Prologue :

2010-2019 fut une sacrée période pour moi, d’un point de vue personnel, professionnel et d’Eurofan. Si on se concentre uniquement sur la partie d’Eurovision, c’est la décennie où :

  • j’ai commencé à bousiller mon « forfait » téléphonique en SMS surtaxé (j’étais encore avec des cartes prépayées au début de cette décennie…) ;
  • j’ai découvert l’EAQ ;
  • j’ai assumé de regarder l’Eurovision… et saoulé tout le monde avec ça ;
  • j’ai acheté (et reçu) mes premiers objets eurovision : de la tasse aux vinyles en passant par les fameuses chaussettes !
  • j’ai trouvé mon souffre-douleur eurovisionesque officiel (c’est-à-dire celui qui est obligé de regarder avec moi parce qu’on vit sous le même toit) ;
  • je suis devenue fan de l’Eurovision des Chorales, et je regarde le Junior ;
  • j’ai…merais avoir un t-shirt Quorovision (vous commencez à me connaître, il fallait que je case Quorovision quelque part) ;
  • j’ai assisté à la sélection française sur place ;
  • j’ai assisté à l’Eurovision sur place.

Si j’avais montré cette liste à la gamine qui chantait du yaourt en se prenant pour la Yougoslavie parce qu’elle jouait à « l’Eurovision », elle se serait fichue de moi… pendant des mois. Heureusement, la machine à voyager dans le temps ne m’est pas encore accessible.

Pour clôturer la décennie, je m’étais amusée à réécouter les chansons dès fin 2019, revivant tout un torrent d’émotions. Cela donne une sorte de top 221 des morceaux qui m’ont marquée, d’une manière ou d’une autre. C’est sur la profondeur de ces impressions que j’ai décidé de baser mon classement (et aussi parce qu’on a déjà pris l’idée d’une chanson par année et une par pays). Ce n’est donc pas un classement de mes chansons préférées à proprement parler. Il reste d’ailleurs très conventionnel. Je remercie donc tous ceux qui auront placé des chansons que j’adore dans leur top, car je n’ai pas réussi à leur faire cet honneur ici. Mention spéciale à tous les groupes de rock : depuis 2012, j’ai voté pour vous les gens !

Chapitre 1 : La solitude du 9 m² « traditionnel » – 1 point

Čaroban – Nina

Un 9 m² traditionnel, vous connaissez peut-être, c’est un logement étudiant de 9 m², sans toilette, sans douche, sans cuisine, sans frigo, avec l’interdiction d’y brancher une bouilloire sous peine de faire sauter les plombs de tout le couloir. On reconnaissait les petits nouveaux à ceux qui voulaient un café le matin : en septembre, il n’y avait plus d’électricité au réveil…

N’ayant pas internet dans les chambres, je n’avais que ma mémoire pour me passer en boucle les chansons de l’Eurovision. J’avais donc écrit les paroles de Caroban pour les chanter quand l’envie me prenait. Elle m’a accompagné dans mes moments de joie et de tristesse.

Chapitre 2 : Celle que j’aimerai chanter à la fin de ma vie – 2 points

Love In Rewind – Dino Merlin

C’est à ça que j’ai pensé en écoutant la chanson, et je le pense encore aujourd’hui. En fouillant dans ma vie, on ne trouvera pas de chanson puisque je préfère écrire des romans, mais j’espère que mes proches, en retraçant mon passé, verront à travers les « hundred worries of mine », un bout de ce « Love in rewind »…

Chapitre 3 : trois minutes de silence – 3 points

Euphoria – Loreen

« Et ragnagna Suède et ragnagna Suède ! Favorite peut-être, mais bon, hein, nous, on a Anggun et Jean-Paul Gautier ! »

Voici une caricature de moi, en 2012, alors que je n’étais pas une grande fan de Echo, et que je n’avais pas encore entendu Euphoria. Après 2010 et 2011, j’étais prête à ne pas envoyer de SMS à la Suède. Une manière pour moi de pénaliser cette fameuse « favorite ».

