_AP64813Ils ont répandu une vague de choc et nos cœurs ont fait ba-ba-da-bou ! Iveta était Chrysostome, plus encore que nous ne l’aurions cru ! Cette finale du soixante et unième Concours Eurovision de la Chanson aura été un moment plus qu’intense, trois heures et demie d’émotions sublimes et terribles, qui nous auront laissé vidés, lessivés, essorés et sous l’effet de la plus incroyable surprise.

Comme d’habitude, vous trouverez exposé ici un mélange entre des constatations objectives et des opinions subjectives. Vous êtes en droit de ne pas nous suivre. Faites-nous savoir si vous partagez ces sentiments ou pas, les expériences des uns et des autres demeurent enrichissantes. Vous nous pardonnerez au passage le délai de rédaction : ce temps nous a été nécessaire pour reprendre nos esprits et redevenir nous-même.

Reposons le décor. Nous étions à nouveau six, réunis dans un salon bruxellois (celui de Laeken). Nous avions remplacé notre ami grec par un autre ami belge. Il y avait un mélange d’hommes et de femmes, d’homos et d’hétéros, de fans et de non fans, cinq Belges francophones et un Belge germanophone. Avons-nous passé un excellent moment ? Oui, bien sûr ! Avons-nous été sagaces ? Non, évidemment !

Sur le plan technique, nous avons regardé cette finale sur Één. Notre soirée était commentée par Peter Van De Veire. Nous ne l’avons pas beaucoup écouté, avouons-le, trop pris par le souffle du moment et les discussions enflammées.

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OUVERTURE

Te Deum, nous revoilà dans le meilleur des mondes. Chacun s’est installé dans son canapé respectif, avec son cake au chocolat annuel. Excitation, frétillements, la conversation a roulé durant le repas sur la présence de Justin Timberlake, l’élimination de la Grèce et de la Bosnie, la prestation de Laura, la coiffure de Petra, le nouveau système de vote. Les portables (les GSM comme on dit ici, une fois) sont à portée de main. Europe, nous voici !

Le Globen est un chaudron bouillant, nous aussi. Ouverture survoltée, cris hystériques : Laura s’avance la première. Fiers d’être Belges ! Alleï Laura ! Excellente idée de mise en scène, très Fashion Week, très hype, à des milliers d’années-lumière de l’imagerie habituelle. Trop fort, ces Suédois ! Les candidats ont tous l’air heureux et au nirvana. C’est bon, c’est tellement bon, ces instants sont les meilleurs de notre année. Très envie d’arriver ainsi au travail, le matin, précédés par des mannequins et sur une musique de discothèque. Tellement mieux que de tomber du tram ou du métro…

Entrée en scène de Måns et Petra. Nouvelle ovation particulière pour Petra. Vraiment inédit dans toute l’histoire du Concours. C’est vrai qu’elle est extraordinaire, notre Petra. Elle devrait présenter l’Eurovision chaque année. Rappel opportun de la finalité de la soirée : unir les peuples et les nations. Les critiques devraient y songer… Salut aux fans : c’est vrai que nous sommes incroyables ! Merci Måns (bien que désolé, mais l’année passée, nous n’avons pas voté pour toi…) !

  1. BELGIQUE

Notre Laura nationale ! Un peu étrange : dernière chanson présentée du jeudi, première chanson présentée du samedi. Biblique : les derniers seront les premiers. Excellente ouverture, excellente mise à feu de la fusée. Laura se surpasse, What’s The Pressure conquiert les canapés. Quel que soit le résultat, pas à rougir de notre petit pays. Très différent de Loïc, très bon. Vertige : et si nous devenions un pilier de l’Eurovision ? Les nouvelles Hongrie ou Arménie ? Fantasme. Tous contents, applaudissements marqués et prolongés. Une victoire ? Sans doute pas. Un excellent résultat ? Plutôt intérêt !

