Retrouvez tous les samedis un nouvel épisode de notre série-fiction de l’été « Les étés Davidna ». Jusqu’où notre eurostar en devenir ira t-elle ? Après le prologuel’épisode 1 et l’épisode 2, aujourd’hui au programme …


  • Just Me, Myself and IIIIIIII

Seule sur le sable de ma plage privée, guitare à la main, je relaxais mes cordes vocales au son d’une douce cantate de ma production, par le biais de laquelle je répondais aux persistantes rumeurs, bien que la seule réponse à mon mea culpe ne fut que le bruit des vagues conjugué au cri des mouettes. J’avais pourtant essayé de les achever au micro lance-flammes à propulseur que je m’étais dégoté à Athènes juste après la victoire de Lordi, mais paraîtrait-il que leur présence fait cœur océan … au bord de l’océan, justement.

L’on me disait égocentrique, individualiste, calculatrice. L’on me qualifiait même de déloyale, destructrice, manipulatrice. Pire encore, l’on me considérait fréquemment comme médiocre, malhonnête, voire hystérique. Mais de ces bruits de cour, je n’avais que faire, sinon la Mariam (pour Marie-Antoinette) n’aurait jamais bouffé ses macarons sur un divan du Petit Trianon. Solide comme un roc, ensemble comme un roc, je demeurais insensible aux pernicieuses attaques des jaloux et des frustrés, des malaisants et des soumis, amers de ne pas partager ma luxueuse vie de rêve, celle-là même qui m’offre au quotidien des esclaves pour m’éventer et me recouvrir de gadoue cacaotée pour raffermir mes traits et mon corps déjà dénués d’imperfections (surtout avec le maquillage dont je m’affuble généreusement matin, midi, soir et after devant Miroir, devant lequel je me screen).

Mais que répondre à celles et ceux qui me pensent née avec une cuillère en argent dans la bouche ? Que répondre à celles et ceux qui croient dur comme fer que tout m’est tombé tout cru sitôt cuit, tel un œuf au plat, comme si je n’avais dû mener aucun effort pour être là où j’en suis aujourd’hui. Où ? En haut d’une affiche qui permet à mes innombrables fans de me taper l’affiche à chacune de mes sorties médiatiques (et mon agenda est plus blindé en la matière que celui d’Emmelie de Forest, guère flamboyante gagnante de 2013 aujourd’hui obligée de vendre des truites sur le marché de Skagen, comme Germaine l’agathoise – ce qui ne l’empêchait pas en 1977 de passer ses après-midis à faire de la danse espagnole dans son salon, seule et accoutrée comme une manouche sans caravane). Mais pour être au top comme je le suis désormais, j’ai dû travailler comme une acharnée, ne comptant plus les heures passées dans les bars, les clubs, les cocktails et même les soirées VIP rooftop sans roof ni Rohff (ouf), sans même que cela ne me rapporte un pognon de dingue (au contraire, ça m’en a bien coûté). Quoiqu’il en coûte, je ne me suis faite que par moi-même et moi-même seule, sans l’aide de quiconque et surtout pas celle de ma peu recommandable parentèle, honteuse de son attitude, qui n’approuvait ni mes choix de vie ni mes désirs de carrière.

Car au fond, la vie n’a de cesse de nous donner mille leçons parmi lesquelles une essentielle (et c’est ma très pieuse grand-tante lombarde Maria Amabile – qui n’avait pourtant rien d’aimable – qui me le disait) : n’oublie pas de penser à toi-même avant de daigner penser à autrui, car trop de charité tue. Ce, peu importe les qu’en dira-t-on, maxime à laquelle je répondais haut la main, notamment avec les hommes, dans lesquels je n’hésitais pas à croquer quelque fut leur statut conjugal. Ce qui faillit me valoir quelques emmerdes mais, heureusement, je dégainais la bétonnière juste avant l’heure fatidique (vous vous rappelez du congélateur dans Volver ? Bah idem, mais sans congélo, parce que Pépito Électroménager, il est trop cher). Bref, Me n’était accompagné que de Myself and I dans les décisions qui prévalaient à ma claire fontaine.

