Good Morning Europe ! Cette semaine, l’Eurovision au Quotidien vous embarque dans un road trip à travers le Royaume-Uni. 7 jour, 7 villes, et une seule qui décrochera le titre tant envié de ville hôte de l’Eurovision 2023. Laquelle ? Nous le saurons d’ici quelques semaines. Aujourd’hui, découvrons la ville de Liverpool !

Cité côtière du Nord-Ouest de l’Angleterre, Liverpool compte un peu moins de 500 000 habitants (860 000 en comptant l’aire urbaine). La résumer en trois mots ? Industrie, musique, football. Découvrons un peu plus notre potentielle hôte…

Un peu d’histoire

Liverpool est fondée en 1207 et est une place-clé de l’époque faste de l’Empire britannique. Dès sa construction, elle obtient le statut de port sur décision royale, accueillant notamment les troupes partant pour l’Irlande. Théâtre de nombreuses batailles durant la guerre civile anglaise, elle devient aussi l’un des principaux ports de commerce avec l’Irlande. Au XIIIe siècle, on y construit un premier dock (bassin entouré de quais destiné au chargement et déchargement des navires) à niveau d’eau constant, dans l’optique d’accélérer les flux dans le cadre du commerce triangulaire. Liverpool fleurit sur la fortune dégagée par le commerce d’esclaves africains et antillais. Au début du XIXe siècle, 40% du commerce maritime de l’Empire transite par Liverpool.

Au moment de la Grande famine irlandaise (The Blight, 1845-1852), causée par la combinaison malheureuse d’une épidémie de mildiou sur les cultures et d’une stratégie politique d’affaiblissement de l’Irlande par le pouvoir anglais, plus d’1,5 million d’irlandais quittent leur pays pour fuir la faim et la misère. Liverpool (ainsi que Glasgow) deviennent leurs principales villes d’accueil; à tel point qu’en 1851, un quart de la population de Liverpool est née en Irlande. Ces milliers de nouveaux habitants venus de l’autre côté de l’Irish Sea influencèrent grandement la culture, l’architecture de la ville, mais aussi la langue. Ainsi, l’accent marqué de Liverpool, surnommé le Scouse (du nom d’un ragoût populaire introduit par les marins scandinaves), fait également partie de ce patrimoine interculturel.

Dans la 2nde moitié du XIXe siècle, en pleine révolution industrielle, l’Empire britannique est à son apogée, et la richesse de la ville de Liverpool dépasse parfois celle de Londres, conduisant les gouvernants de l’époque à la désigner comme la « Seconde ville de l’Empire ». C’est la période des grandes constructions, aussi bien d’ambitieux immeubles que de l’étalement des banlieues ouvrières, à l’image des cités minières et textiles du Nord de la France. C’est aussi une période d’innovation : première ligne de train du Royaume-Uni (Liverpool-Manchester) en 1830, premier tramway (mais 2e d’Europe, cocorico, le premier européen était à Paris), premiers bâtiments à armature en métal (l’Oriel Chambers) qui préfigure les gratte-ciel, et même premiers produits dérivés financiers (oui, les titres au cœur de la crise de 2008 … écoutez, c’est peut-être quand même un poil plus glorieux que d’avoir inventé le bitcoin).

Durant la Seconde Guerre Mondiale, Liverpool est la cible privilégiée des bombardements allemands, avec Londres. 2500 personnes y perdent la vie, et plus de 11 000 maisons sont détruites. Au moment de la reconstruction, de nombreux bâtiments d’avant-guerre intactes sont également démolis, dans l’idée de présenter un renouvellement urbain global.

Débute alors une période de déclin : les dernières colonies britanniques gagnent leur indépendance, les modes de production évoluent et la désindustrialisation frappe de plein fouet (le district de Lancashire où se trouve alors Liverpool était spécialisé dans l’industrie textile), le port de Southampton (au sud du pays) concurrence frontalement celui de Liverpool, la principale usine automobile de la ville ferme. Ajoutez à cela que le gouvernement Thatcher décide consciemment de laisser la ville décliner, et on aboutit à nouveau au parallèle avec le Nord de la France : chômage de masse, explosion de la pauvreté, émigration de la population vers d’autres bassins d’emplois (100 000 habitants de moins entre 1971 et 1981, ce qui correspond à 1/8e de la population d’alors !).

