Cet après-midi, l’EAQ a assisté à la répétition presse de la finale de l’Eurovision 2025. L’équipe présente à Bâle vous livre son analyse.

Il est 13h30 lorsque retentit le tant attendu Te Deum de Marc-Antoine Charpentier dans une Arena vide de ses spectateurs et de ses eurofans, puisqu’ouverte seulement aux médias accrédités et aux délégations. Une répétition grandeur nature de ce que vous découvrirez samedi soir… du moins en partie, la presse ayant été invitée à quitter les lieux à l’issue de la dernière prestation. 

À la présentation, l’efficace duo Hazel Brugger (dont le capital sympathie n’a cessé de croître tout au long de la semaine) et Sandra Studer est rejoint par Michelle Hunzinker, visiblement en manque de préparation si l’on en croit les nombreuses hésitations et approximations de l’après-midi. N’oublions pas qu’il ne s’agit que d’une première répétition générale, mais la prestation devra impérativement être affinée à quelques heures du Jury Show et surtout à la veille du Live Show.

En ouverture, un magnéto nous montre les trois présentatrices essayant de chercher un trophée de fortune, le Micro de Cristal n’étant pas encore parvenu jusqu’aux coulisses de la St Jakobshalle. Nous suivons ensuite le parcours marathonien et sportif du célèbre trophée de l’Eurovision à travers les Alpes, le Rhin, jusqu’à ce qu’un cycliste handisport emmène enfin le précieux au sein de la St. Jakobshalle, où il est érigé au sein de la Green Room. Tandis que Nemo tente de la toucher, le trio l’arrête, référence au fait qu’il l’ait cassé l’année dernière. Lae gagnant·e de l’édition 2024 monte sur scène pour interpréter The Code, son titre vainqueur de l’année dernière. Dès lors, la Suisse nous offre à nouveau un savant mélange entre modernité et tradition, comme elle le fait depuis le début de la semaine. Des musiciens en tenues helvétiques traditionnelles mêlent leurs sons à ceux de la techno et de danseurs contemporains au cours de la parade des drapeaux. Nous retrouverons ensuite le trio de présentatrices pour les salutations d’usage en anglais et dans les quatre langues nationales du pays : l’allemand, le français, l’italien et le romanche. Après les présentations des règles, vient l’heure d’ouvrir le vote paur toute la durée de la finale… et surtout de lancer enfin la 69ème édition du concours Eurovision de la chanson. 5, 4, 3, 2, 1… Let the Eurovision Song Contest begiiiiiiiin !

Deux heures durant, les 26 prestations s’enchaînent, entrecoupées d’un intermède durant lequel Sandra Studer interprète une partie de la chanson avec laquelle elle avait offert la cinquième place à la Suisse sur la scène de l’Eurovision en 1991, Canzone per te, et Michelle Hunziker se lance dans une reprise façon Gipsy Kings de Nel blu del pinto di blu, le titre légendaire de Domenico Modugno. L’occasion de découvrir enfin l’ensemble des finalistes selon leur ordre de passage, quelques heures avant le Jury Show déterminant. De quoi remettre les compteurs à zéro quant à nos impressions préalables issues des demi-finales et de la révélation de l’ordre de passage, au demeurant très réussi… et fort révélateur.

En première position, la Norvège lancera la finale non sans pertinence avec un Lighter efficace pour démarrer le show, mais qui ne prétendra probablement pas aux avant-postes du classement, l’ouverture de show permettant essentiellement de mettre en marche la dynamique du concours, mais pas de marquer durablement les esprits, surtout avec la fin de concours démentielle qui s’annonce. Avec une jolie prestation très appréciée des eurofans grâce à un titre accrocheur et hommage à une icône du concours nommée France Gall, le Luxembourg apparaît dans l’injuste position du sacrifié à la deuxième place, là où le package aurait mérité meilleur sort dans cet ordre de passage. Derrière, l’Estonie (3ème) et Israël (4ème) apparaissent eux aussi comme deux grands sacrifiés de l’ordre de passage, surtout que Tommy Cash et Yuval Raphael ont du réalisé un fort télévise en demi-finales. Si espresso macchiato devrait être logiquement saqué par les jurys vu la performance vocale catastrophique du rappeur estonien, le refrain résonnera suffisamment dans la tête des gens pour accrocher le public. Israël se voit quant à lui envoyer un message : l’UER ne souhaite clairement pas que le pays remporte l’Eurovision, là où il apparaissait comme un sérieux outsider vu la qualité de la performance vocale et de la chanson (là où la scénographie bling bling apparaît peu à propos avec le thème de la chanson). Le télévote solide de la diaspora devrait cependant porter le pays tout droit vers le top 5, même si des incertitudes demeurent quant à l’impact du vote des jurys – à l’instar de l’Ukraine en numéro 7, dont la proposition musicale désarçonne d’ennui, mais que le télévote pourrait porter aux alentours des 12ème et 15ème places. Quoiqu’il en soit, la proposition semble perdre en impact au vu de l’ordre de passage, là où la Lituanie (qui suit une nouvelle fois dans l’ordre de passage après l’enchaînement Eden Golan-Silvester Belt de 2024) verra elle aussi sa réception incertaine vu la radicalité clivante d’une proposition qui apporte toutefois une réelle touche à la scène musicale de l’Eurovision. 

