Depuis quelques années, la France accueille de plus en plus d’eurostars en concert. Quand l’EAQ en profite, elle vous fait désormais revivre ces temps forts dans les conditions du live ! Pour cette première, direction la Finlande avec Käärijä !
Ce n’était initialement pas prévu au programme, mais il est parfois des occasions (de revente) à saisir. Me voilà ainsi embarqué en ce mardi 15 octobre dans l’arrière-salle du O’Sullivans – Backstage By The Mill, Paris, voisin du Moulin Rouge, pour un show à la finlandaise. Autrement dit : fou. Car l’adage est bien connu : It’s Crazy, It’s Party, surtout lorsque l’eurostar du soir se nomme Käärijä. Vous savez, le spécialiste de la danse des canards 2.0, dauphin de Loreen en 2023 non sans mettre une claque à la légende au télévote ?
Point de première partie (chose rare) pour un concert aux horaires très scandinaves (20h-21h15 montre en main) et affiché à guichets fermés. Une constante étonnante que l’on retrouve de plus en plus lors des concerts parisiens d’eurostars, alors même que la France n’est pas réputée être un pays d’eurofans. Quel public nos artistes attirent-ils alors au-delà du vivier Eurovision ? Leur diaspora ? Des connaisseurs du genre musical ? La question mériterait analyse, d’autant plus lorsque peu d’eurofans se trouvaient dans la salle hier soir, et que la diaspora finlandaise était réduite à portion congrue (au contraire des concerts de Joker Out et Marina Satti au printemps dernier). Le tout est que c’est un public chaud bouillant qui attendait notre rappeur, qui n’a pas boudé son plaisir 1h15 durant.
Dès son entrée dans l’arène, Käärijä (entouré pour l’occasion de trois musiciens/choristes vêtus d’une salopette à son nom et de son frère) a enflammé une foule en délire, qui entonnait les tubes de l’artiste par coeur – et en finlandais s’il vous plaît, puisque le rappeur chante quasi exclusivement dans sa langue maternelle. De quoi désarçonner la bande puisque, de notre côté, nous étions arrivés quasi vierges de la discographie de l’artiste (à deux ou trois exceptions près). Mais de surprise, il n’y a point eu lorsque nous avons (re) découvert un univers musical dans la droite lignée de Cha cha cha, oscillant entre le rap et la pop, non sans quelques influences métal. Vu le succès des « musiques urbaines » en Europe, il n’est point étonnant de retrouver Käärijä dans le top des charts de son pays : depuis le carton de son eurotube (qui avait par ailleurs connu un grand succès en Scandinavie et dans les pays baltes, sans que celui-ci n’atteigne l’Europe de l’Ouest), tous ses titres se sont en effet classés dans le top 10 des charts finlandais.
La set list du concert
Käärija – European Tour 2023 | 15 octobre 2024 – 19h30 | O’Sullivans – Backstage By The Mill – Paris 18ème
- Masokisti (unreleased song)*
- Huhhahhei
- Paidaton riehuja
- Mic Mac
- Yhtä vailla
- Sex = money
- Ruoska (en duo avec Erika Vikman)
- Baila
- Välikuolema
- Bananas*
- People’s Champion*
- TRAFIK!
- Kot Kot
- It’s Crazy, It’s Party
- Cha cha cha
- = chansons inédites
Tandis que l’autre partie du bar était plongée dans la toute autre ambiance d’un pub irlandais et que l’autre-côté du mur acclamait les meneuses de revue de Féérie (le spectacle du Moulin Rouge), le Backstage du O’Sheridans a quant à lui eu droit à tous les tubes et à quelques inédits de notre ami finlandais, par ailleurs très en verve ce mardi soir. En connexion avec le public tout au long du concert, Käärijä (évidemment torse nu et transpirant) s’est tour à tour amusé des français affublé d’un béret (ne manquait plus que la baguette), essayé à un soutien-gorge en bonbons (tel ceux que l’on peut trouver dans les boutiques de plaisir du quartier) ou encore joué de son danseur-figurant, qui a tour à tour fait figure de tambourin ou de… champignon. Vous qui trouviez déjà notre ami complètement ravagé, vous n’auriez pas été déçus du voyage, qui plus est avec un univers musical pile en phase avec une personnalité complètement déjantée.
