Cette semaine écoulée aura été l’acmé et l’apothéose de cette Saison 2021. Nous avons découvert douze nouvelles chansons et assisté aux finales des sélections russe et suédoise, deux moments épiques, bien que pour des raisons différentes… Il ne nous reste plus à présent qu’à écouter les chansons maltaise, géorgienne et azerbaïdjanaise et notre bonheur sera complet…

…ou presque. Car la perfection n’est pas de ce monde et le bonheur ressenti tout au long de cette semaine aura été ombragé par la question biélorusse et par l’irruption de la politique en des lieux où elle n’a point sa place. Vous avez suivi la saga avec attention, inutile d’en rappeler les détails. Si vous êtes inscrits sur les réseaux sociaux, vous avez constaté les très nombreuses réactions suscitées au sein de l’Euromonde.

Ces réactions ont connu un écho sur notre site, à la fois parmi vos commentaires et dans le groupe de discussion de la rédaction, sur WhatsApp. Les premières répliques ont mêlé l’incompréhension et l’indignation, le sarcasme et la colère, la condamnation et la lassitude. Le temps des réactions individuelles passé, est venu celui des réactions collectives. De très nombreux sites ont publié des communiqués indiquant qu’ils ne couvriraient plus la candidature biélorusse. D’autres ont indiqué qu’ils parleraient de la chanson et du groupe en les contextualisant, mais qu’ils ne feraient aucune publicité à leur endroit. D’autres encore ont préféré mettre en avant des artistes biélorusses engagés.

Notre rédaction s’est emparée du sujet et nous avons, ensemble, longuement discuté de l’attitude à adopter. Certains rédacteurs souhaitaient un boycott de la Biélorussie et un silence complet sur sa candidature. D’autres estimaient nécessaire de passer la chanson et le groupe à la loupe, d’en décortiquer les motifs et de les placer dans un cadre explicatif, au profit de nos lecteurs. Les deux options étaient légitimes. Nous avons cependant préféré attendre une réaction officielle de l’UER.

Cela pour deux raisons. Primo, se positionner dans le débat est déjà entériner de facto la démarche de la télévision publique biélorusse. Secundo, faire part de notre opinion personnelle est déjà introduire une notion politique dans le champ de l’Eurovision. Cette attitude, pour le moins prudente et non militante, reflète le commun dénominateur de nos rédacteurs. Ceux d’entre nous qui le souhaitaient, se sont exprimés librement et publiquement sur Twitter. Si vous les suivez, vous avez pris connaissance de leur opinion personnelle sur la question.

L’article concernant cette candidature biélorusse 2021 a été mis à jour, au fur et à mesure des informations, également dans cet esprit : le traitement des faits en vue d’informer nos lecteurs, en recourant à des descriptions les plus neutres possibles. Néanmoins, une place doit être accordée au débat et à l’échange d’idées. Cet éditorial était tout désigné pour cela.

En ce qui me concerne, j’ai été outré et scandalisé par l’attitude de la télévision publique biélorusse. Elle a commis à mes yeux le pire qui soit pour un diffuseur-participant : manipuler le Concours à des fins politiques. Son intention est partisane et pernicieuse. La BTRC a présenté des candidats et une chanson qu’elle savait pertinemment ne pas respecter le règlement de l’Eurovision. Elle a ainsi tendu un chausse-trappe retors à l’UER. En cas de validation de cette candidature, elle aurait utilisé l’événement pour diffuser un message politique gouvernemental. Au vu du rejet, elle se positionne en martyre et rejette la faute politique sur l’Union.

Principale victime de ce plan méprisable : le Concours lui-même, dont la notoriété est effectivement atteinte. Vous l’aurez constaté, la séquence a vite été résumée par des observateurs extérieurs en « l’Eurovision et la politique ». Un angle accrocheur pour leurs abonnés et lecteurs non avertis, un angle qui renforcera dans leurs convictions les contempteurs du Concours. Un angle très réducteur qu’affectionnent certains pour décrire un divertissement voulu comme un moment rassembleur et universel.

L’UER a souligné à juste titre les effets délétères de cette candidature biélorusse sur la réputation de l’Eurovision. Son règlement est clair : la sanction prévue est une exclusion de la compétition. La BTRC en était parfaitement informée. Il est certain qu’elle a agi en connaissance de cause. À l’heure d’écrire ces lignes, il est vraisemblable que le diffuseur biélorusse se retire et ne revienne pas avant longtemps à l’Eurovision. Cela me laissera avec un sentiment profond de révolte, d’injustice et d’échec.

Car pour un Eurofan, rien n’est plus triste que de voir un diffuseur public se retirer pour des motifs politiques et/ou idéologiques. La Turquie et la Hongrie ont déjà emprunté cette voie. Y ajouter la Biélorussie serait une étape de très funeste augure pour le rayonnement du Concours. Sa finalité doit en effet rester la participation du plus grand nombre possible de diffuseurs-membres de l’UER, par delà les langues, les cultures, les institutions et les vues politiques.

Au final, cette séquence s’avère d’une tristesse incommensurable et seul un temps long en effacera les blessures. Il nous reste encore quelques minces espoirs de voir la BTRC procéder à un mea culpa pour cette année. Il nous reste quelques espoirs qu’un jour, l’esprit de communion et de concorde l’emporte et que l’Eurovision rassemble tous les peuples du continent européen. Gardons l’espérance de lendemains qui chantent en unisson et en harmonie.

La parole vous appartient à présent. Quelles sont vos opinions quant à cette question biélorusse ? Que feriez-vous si vous étiez une instance directrice de l’UER ? Qu’auriez-vous fait si vous aviez été à notre place ? Que feriez-vous pour assurer l’avenir de l’Eurovision ? Nous vous remercions par avance pour vos réponses et vous souhaitons le meilleur dimanche possible.