L’Espagne s’impose comme une sérieuse prétendante au bottom 5 avec la diva Mélody qui fait le show, mais un plaisir coupable kitsch et daté, là où le Royaume-Uni et ses très sympathiques représentantes pourraient malheureusement se voir sanctionnées d’un zero point au télévote, pour ne pas dire de la dernière place tout court, à laquelle nos amis britanniques se sont habitués ces dernières années. C’est surtout l’Autriche qui est la plus attendue de cette première partie de soirée, étant la première grande favorite à affronter le ring de la St. Jakobshalle. JJ touche le ciel de sa prestation vocale époustouflante sur un titre pop-opéra, c’est certain et les jurys apprécieront à coup sûr. En sera t-il de même avec le télévote ? Nous sommes ici fort perplexes vu la scénographie en noir et blanc proposée, qui pourrait déconnecter le téléspectateur. Surtout que la proposition autrichienne ne sera pas sans concurrence en première moitié… et qu’au fur et à mesure que passent les prestations, ce n’est pas celle que l’on retient. Car une tornade nommée Erika Vikman (qui a dû réaliser une deuxième prestation, les techniciens n’ayant pas réussi à surélever le micro lors de la première) capte toute l’attention en 13ème position en femme puissante et déterminée avec son Ich Komme addictif et osée. Les jurys pourraient être frileux, mais le télévote pourrait propulser la Finlande vers un nouveau top 10. On mise ici sur un score supérieur à 200 points. Une prestation qui pourrait également faire mal aux Pays-Bas, qui la précèdent et dont le charisme solaire du candidat pourrait en faire un outsider pour une victoire de consensus avec un titre entêtant et radio-friendly, malgré une scénographie trop sombre. Mais la tornade Erika… À noter le passage remarqué de Tautumeitas (Lettonie) en 11ème position, qui laisse Rémi et Salem faire l’ambitieux pari du top 10 surprise que personne n’attendait sur la ligne de départ.

En deuxième partie de finale, la douceur italienne et incarnée de Lucio Corsi rend incertain le résultat de nos voisins transalpins, abonnés au top 10. Le personnage authentique et la vraie dégaine de Lucio, qui apporte une touche atypique et des sonorités singulières sur la scène du concours cette année, pourrait toucher le jury, là où cela passera ou cassera auprès du public. Un score à la Blanca Paloma (haut chez les jurys, faible auprès du public) n’est pas à exclure. Surtout que la bête de scène Justyna débarque juste après pour la Pologne avec son ultra-efficace package eurovisionesque nommé Gaja, qui était sans doute plus impacte dans la faible demi-finale 1, mais qui pourrait lui permettre de viser le haut de la partie droite du tableau final, surtout avec un télévote relativement favorable à la Pologne, façon Blanka en 2023 (qui avait accroché le top 10 du public). Juste après, en 17ème position, Baller s’impose comme l’eurotube allemand surprise de cette édition, avec un carton assuré sur le dance floor, comme peu d’autres dans cette setlist bâloise. Mais avec un style musical électro peu Eurovision-compatible (Red Sebastian en a fait les frais malgré une prestation remarquable) et surtout une performance approximative (notamment sur le plan vocal, où Tynna est fausse et essoufflée du début à la afin), , l’Allemagne pourrait se retrouver aux alentours de la 20ème place, un an après le résultat surprise d’Isaak à Malmö (qui pouvait remercier les jurys).

À partir de la 18ème place, c’est un véritable bain de sang qui déferlera sur la scène de la St. Jakobshalle, avec un enchaînement de prestations fortes et de favoris. Même si une partie de l’EAQ était fort critique quant à la scénographie grecque (là où l’autre partie a été subjuguée par la mise en scène), nous nous rendons à l’évidence : avec sa très belle chanson et la solide performance de Klavdia, assurément l’une des plus belles voix féminines de cette édition, la Grèce pourrait prétendre au top 10 grâce à un vote très favorable des jurys, voire plus si affinités si, d’aventure, l’édition 2025 accouchait sur une surprise digne de la victoire de l’Azerbaïdjan en 2011 (dans un autre style, cela s’entend bien entendu). Qualifiée surprise alors qu’elle était condamnée à faire de la figuration dix jours avant, l’Arménie peut compter sur la solide prestation physique du beau Parg pour accrocher le télévise avec sa machinerie, qui plus est avec le fidèle vote de la diaspora. Et si le pays accrochait le top 15 ? Rien d’improbable. Derrière, le pays hôte tremble à l’idée d’une deuxième victoire consécutive là où il plaçait peu d’espoirs dans la proposition poétique et minimaliste de Zoë Më en français. Mais ça, c’était avant que la magie opère sur la scène de la St. Jakobshalle avec un tableau cinématographique splendide de délicatesse. Les jurys apprécieront et pourraient récompenser la Suisse d’un top 5 mérité, mais le tout pourrait être trop radical pour le télévise. Espérons toutefois un top 10 à domicile pour le pays hôte à l’issue de cette répétition presse.