  1. RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

De la fête à la retenue. Gabriela excellente, comme toujours. Prestation vocale irréprochable, visuel très maîtrisé. Laisse les canapés un peu froids. Pas trop envie de décrocher son téléphone… Rappel : la République Tchèque a déjà gagné, puisqu’elle est enfin en finale. Preuve qu’avec un minimum de classe et de sobriété, un pays peut se qualifier. Reprise de la querelle des Anciens et des Modernes sur la Bosnie et ses couvertures de survie. Thèse, antithèse, synthèse : Gabriela rentrera le front haut à Prague et on ira la rejoindre, l’année prochaine, pour nos vacances d’été.

  1. PAYS-BAS

Et la Belgique et les Pays-Bas en finale ! Vous nous auriez dit ça en 2012… La routourne… Douwe, toujours aussi séduisant. Question : cela a dû être douloureux ce tatouage de gorge, non ? Slow Down, excellent morceau. Les canapés se balancent de concert : Slow down, brother, slow down, if you can go on… Silence et nous aussi, on t’aime, Douwe ! Angles de vue mille fois meilleurs qu’à la demi-finale. Très bien, cette communion du chanteur et du public, rarement vu, à refaire. Mériterait une bonne place, élève le niveau et la compétition. Tentés de voter géopolitique pour un pays voisin. Prière au ciel pour une victoire prochaine des Pays-Bas.

  1. AZERBAÏDJAN

Mira-mira-miracle. Samra n’avait pas convaincu les fauteuils, du mardi. Qu’en sera-t-il des canapés ? Accueillie fraîchement. Pas d’amélioration notoire. Meilleurs angles de vue, cependant. Pas de quoi transcender la chanson et sa présentation. Très Melodifestivalen, normal vu la provenance. Tellement calibré que manque son objectif. Télévision azerbaïdjanaise devrait tourner la page des suédoiseries. Époque en passe d’être révolue. La preuve : cette année, même la Suède prend le contre-pied.

  1. HONGRIE

Pas de suédoiserie : c’est bien la Hongrie, ça. A Dál, très chauvin quand on y songe. Mais obligé de reconnaître : scène musicale hongroise de qualité et représentants hongrois tous excellents. Comme Freddie et Pioneer. Dommage pour le t-shirt et le visuel un peu passé. Aurait mérité des effets spéciaux. Peut-être pas un mur-escalier qui se transforme en banquise flottant dans l’espace, mais des dédoublements, des avatars, un voyage, quelque chose quoi. Nécessité pour la télévision hongroise d’engager l’année prochaine, un scénographe de très grand talent. Le scénographe, le nouvel accessoire indispensable. Très excités aussi à la perspective d’une victoire hongroise. Faites que ce soit l’année prochaine !

  1. ITALIE

Un scénographe, on vous dit, un scénographe ! Présentation visuelle de Francesca très mal reçue depuis les canapés. Rires, moqueries, impression terrible de regarder le Concours Junior. Rejet en bloc de la salopette, aurait plutôt dû enfiler un tailleur. Et ce décor de publicité pour une jardinerie, pire qu’escompté. Incompréhension persistante, discussion couvrant la chanson. Tentative de ma part de recentrer l’intérêt collectif sur le morceau, très bien, très prenant. Échec. Fleurs et légumes absorbent l’attention. Arrachage de barbe : pourquoi n’avoir pas reproduit le visuel et la chorégraphie du clip ? Plus pointu, plus edgy, moins enfantin. Mystère. Naufrage en direct. Regret et amertume : après les Pays-Bas et la Hongrie, l’Italie serait un excellent pays victorieux. L’année prochaine, l’année prochaine, mais il y aura tellement pays que nous souhaiterions voir gagner l’année prochaine… Et pressentiment que ce sera encore la Suède…

  1. ISRAËL

Hovi aussi épatant qu’à l’accoutumée. Explication pour les canapés : l’on revient de loin, de très très loin. Souvenirs atroces de la première écoute de la première version studio de Made Of Stars. Hovi très attachant, va nous manquer lorsque le rideau sera retombé. Bon, pas plus envie que ça de suivre la prochaine sélection israélienne, mais si c’est Doron Medalie qui compose la chanson pour 2017, déjà enthousiastes. Réalistes : pas de victoire pour Israël cette année. Deux qualifications consécutives, déjà une victoire en soi, après pareille traversée du désert. Mais devinez quoi : fort enthousiastes pour une victoire l’année prochaine !

