Et de 40 ! Vous avez pu découvrir ces dernières semaines les portraits de l’ensemble des candidat·es à l’Eurovision 2022. Aors que viennent de démarrer les répétitions sur la scène du Pala Alpitour de Turin, Last But Not Least, c’est avec nos représentant·es français·es que nous concluons cette série. Voici donc venu le temps de faire plus ample connaissance avec un détonnant quatuor de breton·nes qui allie musique traditionnelle et électro : Alvan & Ahez.
Qui sont-ils ?
Iels s’appellent Alexis Morvan-Rossius, Marine Lavigne, Sterenn Diridollou et Sterenn Le Guillou. Lui, c’est Alvan, et elles, ce sont Ahez. Deux entités musicales qui ne se connaissaient alors pas jusqu’à l’été dernier.
Nous sommes alors à Rennes et c’est ici qu’Alexis et Marine se rencontrent dans un bar, l’Artiste Assoiffé, lors d’une soirée entre ami·es au cours de laquelle le courant passe. Hasard, tous deux partagent une passion commune : la musique. Lui avait une compo en stock dans son ordinateur, sur laquelle il voulait poser des voix de musique traditionnelle en breton – une langue qu’il ne maîtrise pas. Bien qu’il ait alors tenté de mêler ses sons à la voix de son arrière- grand-mère, l’essai ne fut pas transformé.
De son côté, elle lui dit qu’elle chante, aux côtés des deux Sterenn et, comble du hasard, de la musique tradi, en breton qui plus est. Le courant passe et, quelques jours après, Alvan envoie sa compo à Marine, qui ramène ses deux consoeurs dans l’aventure naissante et se saisit alors de sa plume, de laquelle sort rapidement un texte. Quelques jours plus tard, les quatre irréductibles se retrouvent chez Alexis, et enregistrent un morceau. Ainsi naquit le projet Alvan et Ahez, et que telle une étincelle jaillit Fulenn.
Mais avant cela ? Revenons sur les histoires musicales respectives de nos représentant·es.
Alvan
Chanteur et guitariste de formation, Alvan doit son pseudonyme à la contraction de son prénom et de son nom de famille. S’il touche à la gratte depuis l’âge de neuf ans, c’est en 2011 que le jeune rennais commence à monter sur scène, alors qu’il est tout juste âgé de dix-huit ans. Il y propose un singulier croisement entre l’électro, le rock, le trip hop et la World Music, qu’il manie avec une technique personnelle de sons glissés sur ukulélé, tel un fruit du hasard issu d’une expérimentation initiale et impromptue au … feutre Velleda.
Alvan travaille alors en parallèle dans le secteur médico-social (il accompagne des enfants et des adolescent·es en situation de handicap), ce jusqu’en 2015, année à partir de laquelle il réussit à obtenir le statut professionnel. Tandis qu’il participe à plusieurs concours tremplins et introduit le label associatif Flou, Celui qui se déclare « en couple avec sa guitare » (électrique, qu’il privilégie aux machines) commence alors à se faire remarquer par la signature de ses premiers EPs, parmi lesquels Home (2016), plusieurs millions d’écoutes en streaming au compteur.
Après avoir rencontré le BPM Contest (tremplin de jeunes talents électro), le jeune rennais se met à travailler avec Marquisards Music. Dans la foulée, il signe chez Warner Music France dans le label Elektra France. Il collabore alors avec Damiana ft. Velvet et Indolove ft. Keybeayx, et sort son single Move On. Nous sommes alors en 2019.
Doucement, mais sûrement, Alvan commence à se faire un nom dans le milieu électro-world music, au point d’enchaîner les performances en festivals. Les Transmusicales de Rennes accompagnent ainsi son projet musical, alors que son directeur s’était montré beaucoup plus frileux quelques années plus tôt. Sans oublier de prestigieuses premières parties pour Petit Biscuit et Ofenbach, tel le prémice d’un futur match avec l’Eurovision (rappelons que le célèbre groupe a réalisé l’ouverture du concours junior à Paris en décembre dernier). Deuxième prémice d’ailleurs : Alvan signe – parmi tant d’autres qu’il a réalisé – un remix de Jaimalé d’Andridamad, un an avant la participation du duo à Eurovision France, c’est vous qui décidez.
2020-2021, ou anni horribiles, tant pour le monde que pour le milieu artistique, privé de scènes et de public. Cela n’empêche toutefois pas Alvan de multiplier les prestations en festi-lives, et de sortir un nouveau titre, Anything, en décembre dernier, sous le label Swap Music Prod.
Alors que l’artiste rennais grimpera sur la scène de l’Eurovision dans deux semaines seulement, son premier album, Magma, paraîtra le vendredi 13 mai, veille de la finale du concours, sous le label Parlophone, faiseur d’eurostars.
Ahez
De l’électro-world au fest-noz, il n’y a qu’un pas, ou plutôt un, deux, trois comme le chanterait Catherine Ferry : ceux de Marine Lavigne, Sterenn Diridollou et Sterenn Le Guillou !
