A l’approche de l’Eurovision 2023, la rédaction est allée à la rencontre de celles et ceux qui monteront sur la scène de la Liverpool Arena à partir du 9 mai prochain. Les eurostars en interview, moteur, action !

Il n’a que dix-huit ans et cela fait pourtant plusieurs années qu’il monte sur scène. C’est en effet sur les plateaux de télé-crochets que commence l’aventure musicale de Theodor Andrei, qui s’est fait connaître du public roumain à l’âge de treize ans grâce à sa participation à The Voice Kids. Suite à cette aventure, il publie dans la foulée ses premiers titres.

En 2020, il prend part à la version locale de X Factor. Si son parcours s’arrête à l’étape des bootcamps, Theodor continue de tracer sa route, jusqu’à la sortie de son premier album Fragil en octobre 2022 et sa victoire à la Selectia Nationala à l’hiver dernier. Intronisé représentant de la Roumanie à l’Eurovision 2023, il est désormais prêt à s’envoler pour la ville natale des Beatles, le titre D.G.T. (Off And On) dans ses bagages : voici Theodor Andrei en interview !

EAQ – Pour commencer, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Theodor Andrei – Alors … Je suis Theodor Andrei, et je suis le représentant roumain à l’Eurovision 2023. Je suis un auteur-compositeur-interprète et acteur. J’ai dix-huit ans. J’ai sorti mon tout premier album Fragil en octobre 2022. J’ai participé à The Voice Kids et à X Factor en Roumanie. J’ai remporté beaucoup de prix dans des compétitions de chant et de théâtre. Et je suis vraiment impatient de pouvoir réaliser ce rêve que j’ai depuis l’enfance: celui d’amener le meilleur résultat possible pour la Roumanie à l’Eurovision.

À quelques semaines du concours, quel est votre état d’esprit ?

Et bien, on m’a dit : « Tu vas en avoir marre de ta chanson. Tu vas finir par la détester à force de la chanter 3000 fois ». Mais je suis à un peu plus de ces 3000 fois à la chanter, et j’aime toujours ma chanson. C’est toujours ma préférée de mon répertoire. Je suppose que c’est aidé par le fait d’en avoir écrit les paroles et composé les arrangements. Au moins, je sais vraiment comment elle a été faite, de quoi et de qui elle parle vraiment. Chaque fois que je la chante, cela ouvre une nouvelle partie de mon coeur. C’est ce que j’essaye de faire avec la musique. Je crois que la musique est faite pour venir du coeur, et pour toucher ensuite le coeur des autres. La musique peut aussi bien être un hymne de fête pour une personne heureuse, qu’une épaule sur laquelle pleurer pour une personne triste.

Pourquoi et comment avez-vous décidé de participer à l’Eurovision, et à la Selectia Nationala ?

Je regardais l’Eurovision avec mes amis lorsque j’étais enfant. C’est comme ça que j’ai découvert ce phénomène, et que j’ai réalisé qu’y participer était mon rêve. Alors, dès que j’ai atteint l’âge requis pour y participer, j’ai écrit ma première chanson dans ce but. Mais nous étions en 2020, l’année où la Roumanie a opté pour une sélection interne (Roxen, NDLR), alors je n’ai pas pu la soumettre. En 2021, Roxen a été reconduite après l’annulation du concours pour cause de COVID, alors ce n’était toujours pas le bon moment. En 2022, j’avais pensé à envoyer l’une de mes propres chansons, mais j’ai reçu une proposition de démo de deux compositeurs grecs. Elle m’a plu, alors je l’ai enregistré, mais le titre n’a pas été retenu. Alors cette année, j’ai décidé que j’allais suivre mes propres idées, et voilà où nous en sommes aujourd’hui.

Qu’est-ce que le concours représente pour vous, en tant qu’artiste et en tant que spectateur ?

Beaucoup de gens disent que c’est une belle façon de se promouvoir et de promouvoir sa musique. Et c’est vrai. Mais j’ai l’impression que participer à l’Eurovision vient avec une responsabilité encore plus grande. C’est pour moi que le public a voté durant la finale nationale, je suis responsable de ce qui m’est arrivé. Je suis aussi responsable de l’image que je donne de moi-même pendant la période du concours. Je porte aussi l’image de la télévision nationale roumaine en quelque sorte. Alors c’est pour cette raison que j’ai travaillé très dur sur chaque détail de la performance que j’amènerai à Liverpool. J’ai amené mes idées et concepts à l’équipe de la délégation roumaine, et nous avons réussi à rajouter ce qu’il manquait à la performance de la finale nationale. C’est plus simple, moins chargé, plus agréable à regarder, tout en portant les mêmes valeurs que celles j’avais envie de promouvoir durant la Selectia Nationala. Faites l’amour, pas la guerre. Luttez contre ce phénomène de harcèlement qui dure depuis bien trop longtemps. L’inclusivité, également, et le fait de mieux se comprendre les uns les autres. Je crois que ce sont des principes et des valeurs que les gens ont vraiment besoin d’entendre en ce moment.

