Nous restons dans l’Hexagone et nous propulsons cette fois au coeur des années quatre-vingt, décennie emblématique à plus d’un titre où, tout en maintenant des résultats très corrects, la France marque légèrement le pas à l’Eurovision par rapport à la fin de la décennie précédente, riche de tops 5, de podiums et même d’une victoire.

Européennes, et nous, quand on aime
C’est l’amour français, un peu libéré
Le vieux continent, ça nous plaît
Sur fond de musique USA

L’année où Les brunes ne comptent pas pour des prunes, En rouge et noir, Libertine, L’amour à la plage ou Ville de lumière trustent les charts français, Antenne 2 organise une finale nationale opposant quatorze artistes dont le résultat propulsera quatre filles dans le vent. Elles s’appellent Dominique Poulain, Catherine Welch (toutes deux soeurs), Martine Latorre et Francine Chantereau (leurs cousines), elles sont françaises, mais avant tout européennes, et proposent alors aux téléspectateurs et aux jurys un Cocktail Chic.

La prestation en images :

Classement : 17ème (13 points)

C’est par téléphone que nous avons eu l’occasion d’échanger avec Dominique Poulain Bonnevay, l’une des chanteuses du groupe.

EAQ – Pour vous, l’Eurovision a commencé en tant que choriste.

Dominique Poulain-Bonnevay : Oui, absolument. Nous avons fait beaucoup de chœurs pour l’Eurovision. Comme on ne peut pas être plus de six sur scène avec le chanteur ou la chanteuse, et qu’il fallait des garçons et des filles, on n’était parfois pas toutes présentes. Par exemple avec Marie Myriam, il n’y avait que Francine et moi, ainsi trois garçons, les frères Costa, qui ont également fait beaucoup de chœurs, peut-être même plus que nous. Et Jean Claude Brionin. En tant que choriste, nous avons fait l’Eurovision au Luxembourg, en Angleterre, en Israël ou encore à Paris.

Vous étiez choriste avec vos cousines et votre sœur ?

Tout à fait. Toutes petites, nous chantions chez notre grand-mère. C’était notre passe-temps favori. Un jour, notre tante est passée devant la maison de disques Lecca, rue Paujon. Elle a dit qu’elle avait sa fille et ses nièces qui chantaient et elle a demandé ce qu’il fallait faire. À l’époque, on faisait faire beaucoup d’essais. Nous avons donc fait des essais, ils nous ont fait faire un disque, et ça leur a plu. Par la suite, ils n’ont pas continué à le promouvoir. Nous avions fait une télévision avec Denise Glazer – qu’on n’a jamais retrouvé d’ailleurs. Elle s’appelait Discorama. Je vous raconte tout ?

Oui, avec plaisir !

Gérard Huget, qui s’occupait de nous, mais aussi des Martin Circus – entre autres – connaissait Michel Poulain. Ce dernier venait de rentrer chez Claude François qui venait de monter sa maison de disques, Flèche. Ils cherchaient des filles pour faire le pendant des Claudettes en chant. Nous avons passé une audition devant Michel, ça lui a plu, il nous a fait faire une audition devant Claude et nous sommes donc parties. Nous avons signé chez lui en soixante-huit, après les évènements de mai. Nous étions toutes gamines, puisque ma sœur avait seize ans, donc mes parents – enfin, ma mère – n’étaient pas trop favorables à ce que nous partions en tournée. Heureusement, ils ont dit oui. Nous sommes donc parties en tournée avec Claude. Nous sommes restées avec lui quelques années, et j’ai connu Michel, son directeur artistique, avec qui je me suis mariée. Claude était d’ailleurs présent à notre mariage.

