Nous sommes samedi et qui dit samedi dit abécédaire de l’Eurovision ! Il a signé son grand retour la semaine dernière – accompagné de vos commentaires chaleureux dont je vous suis très reconnaissant – et il vous accompagnera tout au long de l’été. J’espère que ce premier article seconde saison vous a aussi plus, vous lecteurs de l’ombre, qui participez aussi à la vie de l’EAQ.

Nous avions voyagé entre classiques italiens, fonds de classements et orchestres irlandais. Si vous n’avez pas eu le temps de vous remettre de cette bouffée de summer vibes, plongez les pieds de nouveau dans l’O dès maintenant avec trois sujets à débat mais toujours ludiques ! Ouvrons donc grand les yeux et récitons ensemble l’abécédaire de l’Eurovision ! 0.0

O comme…

  • Orchestre

La semaine dernière, nous avions parlé de Noel Kelehan, le chef d’orchestre de tous les records à l’Eurovision. Mais que serait un chef d’orchestre… sans son orchestre ? Pour les eurofans les plus récents d’entre nous, vous vous demandez peut-être pourquoi nous parlons d’orchestre. Après tout, nous n’en apercevons aucun dans les éditions actuelles. Et vous avez raison, seulement des bande-son sont diffusés actuellement. Pourtant, alors que l’Eurovision était synonyme d’évènement chic avec des costards et des robes élégantes à perte de vue, l’orchestre était l’un des éléments clés de la compétition. Une disparition qui nous invite à plonger dans le passé pour en comprendre la raison.

L’orchestre fait son apparition dès la première édition en 1956. Vingt-quatre musiciens sont présents pour l’occasion. L’orchestre s’installe directement comme un indissociable du Concours, à l’image des plus grands évènement musicaux et en tant que véritable pilier des prestations des différents pays participants. Le principe est simple : le pays hôte fournit l’orchestre ainsi qu’un directeur musical. Dans l’effectif des délégations nationales est compris un chef d’orchestre pour assurer la chanson de leur pays. En cas d’absence d’un chef d’orchestre pour une délégation, c’est le directeur musical qui assure l’instrumental. Une place importante est donc accordée aux chefs d’orchestre, présentés systématiquement en amont de la chanson. L’effectif de l’orchestre évolue lui aussi au cours des éditions en parallèle de l’évolution musicale du Concours. Ceci implique aussi que les instruments par les chanteurs sont eux aussi en direct.

Si certains enchainent les années comme Noel Kelehan (Irlande), Frank Pourcel (France) et Ossi Runne (Finlande) – ce dernier aura même une ovation spéciale pour ses 20 années de participation en 1986 – d’autres font des apparitions uniques. Chacun marque le Concours avec sa propre empreinte, y compris lorsque cela signifie de se déguiser en Napoléon pour accompagner ABBA ou de marquer le début de la chanson en tapant dans le sol. Mais l’histoire avec l’orchestre n’est pas que de l’amour. En 1965 et en 1966, l’auteur-compositeur de Poupée de cire, poupée de son Serge Gainsbourg et le représentant italien Domenico Modugno sont insatisfaits de la performance dudit orchestre, provoquant des tensions importantes qui va même jusqu’à questionner la participation des pays respectifs. Des compromis seront tout de même trouvés. En 1991, l’orchestre sera à plusieurs reprises en retard et effectuera de nombreuses erreurs, marquant encore plus cette édition tristement célèbre.

Cependant, en 1973, la boite de Pandore est ouverte pour la première fois puisqu’une bande-son est autorisée pour remplacer les parties que l’orchestre ne peut pas assurer. Ces tensions sont-elles une des raisons à l’origine de ce choix ? Nous nous le saurons jamais. Une année aussi particulière à bien des égards puisqu’une femme, ou plutôt deux, conduisent pour la première fois l’orchestre. Si nous avons déjà parlé de la désormais légendaire Nurit Hirsh, Monica Dominique restera à jamais la première des trois femmes à avoir assuré cette position.

Au fur et à mesure des années, les pays utilisent de plus en plus les bandes-son. Certains gagnent même en utilisant ni l’orchestre ni la bande-son – coucou 1994 et Rock’n’Roll Kids ! En 1998 arrive l’inévitable : Diva de Dana International demeure la première chanson gagnante à avoir entièrement recours à une bande-son. Au regard de cette nouvelle tendance, l’UER modifie le règlement du concours et rend l’orchestre facultatif. La télévision publique israélienne, hôte en 1999, saute sur l’occasion pour réduire fortement les couts de l’organisation. Une décision qui sera reprise à l’unanimité par l’ensemble des pays hôtes jusqu’à aujourd’hui. Une décision qui ne manquera pas de provoquer beaucoup de déception de la part des eurofans et des téléspectateurs qui, encore en 2010, sera majoritairement pour un retour de l’orchestre. 1998 reste donc à ce jour la toute dernière édition à avoir vu la présence d’un orchestre en direct. Un évènement qui, selon moi bien évidemment, marque la séparation historique entre le concours classique et le concours moderne.