  • Davidnaaaaaa ! Vos invités viennent d’arriver !

Désormais sereine et apaisée, libérée de mes chakras et remontée de mon kunda nini depuis la fructueuse séance avec Maître Dong, le corps couvert de mon aérienne djellaba rendue transparente par l’eau de l’Atlantique et à même de laisser voir mon con à quel con le voudrait, je me dirigeais d’une danse nonchalante vers les Royal Davidna Gardens que l’on me conseillait d’ouvrir pour les Journées Européennes du Patrimoine de par leur stature supérieure à leurs homologues versaillais. Idée fort tentante de par ses perspectives financières, mais éthiquement discutable : Laeticia Hallyday fait-elle visiter Marnes-la-Coquette au premier pèquenaud venu ?

En cette année des méduses, je me préparais mentalement à la garden party que j’organisais en faveur de ma Jet 20 Set parisienne, comme moi exilée dans leurs résidences de la côte sud-ouest nord, le temps d’un été de villégiature. Parmi eux, le gratin de tout ce qui influence Paris, la France, l’Europe, et pour ne pas dire le monde, bien que tous savaient pertinemment au fond d’eux que la plus rayonnante s’appelle Davidna. Réalisée par moi-même, pour moi-même et en l’honneur de moi-même, la party de jardin allait être une nouvelle fois l’occasion de montrer l’étendue de ma générosité et d’ouvrir mon cœur d’eurostar à l’international, avançant telle une oiselle sur le tapis rouge – surplombé de ventilateurs à confettis de topaze – qui mène à l’espace du cocktail. Quoi de mieux pour préparer ainsi mon retour express dans la société parisienne, prévu le temps d’un aller-retour les cinq jours suivants, raisons professionnelles oblige.

Dire que j’allais devoir laisser les immatures Davidna Boys seuls, livrés à eux-mêmes, dénués de ma savoureuse présence … J’en étais déjà malade au plus haut point (mais pas à celui de renoncer aux huîtres et aux poulpes grillés façon brochettes taïwanaises). J’avais certes peur qu’ils s’ennuient en l’absence de celle qui leur sous-traite tout au quotidien (c’est-à-dire moi-même auquel cas vous n’auriez pas pigé), d’autant plus que je leur offre un traitement salarial très nettement au-dessus de ce que leur petite condition exige. J’aurais pu les laisser trépasser dans leur no go zone post eurovisionesque mais, attendrie et surtout en demande de personnel immédiat, je fis le choix de les introduire dans ma suite royale … pour le pire et pour le meilleur. Je m’inquiétais ainsi de l’état dans lequel j’allais retrouver la Royal Davidna House, préférant d’ailleurs vous épargner le récit du choquant et subversif état des lieux auquel je fus contrainte de me soumettre lors de ma dernière sortie en solo. De l’eau souillée de la piscine à voile et à vapeur, aux manifestes traces sur le carrelage de l’espace massage, F., V., N. et X. n’avaient visiblement pas fait dans la dentelle. J’aurais vendu aux enchères les vidéos extraites de la télé surveillance que PornHub m’aurait permis de me lancer illico presto dans le grand bain de l’industrie des films de charme sans avoir à passer par la case Los Angeles – et encore moins par celle trop entrée de gamme de Jacqueline et Michel (gentilés que portaient également mes employés de service, raison pour laquelle je leur ai ouvert la porte en 2009, pour la leur refermer ensuite pour toujours). Case Los Angeles que, d’ailleurs, je ne vous ai pas attendu pour cocher avant même de l’investir au Monopoly.

