La, la la la la la, … Quelques jours après vous l’avoir présenté en portrait, nous avons eu la chance d’échanger avec lui sur sa participation à Eurovision France, c’est vous qui décidez. C’est entre deux patients que le chanteur-dentiste de Lille a eu la gentillesse de livrer ses impressions à la rédaction de L’Eurovision au Quotidien : voici Saam en interview !

EAQ – Qu’est-ce que cela te fait de participer à Eurovision France ?

Saam – Je suis tout excité d’avoir la chance d’être dans les douze finalistes ! Plus de trois mille chansons ont été envoyées et on est douze artistes heureux à pouvoir potentiellement représenter la France à l’Eurovision. Je regardais le concours quand j’étais petit avec ma maman, et cela me rappelle des souvenirs. En plus de ça, cela fait plus de quarante ans qu’on n’a pas gagné l’Eurovision, et j’aime bien les défis. Le but de cette émission est de sélectionner la meilleure chanson, alors que ce soit moi ou quelqu’un d’autre, je serai content, car c’est une bonne chanson qui partira à Turin. Quand je dors la nuit, les chansons de mes onze amis résonnent même dans ma tête ! Je suis très content de vivre cette aventure.

Justement, comment t’y es-tu retrouvé embarqué ?

Cela faisait déjà un moment que j’avais envie de participer aux sélections pour l’Eurovision. On m’avait déjà contacté par le passé, mais je n’étais pas disponible, car je préparais mon EP. Cette année, mon producteur m’en a parlé, alors je me suis dit « Pourquoi pas ? » J’étais un peu triste parce que je venais de sortir mon EP avec tous mes meilleurs titres. Or, il fallait proposer une nouvelle chanson, et qu’elle soit bonne. C’était l’été, j’avais deux ou trois semaines pour proposer un nouveau titre et je m’y suis mis. Je suis parti en vacances dans le Sud de la France à Biarritz, j’ai emporté tout mon matériel de musique avec moi, et je m’enfermais tous les après-midis pendant que mes amis étaient à la plage. De là est né Il est où ? le titre que j’ai présenté et qui a été finalement sélectionné.

Ton nom faisait l’objet d’énormes rumeurs pour la sélection. Comment as-tu géré la chose ?

Cela fait déjà plaisir de voir des gens qui t’intéressent à ta chanson. Mais dès lors que je réponds à un commentaire et que je dis que je participe à Eurovision France ou que j’en suis l’un des candidats potentiels, je risque d’être disqualifié. Donc je ne peux rien dire. Chaque année, on essaie de préserver le suspense jusqu’au bout, mais la liste des candidats finit par fuiter en amont. Dans mon cas, je faisais en effet partie des noms qui circulaient, mais je ne devais rien dire. C’était un peu dur de recevoir des messages et ne pas pouvoir répondre (rires). Surtout que je suis quelqu’un de très ouvert, dès qu’on me laisse un message ou un petit mot, je réponds, donc c’était frustrant.

Quel rapport as-tu à l’Eurovision ?

J’avais cinq-six ans, et ma mère suivait l’Eurovision, donc chaque année, lorsque je voyais le système de points, j’étais à fond ! Ensuite, j’ai fait mes études, donc j’ai arrêté de regarder la télévision, surtout quand je suis parti en médecine où je bossais de 8 heures à 23 heures et je n’avais même plus de vie sociale. J’ai commencé à suivre à nouveau le concours en 2016, alors que je venais d’être diplômé, lorsque Amir a terminé sixième. Ensuite, il y a eu Destination Eurovision avec Madame Monsieur et Bilal Hassani, puis Eurovision France, avec Barbara Pravi, qui a failli remporter l’Eurovision. Je pense aussi à Gjon’s Tears, pour la Suisse, qui avait terminé troisième : on voit que la langue française est bien représentée à l’étranger. La chanson française fait partie de mes influences, donc j’avais à cœur de participer et de représenter fièrement la France.