En 20ème position, Miriana Conte (Malte) offre un package très efficace en live, assumé jusqu’au bout par sa pétillante interprète. Dans le style de propositions fun et joke acts toutefois, nombreux à s’être qualifiés en finale, le pays pourrait souffrir de la concurrence féroce de la Finlande, avec un package beaucoup plus professionnel et calibré, et finalement voir ses espoirs déçus, surtout que les jurys devraient être particulièrement frileux à l’égard de sa prestation. À l’inverse, la qualification en finale est déjà une victoire pour le Portugal, qui nous a offert une des remontadas les plus inattendues de l’histoire du concours, à l’instar du letton Dons en 2024. NAPA n’aura pas grand chose à jouer dans cette finale, si ce n’est de profiter du moment pour partager sa touchante histoire du déracinement et sa déclaration d’amour à Madère, à moins d’une nouvelle grosse surprise. Surtout que le groupe précède l’énergique Danemark avec sa proposition électro-pop très inspirée des années 2010, mais qui risque fort de finir dans les choux, surtout que Sissal a assuré une performance vocale plus qu’a minima (là où l’ensemble des interprètes se sont préservés pour le Jury Show de ce soir à raison), laissant le public chanter son refrain. Espérons pour la Miss Congeniality de l’édition que ce ne soit qu’une mise au repos de sa voix et non une sérieuse alarme, auquel cas le Jury Show pourrait être très compliqué pour l’une des plus belles voix de l’édition.

23ème prestation de la soirée, et l’UER nous envoie dès lors un message. En plaçant la Suède, grande favorite des bookmakers, et la France, troisième des paris, côte-à-côte, l’instance régisseuse nous envoie un sérieux message, tant aux jurys nationaux qu’au public : ce sera le joke act suédois ou l’émotion sérieuse de la France. Les deux performances sont heureusement entrecoupées d’un long intermède en direct de l’Arena Plus avec Sven Epiney et Mélanie Freymond, présentateurs de la viewing party située au St. Jakob Park, voisine de l’arena, le temps de dérouler la complexe logistique de la France pour la prestation de Louane. Car force est d’avouer que le package suédois est diablement efficace et parfaitement rôdé, longuement éprouvé depuis le Melodifestivalen (ce à quoi ne devait pas forcément s’attendre la SVT lors de la victoire surprise de KAJ face à l’ultra favori Mans Zelmerlöw). La Suède est une évidente prétendante à la victoire au télévote, en recherche de propositions amusantes et détente, voire à la victoire tout court. Mais que feront les jurys, d’ordinaire soucieux d’offrir un soutien actif aux suédois (visiblement frileux à l’organisation du concours en 2026) face à une proposition qui rompt avec les standards musicaux du pays ? Seront-ils séduits à l’instar du vote de soutien inattendu des professionnels au Melodifestivalen (probablement en partie stratégique pour contrer Mans) ou resteront-ils frileux à la perspective d’un sauna, comme ils le sont souvent à l’égard des joke acts ? Là est tout l’enjeu pour la Suède… Là où la France aura l’enjeu inverse (voir plus bas). Après le passage de Louane, Saint-Marin risque de devoir faire de la figuration malgré l’entêtant Tutta l’Italia, là où la captivante et hypnotique Albanie pourrait obtenir un solide télévote mérité en étant le seul pays balkanique en finale et avec l’apport des solides votes de la diaspora albanaise et de l’Italie. 

Mais L’enjeu, avec un « l » majuscule, c’est évidemment la France, qui devra impérativement marquer les esprits au Jury Show ce soir. Car c’est une proposition à laquelle les professionnels pourraient être sensibles que nous offre Louane, éblouissante vocalement et dans l’interprétation émouvante, éminemment reliée à sa mère. La presse ne s’y est pas trompée en acclamant chaleureusement la prestation, l’une des plus applaudies de l’après-midi. Louane nous connecte à son histoire, tant sur scène qu’à l’écran, et sur place, de nombreux médias internationaux se révélent très enthousiastes quant aux chances de la France à l’Eurovision 2025. De notre côté, face aux nombreux désappointements que nous avons connu ces dernières années, nous tâcherons de rester lucides et de retenir notre souffle, là où nous cesserons de respirer ce soir à 23h09, lorsque Louane s’avancera sur la scène pour le Jury Show. Cela risque d’être fort pratique pour le live tweet…

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Rendez-vous ce soir à 21h sur le compte X @EuroQuotidien pour suivre ensemble et en direct du centre médias de Bâle, le Jury Show de la finale de l’Eurovision 2025, durant lequel voteront les 37 jurys nationaux (dont le vote comptera à 49,4% dans le classement général).