Tandis que je dévorais à présent mes brochettes de poissons et mes space sushi made in Gujan Mestras (nom également rédhibitoire avec lequel je songe à rompre au profit des Jardins de Monaco), assise à la position du trône de la grande table juchée sur la terrasse principale qui surplombait piscine et océan, je faisais société avec mes invités du soir qui patientaient jusqu’alors sur une plage publique confinée de la mienne propre. Tout en échangeant avec ma Jet 20 Set, je songeais que ma vie avait parfois les allures d’un bon film de Pedro Almodovar (et Céline sait que le pauvre vieux n’en a pas fait beaucoup … de bons … films). Mieux qu’un Talon Aiguilles ou qu’une Loi du désir, car nulle inventivité n’aurait pu ne serait-ce que frôler la hauteur et l’inconsciente créativité de mon quotidien, celui-là que même la plus grande des stars ne pourrait partager avec moi, puisque la plus grande star, c’est moi, et moi seule. J’ai beau écumer les nuits américaines, explorer la classe américaine, vivre le rêve américain, mais il est croissement objectif que, plus le temps passe, moins je trouve de rivales à la hauteur du génie davidnesque, encore à ce jour trop modestement et injustement récompensé de gloire et d’honneurs, sans la douleur qui va avec … sauf celle d’avoir perdu ma tigresse May Tana (qu’on a finalement célébré en la dévorant au terme d’une fastidieuse cuisson à la broche et au feu de bois).

J’aurais pu être le curieux objet du désir de Buñuel, la muse d’Almodovar après avoir noyé la Victoria et son petit soldat dans la baignoire, la Pénélope Cruz célébrée par toute l’Espagne et le bois de houx réunis dans un mauvais métrage sur Escobar, ou même plus humblement la maîtresse d’Antonio Banderas. Mais moi, Davidna, j’ai fait le choix d’une gloire plus suprême que ces accablantes emphases de modestie. Du haut de la Royal Davidna Terrasse, d’où je surplombais le monde à mes pieds, je préparais un plan de génie, où plutôt le coup du siècle pour rester simple.

La France avait ouvert les bras à mes géniteurs, ou plutôt ces derniers s’étaient-ils imposés de haute lutte après l’histoire de la tractopelle. Tel le 4-0 que l’Ajax Amsterdam (le football club, pas le lave vitres) infligea jadis au Racing Club de Strasbourg à Strasbourg même, les Lamburosco étaient partis à la conquête de l’Ouest. La familia grande a conquis cet Hexagone en évitant la petite porte, préférant la noblesse des larges trottoirs du Sud 18ème (arrondissement) au peu de perspectives économiques du Nord-Pas-de-Calais dans lequel je suis née par accident (ma matronne ayant préféré relâcher ses sphincters plutôt que de retenir ma naissance jusqu’à la capitale, ce qui aurait pourtant été plus simple tant pour elle que pour moi). Car l’adage est bien connu : c’est à Paris que tout commence, le reste n’étant qu’un long et lancinant désert français, où tout est à conquérir telle une conquistadora, à commencer par la Royal Davidna House, véritable arène de la torera que je suis, et dénuée de taureaux s’il vous plaît, car j’en ai fait faire de la guardiane au préalable.

L’évidence était là : tout comme notre pays était devenu un laboratoire à ciel ouvert pour ma dynastie – et fort rentable économiquement qui plus est, thank you Abanibi Habibi, la France devait se muer en mon euroland. Je lis dans vos pensées, et ôtez-vous cette funeste image de l’Esprit : mes références sont autrement plus évoluées que les vôtres.

Assise sur le Royal Davidna Trône, le seul, l’unique, celui qui n’accueille que mon assise et moi, directive de l’ARS Nouvelle-Aquitaire oblige, je me préparais intérieurement, refaisant le fil tout aussi intérieur de ces années de haute lutte avec le télédiffuseur français. Car l’histoire de l’Eurovision en France n’est, au fond, que celle de Davidna Lamburosco.