Par la suite, nous avons voulu changer. Nous avons accompagné pratiquement tous les chanteurs des années soixante-dix, quatre-vingt. Sardou, Michel Delpech, Sheila, Vartan, Hallyday, Lama, Dave, Joe Dassin … J’ai fait un duo avec Joe Dassin, Le jardin du Luxembourg. C’était une chanson assez longue, au milieu de laquelle il y a une intervention que j’ai faite. Nous avons fait beaucoup de séances d’enregistrement, puis mes deux cousines ont aussi travaillé avec Dorothée sur ses émissions télévisées hebdomadaires pendant dix ans. Nous venions de temps en temps. Toutes les quatre, nous avons fait Bercy 91 ou 93, puis toute la tournée en France. Après, j’ai eu de la chance de faire le générique de Candy et de la série Le village dans les nuages. Maintenant, c’est devenu culte et c’est marrant, parce que je suis souvent invitée dans les salons de mangas et dans les conventions. Je suis la marraine du salon du manga de Périgueux. Quelques uns ont repris. On devait aller à Draguignan et refaire Périgueux, mais avec le covid, ça a été un peu compliqué.

Pour les participations à l’Eurovision, on nous sollicitait. Nous avons participé à la sélection pour représenter la France, on était quatorze concurrents et on a gagné. C’est nous qui avons représenté la France en Norvège en 1986. On a perdu, mais voilà, c’est comme ça. C’est une expérience intéressante, qui fait extrêmement peur (rires), parce que nous, on est davantage faite pour être derrière les autres que devant, et encore on était quatre. Mais c’était sympa, y compris quand nous avons accompagné Marie Myriam lors de sa victoire.

Qu’est-ce que ça fait de passer de l’ombre du rôle de choriste à la lumière du devant de la scène ?

Nous n’étions pas tellement faites pour ça. Il y a des gens qui sont faits pour être solistes. Nous, on n’a jamais eu cette vocation. Aucune des quatre. On a essayé de faire des choses pour nous et ça fonctionnait en studio. Nous étions plus des choristes de studio alors qu’être devant, ça ne nous a jamais tellement branché ni les unes ni les autres. On a fait Cocktail Chic, parce que l’occasion s’est présentée. Les frères Costa ont fait cette chanson, ils ont envoyé la maquette et elle a été choisie. Nous l’avons fait, mais aucune des quatre n’avait vraiment l’envie d’être devant. Ce sont deux métiers complètement différents.

En fait, quand vous avez accepté de participer au concours avec Cocktail Chic ? Pourquoi ?

Parce que c’était autre chose. On a eu envie de connaître ça. En plus, comme on a gagné la sélection française, il y a eu une espèce d’effervescence. C’était plutôt sympathique. On s’est dit que c’était une expérience et qu’on verrait bien. Ça fait très peur, c’est différent et encore, on était toutes les quatre, alors j’imagine les gens qui sont tous seuls ! Peut-être qu’en tant que solistes, on n’était sûre de nous, je ne sais pas. On s’est lancé dans cette aventure parce que les Costa ont fait cette chanson un peu pour nous. Ma sœur et mes cousines, ainsi que les Costa, avaient accompagné Jean Gabilou. Il avait une très jolie chanson. J’ai aussi une petite anecdote concernant notre participation en Israël. Jeane Manson représentait alors le Luxembourg. Comme on ne pouvait pas être plus de six sur scène, la chanteuse y compris, on a tiré au sort pour savoir qui partait (rires). Parce qu’Israël, c’est quand même une destination sympa et c’était malheureusement moi qui ne devait pas partir. Je dois reconnaître que j’étais déçue, mais c’était ainsi. Puis, à la dernière minute, une autre choriste, Corinne Sauvage, avec qui je suis copine, m’appelle. Elle me dit « Ecoute je cherche une choriste pour la chanteuse qui représente la France, tu ne voudrais pas venir avec nous ? » (rires) « Pourquoi pas ? » C’est ainsi que je suis partie représenter la France en Israël en 1979 aux côtés d’Anne-Marie David, qui était alors la candidate. Du coup, je me suis retrouvée contre mes cousines et ma sœur (rires). C’était tellement sympa en Israël. On a été reçu comme des rois. Il y avait une super ambiance. On a eu de la chance, parce qu’on chantait à une époque où il y avait du travail pour tout le monde. Ce n’est pas qu’on chantait mieux que d’autres, mais quand on a commencé les séances d’enregistrement en 69-70, on apportait un son nouveau. Les gens se demandaient qui étaient ces filles. Je ne sais pas si c’est parce qu’on est de la même famille et qu’on a peut-être un mimétisme vocal, le tout est que ça a plu.

