Et si l’édition 2025 apportait son lot de changement à la mécanique du concours ? C’est l’hypothèse soulevée par Reto Peritz et Moritz Stadler, co-producteurs exécutifs du concours bâlois, concernant les demi-finales.

Interrogés par nos collègues de The Euro Trip podcast, les deux hommes ont révélé songer à une évolution de l’annonce des résultats afin de la rendre « plus excitante ». Plus précisément, ils estiment que, là où la séquence du vote en finale apporte son lot d’émotions inégalables, la simple révélation des qualifiés à la fin des demi-finales ne suscite pas la même ardeur – les présentateurs se contentent d’annoncer des noms de pays. Ainsi, le duo Peritz/Stadler et son équipe créative ont décidé de réfléchir ensemble à un moyen de rendre la séquence du vote et l’annonce des finalistes plus excitantes, tout en reconnaissant la difficulté du changement et sans donner davantage de détails à ce stade.

Depuis la mise en place des demi-finales en 2004, la révélation des pays qualifiés pour la finale suit exactement la même procédure. Tandis que les candidats sont installés en green room, les présentateurs dévoilent un à un les pays finalistes dans un ordre aléatoire, initialement en ouvrant des enveloppes en direct (jusqu’en 2009) avant la numérisation de l’affichage des noms (à partir de 2010). Les classements des demi-finales ne sont ensuite révélés qu’à l’issue de la finale, dans la nuit du samedi au dimanche. Autant dire qu’il semble sur le papier difficile d’apporter une dose supplémentaire d’adrénaline à une procédure déjà riche en suspense, où les émotions des délégations et du public s’emballent davantage au fur et à mesure que le nombre de places de finalistes restant à attribuer se réduit. Surtout que les co-producteurs sont confrontés à un autre défi de taille : celui de maintenir la durée actuelle d’une demi-finale, à savoir 2h15 environ – ce que permet la séquence d’annonce des résultats actuelle. À noter que le duo Peritz/Stadler a également indiqué vouloir maintenir la durée de la finale sous la barre des 4 heures (comme ce fut le cas à Malmö en 2024) et essayer de l’optimiser au mieux dans le souci d’un compromis sur le sujet. Ce qui n’empêche pas les co-producteurs de rester réalistes quant aux éléments incompressibles de la finale et donc aux possibilités limitées de réduire la longueur de cette dernière de manière radicale (ce qui ne semble pas non plus le but recherché).

Face à la volonté affichée de faire évoluer la procédure d’annonce des résultats, quelles options pourraient s’offrir à l’UER et à la SSR ? Pour l’heure, Remo Peritz et Moritz Stadler n’ont évoqué aucune hypothèse ou proposition concrètes. Mais l’EAQ a réfléchi à la question de son côté à travers une série de pistes réflexives ici présentées.

  • Révéler en direct le classement des éliminés ?

C’était l’option initialement choisie par l’UER lors de la création de la demi-finale en 2004. Si les dix pays qualifiés avaient été annoncés dans un ordre aléatoire sans que le nombre de points obtenus par chacun d’eux ne soit révélé avant la fin de la finale, la télévision turque avait tout de même divulgué le classement des pays éliminés en direct. Une opération jamais reproduite depuis, qui pourrait tout à fait être remise sur la table dans le cas d’une refonte de la séquence de vote, sans rendre pour autant cette dernière plus excitante (sans parler de l’intérêt discutable d’un tel ajout).

  • Une divulgation partielle des résultats ?

Cela pourrait être une option alternative à la précédente, sur le modèle de la procédure utilisée au Melodi Grand Prix norvégien entre 2017 et 2019 : seuls les 12 points attribués par chaque pays seraient tout d’abord révélés, avant d’annoncer ensuite le nom des dix qualifiés dans un ordre aléatoire. Cela permettrait à la fois d’ajouter du suspense, d’apporter des indications sur l’orientation du télévote, tout en préservant l’essentiel. Une variante possible serait celle du Junior 2024, à savoir la révélation des « petits » points sous forme de diagramme, puis l’arrêt de la révélation des points à partir des 8 points (admettons), de sorte qu’un suspense (relatif ?) serait préservé pour l’énoncé des dix pays finalistes dans un ordre aléatoire. Vu notre degré de conviction quant à l’affichage des votes sous forme de diagramme, pas sûr que l’auteur soit le plus grand militant de cette option.