Moi qui suis d’ordinaire si prompte à la transparence et à me raconter moi-même – car toute vie dotée d’intérêt mérite d’être partagée avec des spectateurs –, je préfère intelligemment la discrétion à l’étalage s’agissant de mes aventures à la française. Vous n’ignorez pas les castings des télé-crochets, le passage par l’Île de la tentation (mais ça, c’était avant que Diana menace de me passer dans la machine à trancher le jambon après une incartade de Brandon avec moi-même), les négos avec la production des Anges (mon second prénom), mais j’étais hélas trop novatrice dans mon approche à l’époque, et surtout trop atypique dans mon attitude. Ah foutues années 2000 … Qu’ils étaient coincés du uc à l’époque. Guesch Patti avait eu moins de problèmes à faire le tabouret sur un mec, ELLE …. Dire qu’ils ont privilégié les ketchups et la cascade à Davidna …

Mais de mes aventures célino-eurovisionesques sur l’organe public de radiotélévision français, j’ai l’habitude de ne dire mot. Pourquoi, venant d’une irrépressible bavarde qui aime vanter avec caractère et sensationnalisme la rudesse de ses exploits et le monumentalisme de ses activités ? Par honte de m’être faite tej comme une conne tout comme Efendi a offert un vent public à TIX avant même que ce dernier ne l’ait approché Pour des raisons tout simplement stratégiques. Bien qu’ayant toujours décliné l’opportunité d’entrer dans l’arène électorale malgré de nombreuses sollicitations, je suis une fine politique, voire même l’une des meilleures analystes auxquels ce pays n’ait jamais donné vie. Si l’Elysée avait daigné s’offrir mes services à prix d’or, j’aurais fait de la France la plus eurovisionesque des nations par un coup d’état en faveur de mon impériale et incontestable personne.

Fine politique donc, et bien que j’aie pour horreur de mâcher les mots comme d’autres mâchent encore leur légitime débâcle sept ans après (et essaient de se faire passer pour des anges), je suis là, n’oubliez pas. Et pour être là, et s’offrir ainsi la plus enviée des places au soleil, il faut savoir quelquefois être sport, et faire montre de davantage de discrétion qu’une pseudo eurodiva que je ne suis pas, car plus ambitieuse dans ma musique et dans mes cibles. C’est ainsi en vue de conserver (ou plutôt de me créer) de bonnes grâces auprès de la délégation française que je me résolus contrainte et forcée au silence et au repentir, telle une bonne sœur en génuflexion devant Lui.

Je ne vous cache pas qu’une telle modération est une souffrance du quotidien, surtout pour une plus volcanique que l’Eyjafjallajökull qui avait déversé ses maudites cendres sur l’Europe entière la funeste année où Oslo préféra une jeune première pseudo jazzy tout droit sortie d’un pays euro-feignasse à la classe davidnesque, malheureusement mise à mal par l’exit impromptu de la République Tchèque, qui préféra le lâche abandon à la capote sans latex que je représentais pour eux. Ce qui n’avait pas été sans faire d’émules. Tout en restant discrète, froide et respectueuse, je ne restais néanmoins pas sans coup d’éclats, car exister ne peut être que la conséquence logique de l’art de se faire remarquer, et c’est ainsi que je tentais de faire disjoncter la Fornebu Arena avec les bois trempés d’un troupeau de rennes tout droit sortis de rut … mais ça, c’étant avant que je ne me fisse interpeller par les russes, qui préféraient hélas à la vie de leurs représentants à celle de nos tympans depuis passés à l’aciérie de l’Europe entière.

