SAMEDI 26 SEPTEMBRE
Le torchon brûle entre la télévision publique biélorusse et ses représentants 2020, le groupe VAL. La controverse a éclaté cette semaine, sur fond de crise politique. Elle a donné lieu à des échanges vindicatifs, assez inédits dans l’histoire de l’Eurovision.
Comme vous le savez, le dimanche 9 août dernier, s’est déroulée l’élection présidentielle biélorusse. Le président sortant, Alexandre Loukachenko, y a été réélu pour la sixième fois consécutive avec un score de 80,10%. Ce résultat a été immédiatement contesté par l’opposition. Les observateurs internationaux, de leur côté, ont déclaré que cette élection n’avait été ni libre, ni juste. L’Union Européenne a refusé d’en reconnaître le vainqueur.
S’en sont suivies des manifestations de protestation à Minsk et dans d’autres villes biélorusses. Le gouvernement et la police y ont répondu par la force. La situation s’est dégradée, des leaders de l’opposition ont été arrêtés, d’autres ont pris la route de l’exil. L’Union Européenne a protesté et l’opinion publique mondiale s’est émue. Malgré tout, le 23 septembre, le président Loukachenko a prêté serment et inauguré son sixième mandat.
Le 19 septembre, les deux membres du groupe VAL, Valeria Gribusova et Vladislav Pashkevich, ont publié une vidéo sur leur compte Instagram. Ils y réagissaient à un grand rassemblement de femmes, organisé le 17 dans la Minsk Arena. Durant cet événement, mi-forum, mi-concert, de nombreux orateurs ont pris la parole et défendu le gouvernement biélorusse, ainsi que le président Loukachenko. Des artistes, tels que Ruslan Alekhno, Diana Gurtskaya ou encore Philipp Kirkorov, s’y sont également produits. Le rassemblement s’est conclu par l’apparition du président Loukachenko en personne, qui a été vivement applaudi.
Face aux propos tenus là, Valeria et Vladislav ont déploré les attaques répétées et le peu cas fait de la langue et de la culture biélorusse au niveau étatique, ainsi que l’oppression exercée à l’encontre des artistes et musiques alternatifs. Tous deux souhaitent à présent se mettre au service de la culture biélorusse et œuvrer à sa refondation.
Dans le prolongement de cette déclaration, le 24, ils ont accordé une interview au site Interesnye Lyudi. Ils y expliquent avoir longtemps mûri leur décision, puis pris la parole pour se positionner dans le débat public. Ils révèlent qu’un accord tacite les liait avec la télévision publique biélorusse, qui les empêchait d’accorder des interviews à des journalistes indépendants ou à d’autres médias que la BTRC. Ils l’avaient respecté jusqu’ici, mais leur éviction de plusieurs concerts dont le Slavianski Bazaar, de manière impromptue et sans avertissement préalable, les a fait changer d’avis.
Le duo souligne les problèmes internes au diffuseur public. Selon lui, les sélections biélorusses sont peu transparentes et de nombreux candidats y subissent un traitement partial. Certains sont privilégiés, alors que d’autres, qui ne partagent pas les vues de la BTRC, ne bénéficient pas des mêmes chances. VAL dénonce aussi ce contrat tacite qui, à leurs yeux, équivaut à une intimidation implicite.
Valeria et Vladislav souhaitent toujours représenter la Biélorussie à l’Eurovision. Ils posent cependant quelques conditions : conserver leur entière liberté artistique, interpréter leur chanson en biélorusse et y transmettre leur vécu personnel de ces événements. Ils savent néanmoins que cela ne leur aurait pas été permis et qu’en outre, leurs déclarations et cette interview réduisent leurs chances à néant. Ils n’en seront cependant pas affligés, car il existe des souffrances plus graves.
Tous deux confessent traverser une situation morale et financière difficile. Valeria vit de ses cours de chant, Vladislav de son métier de producteur. Néanmoins, tous leurs concerts ont été annulés et ils sont désormais persona non grata auprès du régime, ce qui signifie qu’ils n’ont plus accès aux événements médiatiques et télévisés d’importance. Mais ils espèrent en un avenir meilleur pour eux et pour leur pays.