  1. BULGARIE

Crise d’hystérie de ma part, beuglements de bovidé : c’est Poli ! Pooooliiiiii ! Trois minutes de pur bonheur, chorégraphie assise et en rythme, refrains et couplets sans faute, au sommet de ma vie de fan. Canapés convaincus par la chanson, moins par la tenue de scène. Spoiler irrésistible : elle s’allume ! Dont acte. Canapés toujours pas convaincus. Globen en feu, beaucoup de bien et chaleur au cœur. Final porteur, applaudissements du salon, la Bulgarie frappe un grand coup. Nouvelle prière au ciel : refaites-nous ce coup-là chaque année !

  1. SUÈDE

Journal de classe ! Frans suscite décidément des réactions épidermiques. Grosse envie de lui coller une retenue. A l’air de s’en foutre royalement. Contraste saisissant avec Måns et Sanna. Canapés convaincus aussi par la chanson, pas par le personnage. Interprétation je-m’en-foutiste, sommet de la nonchalance. Intéressant en soi : très loin des clichés eurovisionesques. Frans dormira tranquille : ce n’est pas lui qu’on reverra dans les bêtisiers. Quant à moi, trouve la prestation négligée. Me demande ce que fait Ace Wilder, ce soir. Inconsolable de sa troisième place… Mouchoir.

  1. ALLEMAGNE

Kawaï ! Canapés étonnés : sacré personage ! L’incompréhension surgit : quel rapport entre son look, sa chanson et le décor ? Décorticage, pendant que j’entonne le chœur. J’adore, les canapés moins : le look manga ne passe pas. Critiques roulantes sur le costume, oubli de la chanson. Danger en vue pour Jamie-Lee. Accord des canapés : aurait dû opter pour un look gothique plus adéquat, pour visuel plus cohérent. Je continue de chanter. Remue-ménage, je tranche : elle s’en fout, elle est déjà une star en Allemagne.

  1. FRANCE

Cris, hurlements, convulsions de ma part : c’est Amiiiiir ! Grandes, très grandes attentes. Silence dans le salon, une pensée pour Marie Myriam. Première transition visuelle ratée. Je reprends les chœurs : « You-hou-hou-hou » Excellente chanson, excellente prestation, visuel un peu en retrait, canapés enthousiastes. Mieux, beaucoup mieux et ce, depuis des lustres. Charme d’Amir cause des ravages dans l’assistance. Irrésistible. France à nouveau au sommet. Qui de droit se souvient de ses ancêtres français… Victoire ? Pas certain, assemblé hésite. Faudra voir le Russe…

  1. POLOGNE

Cris, hurlements, imprécations du salon : comment a-t-il pu se qualifier ? Personne n’aime, ni la chanson, ni l’interprétation, ni le visuel, ni le costume. Quelqu’un va aux toilettes, en signe de protestation. Michal nous rejoue sa scie. Reprise des chœurs, fausses notes volontaires : « Oh, oh, oh, oh ». J’enrage ! Margaret est-elle devant sa télévision ? Est-elle déjà en train d’enregistrer sa chanson pour l’année prochaine, celle qui remportera le Grand Prix ? Michal sombre dans les classements personnels, s’attire la malédiction universelle, continue imperturbable. Ses oreilles devraient pourtant sonner comme les cloches de Sainte-Marie…