Chez Davidna, il ne pleut que de l’or, car ce n’est qu’avec le feu que l’on joue. Ainsi le disait si bien mon charognard de cousin Nikitozz Uladzislaw Vasilevskaya, grand amateur (et producteur) d’eau de vie dans son garage d’une té-ci de Klimavitchy, et accessoirement professionnel de la traite humaine, lui qui affirmait haut et fort que les dérives de la société l’empêchaient d’être prompt au travail déclaré. Ce que je fus la seule à dénoncer un jour où, profitant de ma présence dans le cellier de l’habitation à loyer modérée, il essaya de solliciter monnaie courante auprès de ma personne, ce que je refusai promptement en l’assénant de baffe et en menaçant de passer ce qu’il lui restait alors de cerveau avec la hache familiale. Ce sous le regard éberlué d’Aunt Kapitolina qui, forte de trois grammes et demie dès dix heures du matin comme 85% de son voisinage, tomba à la renverse sans que ni lui ni moi n’y trouvions à redire. C’est ainsi qu’après avoir aussi assommé Nikitozz (et l’avoir traîné dans le garage aux yeux et vu de tous sans que cela ne choqua personne), je fus déclarée apte à l’olympisme et – surtout – me barra illico presto pour un concert en Pologne avec la motocyclette de feu mon oncle, disparu dans bien d’étranges circonstances (quoiqu’on mentionna fréquemment une histoire de forêt et de sombrero d’immunité, qui l’aurait fait disparaître instantanément tel un lapin dans le choixpeau magique d’un sorcier néo-poufsoufflien). I Love Belarus.

Certains crieraient à cor et à cri qu’ils sont les vainqueurs et les héros à la fois, mais ma philosophie n’est pas celle du poing levé en direction de la lune. Hors de question de tirer vanité d’une situation que mon thérapeute alternatif m’encourageait à applaudir tous les matins avec vigueur devant mon Beau Miroir (pas le Miroir, attention), ce que j’évertuais à faire sans déplaisir aucun. Moi qui persiste à dire que l’euromonde manque d’étoiles promptes à se faire aussi bien mousser que moi … surtout face à un grec (et je ne parle pas ici du sandwich, proscrit par mon régime alimentaire).

Tandis que je préparais mon Keepall Bandoulière 50 de chez Vuitton (généreusement offert par Giuseppe di Bella avant que je ne préfère l’éconduire pour plus jeunes que lui – car le pluriel sied à merveille à un duo suédois qui trouverait davantage sa place au rayon cuisine d’IKEA que sur la scène du Melodifestivalen), je pensais aux étapes qui ont jalonné son dépucelage franco-eurovisionesque, parce qu’on ne parle jamais aussi bien de soi qu’à la troisième personne du singulier. N’est-ce pas Usted ? Ainsi vous comprendrez qu’il n’y a nul hasard si je parle d’Euroland s’agissant de ma France à moi, comme d’autres finiraient leur carrière à peine commencée à servir des cheeseburgers frites dans un pauvre Aqualand (et il était temps).

1999. 2000. 2005. 2006. 2007. Cinq années pour lesquelles le mot « funeste » n’est pas assez fort pour désigner le destin à la fois tragique et ténébreux de la France à l’Eurovision. Cinq années de finales nationales ayant opposé des amateurs plus amateurs que les amateurs est-européens filmant leurs pré-auditions dans le sous-placard du sous-sol de la cave de la sous-chambre de bonne qu’ils louent dans une sordide impasse post ouvrière de Maribor (ou Mary Bored), Slovénie. Cinq années durant lesquelles France Télévisions n’a pas daigné donner sa chance à Davidna Lamburosco, comme par hasard. Celle-là même qui aurait pu être la lumière dans le ciel obscurci d’un hiver passé à Siglufjörður, ou le phare dans la tempête sous un crâne, telle une divine apparition à la sauce Carpates (comme la Carbo, mais avec le sang de Dracula à la place). Ce n’est pourtant pas faute d’avoir tenté ma chance et sollicité par la présente ma candidature auprès des services de sélection, ce qui n’a jamais été suivi de suites avérées. N’est-ce pourtant pas le principe d’une suite que de suivre something ou somebody ?

Enfin, quand je dis dénué de suites …

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Il n’est pas mensonge de dire que je ne suis point la responsable de cet exit, ou du moins de cette mise à l’écart primaire et regrettable. Dire la vérité est là : quand je vous parle d’Euroland …

La Voix : Ici, la Voix. Davidna, peux-tu nous révéler ton secret ?

