Les artistes figurent au premier rang des professionnels victimes du confinement et de la crise économique rampante. Les comédiens et les musiciens le sont plus encore, eux dont la vocation est de se produire devant un public de chair et d’os. Le spectacle est leur vocation, leur passion, leur raison d’être. Ils en sont privés et c’est un monde qui s’effrite et souffre en silence, loin des feux de la rampe.

La situation sanitaire actuelle ne laisse hélas aucune alternative : les salles de spectacles resteront fermées, toutes les manifestations artistiques in vivo seront reportées. Une douleur pour les auteurs, compositeurs, interprètes et autres professionnels qui voient leur carrière amputée et leur source de revenus tarie. Car à notre époque, les musiciens tirent l’essentiel de leurs revenus de leurs concerts, tournées et festivals.

Péril supplémentaire pour l’avenir : les jeunes talents n’écloront pas cette année. Leur percée se déroule sur de petites scènes, lors de concerts et festivals locaux ou régionaux, tous annulés sine die. L’inspiration les éludera : nombre d’artistes, accablés et angoissés par la situation, voient leur imaginaire asséché et leur capacités créatrices diminuées. Un tableau sombre, pessimiste, éclairé d’une seule perspective : la télévision.

Il y a un an à peine, on la croyait à l’agonie, on lui préparait ses funérailles, on l’imaginait balayée dans les oubliettes de l’histoire, détrônée par Internet, les réseaux sociaux, les plateformes de streaming, YouTube ou encore Twitch. La pandémie et le confinement l’auront replacée sur son piédestal. Redevenue média phare, la télévision a repris une place indispensable, pas seulement pour l’information, pas seulement pour le divertissement, pas seulement pour l’éducation, mais aussi pour la culture.

La culture sous toutes ses formes : beaux-arts, cinéma, histoire, littérature, sciences et bien entendu, musique. Soulignons au passage l’initiative de France Télévisions de créer une chaîne entièrement dédiée à la culture : Culturebox, qui proposera à ses téléspectateurs concerts, ballets, pièces de théâtre et autres spectacles artistiques. Seront mêlés rediffusions, inédits, reportages, interviews, de toutes les régions de France. De quoi compenser partiellement le terrible impact de la fermeture des lieux de culture vivante.

La Ministre de la Culture française, Mme Roselyne Bachelot, a déclaré à ce propos : « Je salue cette initiative qui contribuera à élargir l’accès à la culture qui est, plus que jamais, au cœur de notre action et des missions de l’audiovisuel public. Rien ne saurait remplacer l’expérience et l’émotion d’assister, dans une salle de spectacle, à la prestation d’un artiste ou d’une troupe. Dans l’attente de retrouver ce bonheur, cette offre très diversifiée nous sera précieuse et contribuera, sans nul doute, à donner le goût et l’envie d’aller voir, dès que cela sera possible, nos artistes se produire sur scène. »

Rien n’anodin à cette citation de Mme Bachelot. Une Ministre de la Culture se doit de soutenir toute initiative en faveur de son domaine régalien. En tant qu’Eurofans, savourons une nouvelle fois l’ironie de la situation, car au beau milieu de cette tempête, il existe un salut pour les auteurs, les compositeurs, les interprètes, les musiciens, les danseurs, les metteurs en scène et les producteurs, un salut pour les artistes débutants et les artistes confirmés, un salut pour se faire connaître, pour promouvoir ses nouvelles créations, un salut offert également par la télévision, un salut que salue indirectement Mme Bachelot : l’Eurovision !

Nombreux sont les candidats aux sélections nationales ou les heureux élus ayant déjà décroché leur ticket pour Rotterdam à le souligner : l’Eurovision reste une opportunité littéralement unique cette année de se produire sur scène, de présenter ses nouveaux morceaux et de promouvoir son art et sa carrière. Grâce à l’Eurovision, ils atteindront leur public, ils gagneront en reconnaissance, ils bénéficieront de revenus, bref, ils vivront.

Et donc, une année encore, les Pères Fondateurs du Concours reposeront en paix. L’un de leurs objectifs, en créant l’Eurovision, était de stimuler la création musicale, de faire émerger les talents et de mettre en avant la diversité artistique du continent. Ils n’auraient pu anticiper la pandémie que nous traversons. Vous le voyez pourtant : leur idée s’avère plus pertinente et géniale que jamais, le Concours étant demeuré l’une des rares plateformes globales et accessibles à soutenir la production musicale.

Emboîtons le pas à Mme Bachelot et remercions les diffuseurs publics nationaux. Ils font triple œuvre de service public en participant à l’Eurovision. Primo, comme nous l’avons longuement exposé, en soutenant artistes et culture. Secundo, en apportant cette musique nouvelle au sein de chaque foyer et en enrichissant chaque téléspectateur. Tertio, en offrant à chacun quelques instants privilégiés d’amusement et de divertissement de qualité, bien nécessaires en cet hiver sombre.

Ainsi, après soixante-cinq ans d’existence, l’Eurovision aura une nouvelle fois démontré l’importance de son existence et la pertinence de ses objectifs. Nous le savions : le Concours possède la merveilleuse faculté de s’adapter, de muter, de se renouveler et d’épouser au plus près son temps. En cette année 2021, il nous le prouve et se rend incontournable pour longtemps. Grâce lui soit rendue.