Interlude et départ pour la Tele2 Arena. Grande première dans l’histoire du Concours : première fois qu’un présentateur anime la soirée depuis deux salles différentes. Apparition de Carola et de Loreen. La première, égale à elle-même. La seconde, curieusement enlaidie. Surprise : Måns place en tête de ses classiques eurovisionesques, Jan Jan. Un peu meringué, non ? Carola opte pour Hallelujah, compréhensible. Mais un peu religieux, non ? Suivez mon regard… Se fait alors couper la parole magistralement par Måns, hilarant et atroce à la fois. Loreen tente la plaisanterie (du moins, on l’espère) avec Heroes. Bien, bien. Moi, pas bougé d’un iota depuis trente-trois ans : toujours Poupée De Cire, Poupée De Son. Parce que France Gall, parce que Serge Gainsbourg, parce que Alain Goraguer, parce qu’aucune chanson depuis n’a autant révolutionné le Concours.

  1. AUSTRALIE

Nécessité de récapituler en trente secondes, trente ans d’amour Australie-Eurovision. Rappel du fait majeur : toute première participante d’origine sud-coréenne. Question : et si elle gagne ? Réponse : la SBS organisera le Concours en Europe. Soulagement à la perspective de ne pas devoir se lever à 4h du matin pour la finale 2017. Dami parfaite, très X Factor, enthousiasme des canapés. Pourrait aussi gagner. Très convaincus par chanson et prestation, moins par robe. Deux ombres perdues sur son visage, apparition de sa petite culotte. Rien ne manque, final en apothéose, applaudissements. À part le Russe, qui pourrait entraver son chemin ?

  1. CHYPRE

Joie et peur. Les pros aiment autant qu’en finale. Les antis détestent autant. Très polarisant. Les premiers louent le rock, l’énergie, le contraste. Les seconds critiquent les cages, les faciès, la lourdeur du son. Conclusion provisoire : produit de niche. Bien dans son genre, plaira aux amateurs, laissera les autres froids. Toujours mieux que le somnifère de l’an dernier. Problème soulevé : la Géorgie propose mieux.

  1. SERBIE

Très longue discussion, très long débat, trois minutes en fait. Tentative de ma part d’expliquer que Sanja s’est beaucoup calmée vestimentairement, capillairement, gestuellement. Refus des canapés de le croire. Bla, bla, bla, danger : personne n’écoute la chanson. Les critiques se déchainent sur la robe, la coiffure, les couleurs, le visuel. Doit finalement l’admettre : la présentation manque d’une surprise, d’un effet ou alors dû jouer la carte de la sobriété totale. Décryptage du syndrome de Zelmerlöw : toute présentation visuelle reprenant des codes antérieurs à Heroes semble soudain fade à des téléspectateurs qui attendent d’être un peu plus éblouis chaque année. Risques élevés de surenchères technologiques et de sombrer dans le Cartoon. Attente désormais ancrée d’un clip vidéo réalisé en trois minutes et en direct. À méditer pour l’avenir…

  1. LITUANIE

Oui, ce sont bien sa femme et sa fille dans la carte postale. Question éclaircie, place à Donny, ses cheveux et son trampoline. Fou-rires dans le salon : pas flatté de la moumoute. Veste en cuir blanc, sur legging noir : no-no. Attention attirée par les baskets aux couleurs nationales de la Lituanie. Donny en réincarnation de Michael Jackson. Plaisanteries douteuses, heureusement que ce n’est pas en réincarnation de Madonna. Trampoline mal amenée, mal filmée. Rien ne convainc vraiment le salon. Pas mal pourtant, Donny donne le meilleur de lui-même. Un peu caricatural, pourtant. Lituanie ignorée dans les classements personnels.