Âgées de 24 à 26 ans, ces trois-là sont amies de longue date et partagent en commun une passion pour le chant traditionnel breton, qu’elles pratiquent depuis le lycée, à Carhaix. Elles y ont été scolarisées en école diwan (un réseau d’écoles où l’enseignement est dispensé en langue bretonne, équivalent des calandreta occitanes, seaska basques, bressola catalanes ou ABCM Zweisprachigkeit alsaciennes) et maîtrisent le breton à la perfection, au point de communiquer entre elles dans la langue.
Carhaix, d’où le nom du groupe, Ahez. Selon l’étymologie populaire, la ville finistérienne est désignée comme Ker Ahez, la ville d’Ahez, figure mythologique bretonne à la fois décrite telle une déesse et une sorcière. Un nom évident pour un trio qui, s’il se connaît depuis l’adolescence, n’a officiellement pris forme en tant que tel à l’occasion de la collaboration avec Alvan.
Marine et les deux Sterenn ont chanté dans plusieurs groupes de musique traditionnelle, des expériences au cours desquelles elles ont pu mêler leur volonté de défendre la culture bretonne à la pop, la folk ou encore le jazz. Marine et Sterenn D. ont même formé le duo Diridollou/Lavigne.
C’est surtout en tant que membres d’Eben que nos représentantes sont connues. Groupe originaire de Quimper, il doit sa création à la rencontre entre Marine, Sterenn L.G. et Enora Jégou à la fin des années 2000, formées à l’art du kan-ha-diskan (l’art du chant à danser) dans leur adolescence, grâce notamment à la chanteuse Louise Ebrel. Un trio de musiciens embarqué dans le navire plus tard, Eben (« l’autre » en breton) se réalise ses premières scènes.
Kaeroc’h c’hoazh, le mythique Festival Interceltique de Lorient produit leur premier album en 2020, composé de textes écrits et adaptés par Marine. Dans ceux-ci, elle adopte le point de point de vue des femmes telle une « voix du silence » et touche à des thèmes à résonance contemporaine tels que l’écologie ou les migrants.
Les trois chanteuses d’Ahez ne vivent pas encore de leur musique à ce jour, puisque Marine est étudiante en master 2 d’espagnol à Rennes, tandis que Sterenn Diridollou est assistante de communication dans une association de diffusion et de promotion des cultures bretonnes, et Sterenn Le Guillou est responsable jeunesse dans une Maison des Jeunes et de la Culture à Lyon.
De l’Armorique à Eurovision France
Alors que le nom d’Eben bruissait parmi les rumeurs pour Eurovision France, c’est vous qui décidez, ce sont finalement Alvan & Ahez que le public a découvert dans la liste des douze candidat·es en février dernier. La « faute » au manager d’Alvan qui, enthousiasmé par la rencontre musicale entre les quatre, leur suggère d’envoyer leur morceau au comité de sélection … qui le retient parmi trois mille candidatures ! Rapidement, et quelques jours après l’hispano–drama Tanxugueiras, le groupe breton s’installe parmi les favori·tes à la victoire malgré une prestation en conférence de presse jugée mitigée par ses membres.
Qu’importe, c’est littéralement du feu qu’enverra le quatuor sur le plateau du 128 le samedi 5 mars dernier, cinquante ans jour pour jour après le concert d’Alan Stivell à l’Olympia. Au point de transformer une sélection annoncée comme serrée et indécise en inattendu plébiscite. C’est ainsi qu’au terme de la soirée, nos ami·es breton·nes remportent Eurovision France, c’est vous qui décidez avec l’unanimité du jury et du public, soit 227 points au compteur loin devant la concurrence décrochée. De quoi décrocher un logique et légitime billet destination Turin.
La suite ? Chaque chose en son temps. Alvan & Ahez sont focalisé·es pour le moment sur leur mission Eurovision. Comme dit plus haut, Alvan prépare la sortie de son premier album solo et vient de lancer son label 10cord, tandis que les filles d’Ahez sont également lancées dans une nouvelle aventure en trio qu’elles souhaitent faire perdurer. Sait-on que Sterenn D. remontera prochainement sur la scène du fest-noz.
Mais comme iels l’ont dit en conférence de presse il y a quelques semaines, nos représentant·es pensent toutefois à la poursuite éventuelle de collaborations et de projets communs. Disons le franchement : ce qui serait pour notre plus grand plaisir !
Leur chanson pour l’Eurovision
« Dansez, dansez, sinon nous sommes perdus »
Pina Bausch
Co-écrit par Alvan et Marine Lavigne, Fulenn est une ode à la liberté et à l’émancipation des femmes mêlant sons électro et chant traditionnel breton. Le texte est inspiré de la légende de Katell-gollet, une femme dont les moeurs étaient jugées légères et qui a été enfermée dans une tour – dont elle a réussi à s’échapper. Désormais libérée, elle part danser et rencontre un homme, ici personnifié par la figure du diable. Dans Fulenn, la jeune fille fait entrer tout le monde dans la danse et, telle une étincelle, illumine son environnement tout en faisant fi des qu’en dira t-on. « Jolie fille’, « étincelle » : Fulenn, en breton.