Quels artistes t’ont d’ailleurs influencé ?

J’en ai trois. Chronologiquement, cela a commencé avec la chanson française qu’écoutait ma maman. J’ai été bercé par Brel, Brassens, Aznavour. Il y a un petit clin d’œil à Brel et sa chanson La valse à mille temps dans Il est où ? avec le tempo qui s’accélère à la fin et le « La, la, la, … » Quand je suis arrivé au lycée, j’écoutais pas mal de pop-rock anglophone, avec ce côté mélodique qui reste dans la tête. Mes frères écoutaient pas mal d’urbain, une touche que l’on retrouve aussi dans mon titre avec les percussions. Il est où ? est un mélange de ces trois influences, mais le fil rouge de toutes mes chansons, c’est avant tout l’émotion. Je n’ai pas pris de cours de musique, je n’ai pas fait le conservatoire, j’ai tout appris en autodidacte et je me suis rendu compte avec le temps que j’avais du mal à dire ce que je ressentais au fond de moi. La musique m’a libéré de ce poids, et c’est comme ça que j’ai été repéré aujourd’hui par ma maison de disques avec mon titre Mémère. Je venais de perdre ma grand-mère, j’ai posté une vidéo sur YouTube, elle a plu, elle a fait plusieurs milliers de vues et elle est devenue mon premier single. Mes chansons me permettent de raconter ce que j’ai vécu dans ma vie et de parler des choses qui me touchent.

C’est avec Il est où ? que tu veux représenter la France à Turin en mai prochain. Comment décrirais-tu cette chanson ?

Elle évoque ma manière d’être, la personne que je suis. Il est où ? est un message que j’aimerais transmettre aux gens. Malgré les apparences – je suis chirurgien-dentiste, j’ai fait des études – et l’étiquette qu’on tend à me coller – celle du « beau gosse » à qui tout réussit et né avec une cuillère en argent dans la bouche – la réalité est différente. J’ai vécu dans une famille populaire et ouvrière, où mon père travaillait dans les travaux publics. Mes parents se sont séparé lorsque j’étais jeune, je me suis retrouvé seul avec ma mère – qui s’est retrouvée sans travail – et mes frères. On a pas mal galéré quand j’étais petit. Ce qui m’a aidé à surmonter ces épreuves-là, c’était mon sourire et de garder cette âme d’enfant, afin de voir la vie sous son aspect positif. Cette force-là, j’ai envie de la transmettre aux gens avec ma musique et l’Eurovision est le parfait endroit pour le faire. Mon message est universel, il n’y a pas de barrière de langue au sourire. Vous pouvez sourire à quelqu’un à Londres, à Berlin ou à Turin, vous allez recevoir un sourire en retour. Voilà pourquoi je souhaite diffuser ce message en représentant la France à Turin le 14 mai.

Comment comptes-tu faire vivre ce titre sur scène ?

Je n’estime pas avoir une voix extraordinaire, tellement il y a de bons chanteurs. Je chante avec le cœur. Ce qui me caractérise, c’est l’émotion, qui est le fil conducteur de mes chansons. Je vais y aller simplement. Dans cette chanson, je m’adresse aux gens pour leur transmettre un message. Elle commence par les paroles suivantes :

Je dois vous avouer
Je me questionne
En nous regardant
Vivre pressés
On était si fous étant mômes
Aujourd’hui ça tire la gueule sans arrêt

C’est un constat. Dans la vie, les gens ont la tête dans le guidon, c’est un peu métro-boulot-dodo. Ils perdent leur âme d’enfant et moi, j’aimerais que chacun mette une pause dans sa vie pour m’écouter et se rendre compte que chacun garde en lui cette flamme qui brûle. On est tellement plus heureux dans la vie quand on a un regard d’enfant et qu’on voit le côté positif des choses. Je ne vais pas avoir besoin d’artifices autour de moi. L’important, c’est d’y aller et de chanter avec le cœur.