  1. CROATIE

Désespoir : comment voulez-vous vendre l’Eurovision en 2016, avec pareille présentation ? Va finir au Petit Journal et dans tous les bêtisiers pour les siècles et les siècles. Nous poursuivra par-delà la tombe… Maman ! Canapé plus intéressé par l’aspect technique, puisqu’aspect esthétique épuisé en demi-finale. Réponse : on lui place sa tente extérieure sur scène. Chanson molle, présentation bonne en 1998, dépassée aujourd’hui. Contre-attaque personnelle : comme République Tchèque, qualification déjà une victoire en soi. Pluie de plaisanteries : robe pratique pour faire les poussières. Point plus judicieux : pas l’impression que chanson et présentation soient raccords avec univers de Nina. Semblent lui avoir été imposés. Pas original, pas mémorable, pas de Balkans sur notre podium.

  1. RUSSIE

Voili, voilou… Concentration et silence, le salon scrute chaque micro-geste de Sergey comme s’il s’agissait de la Dernière Cène. Prouesse technique et technologique indéniable, à couper le souffle. Impossible de résister au charisme et à l’attrait de Sergey, impossible de résister à l’ensemble de son morceau. Emportés jusqu’au final, bouches bée, résignation : il va nous le gagner, ce Concours. Débat sur mérite, un peu pompier tout ça. Moscou 2017 ? Plutôt Sotchi, apparemment. Rouleau compresseur russe semble efficace. Appel honteux de ma part à ne pas voter pour la Russie et à favoriser la France. Entendu, regret de ne pouvoir être obéi aussi efficacement du reste de l’Univers.

  1. ESPAGNE

Yay ! Très enthousiaste à titre personnel. Le reste de l’assistance, moins. Pas sensible à la chanson, rebuté par choix vestimentaires de Barei. Cris d’horreur et de surprise, interruption brutale de la conversation, sursaut des canapés : la chanteuse vient de tomber, l’écran de passer au noir. Trépidations cardiaques. Blagounette difficilement avalée. Chanson ne poussant personne au délire. Met pourtant l’ambiance dans le Globen. Alchimie ne prend pas, incompréhension de ma part, mais confiance : pas seules personnes dans l’Univers non plus…

Petit interlude publicitaire et éclat de rire généralisé. Promesse de m’offrir la camisole de force pour 2017.

  1. LETTONIE

Chouchou ! C’est mon chouchou à moi, ça, oui, oui, brave chouchou, va. Parviens à convaincre les autres de la pertinence de mon coup de cœur. Évocation commune d’Aminata et de sa robe homard, mémorable moment de l’an dernier. Inévitable question : et son sourire ? Problème de Justs : plus Christ passionnel que pop star légère. Contraste béant avec Amir et Sergey. Unanimité sur la chanson : excellente. Gros plan final sur visage fait transparaître toute la souffrance du malheureux. Et le plaisir alors ?

  1. UKRAINE

Accueil dans l’indifférence. Déjà entendue en demi-finale, pas du tout enthousiasmé le salon. Jugé ennuyeux et étrange. Quelqu’un commet l’injure suprême : se lève pour gagner les toilettes. Inévitable débat, puisque présence d’historiens sur les canapés : Tatars, Crimée, Staline, Seconde Guerre Mondiale. Reste encore et toujours avec ma question : une chanson sur une tentative de génocide peut-elle gagner l’Eurovision ? Moi : sceptique. Salon : encore plus. Émotion, pourtant. Jamala au bord des larmes. Histoire personnelle, doute, acrobaties vocales maniéristes, touchant, rebutant, cela se bouscule. Ne laisse personne indifférent.

  1. MALTE

La Reine de Malte. Explication du statut de demi-déesse qu’occupe Ira sur son île natale. Hélas, pas un canapé pour se souvenir de 2002. Moi, comme si c’était hier. Vous m’auriez d’ailleurs dit… Bref, Ira au top vocalement et maternellement. Discussion roulante sur sa grossesse, rappel des précédents historiques, Kirsten forever. Curieux : bidou plus visible qu’en demi-finale. Le reste est jugé un peu plat. Le salon s’impatiente et veut la Géorgie.