Quels sont vos meilleurs souvenirs du concours ? Y a-t-il des artistes, des chansons qui vous ont marqué ?

Comme je regarde le concours depuis plusieurs années maintenant, je me suis aussi intéressé à son histoire et à ses éditions plus anciennes. Une de mes chansons préférées doit être Hold Me Now, la chanson de Johnny Logan qui a gagné en 1987. (Theodor entonne alors le refrain du morceau) J’adore aussi la chanson espagnole de 1998 (Il chante à nouveau). J’aime vraiment beaucoup de chansons. À travers toutes ces années de concours, il y a toujours eu quelques chansons qui me parlent personnellement et qui correspondent à mes goûts personnels ou aux émotions que je ressens au moment où je les écoute.

Parlons de D.G.T. (Off And On). Pouvez-vous nous en dire plus à son sujet?

Ma chanson combine des éléments de cinq genres différents, un peu comme une fusion. Il y a du rock’n roll, du blues, du RNB, du hip-hop et de la pop. Le morceau porte un message fort sur une atmosphère sensuelle. Il évoque cette espèce de guerre en amour, cette bataille perpétuelle entre les émotions et la logique rationnelle, entre la sécurité et la passion … Cet espèce de mal nécessaire auquel on revient toujours, peu importe les dommages qui nous ont été causés. Ce sont des choses que j’ai déjà ressenti. De fait, c’est d’autant plus personnel d’en parler et de chanter sur ce sujet-là. C’est un message auquel les gens peuvent s’identifier, d’autant plus que j’ai l’impression qu’on n’aborde pas toujours ce type d’amour.

Vous dites que votre chanson est un mix de différents styles musicaux. Quelles sont les artistes (roumains ou internationaux) qui vous inspirent ? Quelles sont vos influences, pour cette chanson mais aussi en général ?

Mon but, en tant qu’artiste, est de créer quelque chose qui perdure dans le temps. Alors j’écoute beaucoup de blues, de soul et de rock des années 60-70. Je m’en imprègne et j’aspire à en faire quelque chose qui m’appartienne, presque mon propre nouveau genre. J’ai beaucoup écouté Elvis Presley, Little Richard, AC/DC, Aerosmith, Bon Jovi, Kiss, Michael Jackson … Et en Roumanie j’apprécie de nombreux artistes qui ont un style assez chouette.

La majeure partie de votre chanson est chantée en roumain. Était-ce important pour vous de chanter dans la langue officielle de votre pays ?

À l’origine, elle a été écrite entièrement en roumain pour mon premier album, Fragil, et on peut d’ailleurs toujours écouter cette version intégralement en roumain. Mais quelques semaines après sa sortie, je me suis demandé comment elle pourrait s’adapter au format d’une sélection pour l’Eurovision. Alors j’ai écrit le second couplet en anglais, j’ai raccourci un peu le morceau, et j’ai rajouté quelques lignes vocales plus complexes, histoire d’être un peu plus impressionnant dans l’interprétation. Et de ce que j’ai vu dans les réactions sur YouTube et les réseaux sociaux, les gens apprécient beaucoup le fait d’avoir cette partie en roumain. En fait, dès que j’ai commencé à écrire cette chanson pour l’Eurovision, je me suis toujours dit qu’il y aurait du roumain dedans. Je ne sais pas exactement pourquoi, mais c’était dans mes plans depuis le début. C’était comme un pressentiment. Dans ma chanson pour l’Eurovision, il y aurait du roumain.

Parmi toutes les chansons de votre premier album, comment D.G.T. est-elle devenue l’évidence pour l’Eurovision?

Comme mon rêve d’Eurovision ne m’avait pas quitté, à peine avais-je fini mon album que je me suis demandé quelle chanson respectait le mieux les règles fixées par l’EBU. Il s’est trouvé que j’avais trois ou quatre possibilités, et la meilleure de toutes ces options était D.G.T. C’est comme ça que je l’ai choisie.

Dites-nous en plus sur votre album, Fragil. Comment le décririez-vous ?