C’est la dernière fois que j’ai pensé de cette façon. Aujourd’hui, je me mettrai des claques.

Chapitre 4 : Eurovision en commun – 4 points

Space – Slavko Kalezić

Pour faire découvrir l’Eurovision à mes connaissances, j’ai fait un peu de forcing. Newsletters improvisés, informations jetées dans une conversation Discord : j’y servais même commentatrice officielle les jours J… alors qu’on ne m’avait rien demandé. Toujours prête à défendre la candidature de l’Australie aux profanes ! J’étais là !

Mais, au final, je regardais l’émission seule. Famille, amis, ils sont tous loin de mon 9 m². Discord, j’ai arrêté. Échanger par SMS, Hangout ou autre, ce n’est pas pareil. Sans compter sur le décalage temporel numérique qui faisait que les résultats n’arrivaient pas en même temps pour tous.

Puis vint ma victime officielle. La personne qui me regarde regarder l’Eurovision et qui maintenant connaît bien le concours sans en être un fan. Je chéris ces moments en commun.

Space, c’est ce type de partage où on danse, rit et chante ensemble. Ce n’est que trois minutes, mais ce sont des minutes que j’espère ne jamais oublier.

Chapitre 5 : N’essayez pas ça chez vous… enfin pas comme moi – 5 points

You Are The Only One – Sergey Lazarev

La chanson : par cœur.

La chorégraphie : par cœur.

Mais je n’ai pas le mur qui va avec. Franchement, je rêverai de le faire. Avec des chaises, ça ne marche pas vraiment…

Chapitre 6 : Le stress des exams – 6 points

J’ai cherché – Amir

Comme vous l’avez peut-être compris, je suis rarement statique et silencieuse lorsque je regarde l’Eurovision.

Je chante, même si c’est moche.

Je danse, même si c’est moche.

2016 était un bijou de mise en scène. J’ai crié « Petra » comme une groupie… devant mon pc.

Mais 2016, c’est aussi l’année où on était bien placé chez les parieurs. Donc au moment d’Amir, mon souffre-douleur m’observait en train de stresser. Je n’ai pas chanté une seule note, attentive au placement sur la scène, aux jeux de couleurs… Comment Amir gère la caméra ? Va-t-il tenir cette fichue note ? Je n’ai jamais été aussi tendue devant une prestation.

Chapitre 7 : Eurovision en commun épisode 2 – 7 points

Dance You Off – Benjamin Ingrosso

2018. Lisbonne.

Je n’y suis pas allée seule. Mon souffre-douleur (oui c’est mon compagnon, vous l’avez compris), et mes deux sœurs sont venus avec moi. Elles ne sont pas des fans de l’Eurovision. L’une regarde la finale presque chaque année, et l’autre, encore moins. Mais elles n’avaient jamais pris l’avion, et je payais une partie du voyage. On se voyait si rarement… Je voulais qu’elles soient là.

Leur favori, c’était Benjamin Ingrosso.

Le soir de la finale, nous étions tous les quatre dans l’Eurovillage. Au moment du passage de la Suède, mes deux sœurs ont chanté la chanson. Les gens leur ont fait une petite place et les ont regardées. Choré perso et synchro, elles étaient géniales. Un moment d’Eurovision partagé au-delà du cercle de mes proches.

Chapitre 8 : 2019 mun sigra – 8 points

Hatrið mun sigra – Hatari

2019 est une triste année Eurovision pour moi. Pas comme 2010 ou 2011, mais triste tout de même. J’ai dû « apprendre » à aimer les chansons. N’avoir aucun coup de cœur, c’est regarder défiler les semaines avec une lenteur difficile à supporter. C’est errer sur les sites Eurovision sans but. C’est avoir l’impression d’être totalement déconnecté de l’Europe et des fans, d’autant plus avec la virulence qui a suivi la sélection française. C’est attendre l’année suivante avec encore plus d’impatience… sans savoir son annulation. C’est donc la première fois depuis 2012 que je n’ai pas voté au concours. En mai, je soutenais le Portugal… qui s’est fait éliminer sans concession. Je l’ai un peu pris comme un énième soufflet. Donc, le samedi soir, le groupe que je voulais voir gagner, c’était Hatari… en sachant pertinemment qu’ils ne remporteraient pas le micro de cristal. Mais j’avais la rage.