  • Ordre de passage

Nous nous aventurons sur des terrains brûlants ! Derrière ce simple concept en apparence, deux questions qui méritent réflexion se posent : le système actuel d’organisation de l’ordre de passage est-il adapté et quel impact a l’ordre de passage sur le classement final ? Mais avant de se plonger dans ces débats prometteurs, retour sur l’historique !

Pour assurer une égalité entre tous les pays participants, l’UER effectue un tirage au sort intégral de l’ordre de passage dès la première édition en 1956. Un système qui s’imposera jusqu’en 2013, soit sur plus de 50 éditions. Depuis, les pays participants ne tirent que la partie (1ère moitié ou 2nde moitié) dans laquelle ils performeront, que ce soit en finale ou en demi-finale. Seule exception : le pays hôte, automatiquement qualifié pour la finale, tire sa position de passage directement. A partir de là, les producteurs ont la mainmise sur l’ordre de passage. Une décision qui a ébranlé la sphère eurovision mais justifiée par le fait que cela permet de proposer un show plus entrainant, mieux rythmé en permettant d’alterner chansons calmes et chansons rythmées. Cela permet d’éviter d’avoir plusieurs du même genre d’affilée comme en 2012 où 4 des cinq premières chansons était plutôt calmes. Cela permet aussi de répartir les favoris au lieu d’avoir un risque qu’ils soient concentrés comme en 2011, provoquant une deuxième moitié de finale moins intéressante.

Alors est-ce qu’il s’agit d’un système adapté ? Il n’y a pas de réponse juste. Néanmoins, un élément qui peut permettre d’y répondre est l’impact de l’ordre de passage sur le classement final, un sujet maintes et maintes fois discuté chaque année par les eurofans. Tout d’abord, est-ce qu’un passage en 1ère partie empêche toute chance de victoire ? La réponse est clairement non puisque sur les 9 vainqueurs depuis la mise en place de ce système en 2013, 5 sont passés en première partie (2014, 2015, 2017, 2019 et 2022). Ouvrir la finale ne garantit pas un mauvais résultat – un top 10 a été obtenu par l’Ukraine en 2014 et la Belgique en 2016 – comme fermer la finale ne garantit pas un bon résultat comme le prouve la dernière place de l’Irlande déjà en 2013. Enfin, un podium est tout à fait possible en passant dans les 5 premiers : l’Autriche et la Russie le prouvent coup sur coup en 2018 et 2019.

« C’est bien tout ça mais ca ne prouve pas totalement que cela n’a aucune influence sur le classement final » me dites-vous ? Cela apporte tout de même des informations objectives mais nous n’aurons jamais de réponse définitive. Néanmoins, une information qui me parait importante et la répartition des membres du top 10 au sein de la finale. Si 2013 semble confirmer une influence de l’ordre de passage avec seulement 3 top 10 en 1ère moitié, 2015 prouve directement le contraire avec ses 7 top 10 dans cette même moitié. Quant aux autres années, la répartition tourne autour du 50/50. Ceci me permet d’affirmer, selon moi, que c’est la qualité des chansons qui priment sur l’ordre de passage. Une chanson mémorable restera mémorable qu’elle passe au début qu’à la fin. Néanmoins, une légère influence de l’ordre de passage semble observable mais ne se trouve pas dans la position mais plutôt des pays qui entourent un pays participant. Certains seront plus mis en valeur s’ils sont avec des chansons plus faibles ou d’un genre complètement différent. L’exemple le plus récent, sûrement encore frais dans nos mémoires, est le carton de la Moldavie au télévote cette année après 6 chansons bien plus calmes.

