Samedi soir, au terme de longues semaines d’impatience, Louane dévoilait enfin la chanson avec laquelle elle défendra les couleurs de la France à l’Eurovision 2025.

Il était 21h57 au Stade de France lorsque, dans une ambiance enfiévrée par le match des Bleus (futurs vainqueurs du Tournoi des VI Nations), les lumières s’éteignirent pour laisser place aux flashs des 80 000 téléphones portables présents dans l’enceinte et au son des tambours. Là-haut, perchée à 12 mètres au-dessus de la pelouse, Louane se livrait alors au monde entier sur son histoire personnelle, celle d’une fille orpheline de sa mère et désormais mère à son tour. maman tournait alors la page de l’une des premières chansons homonymes de l’artiste et devenait ainsi officiellement la chanson française pour l’Eurovision 2025, sous le regard de 9 millions de téléspectateurs en France et probablement bien plus à l’international.

Un défi historique pour un moment suspendu

En conférence de presse, Alexandra Redde-Amiel (directrice des jeux et divertissements de France Télévisions et cheffe de délégation) rappelait le caractère inédit de ce défi hors-normes dans l’histoire de l’Eurovision, puisque jamais une chanson n’a été dévoilée dans le cadre d’un événement sportif international. Un défi réalisé avec le concours de la direction des sports de France Télévisions (représentée par Laurent-Éric Le Lay, directeur des sports) et de la Fédération Française de Rugby (FFR) (incarnée par Jérémie Lecha, directeur général), qui ont immédiatement répondu présent pour collaborer à cette entreprise réalisée avec succès dans un délai assez court. Le passage de Louane à la mi-temps de France-Écosse représente une nouvelle étape dans la volonté du télédiffuseur d’implanter la marque Eurovision en France et de mobiliser le pays pour son artiste, telle une équipe en soutien de sa représentante. Le directeur général de la FFR a également rappelé que c’était la première fois qu’un match du Tournoi des VI Nations accueillait un show à la mi-temps, comme c’est le cas au Superbowl aux Etats-Unis : une opportunité pour Jérémie Lecha d’accueillir de nouveaux téléspectateurs (et futurs pratiquants ?) au rugby et de faire briller la France à l’international, tout en renforçant la dimension événementielle du sport. À noter que, lorsqu’elles ont été sollicitées par France Télévisions, les équipes de la FFR ne savaient pas que Louane était la représentante française à l’Eurovision, ce qui les a d’autant plus satisfaites à la découverte du nom de l’artiste.

La cheffe de délégation fut ensuite rejointe par notre représentante, soulagée d’avoir survécu à ce moment « suspendu » et « inoubliable » qu’elle estime déjà unique dans sa vie et dans sa carrière: « C’est fait et… je ne suis pas morte ! Ce qui était un grand questionnement dans ma vie ces derniers jours. » Il faut dire que le challenge était également inédit pour Louane, pour qui chanter sur une plate-forme montée à 12 mètres de hauteur était une grande première effrayante. Pour s’y préparer, la chanteuse a réalisé au préalable des vols sans plate-forme en hangar à 6 et 8 mètres de hauteur, avant de réaliser ses premiers essais de vol en extérieur dans le stade le jeudi précédant la prestation. Un défi qu’elle a finalement relevé haut la main, tandis qu’une autre pression était là : celle de chanter devant 80 000 téléspectateurs (et futurs eurofans ?) qu’elle entendait du haut de sa plate-forme. Mais le soutien d’un public impressionné par la prouesse technique de la prestation et de ses proches (qu’elle cherchait du regard dans le public sans réussir à les trouver) lui ont permis de le relever avec succès : « Quand la plateforme s’est surélevée, ils étaient impressionnés, j’entendais leurs « woah » et je me suis dit, « c’est bon, on a capté leur attention ! » »

« Je rêvais de faire l’Eurovision et pouvoir le faire pour ma maman est quelque chose de fou. »

Pour Alexandra Redde-Amiel, maman est une « une mélodie qui unit les âmes entre terre et ciel », avec une artiste en lévitation, « messagère d’une émotion pure et authentique ». Elle évoque la quête d’une « vérité absolue, une chanson puissante et universelle, sans concession, à travers le symbole de la mère, du cycle de la vie et de la transmission. » Pour la cheffe de délégation, l’histoire a commencé samedi soir et résonnera encore longtemps. maman a été écrite hors projet, alors que Louane venait de terminer l’enregistrement de son dernier album. Un titre « arrivé comme un cheveu sur la soupe », au moment où France Télévisions l’approchait pour participer à l’Eurovision. Après de longs mois de réflexion, Louane a fini par présenter la chanson à Alexandra Redde-Amiel (tout en ayant un titre de secours sous le bras). L’évidence fut alors au rendez-vous : « c’est celle-là ». Pour l’artiste, cette chanson est d’autant plus particulière qu’elle s’inscrit dans un moment de sa vie où elle a eu besoin de faire le bilan de ce qu’elle était devenue et de ce qu’elle ressentait, avec l’idée de le raconter à sa mère (disparue en 2014 alors qu’elle n’avait que 17 ans) – dont le rêve était de voir sa fille monter sur la scène de l’Eurovision, un concours qui fait partie intégrante de l’histoire de Louane. De quoi renforcer l’évidence du choix de maman pour Bâle.