Fragil est mon tout premier album, et j’y raconte une histoire que j’avais envie de partager depuis trois ans. Une histoire de toutes les choses qui ont pu m’arriver. L’album a treize chansons dans treize genres différents, qui forment les treize chapitres de cette seule et même histoire. Cet album est un réel accomplissement pour moi. De ce que j’ai lu des réactions, j’ai été très impressionné de voir que les gens pouvaient ressentir ma musique de la même façon que je me sentais lorsque je la créais. Après ma sélection à l’Eurovision, j’ai reçu beaucoup de messages de personnes qui, après avoir écouté D.G.T., sont allées découvrir mon album et m’ont dit que ma musique les a sauvées de sombres périodes de leur vie. C’est le plus beau compliment qu’on puisse recevoir en tant qu’artiste, et j’en suis absolument reconnaissant.

Dans D.G.T., comme vous l’avez dit, vous chantez sur l’amour et la passion. Quelle a été votre inspiration pour le titre de votre morceau ?

En Roumanie, il y a une expression qui dit: « Mă joacă pe degete ». C’est la ligne principale du refrain, et ça se traduit par « Elle fait ce qu’elle veut de moi ». Et je trouvais que « degete » sonnait un peu comme un sigle, D. G. T. À la base je trouvais juste que ça pouvait donner un titre un peu malin, et puis c’est devenu ce branding plutôt cool.

Lorsque vous vous êtes présenté à nos lecteurs, vous avez indiqué avoir participé à plusieurs talent shows. Que vous a apporté cette expérience ?

J’ai participé à The Voice Kids Roumanie quand j’avais 11 ans. Je me souviens que j’avais chanté une chanson rock aux auditions, et à la moitié de la prestation, personne ne s’était retourné, ce qui m’avait un peu chagriné. Mais j’ai continué de chanter jusqu’au bout, et à la dernière seconde, l’artiste que je préférais parmi les coaches a retourné son fauteuil. Ensemble nous avons travaillé de belle manière à travers les étapes du show. C’était une très belle expérience. Je suis encore très fier de la performance que j’ai donné en demi-finale sur Dream On d’Aerosmith. À X Factor, j’ai chanté If I can dream d’Elvis Presley aux auditions. Et à l’étape des bootcamps, j’ai interprété That’s How You Write a Song d’Alexander Rybak. Des chansons très éclectiques. Je pense que cela annonçait déjà le mélange des genres présent dans mon album. Même si au fond, le genre auquel je reste le plus fidèle est le rock’n roll. C’est le genre que je connais le mieux, que j’aime le plus pour son esprit et son énergie. C’est ce que je vais aussi amener à l’Eurovision. Plus que les autres genres, le rock vous encourage à croire en les risques que vous prenez. On peut dire qu’il y a un peu de rock’n roll dans chacune de mes chansons, même si elles restent très différentes les unes des autres.

Je suppose que vous avez vu la réaction des eurofans à votre chanson. Quel est votre sentiment vis-à-vis de ces réactions ?

Les réactions que j’ai pu lire étaient vraiment bonnes. On m’a seulement fait remarquer que la mise en scène était trop chargée et trop fatigante à regarder. L’avis des eurofans est très important pour moi, parce que j’en suis un moi-même et que je suis souvent d’accord avec eux. Alors j’ai écouté, j’ai corrigé les erreurs qu’ils ont pu percevoir dans la mise en scène, et j’espère les impressionner lors de la seconde demi-finale du 11 mai !

Ces derniers temps, la Roumanie a connu des temps difficiles à l’Eurovision. L’année dernière, wrs a réussi à qualifier le pays pour la finale, que la pays avait manqué depuis 2018. Ressentez-vous de la pression à cause de cela ?

Non. Ma chanson porte un style que la Roumanie n’a jamais proposé à l’Eurovision. Elle porte aussi un message qui correspond parfaitement à l’esprit du concours. Nous vivons dans une époque où il y a beaucoup de haine et de méchanceté, alors que si nous y prêtions un peu plus d’attention, nous verrions que nous battons tous du même coeur. Le même sang coule dans nos veines. Les seules choses qui nous séparent sons les liens que nous avons avec les autres, et les différentes émotions que nous ressentons. Puis comme je l’évoquais, il y a tout ce phénomène de harcèlement … J’en ai été victime à l’école. Cela m’a beaucoup changé… (pause). Ce n’est pas facile d’en parler. Et puis « Faites l’amour, pas la guerre », c’était un slogan phare de John Lennon, et les Beatles sont une figure majeure de Liverpool. Alors voilà, ce sont toutes ces petites pièces de puzzle qui, assemblées, me font penser qu’on peut en faire quelque chose de grand.

Les eurofans adorent qu’on leur dévoile des secrets. Pouvez-vous nous en dire encore un peu plus sur votre mise en scène pour Liverpool ?

