logo eurovision 1999 - Jérusalem - Israël

Vous allumerez toutes les bougies de la menorah que vous voudrez, pas sûr que l’Eurovision 2019 soit sous protection divine. L’année prochaine, nous fêterons le retour de la compétition en Terre Sainte et les 20 ans de la dernière. Les plus expérimentés : « Doux Jésus, nous étions jeunes ! » Les plus novices : « Mon dieu, nous n’étions pas nés ! » En 1999, les eurofans assistaient à des changements majeurs et l’édition de Jérusalem marquait religieusement l’histoire du concours. Six mois plus tôt, personne n’aurait parié un shekel sur son aboutissement…

Un capharnaüm politique…

Après le triomphe de Dana International, l’Europe a les yeux rivés sur le petit Etat. Un an plus tard, la chanteuse revendique toujours sa différence et prône la tolérance. Sa transexualité assumée et ce qu’elle représente, déchaînent les passions. Jérusalem est choisie comme ville hôte. Des groupes de pressions religieux et des personnalités conservatrices s’opposent activement à la tenue du concours aux portes de la vieille ville. Sur place, une énième célébration de l’artiste n’est pas souhaitée. Envers et contre tous, Dana remettra le trophée créé par Yaacov Agam.

photo de Dana International pendant l'entracte de l'Eurovision 1999.

Dana, une eurodiva libre !

Les représentants orthodoxes réclament le respect du Shabbat en vue de la finale, un samedi soir. Conjointement, les professionnels doutent des moyens financiers de la lsraëli Broadcasting Authority. Sa capacité à organiser l’événement est mise en cause. L’Etat hébreu est lui même sceptique. Le maire de Jérusalem manifeste officiellement sa désapprobation et le gouvernement israélien hésite à allouer des subventions supplémentaires à la télévision publique.

L’Eurovision devient un enjeu politique. Loin de l’esprit fédérateur de 1956, les préparatifs prennent du temps. Une date tardive est décidée par le diffuseur : le 29 mai, le Te Deum résonne à nouveau au Centre de conventions internationales. La dernière fois c’était en 1979…

Ainsi soit l’Eurovision !

La cité « trois fois sainte » et son passé spirituel se parent des couleurs de l’UER. Pour convaincre les derniers téléspectateurs perplexes, l’ancien visuel de l’organisme et le symbole national fusionnent : oui, la 44ème édition de l’Eurovision débute sans souci en Israël ! Un flash mob hiérosolymitain rassemble le monde entier. La municipalité de Yerushalaim affiche à l’écran, une image accueillante et respectueuse de tous. Toutes les croyances se croisent dans une bienveillante humanité et une ambiance très différente des semaines précédentes. L’ouverture donne le ton : authenticité, modernité, mysticité…

L’actrice, Sigal Shahamon, la participante de l’Eurovision de 1992, Dafna Dekel et le journaliste Yigal Ravid, sont à la présentation. La présence des deux derniers gagnants israéliens est remarquée dans le petit auditorium : Izhar Cohen avec A-Ba-Ni-Bi en 1978 et Gali Atari avec Hallelujah en 1979. La scène solaire, sensée figurer le passage d’un millénaire à l’autre, accueille les 23 participants. L’Islande, la Lituanie, le Danemark, l’Autriche et la Bosnie-Herzégovine sont de retour. La Slovaquie, la Macédoine, la Roumanie, la Grèce, la Suisse et la Finlande sont relégués, pour cause de mauvais scores en 1998. Suite à sa qualification, la Lettonie a donné sa place à la Hongrie, qui a cédé la sienne au Portugal.

photo des présentateurs de l'Eurovision 1999.

La Sainte-Trinité incarnée par nos présentateurs  ?

Au risque de déplaire aux fondamentalistes, l’IBA innove : les cartes postales sont remplacées par de petites animations qui évoquent avec humour l’Ancien Testament et la vie contemporaine israélienne. L’intervalle publicitaire est l’une des grandes nouveautés. Désormais, il rend possible une pause commerciale pour certains diffuseurs. Entracte musical ! Dana International ose une apparition au pied de la Tour de David pour un remix du chant traditionnel, l’Appel de la paix et une reprise de Free de Stevie Wonder.