Dès le lendemain, le 25, la BTRC leur a répondu par un communiqué qui fera date. Le diffuseur y répond point par point à leur interview, en des termes peu amènes. Il réfute toute intimidation implicite, tout contrat tacite et toute exigence de silence. Il souligne n’être en rien impliqué dans l’organisation des concerts mentionnés, à commencer par le Slavianski Bazaar.
Il réfute également tout biais et tout parti pris dans l’organisation des sélections. Il souligne ensuite que le groupe n’a remporté la dernière sélection biélorusse que par défaut, n’ayant obtenu la première place ni auprès des jurés, ni auprès des téléspectateurs. Le diffuseur mentionne même le peu de croyance des parieurs européens en leurs chances, puisqu’ils les avaient classés avant-derniers de leur demi-finale.
La BTRC rappelle avoir tout de même reconnu cette victoire et mis tous ses moyens à disposition du groupe pour obtenir le meilleur classement possible à l’Eurovision. Parmi l’équipe recrutée, le diffuseur avait choisi l’Autrichien Marvin Dietman pour la mise en scène et le Chypriote Alex Panayi pour le suivi vocal. Il rejette la faute de cet échec annoncé sur la mauvaise volonté du groupe. Il fait ensuite remarquer qu’avec pareil résultat à une sélection nationale, un représentant national ne peut de toute façon convenablement porter les couleurs de son pays à une compétition internationale.
La conclusion de la BTRC est sans équivoque, ni appel : le groupe VAL ne la représentera pas à l’Eurovision 2021. Selon le diffuseur, cette décision ne tient ni à son organisation interne, ni à une volonté de censure, mais bien à l’absence de conscience du duo (sic).
DIMANCHE 27 SEPTEMBRE
Le groupe VAL a réagi au communiqué vitriolique de la BTRC dans un message Instagram. Il a déclaré n’être pas surpris par la réaction du diffuseur, l’ayant anticipée. Valeria et Vladislav assument leur choix. Ils refusent de fermer les yeux sur la violence et l’injustice à l’œuvre en Biélorussie et se placent du côté de la vie plutôt que de celui des préférences personnelles d’organismes étatiques.
HONNETEMENT ILS ME MANQUERONT PAS MEME SI C’EST UNE HONTE
Bravo à VAL. Le duo sort grandi de cette histoire et ,si le régime finit par tomber, ils pourront peut-être reprendre le fil de leur carrière avec sérénité.
Encore une fois, je croyais avoir tout vu en matière d’Eurovision, mais un diffuseur qui attaque de manière aussi vile et mesquine ses représentants, c’est une triste première. Une certaine idée de la décence est morte…
Je savais bien que VAL ne serait pas retenu par le diffuseur biélorusse mais le fait que celui-ci les humilient publiquement c’est horrible !
BTRC ne cache même pas son mépris envers le groupe, cette chaîne était déjà en roue libre entre les tricheries et le racisme envers certains candidats.
On voit bien que la télévision publique biélorusse joue bien son rôle du toutou à Loukachenko.
Franchement, je ne sais pas ce qui est le plus dramatique, entre VAL qui veut représenter son pays au concours mais que ça n’arrivera jamais (en tout cas tant que ce dictateur sera au pouvoir) ou la BTRC qui veut envoyer un artiste qui servira de marionnette pro-Loukachenko.
Je pense qu’à ce stade, si le diffuseur veut participer à l’Eurovision 2021, il choisira le/la représentant(e) en interne et envoyer quelqu’un qui soutient ouvertement le gouvernement et/ou qui a participé à ce grand rassemblement de femmes qui avait eu lieu le 17 septembre dernier. Quiconque sera choisi, cette personne ne sera pas soutenu par les eurofans (et peut-être même par les téléspectateurs) conscients de la situation actuelle en Biélorussie quel que soit la qualité de la chanson.