Vous avez participé plusieurs fois au concours. C’est une grande émission, qui a un caractère mythique. Que représentait-elle pour vous à l’époque ?

C’était une émission très cotée à l’époque, effectivement. Il y a eu moins d’engouement par la suite. Les gens ont un peu bridé l’Eurovision, et l’engouement est revenu depuis. Nous étions jeunes et on ne se posait pas de questions. On faisait des choses très sympathiques et faire l’Eurovision en faisait partie. C’était très agréable. Vous y êtes bien reçues et vous y participiez avec des personnes sympathiques. A l’époque, il n’y avait pas toutes ces fioritures. Contrairement à aujourd’hui, on chantait avec l’orchestre. D’ailleurs, on n’entend pas du tout les frères Costa pendant notre prestation. C’est dommage, parce qu’ils complétaient bien l’harmonie. La veille, nous avions fait un super essai filmé, mais le jour même … En plus, on avait quand même la trouille (rires). Ce n’est pas évident de savoir qu’il y a des millions de téléspectateurs qui vous regardent. On se dit que c’est ennuyeux si on ne chante pas bien. On avait eu un bon accueil à Bergen. L’Eurovision est très appréciée dans les pays nordiques, davantage que chez nous. Il y avait une bonne ambiance. C’est la petite Sandra Kim qui avait gagné. Sa prestation était plein de fraîcheur et elle avait une bonne chanson.

Avec Cocktail Chic, vous aviez terminé à la dix-septième place du concours. Est-ce que vous attendiez un résultat particulier à votre arrivée à Bergen ou pas du tout ?

Dès les premières répétitions, tout le monde savait que c’était Sandra Kim qui allait gagner. Les pronostics étaient vraiment en sa faveur. On a fait notre maximum, mais il est vrai que J’aime la vie était une chanson enlevée et qu’elle était mignonne. Nous avions participé à l’édition 1974, l’année où ABBA avait gagné – il me semble que le concours se déroulait à La Haye. Nous avions accompagné Romuald et Ireen Sheer. Je me souviens également qu’avec les Costa et ma soeur, on avait accompagné Mary Christie Nous n’étions que toutes les deux cette fois là, mais en quelle année, je ne sais plus (en 1976, N.D.L.R.). C’est l’âge ! (rires) Les souvenirs sont parfois imprécis, parce c’est vrai que tout ça remonte quand même à loin (rires).

Justement, du moment où vous avez participé au concours en tant que groupe, quel effet a eu le concours sur votre carrière ?

Aucun, parce qu’on continuait à faire nos séances d’enregistrement. Mais entre l’euphorie qu’a généré notre victoire à la sélection française, les séances photos pour les journaux, les interviews, les télévisions, et le soufflé qui retombe après, ça fait quand même quelque chose. Même si on s’y attendait, ça stresse et on se sent mal. On a mis un petit moment avant de tourner la page, parce qu’on n’était pas contente de nous. On s’est dit que la prestation était loin d’être parfaite. On est quand même arrivée loin, et cela nous a déçu, c’est normal. Beaucoup d’artistes n’ont pas gagné l’Eurovision et ont pourtant fait des carrières après. Mais n’était pas du tout notre but, parce que notre carrière était déjà bien entamée et qu’on a continué à faire nos choeurs sans problèmes.

Aujourd’hui, vous regardez toujours le concours ?

Ça m’arrive. Quand je suis là, je le regarde. Je ne sais plus où était organisé celui de cette année, je ne l’ai pas regardé … Ah, mais non ! Il n’a pas eu lieu. C’est l’année dernière que je l’ai regardé.

Que pensez-vous de son évolution ?