Je ne suis donc pas contre le système actuel d’attribution de l’ordre de passage. Sa mise en place me parait justifiée et nous permet de vivre des soirées vraiment intéressantes malgré quelques erreurs dans l’ordre de passage de temps en temps. L’ordre de passage est une science compliquée en elle-même. Il ne m’empêche de regretter le tirage au sort intégral. Néanmoins, je trouve qu’un compromis pourrait être trouvé. J’avais une idée ces dernières années que je veux vous partager : il s’agit de procéder à un tirage au sort intégral et de pouvoir décaler chaque pays de deux positions maximum. Ainsi, un pays en position 1 peut être déplacé jusqu’à la 3ème position, un pays en position 26 peut être reculé jusqu’à la 24ème position et un pays en position 13 peut être placé entre la 11ème et la 15ème position. Ceci me semble respecter l’essence du tirage au sort intégral tout en pouvant mieux rythmer la soirée pour faire une répartition idéale. Que pensez-vous de cette idée ?

  • Origines !

Origines ? Comment ça, origines ? Les origines de l’univers ? Je vous rassure, l’abécédaire n’a pas prétention à répondre à des questions existentielles. Les origines de l’Eurovision alors ? Vous êtes plus proches mais ce n’est pas encore la bonne réponse. L’abécédaire tout entier vous apporte ces réponses sur les origines de notre Concours tant adoré et nous les décryptons semaine après semaine. Non, cette partie est réservée aux origines/nationalités des candidats eux-mêmes. Si L’Eurovision est à la base une compétition européenne avec quelques exceptions et semble donc s’adresser à un public européen, ce n’est heureusement pas le cas car il a traversé les frontières, apportant une marque de prestige symbole du plus grand concours musical au monde. Un tel évènement attire des artistes des quatre coins du monde. C’est d’eux, et en particulier les chanteurs, auxquels je veux rendre hommage ici.

Dès les débuts du Concours, nous voyons la participation de candidats non originaires du pays qu’ils représentent. Si de par sa petite taille, le Luxembourg choisit Michèle Arnaud, chanteuse française, pour la représenter, un autre de grande taille fait aussi le choix d’un artiste étranger. L’Allemagne invite Freddy Quinn, originaire d’Autriche, pour la représenter avec l’entrainant « So geht das jede Nacht » (vainqueur personnel de votre auteur de l’abécédaire !). Néanmoins, les logiques langagières sont respectées. Mais c’est rapidement, plus précisément lors de la sixième édition en 1961, qu’on voit un candidat originaire d’un autre pays et d’une autre langue monter sur scène. Jimmy Makulis, représentant autrichien, est en fait né à Athènes et est un citoyen grec. Une première participation non officielle de la Grèce qui présagera de son arrivée à l’Eurovision.

Une participation qui ouvrira les frontières du Concours de plus en plus loin. Dans les années 60 monteront sur scène des interprètes israéliens, grecs (à 3 reprises !) et tchèque mais aussi pour la première fois des candidats d’un autre continent ! Cliff Richard est un célèbre chanteur britannique, particulièrement connu à l’Eurovision pour son « Congratulations » mais saviez-vous qu’il est né Lucknow en Inde, à l’époque où il s’agissait encore du Raj britannique (régime colonial). Ca ne compte pas vraiment ? A vous de juger. En 1966, bien que née aux Pays-Bas mais originaire du Suriname, Milly Scott représente le pays et demeure la toute première représentant noire à participer à l’Eurovision !

C’est le début d’une internationalisation d’un Concours qui attire des centaines des millions de téléspectateurs et donc des artistes étrangers. Au cours des décennies, l’ensemble des continents seront représentés avec des artistes en provenance ou originaires de Polynésie, d’Indonésie, des Etats-Unis, d’Australie, du Pérou, d’Iran, du Kénya, des Philippines, d’Inde, d’Ethiopie, du Suriname et bien encore. Certains gagnants comme Katrina en 1997 ou Céline Dion en 1988 sont d’ailleurs étrangers. Le Canada demeure d’ailleurs l’un des pays étrangers à avoir le plus marqué l’histoire de l’Eurovision en envoyant des représentants à grand succès comme Céline Dion justement mais aussi Lara Fabian, Natasha Saint-Pier ou encore Annie Cotton. Mais un exploit encore unique et malheureusement inégalé à ce jour est la victoire de Dave Benton aux côtés de Tanel Padar et 2XL pour l’Estonie en 2001. Il est originaire d’Aruba et demeure à ce jour le seul artiste noir à avoir remporté l’Eurovision. Revoyons ensemble la prestation gagnante « Everybody » qui sera finalement un véritable hommage à la diversité au nom de la musique.

L’Eurovision est donc à juste titre un concours international et un lieu de réunion de tous les pays au monde. C’est autant de cultures qui sont mises à l’honneur sur la scène de l’Eurovision. Un véritable honneur qui fait prendre tout son sens au slogan de la dernière édition ukrainienne en date : « Celebrate Diversity » (Célébrez la diversité).