  1. GÉORGIE

Ah, enfin ! La surprise du chef ! Qui aurait pu croire ? Qui y croyait ? Personne : tort universel, car les canapés adorent. Rock, pop, nineties, Liam Gallagher, psychédélique, tourné comme un clip (tiens, tiens), audacieux, cocktail parfait. Le salon soutient la Géorgie, au-delà même de la Lettonie. L’Eurovision se transcende et surprend. Très rafraichissant, surtout en fin de soirée, surtout après le passage de la plupart des favoris, alors que l’attention des spectateurs se relâche. Nika aurait sûrement été encensé par la critique et invité sur la scène du Petit Journal, si en-dehors de l’Eurovision, car typiquement le genre de groupe et de musique dont ils raffolent. Mauvaise foi et parti pris quant au Concours… Bref, volonté de les revoir une autre année, pour une victoire alternative qui clouera le bec aux contempteurs habituels.

  1. AUTRICHE

Somewhere, over the rainbow Oh pardon ! You’re off to see the Wizard, the wonderful Wizard of Oz Non plus ! Zoë et ses réminiscences du Magicien d’Oz… Car ce pays, loin d’ici, où l’on chante et l’on danse, c’est Oz, non ? Salon toujours interrogatif sur volonté de chanter en français. Contre-courant, mais que voulez-vous que j’y fasse ? Elle aime ça ! Pas un crime d’être francophile ! Non, bien sûr, et amollissement des cœurs. Pas mal, mignon tout plein, promotion du français, tout de même la plus belle langue du monde. Zoë pleure, choupinou.

  1. ROYAUME-UNI

La soirée se tasse, la fin approche, l’ambiance se languit. Pas ce morceau qui va relancer les affaires. Le spécialiste ès The Voice les reconnaît de l’an dernier. La discussion dérive vers l’émission et la version belge francophone. Évocation émue de Loïc, évocation rigolarde d’Axel. Fort à parier que la RTBF remette le couvert l’année prochaine. Spéculation hilare sur la mouise financière en cas de victoire. Arguments rationnels de ma part : les sponsors règlent la plupart des factures, merci Sandra Kim ! Pendant ce temps, Joe et Jake passent inaperçus. Pas mal, mais trop banal. Ne marque ni les esprits, ni les canapés. Gentillet, propret, One Direction nous voilà.

  1. ARMÉNIE

Aveu : depuis la demi-finale, mon cœur bat pour Iveta. Prestation bluffante, visuel ébouriffant, jambes interminables, chanson audacieuse, je craque, je vais voter pour elle. Surprise du salon, demande à (re)voir. Explication rapide de l’eurodrame de mardi, avec drapeau du Haut-Karabagh. Yeux au ciel : Arménie et Azerbaïdjan s’en sortiront-elles jamais ? Réponse : le conflit dure parce qu’au fond, tout le monde y trouve son compte. Sur ce, Iveta semble plus tendue qu’en demi-finale. Excellente prestation, avatars très attendus, applaudissements. La soirée s’achève en beauté. Je pleure comme un môme : c’est déjà fini. Ou presque…

ENTRACTE

Étonnement : Ian McKellen et Derek Jacobi surgissent à l’écran pour un sketch acide sur le Concours. Drôle et méchant. Merci la production suédoise, merci la SVT et (cela m’arrache la bouche) merci Christer Björkman.

Nouvelle ovation pour Petra. Elle est décidément unstoppable. Lancement du vote et devoir collectif. Bilan du salon : France, Russie, Australie, Bulgarie et Géorgie sont les cinq pays en tête. Chacun détruit son forfait téléphonique dans son coin.