On passe beaucoup de temps sur les effets spéciaux. Le résultat est joli à voir, parce qu’ils réalisent les lumières en fonction des costumes. La mise en scène est réussie. Ce qui est dommage, c’est qu’il n’y ait plus d’orchestre, d’autant plus que c’est quand même le concours Eurovision de la chanson. Cela dit, cela a nous aurait arrangé de chanter avec la bande-orchestre, parce que l’équilibre des musiciens n’était pas bon au moment de notre prestation. A la réécoute, ce n’était pas terrible. Nous nous sommes rendues compte qu’il y avait un malaise. Dès qu’on a commencé à chanter, c’était lourd. Mais ce n’est pas grave, c’est ainsi.

Ces dernières années, des titres vous ont particulièrement marqué ?

J’ai beaucoup aimé l’autrichien. Je trouvais qu’il avait une voix extraordinaire. Comment s’appelait-il ? La femme à barbe… Conchita Wurst ! Elle chantait merveilleusement bien. Les gens l’ont critiquée, mais elle envoyait du lourd. Quant aux autres, je ne m’en souviens plus bien (rires).

Nous parlions des résultats, et le tout est que la France a toujours du mal à émerger malgré une période de mieux. On attend une nouvelle victoire depuis quarante-trois ans …

Je le sais. je suis amie avec Marie Myriam. Tous les ans, dès que les résultats sont révélés, on lui envoie un petit message en lui disant « Bon, tu es toujours la reine ! » (rires). C’est vrai que L’oiseau et l’enfant est une chanson incroyable. Elle chantait partout à travers le monde. Rana de Jordanie l’a même faite chanter dans les écoles. Ce succès est incroyable. L’auteur, Joe Gracy, est d’ailleurs mort récemment. Jean-Paul Cara avait composé la musique, comme il l’avait fait pour Jean Gabilou.

Vous avez eu la chance d’accompagner la dernière gagnante à l’Eurovision.

C’est ça (rires).

Et qu’est-ce que ça fait de vivre une victoire au concours, même en tant que choriste ?

C’est génial, d’autant plus avec Marie. Je vais vous raconter une anecdote. Marie Myriam avait participé à la sélection nationale pour la France la même année que ma soeur. Ils avaient réalisé une maquette et ils avaient demandé à ma sœur de la chanter. C’est après qu’ils lui ont proposé de participait à la sélection. Elle s’appelait Delfine, elle chantait Du côté de l’enfance. Elle ne voulait pas être soliste, elle a été prise au jeu et elle l’a fait. Elle a terminé troisième derrière Marie, qui gagné le concours pour représenter la France à l’Eurovision. Par la suite, ma cousine Francine et moi avons été contactées par Guy Béart pour accompagner Anne-Marie B. qui représentait alors le Luxembourg. Nous avions eu cet appel par un intermédiaire et il nous avait fait venir chez lui un matin. Il nous voit. Il dit « Ah oui, mais ça ne va pas aller. »  Il regarde ma cousine, qui est plus grande que moi et lui dit « Mademoiselle, ça irait, parce que je veux deux choristes qui soient de la même taille que la chanteuse », tandis que moi étant petite, il me dit « Je suis désolé de vous avoir fait venir, mais ça ne va pas être possible ». Il dit à ma cousine qu’elle me retrouverait plus tard, et elle lui répond « Si ma cousine n’y va pas, je n’y vais pas non plus ».

Sur ces entrefaites, Marie gagne donc la sélection française. Du coup, Jean-Paul Cara nous choisit pour l’accompagner. C’est ainsi qu’elle gagne l’Eurovision en Angleterre et que lorsque je me suis retrouvée non loin de Guy Béart au restaurant, j’étais à deux doigts de lui dire « Vous voyez, ce n’est pas la taille qui compte » (rires). Surtout qu’ils ont fait un cinéma, oh la la ! Ils venaient mesurer la hauteur du micro avec une espèce de canne. La veille de la grande finale, les représentants organisent toujours un grand dîner ou une réception. La chanteuse était arrivée en Rolls ! Finalement, c’est Marie, toute mignonne et toute simple, qui a gagné. Ils nous avaient fait tailler des robes par un couturier – je ne me souviens plus qui -, et ils avaient mis le paquet. C’étaient des robes très vaporeuses, très larges, mais à la télévision, elles nous grossissaient. Ça ne nous plaisait pas trop. Elles étaient cousues dans des tons orangés, comme pour la robe de Marie et ça n’allait pas très bien. A la dernière minute, on est allé rapidement chercher des petites robes noires, toutes simples, avec juste un rappel d’orange à la taille. On a cavalé avec Jean-Paul Cara pour trouver ces robes ! C’est un petit détail, mais après, c’était l’euphorie, oui, c’est sûr.