Davidna : Mon secret, c’est que j’étais dans la shortlist d’Eurovision 99, la sélection.

L’auteur : WHAT ?????

C’est une vraie bombe que je vous lâche ici.

J’étais alors jeune fille et étudiante appliquée en langues étrangères appliquées, mais plus que jamais décidée à rayer le parquet eurovisionesque de ma dentition jugée d’exception. Je venais alors de plaquer mon père, ma mère, mon frère et mon frère, et travaillais comme une acharnée au Franprix de la rue Damrémont, désireuse de m’éloigner le plus loin possible du commerce de plaisir que mes parents toxiques tenaient sur le boulevard de Rochechouart, eux qui n’avaient pas supporté ma liaison fatale avec le fils de leur projectionniste non déclaré. Raison pour laquelle j’ai tenu de mon chef propre à les dénoncer au fisc juste après avoir pris ma part dans le coffre-fort dont je parvins à usurper le code après avoir convoqué le Messmer népalais qui avait réussi à transformer mon père en Doris Dragovic le temps d’un numéro de french cancan improvisé sur les tables du Buffalo de la rue Blanche. Ce qui déplut fort au propriétaire de La Diva, qui lui colla un procès pour exhibitionnisme au cul, tandis que la venue du fisc achevait la fortune parentale, à ma plus grande joie, et fort heureusement après que j’en ai excellemment mieux profité que mon frère.

Née donc pour être une star, et surtout une eurostar, il me fallait des moyens et un statut à la hauteur de mon ambition. Il a ainsi fallu que je consacre du temps et de l’argent à l’atteinte de mon rêve. Le supermarché du coin ne suffisait plus à l’humble compte bancaire de mon époque (ce malgré les nombreux pourboires que je m’auto-octroyais auprès des Odette et des Marie-Fernande du haut Montmartre), ni même à ma gloire. Je dus donc passer à la vitesse supérieure et décidai de joindre l’utile à l’agréable afin de couvrir mes besoins de plus en plus nécessiteux. C’est ainsi que je fis le choix de recourir en parallèle à des activités de tease strip (et non de strip tease, nuance). La différence ? Le strip est ici teasé.

Un soir, surprise par mon frère Jean Giuseppe en pleine danse à lap sur Dschinghis Khan en compagnie du propriétaire du Buffalo qui, lui aussi avait collé un procès à mon père, je dus le faire vivement extrader par une préfète de ma connaissance, à l’époque où le freak était encore chic. Tandis que Jean Giuseppe me tapait le scandale de ma vie en me traitement vertement de honte de la famille, je le vilipendais à coups de molards (et non de Molinard, n’est pas Habanita qui veut, Habibi), lui souhaitant alors un Bye Bye Baby chez CatCat. Vuole un Kit Kat caro mio stronzo ?

C’est alors que je fus remarquée pour mon pep’s légendaire et mon panache d’Amazone.

Quelques heures après, je me retrouvais ainsi chez Javier, producteur de renom (qu’il disait), dans un cossu appartement du 16ème Ouest. Comme tout est bon dans le cochon, tout est bon dans l’Ouest parisien, surtout les 150 mètres carrés avec terrasse sur le toit face à la Tour Eiffel. Seuls, prélassés sur le canapé, coupe de Bollinger à la main et porte-cigarettes aux lèvres, nous écoutions mes maquettes (que je gardais toujours précieusement avec moi), commençant à chantonner ce qu’il jurait être les futurs tubes qui allaient instantanément faire oublier Larusso, voire même la newcomer Lara Fabian. J’allais m’emparer du micro laissé par Amparo (la conchita, et ex graine de star de la chanson baléarique) quand, soudain et interdite, je vis la porte d’entrée traverser la pièce et s’écraser sur une Volkswagen garée au pied de la rue Michel Ange.

  • Ciel ! Il mio fratello !

Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je vis débarquer Jean Giuseppe, visiblement mal extradé par la préfète (qu’il fit interner de force m’a-t-on dit), armé d’une arbalète et prêt à dégommer mon futur impresario, et ma célébrité née avec ! Ni une, ni deux, je ne m’embarrassais pas de détails et faute d’avoir réussi à le débalconner, je dus céder à la facilité d’assommer un nouveau mâle avec une poêle à paëlla (merci Amparo la conchita) et de le bâillonner avec une laisse pour chien (que j’avais toujours en ma possession au cabaret), avant d’entendre d’étranges sirènes résonner dans la rue Michel-Ange.

  • Davidna ! La police !

C’est ainsi qu’en pleine nuit, je dus fuir en courant, nue comme un hidalgo et plus paniquée que Sœur Marie-Clarence fuyant un tueur à gages débauché par son ex-mari et trouvant le chemin d’un couvent de franciscaines … sauf que le couvent très peu pour moi, tandis que France 3, beaucoup pour moi.

Tandis qu’errant dans les rues de Paris la nuit, je vidais mon corps de l’intégralité de ses larmes, je pleurais déjà la fin de mon fabuleux destin à ce qui n’était pas encore cette pintade d’Amélie Poulain. Seule, accablée, plus effondrée que la mort, je pensais déjà à mettre un terme à cette souffrance irrespirable par un séjour chez les Amish. Dès le lendemain, je fus néanmoins surprise par un cadeau de la vie encore plus puissant que celui chanté par Corinne Hermès, et digne d’un carré Hermès tout court (mon cadeau, pas la chanson). Plus enchantée que la petite Pâque à la rencontre de Céline, et mieux qu’un banc, un arbre, une rue, je trouvais inexplicablement sur mon palier une flam (kueche), un millefeuille et une campanule, accompagné d’un mot de rendez-vous.

Quelques heures plus tard, j’étais en studio pour l’enregistrement de mon premier single. La Kiffance avant l’heure (et que Naps ne nous soit imposé par la force).

Sur les conseils de mon Ange Gardien de manager, ou plutôt son entrefaite âprement négociée, ma maquette se retrouva sur le bureau de Fabrice Ferment, alors chef de délégation de la France à l’Eurovision, et en quête de la nouvelle pépite.

Pris par un violent coup de cœur, c’est ainsi qu’un soir à dix-neuf heures, tandis que je m’apprêtais à rejoindre mes amies pour un before avant le Rex Club, je reçus un appel, que dis-je une bénédiction, de France 3.

Un petit casting, et puis me voici, me voilà dans les douze finalistes.

Vous n’avez pas compris ? Je répète donc.

C’est ainsi qu’à l’âge de seulement dix-huit ans, j’allais intégrer la sélection française pour l’Eurovision 1999 avec Davidna David moi, prenant ainsi place au sein d’une équipe de douze privilégiés, dont je ne me doutais alors pas que j’allais représenter la Terre Promise en direction d’Israël.

Davidna David moi

Texte et musique : Davidna Lamburosco

Une belle histoire
Ne tient à qu’à un fil
Comme un rose
Ne tient qu’à une épine
Mon but à moi
C’est de croire en moi
Mon choix à moi
C’est un deux trois moi

Toutes les nuits je m’enfuis
Dans mes rêves je m’oublie
Avec des rimes je l’écris
République je le suis

Car ma France à moi 
C’est J and B, J and B, J and B 
HABIBI !

Refrain
Da Di Da, regarde-moi
Da Di Da, me touche pas
Da Di Da, oui c’est moi
Davidna, David moi

Je remplis mon livre
Avec du résil
Sous le soleil
Je suis dans ma piscine
Mon crime à moi
Ce n’est pas d’être moi
Mon truc à moi
C’est de vivre comme moi

Chaque marche je gravis
Toutes les rues j’ai conquis
Sourire aux lèvres je dis oui
À ma passion ma patrie

Car mon Pari(s) à moi
C’est J and B, J and B, J and B
HABIBI !