  • Une divulgation complète des résultats ?

Cela serait à la fois dénué de toute créativité et, surtout, la pire des options dans la mesure où la révélation du classement des demi-finales donnerait une projection assez précise de l’orientation potentielle du télévote en finale (BIG 5 et pays hôte exceptés). De quoi mettre sacrément en péril le suspense recherché… Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que la plupart des sélections à avoir adopté cette pratique l’ont abandonnée (Festival da Canção) ou sont en train d’y renoncer (à l’instar du Benidorm Fest). Seules la sélection lituanienne et le Melodifestivalen (depuis la réforme du deuxième tour de vote en séries en 2022) persistent à dévoiler les résultats de leurs demi-finales en direct – mais la Lituanie n’est jamais exempte de surprises dans son Eurovizija.LT… De plus, une telle divulgation rallongerait la séquence de vote et, par conséquent, la durée d’une demi-finale dont l’UER et les télédiffuseurs souhaitent préserver la durée moyenne actuelle (si ce n’est la réduire).

  • Faire venir les candidats sur scène pour l’annonce du verdict ?

La première répétition de la séquence de vote de la première demi-finale de l’Eurovision 2023 avait fait grand bruit chez les eurofans. La cause ? Un changement d’apparence mineur dans la séquence d’annonce des résultats, mais en réalité non dénué de conséquences. Traditionnellement, au moment où les présentateurs révèlent les dix pays finalistes, les candidats se trouvent au sein de la green room aux côtés de leurs délégations respectives. Cette année-là, l’UER et la BBC avaient décidé de tenter une innovation en faisant monter l’ensemble des candidats sur scène, côte-à-côte, face au public, pour annoncer la liste des dix finalistes. Un classique des programmes télévisés, que l’on retrouve dans la plupart des télé-crochets tels que Star Academy et The Voice, ou encore dans Danse avec les stars, mais une mise en scène inédite à l’Eurovision. Mais la levée de boucliers de l’euromonde face à une mise en scène jugée encore plus angoissante pour les candidats et humiliante pour les éliminés avait alors fait reculer les organisateurs. Quid cependant d’une nouvelle tentative en 2025…

  • La révélation du verdict candidat par candidat ?

… Et quitte à pousser l' »innovation » (si on peut qualifier un éventuel changement de tel), pourquoi ne pas énoncer le verdict pour chaque candidat selon son ordre de passage, qu’il soit qualifié ou éliminé ? Exemple : « Malta… Televoting has decided. I’m sorry, but you’re not qualified for the grand final. » Si cela serait susceptible d’ajouter une dose de suspense et d’excitation pour le téléspectateur, cela pourrait au contraire augmenter considérablement la dose de stress de chaque candidat (à un moment où ce dernier est déjà à son climax) et mettre en difficulté (si ce n’est humilier) celles et ceux qui se verraient signifier leur élimination. Un moment à la violence symbolique forte qui irait, de surcroît, à l’encontre de la politique de protection et de vigilance renforcée proposée par l’UER pour l’édition 2025.

  • Faire bouger la liste des pays qualifiés au fur et à mesure de la (non) révélation des résultats

L’énoncé n’est sans doute pas clair et la proposition ô combien tirée par les cheveux. Force est toutefois de constater que, depuis la mise en place de la révélation des votes des jurys sous forme de diagramme au junior, nous ne sommes plus à l’abri de rien. Explicitation de l’idée : sans révéler les points attribués par les jurys nationaux, une première liste de dix qualifiés (dans un ordre aléatoire) pourrait être affichée, correspondant aux votes d’un premier pays. Puis, au fur et à mesure que seraient ajoutés les votes des différents pays (sans révéler le moindre point pour autant), cette liste évoluerait, jusqu’à prendre sa forme définitive avec les dix pays qualifiés pour la finale, à l’issue du dernier pays dont les points seraient ajoutés. Est-ce bien clair ou l’est-ce autant que le vote des jurys nationaux à Madrid ?

Charge désormais aux co-producteurs exécutifs et à l’équipe créative de Bâle 2025 de réfléchir concrètement aux changements susceptibles d’être apportés dans la séquence de vote des demi-finales. Comment apporter une dose d’excitation et de suspense à une procédure déjà loin d’en être dénuée ? Vous avez quatre heures mois.

© Sarah-Louise Bennett | UER