Liverpool aujourd’hui

Liverpool est une ville très cosmopolite de part son histoire, abritant les communautés noires et chinoises parmi les plus anciennes d’Europe, ainsi que d’importants communautés irlandaises et galloises. Terre historiquement hostile aux conservateurs (parti actuellement au pouvoir au Royaume-Uni), ses habitants ont également voté à près de 60% pour le maintien du Royaume-Uni dans l’Union Européenne. C’est également l’une des villes les plus catholiques, dans un pays protestant (là encore, du fait de l’influence irlandaise).

Comme nous le disions, c’est aussi une terre de football. Les Reds, surnom des joueurs du Liverpool FC, sont sextuples champions d’Europe; ils sont aussi le deuxième club le plus titrés du championnat d’Angleterre derrière Manchester United (19 victoires contre 20). Ayons également un mot pour leurs éternels rivaux à domicile, le Everton FC (the Blues), neuf fois champion d’Angleterre. Les deux équipes s’affrontent traditionnellement lors du Merseyside Derby, une à deux fois par an. Le football est un élément identitaire très important pour Liverpool. Il faut comprendre qu’avoir une équipe auréolée de succès constituait l’une des dernières fiertés et un des remparts de l’unité sociale dans une ville où prévalait le sentiment d’abandon et de déclassement.

Autre fierté locale, et pas des moindres : Liverpool, hometown of The Beatles ! Les quatre membres du groupe ayant vendu le plus de disques au monde sont nés à Liverpool, et c’est au « Cavern Club » qu’ils ont réalisé leurs premiers concerts (plus de 300 dans ce bar dans leur carrière). Leur ville natale est d’ailleurs le théâtre de deux chansons : Strawberry Field et Penny Lane (1966). L’aéroport de la ville a été nommé en hommage à John Lennon, et les attractions touristiques autour du groupe mythique ne manquent pas : maisons d’enfance des chanteurs, musée dédié, hôtel de luxe à thème, lieux iconiques… Si les Beatles sont les plus célèbres des artistes de Liverpool, la ville peut toutefois s’enorgueillir d’avoir donné au monde nombre de chanteurs et de poètes : Cilla Black, Gerry & the Pacemakers, Carcass…

Depuis une dizaine d’années, les politiques de développement de la ville ont repris du poil de la bête. Elles ont consisté, notamment, à réorienter l’économie vers le secteur tertiaire et des services (même si le port représente encore 10% des emplois et reste l’un des plus importants du Royaume-Uni), à développer l’offre touristique, culturelle (en s’appuyant sur la musique, les Beatles, et l’héritage industriel), et de loisir, et à revivifier le commerce (construction du gigantesque centre commercial Liverpool ONE pour attirer un tourisme de shopping). Le prochain projet d’envergure, le Liverpool Waters, vise à réaménager les docks du Nord.

La culture est un levier important : mise en valeur du patrimoine architectural (avec un raté puisque son port a été radié du patrimoine mondial de l’Unesco en 2021 à cause de la construction d’un stade de foot sur le front de mer), capitale européenne de la culture en 2008, antenne de la Tate Gallery de Londres, Musée International de l’Esclavage, festival de dance music Creamfields… Et peut-être l’Eurovision 2023 ?

La salle pour l’Eurovision 2023

Si Liverpool était retenue pour accueillir l’Eurovision, c’est à la Liverpool Arena (officiellement M&S Bank Arena) que nous devrions nous retrouver en mai 2023. Cette salle appartient à la ville et a été inaugurée en 2008, à l’occasion du choix de la ville comme Capitale Européenne de la culture. Elle a une capacité maximale de 11 000 spectateurs, et est située au centre de la ville. Elle possède une annexe, l’Exhibition Centre Liverpool, qui pourrait accueillir le centre de presse. C’est toutefois, avec la Newcastle Arena, la plus petite salle parmi les candidates (Manchester ayant la plus grande, avec presque le double de capacité).

Points forts

  • Une ville jeune (et dynamique !)
  • Un patrimoine historique, culturel et architectural conséquent
  • Définitivement une ville de musique !

Points faibles

  • Image en reconstruction dans l’opinion publique
  • Salle plus modeste que ses concurrentes