Création du Big Four et résurrection de l’anglais…

Réinstaurée en 1977, l’obligation de chanter dans sa langue d’origine est abolie. La Suède qui a fortement soutenu cette modification, réadopte l’anglais. Seuls 9 pays chantent dans la langue nationale et 14 chansons sont en anglais ou bilingues. Les contributions danoise et slovéne sont réenregistrées sans concertation du public. La traduction donnera des paroles très différentes des version originales. La Bosnie-Herzégovine présente Putnici, en français et en bosniaque. Dino et Béatrice terminent 7ème avec ce titre bilingue. Reise nach Jerusalem est interprétée par Sürpriz en allemand, anglais, hébreu et turc. La diversité linguistique de l’Allemagne finit à la 3ème place.

L’orchestre en direct est définitivement abandonné. Pour la première fois, les artistes sont accompagnés par la bande-son. Des fans et Johnny Logan s’en émouvront. Ce nouveau dispositif est l’occasion de réduire les coûts d’organisation pour la télévision publique. Suite à une réclamation de la Norvège, la Croatie est sanctionnée avec Marjia Magdalena. La bande comporte des choeurs masculins préenregistrés. Doris voit son score réduit d’un tiers mais garde sa 4ème place.

https://youtu.be/4JKDuWDr9zQ

En 1999, l’UER décide d’accorder un statut spécial aux plus importants contributeurs financiers. C’est la création du « Big Four ». L’Allemagne, la France, l’Espagne et le Royaume-Uni seront rejoint par l’Italie qu’en 2011. Quelques soient les résultats des cinq années précédentes, les meilleurs payeurs ont désormais une place assurée en finale.

Quatrième victoire, la Suède au septième ciel !

Nayah propose Je veux donner ma voix pour représenter la France. En mars, elle sort vainqueure de la sélection nationale de France 3, face à Ginie Line. L’ancienne disciple des raëliens fait parler d’elle avant le départ : le mouvement sectaire prédit le débarquement d’extraterrestres en Terre promise ! Finalement, pas d’atterrissage en douceur mais une 19ème place dans la douleur. Vanessa Chinitor fait le déplacement pour la Belgique et chante en anglais. Like The Wind termine 12ème, ex-aequo avec le Royaume-Uni. Malencontreusement, la Suisse est reléguée. Lass’ ihn a fini dernière avec un nul point, à Birmingham.

Photo de Nayah

Nayah est déçue, elle n’aura pas vu les petits hommes verts…

De manière inédite, la Green Room est présentée sur un écran partagé qui permet aux téléspectateurs de suivre simultanément toutes les délégations. Le télévote européen est généralisé pour la deuxième année consécutive. Néanmoins, les points de la Bosnie, de la Turquie, de l’Irlande et de la Lituanie sont attribués uniquement par le jury. Comme l’année précédente, la répartition des votes est visualisée sur une carte de l’Europe en 3D.

Chypre est la grande favorite des bookies mais Tha ‘na erotas déçoit. Marlain est classée avant-dernière avec seulement 2 points. Israël est 5ème avec Yom Huledet, chantée en anglais et en hébreu. La Suède est représentée par Charlotte Nilsson. Après avoir gagné le Melodifestivalen avec Tusen och en natt en version originale, elle interpréte Take Me to Your Heaven entièrement en anglais. Elle remporte la compétition avec 163 points devant Selma l’islandaise.

L’Eurovision était un voeu pieux pour Israël. Il y a presque deux décennies, la télévision israélienne tenait le pari de l’événement dans un contexte compliqué. Sur les téléviseurs, une édition plutôt audacieuse qui a façonné les règles actuelles du concours. Le scénario se répète. A un an de la prochaine échéance, les tensions géopolitiques et sécuritaires, nourissent déjà de vives polémiques. Si vous préjugez de l’organisation à venir, trinquons ensemble à l’avenir : Le’haïm ! 

Vous avez la conversation facile avec un seul verre au compteur, alors quel est votre meilleur souvenir de l’édition 1999 ? Quel artiste avez-vous soutenu ? Rétrospectivement, pensez-vous qu’Israël sera à la hauteur ?