Vous avez marqué l’histoire de l’Eurovision en France en tant que choriste. Vous avez fait partie de la dernière équipe à avoir gagné, mais vous avez aussi fait partie des dernières françaises à avoir foulé la scène de l’Eurovision à domicile !

Oui.

Vous accompagniez qui d’ailleurs ?

Nous avions accompagné Ireen Sheer qui chantait Feuer (elle chantonne), « Feuer, Feuer, … ». Et également Corinne Sauvage, qui avait fait le duo avec Toussaint, Les jardins de Monaco. A Paris, au Palais des Congrès, nous avions également accompagné d’autres pays (Jean Vallée pour la Belgique et Joël Prévost pour la France N.D.L.R.).

Parmi tous ces récits d’Eurovision, si vous ne deviez en retenir qu’un seul, quel serait le souvenir le plus mémorable de vos Eurovision ?

Lorsque nous avons participé en tant que Cocktail Chic, c’était très différent du reste, parce que nous étions sur le devant de la scène. Cela nous a marqué parce qu’évidemment, ça ne pouvait être autrement. Chaque Eurovision a quelque chose. Celle avec Marie Myriam était formidable, d’autant plus qu’on a gagné. Mais notre participation en Israël avec Anne-Marie David et Corinne Sauvage reste géniale de par l’ambiance qu’il y avait. Nous avons vraiment été très bien reçues. Dans la semaine, il y avait une journée off durant laquelle nous sommes tous partis. Les maquilleuses avaient fait des essais pour voir comment cela rendrait pour le grand soir, mais tout le monde est allé à la Mer Morte … et on a pris des coups de soleil comme je ne vous le raconte pas ! Les anglais de Black Lace, blancs comme des cachets d’aspirine, et plein d’autres avaient attrapé de tels coups de soleil qu les maquilleuses s’arrachaient les cheveux pour rattraper tout ça.

En vous écoutant, je me dis que la liste de vos collaborations est incroyable !

C’est vrai que nous avons fait beaucoup de choses.

Évidemment, le nom que je retiens, c’est Claude François.

C’est avec lui qu’on a commencé, alors que nous étions toutes gamines. Dès que les musiciens commençaient à jouer lors des galas, il y avait une ambiance extraordinaire. C’est d’ailleurs à nous qu’ils ont demandé de chanter à l’Église d’Auteuil lorsqu’il est décédé. Nous étions déjà parties de chez Claude, mais la famille a voulu que ce soit nous. Nous avions chanté l’Ave Marie. Il y a deux ans, pour les quarante ans de la mort de Claude, ils nous ont redemandé de chanter. Il y avait une cérémonie, avec un pot après. Nous avons chanté avec, Aurélie Agostini, une autre choriste de Claude, toutes les cinq, à l’église. On s’était dit qu’il n’y aurait personne quarante ans après, et c’était bondé ! C’était incroyable le monde qu’il y avait. Tout le monde était là : les fils de Claude, Isabelle, les petits-enfants. Les gens étaient curieux.

Crédits photographiques : image issue du documentaire Claude François vu par ses choristes (extraits disponibles sur YouTube)

Et qu’est-ce que ça fait de travailler avec une telle légende ?

