Que la nuit fut chaude, que la nuit fut intense, que la nuit fut plus belle que le jour. Difficile de passer après le torrent de chaleur qui a déferlé sur les Moustaches lors de la remise du trophée précédent. À tel point qu’une question brûle toutes les lèvres amères : quelle suite pour la cérémonie après un tel redressement ?

Générique.

Vous savez pourquoi le Yellow Carpet (à moins qu’il ne fut Orange, revoir les précédentes catégories) est l’un de mes moments préférés de la cérémonie des Moustaches ? Parce qu’il permet à tout un chacun (surtout celles et ceux qui ne sont pas nommés et viennent déverser leur amertume sur la place publique) de se monter au grand jour sous ses plus beaux atours. Enfin plus beaux… Nous laissons l’appréciation à votre modeste discrétion. Car, de mon côté, Davidna Lamburosco, maîtresse de cérémonie, mon prénom est autant la traduction de passion que ma majesté est la définition de la mode. Fière et débordante d’allure, j’ai débarqué à Athènes avec une mallette Vuitton rachetée à Béné, ma pote déchue de son trône (ceux qui ont vu le chef-d’œuvre Karaoké savent) et riche de vingt-quatre tenues de cérémonies, tapis, ouverture, entractes, clôture et 14 catégories comprises. Rien de tel pour célébrer l’année Eurovision 2024 sous les « Waouh » de la plèbe salle aux yeux illuminés par ma beauté et mon élégance naturelle. On est fashioniste (j’aime franciser les noms, après tout, nous sommes sur l’EAQ, cââââââlice Natacha) ou on ne l’est pas : j’ai choisi mon camp, à moins que ce ne fut la bénédiction de Lys Assia au-dessus de mon berceau qui n’eut décidé à ma place. Les astres ont leurs secrets : qu’il en soit ainsi, mais dis-moi.

Me voilà à présent vêtue de ma robe en cuir de caribou (tout droit ramené des Trois-Rivières par Olivier Dion et dédicacé par Marie-Soleil, fille de Chantal Gladu et de Julien Larouche), évidemment des plus cintrées, aux somptueux reflets d’or et de bronze hommages aux déesses et aux dieux de la Grèce antique. Au bas, elle retombe telle une sirène, tandis qu’une traîne longue de ma taille se déroule sur scène, éclairée par les lumières lasers aux reflets d’or et d’orange formant un rideau lumineux aux accents eurodivins. Talons aiguilles 12 centimètres de rigueur à l’effigie de la regrettée, la seule, l’unique, ma mère de cinéma (même si personne n’a encore eu le bon goût de me faire tourner à ce stade et que je suis franco-italo-biélorusse), Marisa Paredes, muse de Pedro Almodovar. Du haut de la scène, d’où je surplombe la salle impressionnée pendant que mes Davidna Boys s’affairent à leurs affaires de grands garçons en coulisses (connaissez-vous le principe de l’arrière-salle ? C’est comme dans un bistrot de province, le pastagas en moins), je m’astreins à une chorégraphie des mains héritée de Forza Konstrakta, comme pour conjurer le triste sort de Barbara Dex et de toustes celles et ceux qui ont subi son héritage en décrochant le prestigieux prix éponyme de la chanteuse flamande. Dans les tréfonds de l’Eurovision et dans ceux de la mode : double peine, même si je me demande au fond ce qui est le pire. Barbara… Rappelle-toi Barbara… Ou plutôt ne te la rappelle-pas.

Teste-moi, déteste-moi,
Aime-moi, regarde-moi,
Teste-moi, déteste-moi,
Mais surtout regarde-moi,

Ainsi parlait une grande philosophe nommée Priscilla, dont le bruit court qu’elle se produirait prochainement en concert à Paris. Sans moi. Et surtout : oublie-moi Barbara. Puisse mon esprit exorciser ton héritage vestimentaire sur l’histoire du concours.

Taillage de short, définition. La base de la définition de la mode.

Puissent RuPaul et Michelle Visage pardonner ses offenses stylistiques, ainsi que celles de ses successeurs peu inspirés. Namasté, allez.

Trêve de bavardage, puisqu’ainsi le dit l’adage « Il n’est plus inutile que les mots lorsque l’élégance règne de maîtresse ». Venons-en donc aux faits.

Marco. Ah Marco… Roi des chanteurs italiens (n’en déplaise à la concurrence – Eros était bien Eros tout comme Marco est bien Marco : unique). Prince de la scène musicale transalpine. Icône queer au cœur débordant de couleurs rainbow. Bel étalon et futur mari de votre auteur (qui le tiendra prochainement informé de l’imminence des noces, promis, juré, craché, tant que la demande a lieu au Circo Massimo). Mais aussi… icône de la mode, large vainqueur de la catégorie en 2023 dont il était par ailleurs le seul et unique nommé. Ainsi est la règle aux Moustaches : lorsque l’évidence est là, nul besoin de s’embarrasser de sous-nommés que l’on recasera ailleurs d’une manière ou d’une autre.

Amèrement mis à mal par le You’re A Vision Award (ex Prix Barbara Dex, l’once de sacro-sainte bienveillance en plus), nous avons donc décidé de ne pas récompenser les costumes les plus iconiques ou tout simplement les plus moches (parce qu’il faut appeler un chat, un chat). Il s’agira juste de désigner votre eurofashionista le plus, la plus, le plus… Bref, on ne sait pas trop, comme You’re A Vision en sorte. En même temps, quand tu te dis que Baby Lasagna l’a emporté en 2024. Bref encore, le taillage de short est une spécialité davidnesque dont les sous-traitants de Shein ne peuvent décemment égaler le dixième. Le seul impératif est de considérer que Marco Mengoni est, disons, indépassable dans l’élégance de la Moustache et qu’il convient de considérer ses standards comme supérieurs à ceux du reste de l’euromonde, qu’importent les paillettes, les plumes, la transparence ou bien les miroirs réfléchissants (coucou Vasil, à qui Marine de la Star Ac a visiblement piqué la tenue samedi soir, à moins que ce ne fut le recyclage de celle de Slimane, dérobée dans les coulisses de sa tournée par la production de TF1 pendant le duo avec Maureen à l’Arkéa Arena de Floirac, deux jours avant le début de la sombre affaire).