ANV_1141Entrée en scène de Justin Timberlake, hystérie collective. Leçon de cool attitude. Humour léger. Compassion, empathie, star à l’américaine. Étonnement : Justin a regardé 2014 et 2015. Doute : les a-t-il regardés en direct ou les a-t-il visionnés en guise de préparation ? Basta : cela en fait un de plus dans notre camp.

Excellente vidéo sur les succès musicaux suédois depuis 1974. Nous reconnaissons en vrac Björn Skifs, ABBA, Herreys, Murray Head, Tommy Körberg, Europe, Neneh Cherry, Roxette, Army Of Lovers, Dr. Alban, Carola, Ace Of Base, Robyn, Eagle-Eye Cherry, les Cardigans, Emilia, Meja, Charlotte Perelli, Andreas Johnson, Alcazar, Titiyo, A*Teens, les Hives, Basshunter, September, Agnes, Avicii, Lykke Li, Loreen, Zara Larsson, et Måns, bien sûr. Pour les autres, nous avons dû manquer certains épisodes…

Justin entame ses cinq minutes de gloire eurovisionesque. Le salon est en délire. Souvenir : il y a treize ans, nous étions à l’université, nous étions jeunes, beaux et pleins d’avenir, nous nous déhanchions sur Rock Your Body. Treize ans plus tard… rien n’a changé ! Can’t Stop The Feeling nous a emportés. Impression de regarder une cérémonie de remise de prix à l’américaine. Justin donne sa vie. Intéressant : n’a aucun de ces préjugés stupides à l’encontre du Concours. Ses producteurs, non plus. On dut se rendre à l’évidence : 200 millions de téléspectateurs dans cinquante pays tout autour de la planète, c’est une promo inédite à l’échelle mondiale. Pourquoi personne n’y songe plus souvent ? Débat et établissement d’une liste de stars américaines qui pourraient animer l’entracte : Pharell Williams, Bruno Mars, Christina Aguilera. Quelqu’un ose Beyoncé. Ce serait le Paradis… La discussion s’aiguise. Après moult recoupements et comparaisons, un nom s’impose pour l’année prochaine : Kylie Minogue ! Australienne, vivant à Londres, grande carrière, star internationale, douée pour les grands spectacles, public fidèle, chansons pop, icone gay, tous les ingrédients sont réunis, non ? Justin conclut, follement applaudi dans le salon. Un des entractes les plus mémorables du Concours, avec Riverdance, Boyzone, Aqua ou encore Agnes. Merci la Suède, merci la SVT, merci Christer (deux fois en une soirée, incroyable en soi).

Présentation de Destiny. Joie, vite suivie d’une déception : elle repart sans chanter. Triste. Vivement 2018, qu’elle ait seize ans, qu’elle nous gagne le MESC et l’Eurovision dans la foulée.

Nouvelle apogée de la soirée : Love Love Peace Peace par Måns et Petra. Incroyable, drôlissime, difficile à expliquer pour les non fans du salon. Reconnaissons en vrac des allusions à Ruslana, Emmelie de Forest, Zdob Si Zdub, Eimear Quinn. Cris : Alexander Rybak ! Dima Bilan, Charlotte Perelli, Carola, les Buranovskie Babushki, Mariya Yaremtchouk, Ell et Nikki, Loreen, les Makemakes, Evgeni Plushenko, les figurantes de Cleo, Lordi en personne. Brillantissime, extraordinaire, le sommet de notre vie. Edward af Sillén est un dieu.

Grand retour de Lynda Woodruff. Re-explication nécessaire pour les non fans. Drôle, mais pas autant que le GPS Bonnie Tyler dont nous ne nous sommes toujours pas remis. « Turn around… »

The Nerd Nation, part III. Les deux premières parties nous avaient laissés froids. Celle-ci nous a semblé meilleure. Très drôle de transformer l’Eurovision en principe de vie, voire en religion. Important : permet aux lambda francophones de comprendre l’importance du Concours dans certains pays. Petite vacherie sur la carrière de Loreen.