Un nouveau chapitre qui s’ouvre pour Louane

Le titre de Louane pour l’Eurovision fait écho à une première chanson de l’artiste qui s’appelait Maman, sortie dans son premier album Chambre 12 en 2014. Cette dernière avait mystérieusement disparu des plateformes de streaming quelques jours avant la révélation de cette nouvelle maman. Interrogée à ce sujet, l’artiste a exprimé sa volonté de tourner la page d’une période difficile de sa vie, incarnée dans la première chanson (qu’elle n’interprétait plus depuis longtemps). Aujourd’hui, c’est une autre Louane qui se présente avec cette « nouvelle » maman, qui lui permet d’affirmer qu’elle va bien, d’avancer plutôt que de ressasser le passé : « Il raconte qui je suis aujourd’hui pour ma mère et c’est le seul message que je veux voir rester ». Un acte de suppression artistique d’autant plus fascinant qu’inédit, pour une nouvelle chanson qui fait office de catharsis et de libération pour l’artiste. Elle livre ici un message personnel et universel, qui fait office de passage de relais, avec la voix de sa fille en conclusion : « Toutes mes chansons, particulièrement ces dernières années, ont été assez intimes, donc c’est quelque chose qui est un peu ma signature. La chose la plus importante, que j’appelle lien, c’est la possibilité d’avoir ces trois générations qui se rencontrent. Ce n’est pas une boucle, c’est vraiment un cercle et ce lien était important. C’était un vrai questionnement quand je suis devenue maman, parce que c’est assez particulier d’avoir un enfant quand on a perdu ses parents. » Preuve de cette volonté de tourner une page, l’enregistrement est décrit par l’artiste comme court, « intense » et placé sous le sceau du « lâcher prise ».

Mais ce n’est pas la seule nouvelle page qu’écrit Louane avec cette deuxième maman (écrite avec un « m » minuscule), puisque c’est la première fois qu’elle s’attaque à des sonorités de ballade intenses et épiques : « Si je suis 100 % honnête, les ballades, c’est ce que je préfère », d’où un choix stylistique évident pour se livrer sur son histoire et pour être elle. La version entendue samedi soir en live sera l’identique de celle présentée sur la scène de l’Eurovision, exception faite de l’introduction. De même, en étant la dernière à dévoiler sa chanson dans cette édition, Louane n’a pas retravaillé son titre par rapport à la concurrence qu’elle a pu découvrir et apprécier ces dernières semaines – la représentante française confesse des coups de cœur pour l’Australie, la Grèce, la Slovénie et la Suède. « J’ai une playlist de l’Eurovision. J’adore ! »

En route pour Bâle

L’objectif est assumé : « Je veux gagner ! » Pour cela, l’artiste assume une contre-proposition par rapport à des propositions plus rythmées et plus « excentriques » (selon les mots d’une journaliste présente au Stade) que l’on retrouvera sur la scène de l’Eurovision 2025. Pas grand-chose n’a filtré sur la scénographie de Louane à Bâle, si ce n’est qu’elle sera tout à fait différente de ce qu’on a pu voir au Stade de France. L’artiste évoque toutefois un choix de direction artistique spécifique, tout en s’inscrivant dans certains codes de l’Eurovision (la rumeur évoque Fredrik Rydman, metteur en scène de la Suède en 2015 et de la Suisse en 2024, à la direction artistique, N.D.L.R.). Surtout, au-delà d’un aspect « théâtral » et « très puissant », elle nous promet quelque chose de « jamais fait » sur la scène du concours. Une certitude : Louane sera habillée par Paco Rabanne (dont elle portait une robe au Stade de France), dont elle adore la direction artistique de Julien Dossena.

Interrogée sur ses attentes par rapport aux fans français et européens, Louane espère « les toucher, qu’ils vont la porter, être derrière elle« , tout en n’écartant pas le fait que sa proposition ne plaise pas (mais les premiers retours sont positifs). « J’attends de partager, d’échanger, de rencontrer et beaucoup d’amour. J’en ai plein à donner aussi. » L’occasion d’officialiser la présence de Louane aux pré-parties : rendez-vous pour cela le 5 avril à l’Eurovision in Concert d’Amsterdam et le 13 avril à la London Eurovision Party de Londres.

Des audiences historiques

La prestation de Louane a été regardée par près de 9 millions de téléspectateurs réunis sur France 2, pour une part d’audience de 41,4%. Des chiffres records, jamais vus pour la révélation d’une chanson française pour l’Eurovision et qui placent la France en tête des audiences des différentes sélections nationales et révélations de titres (Sanremo excepté).

Dans le détail, France 2 a réalisé des parts d’audiences impressionnantes sur cibles : 64,5% chez les 4-14 ans, 64,4% chez les 15-34 ans, 52,2% chez les 25-49 ans et 54,6% chez les parents. De quoi confirmer l’assise populaire de l’artiste et la possibilité de capter une partie d’un public venu avant tout assister à la performance du XV de France sur la pelouse (qui a quant à elle réuni 9,5 millions de téléspectateurs pour une part d’audience de 46,1%, un record historique pour un match du Tournoi des VI Nations là aussi).

Rendez-vous est désormais pris à Bâle, le 17 mai 2025, pour notre représentante français, aux côtés de laquelle les eurofans seront bel et bien présents pour l’accompagner dans son aventure avec maman.

Crédits photo : Julien de Rosa/AFP (image de couverture), Rémi P. – EAQ (photos de l’article)