Une référence étant une référence, merci d’évaluer votre vote à cette juste valeur. Les nommés dans la catégorie sont :

Baby Lasagna

Il en faut parfois peu pour enjailler les foules, Baby Lasagna l’a parfaitement compris avec un package d’une simplicité redoutable. Il en est de même pour l’instant mode aussi Rim tim tagi dim que son eurotube résumable en deux accords (seule une oreille absolue pourra objecter du contraire – comment croyez-vous que j’ai composé Love In The Tropico ?). Pantalon blanc (probablement chiné dans une enseigne de grande distribution si l’on observe les détails de la couture), chemise blanche à manches ultra bouffantes entre Mylène Farmer – Pourvu qu’elles soient douces et les Trois Mousquetaires, sans oublier le petit veston traditionnel sans manches, couleur bordeaux à motifs balkaniques. Baby Lasagna s’est fait Petit Paysan pour séduire les européens avec son histoire d’un jeune garçon quittant son village pour partir à l’aventure de la ville.

Bambie Thug

© Sarah-Louise Bennett | UER

« I know you’re living a lie » S’il y a toutefois quelque chose qui ne ment pas, cher·e Bambie, c’est la mode et c’est Davidna qui te parle. Trois minutes de déclinaisons « fashionistiques » (néologisme quand tu nous tiens) aussi radicales que la sombreur et l’engagement d’une performance artistique jamais vue sur la scène du concours (Lordi peut aller se rhabiller, ou plutôt changer d’outfit). La robe bustier façon tutu noir de la sorcier·e Thug – non sans évoquer le cygne noir du Lac des Cygnes revu par Aronofsky – n’était que l’introduction du point d’orgue final. À savoir d’un justaucorps aux couleurs du drapeau transgenre, destiné à visibiliser la cause (ainsi que celle des personnes LGBTQIA+) auprès du public. Quand la mode est utilisée avec intelligence au service d’un message (et d’une prestation déjà légendaire).

Electric Fields

© Corinne Cumming | UER

On n’aime pas Electric Fields par ici. Mieux : on les adore, et ce, depuis leur seconde place à l’incroyable sélection australienne de 2019, où ils auraient, eux aussi, mérité de conquérir leur place pour l’Eurovision derrière la céleste Kate Miller-Heidke et son absence totale de gravité. Si on aime leur musique, on est aussi séduit par le style, également inspiré par l’esprit aborigène qui traverse leurs sons, mais également traversé par le désir d’embrasser une identité queer et féminine qui rend le duo plus fort. Somptueuse robe digne d’une sculpture et turban beiges pour Zaachariaha, ensembe à motifs beige et noir pour Michael : les deux font la paire pour mieux célébrer l’amour, l’union et l’harmonie sur la scène de l’Eurovision.

Nemo

Petit·e oiseau·elle sautillant·e sur une parabole penchée, lae vainqueur·e de l’Eurovision 2024 ne pouvait évidemment qu’être présent·e dans la catégorie, et pour cause. Comme souvent, la mode n’est ici pas qu’une question de mode, puisque par définition, elle est à la fois histoire, symbole et témoignage (ainsi en est-il de l’oeuvre des grands couturiers). Au-delà de l’indéniable touche flashy et fougueuse, apportée par le mariage des couleurs (blanc et fuchsia) et de l’aérien de la matière (plumes), la tenue de Nemo se veut le reflet du message de la chanson et de la performance : ni féminin, ni masculin, mais non-binaire, fier·e de l’être et de l’assumer sur la scène de l’Eurovision. Traduire : cassons les codes, qu’importe les esprits chagrins !

Windows95man

C’est une touche fashionistique aussi ravagée que leur « musique » (et sans aucun doute leur psyché, quoique celle de Davidna L…) que nous a proposé Windows95man. Du jean, en veux-tu, en voilà, de l’œuf duquel a éclos une créature nommée Teemu (comme Temu, mais avec le double « e ») au manteau de son acolyte en plusieurs teintes de jean, sans oublier le pôtit short tombé du ciel tel un cigogneau arrivé dans le panier de la cigogne. Sans parler du tee-shirt au logo Windows flouté façon mosaïque (sans doute la maison mère a-t-elle eu trop honte du spectacle pour assumer la référence) et, bien évidemment, du fameux string couleur chair que vous pouvez retrouver aux Dessous d’Apollon, Paris 4ème et Lyon (promis, on n’a pas reçu de sponsoring pour la référence).


Baby Lasagne, Bambie Thug, Electric Fields, Nemo et Windows95man : 5 nommés pour rentrer dans l’histoire de la mode à l’Eurovision, ne serait-ce qu’à l’échelle des Moustaches – et c’est déjà une belle victoire. Qui pour succéder à Marco Mengoni dans une catégorie qui n’a pas la même saveur sans lui ? Qui décrochera le trophée de la Margo Mengoni Fashion Week (sans Margo Mengoni – et ça se voit) ? À vos votes jusqu’au dimanche 12 janvier midi !

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La Moustache 2024 Margo Mengoni Fashion Week (sans Margo Mengoni - et ça se voit)
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Rendez-vous à 12h pour découvrir une nouvelle catégorie des Moustaches 2024… et vous prononcer sur les moments les plus iconiques de cette année Eurovision !