C’est sûr que ça nous a beaucoup marqué, parce que nous avons partagé des moments extraordinaires avec Claude. En plus, j’ai connu mon mari grâce à lui, c’était son directeur artistique. Claude, c’est sûr qu’on pouvait se fâcher avec lui, puis se réconcilier, mais nous avons vécu des moments fabuleux. Quand on voyageait avec lui, c’était formidable. C’est d’ailleurs avec lui que nous avons vécu un grand évènement en juillet 1969. Nous avions pris la route après un gala, et en arrivant à l’hôtel, je ne sais plus où, il y avait une petite télé en noir et blanc, où tout le monde a vu les cosmonautes descendre sur la Lune et donc leurs premiers pas. Nous étions dans le hall de l’hôtel avec des américains. Il n’y avait pas les télés d’aujourd’hui, c’était vraiment un petit poste en noir et blanc. C’étaient des moments incroyables. Nous avons pas mal travaillé avec Claude, mais après, on a eu envie de faire d’autres choses sur le plan musical, ce qui n’était pas du tout péjoratif par rapport à Claude.

Je relie aussi votre parcours à l’histoire du concours : vous avez connu le basculement musical entre les années soixante, soixante-dix et quatre-vingt, et avez accompagné cette évolution.

C’est sûr que tout a beaucoup changé. Il est vrai qu’à l’époque, il y avait encore du travail pour l’équipe d’avant, qui avait quelques années de plus que nous, notamment les musiciens de jazz qui sortaient d’une école musicale. Nous n’avions pas cette formation. Il n’y avait que Francine qui avait fait du piano. À l’époque, il n’y avait pas les classes de conservatoire. Ses parents avaient fait un peu de musique, donc ils l’avaient inscrite au piano, mais nous, nous n’avions jamais fait de musique mis à part à l’école. Nous avons donc appris sur le tas, à travers les séances d’enregistrement. On avait par contre beaucoup d’oreille. On nous montrait une fois la voix au piano, et c’était bon. On avait le sens des harmonies.

Aujourd’hui, vous chantez toujours ?

Comme Candy est devenue culte, je suis invitée dans les salons de manga. C’est sympa, parce que les gens viennent me présenter leurs disques qu’ils ont gardé précieusement. On fait beaucoup de selfies. Avec le covid, tout a été annulé, mais ça reprend petit à petit. J’avance quand même dans l’âge, donc je ne vais pas faire ça longtemps. Au début, je ne voulais pas d’ailleurs, puis ils m’ont persuadé, et je ne le regrette pas, parce que ce sont toujours des moments agréables.

Quant à votre sœur et vos cousines ?

Elles ne chantent plus. On a fait une séance toutes les quatre, il y a deux ans, pour un homme qui produisait lui-même ses disques. Il avait l’habitude de nous prendre, donc régulièrement, il nous demandait de faire des séances. C’était la dernière en date.

Et pour conclure, l’Eurovision en tant que soliste, à refaire, vous le referiez ?

Je ne regrette rien ! Le concours n’a pas eu d’effet sur notre carrière, vu qu’après, on a continué nos séances. L’Eurovision est une super expérience. Ce n’est pas donné à tout le monde d’y participer au cours de sa carrière. C’est une expérience intéressante qui nous a permis de voir la différence entre le fait d’être choriste et artiste (rires). Ce n’est pas la même chose ! Ce qui nous a permis de constater que nous étions davantage faites pour accompagner les autres en tant que choristes, où nous avons fait une super carrière, plutôt que pour être devant.

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L’actualité des artistes :

Dominique Poulain-Bonnevay participe régulièrement à des salons de manga, où elle chante les génériques de Candy et Le village dans les nuages.

Catherine Welch, Martine Latorre et Francine Chantereau, de leur côté, ont mis un terme à leur carrière.

crédits photographiques : photo issue de la photothèque personnelle de l’artiste

Merci à Dominique Bonnevay d’avoir accepté d’ouvrir sa boîte à souvenirs de l’Eurovision pour les lectrices et lecteurs de l’EAQ, et d’avoir partagé avec nous ces moments d’histoire.

Crédits photographiques : vidéo YouTube du titre Européennes