Chapitre 9 : La plaie ouverte – 10 points

We Could Be The Same – MaNga

Je ne pouvais pas ne pas mettre cette chanson dans ce classement. La déception immense que j’ai ressentie le soir de la deuxième place de Beautiful Mess a été atténuée par le fait que j’allais à Lisbonne l’année suivante et que j’espérais une victoire pour ce pays lusitanien si patient. La déception immense que j’ai ressentie le soir de la deuxième place de Sanomi a été atténuée par des années de boycott d’Everyway than I can.

Ma déception ressentie pour la deuxième place de « We could be the same » reste vive. Peut-être qu’en 2030, il en sera autrement. Je n’ai rien contre Lena… j’aurai juste préféré qu’elle gagne avec « Taken by a stranger »…

La plaie est toujours ouverte, car je garde encore cette impression d’occasion manquée. J’attends le morceau rock que j’adorerai et qui sera soutenu sur la plus haute marche du concours.

Chapitre 10 : Je suis une madeleine – 12 points

La Forza – Elina Nechayeva

Ma chanson préférée de 2018 ? O Jardim.

Celle que j’espérais voir gagner ? La Forza.

J’aimais beaucoup la chanson et la mise en scène. À Lisbonne, le vendredi, nous avons pu assister à la répétition jury. Sentir les flammes de Viszlat Nyat et Fuego dans la salle, regarder la performance sur My Lucky Day, découvrir les blagues de Filomène en avant-première… C’était magique. Elina Nechayeva passait en 6e position. J’ai commencé à chanter sur le morceau, comme j’en ai l’habitude à domicile, puis arrivée au refrain, je me suis totalement effondrée en larmes. 2018, c’était une année de rêve et de cauchemar à la fois. Mon compagnon avait traversé l’Atlantique pour être avec « moi à l’Eurovision ». Il m’a fourni les mouchoirs. À la victoire d’Alexander Ryback en 2009, je me voyais chercheuse. Alexander Ryback est dans la Green Room en 2018, et mes diplômes ne servent qu’à faire fuir les DRH sur Pôle Emploi. J’étais au fond du trou et en même temps, je vivais un instant d’illusion réelle. Mes glandes lacrymales n’ont pas tenu le choc. Au moment de La Forza, j’ai réalisé où j’étais.

Épilogue :

J’ai réfléchi longtemps sur un souvenir Eurovision à partager avec vous, mais en relisant l’article je crois y avoir déjà donné beaucoup. J’évoquerai tout de même l’ouverture de la première édition de l’Eurovision des Chorales. C’était la première fois que j’assistais à la naissance d’un concours Eurovision. Je me rappelle encore d’où j’étais quand je l’ai vu la première fois. J’ai regardé cette première édition à plusieurs reprises avant qu’ils ne la suppriment de YouTube.

Annexes :

Lorsque j’ai dit à mon compagnon qu’il souffrait d’un Syndrome de Stockholm-Malmö que j’allais faire mon top 10 pour EAQ, il a gentiment proposé de me confier le sien. Voici son top 10 :

10e : Hey Mamma – Sunstroke Project ; 9e : Here for you – Maraaya ; 8e : I didn’t know – Serhat [je cite « L’Europe n’était pas prête, c’est tout. »] ; 7e : Friend of a friend – Lake Malawi ; 6e : Origo – Joci Pápai ; 5e : City Lights – Blanche ; 4e : Space – Slavko Kalezić ; 3e : Sebi – Zala Kralj & Gasper Santl ; 2e : Sound of Silence – Dami Im ; 1re : Hatrið mun sigra – Hatari.

Merci à ceux qui auront lu cet article jusqu’au bout. Je deviens vite bavarde à l’écrit^^.

Merci à toute l’équipe de rédaction et à la bande de joyeux lecteurs et lectrices du site.