« Chanter en breton, c’est un symbole fort dont nous sommes fiers. »
Marine Lavigne, interview à L’Eurovision au Quotidien, 3 mars 2022
À travers cette chanson, Alvan & Ahez souhaitent aussi promouvoir la culture bretonne, ainsi que la diversité et la richesse des cultures de la France. Pour cela, iels mêlent tradition et modernité à travers de singulières sonorités électro-ethniques, qui dépassent les frontières des styles musicaux. Le tout pour un titre que le groupe lui-même estime inclassable.
À noter qu’avec ses deux minutes et quarante-six secondes de durée, Fulenn est l’une des chansons les plus courtes de l’édition 2022.
E teñvalijenn ar c’hoadeier e tiwan an noz
Ar stered a deu war-wel en hiboud direpoz
Ur skeud benel a droidell ouzh skleurenn ur flamboz
Oc’h ober fae deus ar fall loened e tañsan
Me bak an tan en o lagad leun a droukc’hoant Ha da dreiñ ‘n’añ en ur c’han da gan’ a-unvan
Dañsal a ra gant an diaoul, ha petra ?
Dañsal a ran gant an diaoul ha petra ?
Entan ha taras, entan jabadao ha taras Trid’ a ra ar c’hoad ouzh stok’ ar fulenn a-bilpaz
He hud dudius a bign betek penn ar gwez bras
Oc’h ober fae deus ar fall loened e tañsan
Me bak an tan en o lagad leun a droukc’hoant Ha da dreiñ ‘n’añ en ur c’han da gan’ a-unvan
Dispont ‘kreiz an digoadenn e tañs ar fulenn
Treiñ ha distreiñ en-dro dezhi eneoù dichadenn (bis)
Lalalalalaleno lalelalalo Lalalalalaleno lalelalalo Lalalalalaleno lalelalalo Lalalalalaleno lalelalalo
Dañsal a ran gant an diaoul, ha petra ?
Ga’ ‘n diaoul e tañsan
Dañsal a ran gant an diaoul, ha para ?
Lalalalalaleno lalelalalo Lalalalalaleno lalelalalo Lalalalalaleno lalelalalo Lalalalalaleno lalelalalo
Dans l’obscurité des bois germe la nuit
Les étoiles apparaissent dans le bruissement sans repos Une ombre féminine virevolte à la lueur d’un flambeau
En faisant fit des bêtes sauvages je danse
Je vole le feu de leur regard plein de convoitise
Et le change en un chant à reprendre à l’unisson
Elle danse avec le diable, et alors ?
Je danse avec le diable, et alors ?
Embrasement et boue, embrasement, fête et boue
La forêt vibre au contact de l’étincelle qui danse
Sa magie envoûtante monte jusqu’aux grands arbres
En faisant fit des bêtes sauvages je danse
Je vole le feu de leur regard plein de convoitise
Et le change en un chant à reprendre à l’unisson
Intrépide au milieu de la clairière danse l’étincelle
Tournent et tournent autour d’elle des âmes déchaînées
Lalalalalaleno lalelalalo Lalalalalaleno lalelalalo Lalalalalaleno lalelalalo Lalalalalaleno lalelalalo
Je danse avec le diable, et alors ?
Avec le diable je danse
Je danse avec le diable, et alors ?
Lalalalalaleno lalelalalo Lalalalalaleno lalelalalo Lalalalalaleno lalelalalo Lalalalalaleno lalelalalo
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Ahez
Vous pouvez également retrouver l’actualité d’Eben, du duo Dirodollou/Lavigne et de Sterenn Le Guillou sur les réseaux sociaux
C’est sur cette Breizh note que s’achève (déjà !) cette série de portraits des candidat·es à l’Eurovision 2022, entamée fin mars avec The Rasmus. Rendez-vous à midi pile pour découvrir le dernier conseil de classe de la saison, celui de nos représentant·es français·es, passé·es au crible de l’impitoyable rédaction de L’EAQ. Et n’oubliez pas de suivre tout au long de la journée la deuxième journée de répétitions de l’Eurovision 2022 sur votre site favori !
© Thomas Braut
Pour les fans habitants le grand ouest, j’ ai découvert sur un autre forum dans un article d’ Ouest France paru hier que Rennes diffusera sur grand écran la finale de l’ eurovision, plus précisément à la ferme de la harpe. S’ il y en a qui sont intéressés pour que l’ on se retrouve entre fans à cette manifestation.
Cher Remi
Quelle journée de previews de rêve ! Rencontrer à la fois ALVAN ET AHEZ ainsi que toi-même en chair et en os, c’est inoubliable.
Quelle belle alchimie, merci aux norvégiens et norvégiennes d’Adresse Torino de leur avoir donné 82 points. Vive ALAIN LANTY, RENAUD DETRESSAN, ETIENNE DAHO tous bretons et fiers de l’être.
ALVAN m’a estomaquée lorsqu’il a repris « Think about things » et il a repris toutes les chansons de la finale française de cette année. Comme dirait Laurent GERRA, quel bel homme !
Le thème de la chanson se rapproche de https://youtu.be/hPpxfOK68wo Je suis certaine qu’ils atteindront le Top 5.