Tout ce que je peux révéler, c’est que la mise en scène sera plus simple qu’à la Selectia Nationala. Ce sera impressionnant, avec 400% d’énergie, de sentiments et de rock’n roll ! Et le tout en restant symbolique et significatif. J’ai vraiment hâte de découvrir la réaction des eurofans, et je suis quasi-certains qu’elle sera meilleure qu’après ma performance en sélection nationale. Je crois aux prises de risque, à la jeunesse, et à l’amour. L’amour, c’est la réponse à toutes les questions. Ma chanson parle d’amour. Ma performance est faite avec amour. Je monte sur scène parce que j’aime y être. Et j’espère que ma chanson, qui a été écrite avec le coeur, fera son chemin jusque dans le coeur d’autres personnes et illuminera leurs soirées le 11 mai, et j’espère aussi le 13 pour la grande finale !

Comme vous le savez, L’Eurovision au Quotidien est un site francophone. Connaissez-vous quelques artistes français ?

J’écoute beaucoup de musique française, pour être honnête. (Il réfléchit) Voyons voir si je peux chanter quelque chose … J’adore absolument la comédie musicale Notre-Dame de Paris. Je rêverais d’y participer un jour et d’y jouer un rôle. J’adore aussi cette chanson qui fait … (en français dans le texte) « Et si tu n’existais pas, dis-moi pourquoi j’existerais … »

Merveilleux ! Connaissez-vous quelques mots de français ?

Oui, je connais La Bohème … Et je sais quelques phrases. En tant qu’acteur, je joue dans la version théâtrale d’Amadeus. Je tiens le rôle de Mozart. Et à un moment, je rencontre le roi Joseph. Dans la scène, il me dit « Au revoir« , et je réponds quelque chose comme: « Je suis comblé d’honneur d’être accepté de tous les musiciens ». Il y aussi cette phrase que j’ai appris au lycée … « Avez-vous jamais visité un supermarché dans la saison d’automne ? ». Oh, et il y a aussi cette chanson que j’aime bien … (Il entonne la version française de « You are the Reason » dans un français quasi-impeccable.)

Wow ! Vous êtes prêt pour réaliser des interviews tout en français maintenant. Je suis désolé, je ne connais aucun mot en roumain.

Maintenant si. Vous connaissez « Degete« , c’est le mot parfait pour commencer.

Oui, c’est parfait pour commencer à apprendre le roumain. Je suppose que vous avez pu écouter les chansons de cet Eurovision 2023 ?

Oui, je les ai écoutées. Et j’ai vu la plupart des artistes en live. Je suis d’ailleurs en train de préparer un petit projet assez cool sur YouTube avec toutes chansons de cette année. J’espère en sortir un épisode bientôt, mais c’est assez dur de gérer tout à la fois. (Ledit projet est un medley des 37 chansons de l’année, dont la première partie est sortie depuis l’interview, NDLR)

Avez-vous un ou deux favoris?

Ah oui, j’en ai. J’adore la chanson roumaine, « D.G.T. » (ll hante le refrain). Elle est très sympa! (Rires). Sinon, j’adore la chanson estonienne Bridges d’Alika. J’adore également la proposition danoise Breaking My Heart de Reiley.

Quels seront vos projets après l’Eurovision?

J’ai très envie de sortir un album acoustique. Je vais jouer dans des spectacles et des pièces de théâtre à Bucarest et dans toute la Roumanie. Et puis je vais sortir ma propre comédie musicale, dont j’ai écrit paroles et musique. On pourrais traduire son titre par Ailes cassées. Cela abordera le système éducatif, et comment il peut tuer l’artiste qu’un enfant souhaiterait être. Et puis j’ai mon prochain grand rêve : sortir mon second album, qui s’appellera Echilibru.

Que souhaiteriez-vous dire à nos lecteurs ?

Merci d’avoir regardé / lu cette interview jusqu’ici, ce fut un plaisir de la réaliser. Si vous croyez aux prises de risque, à la jeunesse, à la rébellion, à l’amour … Si vous croyez que l’amour est la réponse à toutes les questions … Si vous croyez en l’adage « Faites l’amour, pas la guerre » comme vision du futur … Et si vous croyez en l’esprit du rock’n roll, alors n’oubliez pas de voter pour la Roumanie dans la deuxième demi-finale. Nous portons le numéro 3, et espérons-le, nous nous verrons aussi lors de la finale du concours ! Réalisons nos rêves, donnons-nous ce que nous méritons. Aimez librement, aimez qui vous voulez, aimez-vous comme vous le souhaitez.

Un grand merci à Theodor Andrei d’avoir accordé une interview à l’EAQ ! Nous le retrouverons en troisième position de la deuxième demi-finale le 11 mai prochain à Liverpool.

Merci également à Simona Andrei, manager de l’artiste, pour l’organisation de cette interview.

Crédits photo : Teodora Ungureanu