Tu es un artiste qui monte. Parmi tout ce que tu as fait récemment, tu as repris une chanson de Jenifer, J’attends l’amour. Tu vas d’ailleurs la retrouver comme présidente du jury à Eurovision France …

Jenifer est une artiste que je suis depuis ses débuts. J’ai trente-trois ans aujoud’hui et je me souviens de ses premiers pas à la Star Academy, j’avais une dizaine d’années et je regardais l’émission à la télévision. Jenifer, cela me fait quelque chose de la voir en vrai. La reprise que j’ai faite cet été a fini dans la bande-annonce de L’amour est dans le pré. Jenifer était tombée sur cette chanson et elle m’avait reposté en story. Cela m’avait touché de voir que ma reprise lui plaise. J’attends l’amour est devenue un classique, tout le monde connaît cette chanson et c’est très difficile de prendre une chanson connue et surtout d’être accepté par ses fans. J’ai eu de très bons retours et je suis super excité à l’idée de pouvoir la rencontrer enfin, parce que c’est une artiste que j’apprécie beaucoup.

Tu démarres une carrière artistique, mais en parallèle, tu continues à exercer en tant que chirurgien-dentiste. Comment parviens-tu à gérer cette dichotomie ?

Cela a été un choix de vie de ma part. J’ai des amis dentistes qui bossent toute la semaine. Dès que j’ai eu mon diplôme, j’ai choisi de travailler à mi-temps afin d’avoir du temps pour la musique. J’ai envie de profiter de la vie et la musique est ce qui me rend heureux. Je suis épanoui comme ça. Avant que je signe en label, je réalisais des vidéos sur YouTube et les réseaux sociaux, je faisais des concerts dans les bars, et je jouais même dans les rues de Lille ! Je prenais même plus de plaisir à jouer dans la rue qu’à jouer dans les bars ou les restos, parce que les gens prenaient de leur temps et s’arrêtaient pour écouter. Je recevais plein d’ondes positives. Je suis toujours resté à concilier les deux. Aujourd’hui, forcément, j’ai un peu moins de temps, mais je ne compte pas arrêter. C’est un métier que j’aime beaucoup car, d’une certaine manière, je redonne le sourire à mes patients en cabinet. J’ai des patients qui n’aiment pas leurs dents, qui sont renfermés sur eux-mêmes et aujourd’hui, quand je termine mon traitement avec eux, qu’ils se regardent dans la glace avec une larme à l’oeil et qu’ils sourient, qu’ils me disent « Merci docteur » et qu’ils reprennent confiance en eux, cela vaut tout l’or du monde. Mon rêve serait de faire la même chose avec ma musique sur scène. Chanteur et dentiste : Saam, il fait les deux (rires), et pour l’instant, cela me va très bien comme ça.

À croire que la France à l’Eurovision a une certaine appétence pour les chanteurs-dentistes, puisqu’Amir était également dentiste de formation ! (Rires)

(Rires) C’est vrai qu’on fait forcément la comparaison, parce qu’on est tous deux chanteurs, dentistes, méditerranéens. Pas mal de dentistes ont eu d’autes carrières à côté, comme Iris Mittenaere, l’ancienne Miss France et Miss Univers, que je connaissais de ma fac, mais elle a arrêté ses études dentaires depuis. La dentisterie a un côté artistique : lorsqu’on refait des dents, on réhabilite quelque chose, on refait un sourire, et c’est donc pour cela pour qu’on retrouve des dentistes dans d’autres domaines.

Est-ce que des artistes ou des titres t’ont d’ailleurs marqué à l’Eurovision ?