On vous prévient tout de suite (mais vous le saviez déjà), un verre de piña colada à la main : ce n’est pas le poids des mots et la profondeur du texte qui animent l’oeuvre de Käärija. Cha cha cha, Bananas,… Autant de logorrhée philosophique dont nous ne nous doutions pas que l’acmé résiderait en deux mots et six lettres : Cot-cot. Oui : cot-cot. Notre adepte de la danse des canards (et visiblement aussi des gallinacées) n’est décidément pas dénué d’un inégalable sens du verbe et du second degré, qui n’est sans doute pas pour rien dans sa popularité en Finlande, pays d’irréductibles adepte des joke acts comme personne. Ainsi le dirait un éminent penseur : No Rules ! (et que le slip soit avec votre esprit), et c’est de ce mot d’ordre que fut traversé cet improbable concert parisien (si on m’avait dit un jour que je m’enthousiasmerais sur du rap-métal finlandais… merci l’Eurovision !).
En cette terre de la folie, Käärijä a toutefois une âme soeur en la matière, qui nous a fait l’honneur de sa présence sur scène le temps d’un titre. « The craziest woman of Finland » était dans la place en la personne… d’Erika Vidman (!!!!!), malheureuse deuxième de l’UMK 2020 avec l’iconique Cicciolina (comment auriez-vu pu oublier les ours bruns ?), qui avait mis les eurofans en furie et en fureur à l’époque, sa défaite face à l’insipide Looking Back ayant été des plus inattendues. Armée de son fouet (!) qu’elle a fait claquer partout sur scène (une partie du public a dû se faire quelques frayeurs) et de sa casquette, la presque eurostar était là en patronne, visiblement peu décidée à faire de la figuration aux côtés de la star du soir, avec laquelle elle a donc partagé un duo sur le titre Ruoska, numéro 1 des ventes en Finlande plus tôt dans l’année. Ruoska dont la signification française est… « fouet ». Tu m’étonnes que la maîtresse Vidman ait débarqué outillée de sa longue cravache… Traduction : vous qui pensiez avoir tout vu, l’addition Erika + Käärija est la preuve que les frontières de la démence sont beaucoup plus larges et extatiques qu’on ne le soupçonne. Autrement dit : chère Erika Vidman, l’Eurovision vous donne rendez-vous dès que vous le souhaitez. Oh que ça fouette.
Lui aussi aurait pu figurer parmi les guests de Käärijä, puisque les deux turbulentes eurostars (pour des raisons et avec un degré de sympathie toutefois différents) ont récemment partagé un duo ensemble : Joost Klein, le représentant néerlandais déchu de 2024, n’était point au O’Sheridans ce soir-là, tandis que sa tournée de 2025 ne prévoit pas de halte musicale dans la capitale à ce stade. Qu’importe : cela n’a pas empêché Käärijä de nous offrir une reprise de TRAFIK!, qu’il a lui même introduit comme loufoque.
It’s Crazy, it’s party, et notre eurostar nous l’a bien rappelé en fin de concert, avant de conclure d’un explosif Cha cha cha qui a fini d’enjailler un public en combustion devant l’intrépide et (très) sympathique chanteur finlandais, qui a partagé avec nous son plaisir d’être à Paris en ce soir d’octobre. L’adage dit souvent que « plus on est de fous, plus on rit » : point de publicité mensongère avec Käärijä, car plus c’est fou, plus on fait la fête. Mission acceptée et accomplie pour le dauphin de Loreen, qui aura su répondre aux attentes de spectateurs décidément très enthousiastes (et pour certains prêts à investir leur PEL dans un hoodie à l’effigie de leur star).
Kiitos Käärija pour ce concert parisien à la fois déjanté et absurde ! Rendez-vous prochainement sur scène avec une nouvelle eurostar.
Merci beaucoup Rémi pour ce super article. Käärijä était apparemment tout en énergie mais aussi en embompoint, il doit forcer un peu sur la pina colada. J’en profite pour exprimer une requête : serait-il possible qu’une rubrique nous informe lorsqu’une eurostar donne un concert à Paris ? Ce serait top, car il n’est pas toujours aisé d’être informé et pour plusieurs eurostars j’ai appris après leur concert qu’elles étaient passées. Heureusement j’ai mes places pour le concert de Loreen, que j’attends avec impatience !!