Losco en 2006, mais au moins avait-elle déjà une proposition qui tenait la route). Deux seules exceptions à ce triste et amer constat : Richard Micallef et Emma Muscat. Enya Magri, peut-être aussi. Elleux seul·es peuvent espérer pouvoir sauver la face de leur pays au concours en mai prochain, avec des propositions de bonne facture (à défaut d’exploser la concurrence européenne qui s’annonce). Moins fan de l’univers de l’ancien représentant au concours 2014, j’opterais plutôt pour Emma. L’un des deux seuls et évidents choix de raison, voire probablement le seul.

Malte 2022 : quelle proposition vous séduit le plus ?
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Crédits photographiques : TVM