Pas mal de titres ont été révélés au concours et ont cartonné par la suite, comme Waterloo d’ABBA, vainqueur de l’Eurovision en 1974. Plus récemment, Amir – ex finaliste de The Voice – a carrément lancé sa carrière avec J’ai cherché et l’Eurovision. Cela lui a servi de tremplin et cela a permis également de relancer l’Eurovision auprès des français. Alors qu’à l’époque de ma mère, tout le monde suivait l’Eurovision, c’est allant à la rencontre de gens dans les rues de Lille samedi dernier – je suis le seul candidat qui représente le Nord – que je me suis rendu compte que beaucoup ne regardaient plus l’Eurovision, mais que pas mal d’entre eux citaient Barbara Pravi. Sa deuxième place a permis à la France de s’intéresser à nouveau au concours.

Quels sont tes projets après Eurovision France ?

J’ai beaucoup de chansons actuellement en stock : je vais donc sortir mon album cette année. Pour l’instant, on est focus sur l’Eurovision. J’aime les défis, cela fait trop longtemps que la France n’a pas gagné et j’aimerais bien représenter notre pays. Si je vais à l’Eurovision, je n’irai pas pour faire de la figuration, mais vraiment pour gagner. On a une culture musicale qui plaît à l’étranger, donc il faut juste rassembler les gens et véhiculer un beau message. Même si ce n’est pas moi, on aura dans tous les cas un bon candidat qui représentera la France, car toutes les chansons sont belles, et mon objectif est vraiment qu’on gagne l’Eurovision un an après notre deuxième place. L’album sortira quant à lui après l’Eurovision, et il y aura également une tournée après l’album. C’est déjà pas mal ! (Rires) Je me suis rendu compte en faisant quelques scènes – j’ai notamment eu la chance de faire la première partie des Frangines à l’Olympia – qu’il y a un véritable pouvoir avec la musique. On peut vraiment transmettre des choses à gens. Il peut y avoir un réel lien entre l’artiste et le public.

J’ai d’ailleurs une anecdote. Le public des Frangines ne me connaissait pas. Mon producteur m’a invité à chanter une reprise pour faire chanter les gens. J’ai chanté La souris verte (rires). Il y a six ans, je suis parti en vacances, je jouais avec ma guitare dans un restaurant sur la plage, et une petite fille est venue me voir en me demandant de chanter La souris verte. Tout le monde la connaît, c’est plus une comptine qu’une chanson, mais elle était tellement mignonne que je ne pouvais pas lui dire non. J’ai joué cette chanson et tout le monde s’est mis à danser ! C’est devenu communicatif et, depuis, à chaque fois que je joue dans les bars à Lille, les restaurants, en concert, je chante La souris verte. Je l’ai testée pour ma première fois l’Olympia, et c’était quelque chose de dingue ! La danse et les sourires étaient contagieux, et c’est ainsi je me suis rendu compte du réel pouvoir de la musique sur les gens. Partir à la rencontre du public est un rêve, car j’adore échanger avec les gens, et la musique est un partage, que l’on envoie un message positif ou de la nostalgie. Ma chanson sur ma grand-mère a par exemple touché pas mal de gens qui se sont sentis concernés.

Pourquoi souhaites-tu représenter la France à l’Eurovision ?

C’est tout simple : j’ai un message bien précis à transmettre. Cela fait deux ans que l’on vit des temps difficiles à cause d’un virus qui est négatif et hyper contagieux. J’aimerais également transmettre un virus contagieux, mais ce virus, c’est le sourire. Dans un concours international de chanson, c’est un message universel qui pourra résonner au-delà des frontières et je trouverais cela beau de représenter la France avec.

Un grand merci à Saam d’avoir accepté cette interview pour L’Eurovision au Quotidien. Rendez-vous samedi 5 mars prochain dès 21h10 pour le découvrir en direct sur France 2 aux côtés des 11 autres candidat·es d’Eurovision France, c’est vous qui décidez !

Merci également à Eva Dellmann de M6 Music Label pour l’organisation de cette interview.

Crédits photographiques : Julia Magnan