Måns nous offre à son tour un petit medley. Fire In The Rain, bon morceau pop. Surprise : chanté sur overboard. Prouesse physique. Måns aura-t-il une carrière internationale ? Il serait plus que temps qu’un gagnant devienne une star mondiale. Fatigué de l’éternelle trilogie France Gall-ABBA-Céline Dion. Reprise de Heroes. La boucle est bouclée.

VOTE

Fini de rire ! Le moment du vote est arrivé. Tension extrême, nerfs à vif, sourires crispés. Je veux désespérément Amir et la France, suis persuadé que ce sera Sergey et la Russie. Petit mot de Jon Ola Sand. Tension insupportable, vote des jurys. Katharina Bellowitsch, un bichon, Nina, Sebalter, Élodie Gossuin, difficile de se concentrer, les points partent dans tous les sens, perdons la boule, Loukas Hamatsos, Trijntje, Ofer Nachshon, Dami entourée par sa famille, Jamala chantant Heroes, Uzari, Barbara Shöneberger décoiffée, Elisabeth Andreassen, Lee Lin Chin, l’Atomium, Constantinos Christoforou, Andri Xhahu sobre pour une fois, Verka Serdushka, le Colisée, Marjetka, Gina Dirawi, Belgique à une place incroyable, France se défend bien, Russie à la traine, Australie en tête, ne savons plus qui nous sommes.

En cet instant, convaincus qu’Australie va gagner : grande avance sur les autres favoris. Public va suivre, déjà rassérénés : victoire marquante et qui fera les gros titres, excellente chanson, excellente interprète, excellente présentation. Nouvelle procédure aussi incroyable que prévu, sommes au bord de la crise de nerfs. S’ensuit une séquence inouïe, folle, dingue, dix minutes de délire total, Terry Wogan ressuscite, « the mad voting » comme il disait toujours. Vote des jurys sensiblement le même que le nôtre, vote du public presqu’à l’opposé. Lambda totalement irrationnels dans leurs choix, portes de l’Enfer grandes ouvertes, sommes torturés, hurlons comme des damnés. Terrassés par le nul point de la République Tchèque, écrasés par les dix points de l’Allemagne et de l’Espagne, choqués par l’élimination brutale d’Israël, de la Géorgie. Le jeu de massacre se poursuit, impitoyable, terrifiant, l’Italie, les Pays-Bas, la Lettonie. Nous sommes horrifiés, incapables d’articuler un mot : la Lituanie parmi les dix premiers du télévote ! LA POLOGNE PARMI LES DIX PREMIERS DU TÉLÉVOTE ? C’est un cauchemar, réveillez-nous ! Freddy, c’est toi ? La France, neuvième, je pleure. Tous mes espoirs sur l’Australie. Hélas, quatrième. Devient fou dans ma tête. Sera-ce assez ? Oui, non, sais plus, veux mourir, maman. La Pologne, troisième, réduit en miettes.

Russie et Ukraine en tête-à-tête. Jamala, deuxième, Sergey, premier. Victoire pour l’Ukraine ! Silence de plomb. Je viens officiellement de décéder. L’explosion d’une bombe atomique dans le salon n’aurait pas causé plus de dégâts.

Canapés mutiques, Jamala reprend sa chanson, générique de fin, la soirée se termine, je suis mort, R.I.P. Pauly.

CONCLUSION

Il m’a fallu une semaine pour m’en remettre et trouver la force de revoir les images, de rédiger ce compte rendu. Avec le recul : plein d’enseignements intéressants et de morales riches à tirer de cette édition. Je vous ferai part de mon analyse dans un article ultérieur, car beaucoup de choses à dire. Je me contenterai pour l’heure de vous poser cette question : se souviendra-t-on de cette victoire ? À mon avis, oui, pour longtemps et c’est encore le plus important. Sur ce, portez-vous pour un mieux ! À très bientôt !

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