Quant à VAL, je leur souhaite le meilleur pour la suite de leur carrière, le duo mérite de réussir dans ce domaine.
Pologne ,Biélorussie ,des pays où la démocratie a du mal à s ´imposer .Si l’Eurovision et ses participants peuvent participer à l’éclosion de la démocratie je suis pour la politisation ,n ´en déplaises à certains.Bon week end démocratique à tous!!!!Vive la liberté
– C’est proprement scandaleux mais il ne fallait rien attendre de ce gouvernement. Le pire est de ne pas se contenter d’exclure leurs représentants mais de les bafouer pour un motif totalement fallacieux !
– Pour autant, je continuerai d’aimer » I love Belarus » car je fais abstraction de politique quand j’écoute une chanson d’autant plus que mon anglais étant catastrophique, je ne comprenais pas ce qu’elle disais mais j’aimais énormément cette chanson. Après bien sûr, j’ai lu des traductions mais ça n’et pas une chanson pro-régime totalitaire. C’est un peu comme moi si je chantais » j’aime Nice » . Même si le maire ou le président de la région ne me convenait pas, ce n’est pas une raison pour ne pas continuer d’aimer ma ville et de la chanter si tel était mon désir. Ce n’est que mon avis mais je le maintiens tout en respectant tous les autres avis car chacun réagit à sa façon et c’est bien légitime.
Réaction lamentable du diffuseur biélorusse qui ne se contente pas de ne pas reconduire ses artistes mais les salit publiquement.
On se doutait bien avec la situation politique sur place et la polarisation des artistes entre pro Lukashenko et opposants que Val ne serait pas retenu en 2021 mais ce communiqué aux termes très agressifs n’honore vraiment pas le diffuseur, qui s’était déjà illustré négativement lors des sélections précédentes (racisme, tricheries..).
Le plus scandaleux pour moi est le reproche fait au duo de ne pas avoir remporté les votes du public et du jury lors de la selection. Jusqu’à preuve du contraire, c’est la télé biélorusse qui définit les règles et si elle décide que la selection se gagne au cumul jury/public et que c’est « Da vidna » qui a le meilleur total , il n’y a pas lieu de protester ensuite
Pour 2021 de nombreux candidats seront aux abonnés absents si d’aventure la Bielorussie organise une nouvelle sélection.
NaviBand et d’autres ont publiquement désavoué l’élection de Lukashenko.
Cette nuit, Michael Soul (candidat en 2019 écarté au profit de Zena) a publié plusieurs vidéos au vitriol dans lesquelles il dénonce les manigances biélorusses.
Les seuls candidats pro régimes des dernières éditions sont Aliona Lanskaya et Zena. Le retour de l’une d’elles en 2021 me semble tout à fait envisageable..
2021 pourrait être une saison riche en eurodramas, déjà que celui sur la Pologne au Junior donnait le ton … VAL ont déjà été courageux de l’ouvrir pour dire leur quatre vérités, sachant pertinemment les représailles qui peuvent en découler tant pour leur carrière (déjà kaput en Biélorussie à mon avis …) que pour leur vie.
À moment donné, un débat pourrait se poser au niveau eurovisionesque : même si la-musique-prime-sur-la-po-li-ti-que et que le concours permet d’offrir aux artistes de ces pays une exposition qu’ils ne trouveraient jamais ailleurs, ne devrait-on pas questionner la présence au concours de certains pays aux accents fort peu démocratiques, voire carrément dictatoriaux, comme la Biélorussie ? D’autant plus que celle-ci cumule : répression politique, on le sait, et si on se penche sur le concours, ça donne des votes truqués, sélections de complaisance, évictions à caractère fallacieux (rappelons nous la sortie raciste de la jurée de 2019), musèlement des artistes … Vous comprenez mieux que ça me pose un vrai problème qu’une artiste se retrouve à chanter « I love Belarus » pour la Biélorussie ?