Da Di Da, regarde-moi
Da Di Da, me touche pas
Da Di Da, oui c’est moi
Davidna, David moi

Mon rêve à moi
C’est d’être la star
Ma force à moi
C’est d’être Davidna

Ma chance je la saisis
Mon plaisir je le vis
Toute ma joie je la crie
Ma Nation héroïne

Car mon manège à moi
C’est J and B, J and B, J and B
HABIBI !

Da Di Da, regarde-moi
Da Di Da, me touche pas
Da Di Da, oui c’est moi
Davidna, David moi

Da Di Da, regarde-moi
Da Di Da, me touche pas
Da Di Da, oui c’est moi
Davidna, David moi

Une aventure incroyable s’offrait enfin à moi. Du chic, du genre. Des strass, des paillettes. Du glam, du rock. Aux côtés de René Coll (dont je cherchais désespèrent le col), visiblement connu et célébré dans sa province nommée Carcassonne (d’où une espèce d’Esmeralda nommée Dame Carcas aurait sonné les cloches après avoir balancé un cochon engraissé aux mêmes OGM que Dustin la Turquie sur la tronche de Charlemagne), nous étions réunis dans un camp d’entraînement de Toulouse, ville plus sinistre que rose, et surtout ville de la loose, car Too Loose, et ici, c’est Paris. Mais il est de bien abrupts étages qu’il faut grimper pour atteindre le haut de l’Empire State Building eurovisonesque, et c’est ainsi que la Parisienne de sang, de souche et de viscères dut sacrifier à cette cohabitation temporaire en territoire hostile, malgré une demande de dérogation refusée par la production pour aller faire l’inventaire du Franprix (comme si je n’aurais eu que ça à foutre).

Un music camp dont le souvenir résonne du goût de l’indélébile encre de seiche avec lequel je marquais, adolescente, mes amants. Nous étions douze : Alex, Caractère, Nathalie Marine, Pedro Alves, Anath, Ginie Line, Mo et la Gazo, Nayah, Israhn, Uni. T. et moi. Ou plutôt douze moins un, René Coll ayant estimé que onze rimait mieux avec le nombre 11, comme le département de l’Aude. Coïncidence ? Je ne crois pas.

Dans cette sélection dont à moi seule je relevais très largement le niveau (merci Javier), je créais des liens pour la vie, habibi, y compris avec mes concurrentes immédiates. Dès qu’elle m’apercevait ainsi au loin de son regard de lynx, ma bienfaitrice et depuis amie Nayah courrait plus vite vers moi que Florence Griffith-Joyner (ou du moins ce qu’il en restait, à savoir déjà de la poussière) et sa belle-sœur Jackie réunies. Avec enthousiasme, après m’avoir embrassé, elle me gratifiait de deux pouces en avant, jambes écartées et clin d’œil appuyé, hurlant à qui voulait bien l’entendre « DAVIDNA DOUZE POINTS ! », et ce quoiqu’il lui en coûtait alors, bien qu’elle sentait le vent marin de la défaite balayer sa chevelure.

La compagnie de mes adversaires et néanmoins amis me donnait une confiance croissante en moi, mes capacités et mon talent. Avant même que cette vieille bique de RuPaul n’en ait fait son mot d’ordre outrageusement usurpée à ma nue et naturelle propriété, j’incarnais l’Uniqueness, le Nerve et le Talent, ou du moins je l’étais cash. De Ginie (avec qui je terminais mes soirées au gin to) à Pedro (auquel je faisais passer des nuit blanches davidnesques dans les douches auto-nettoyantes du Formule 1 de L’Union), sans oublier Mo et la Gazo – que j’enjoignais déjà à investir dans une station-service – et la désastreuse unité dont je souhaitais alors être la témoin du divorce annoncé pour faute de goût musical, tous n’avaient d’yeux et d’oreilles que pour moi. Je n’étais peut-être qu’une débutante selon eux (pouvaient-ils statuer du contraire les concernant au vu du niveau général ?), mais j’avais déjà l’étoffe d’une grande (star, pas gaufre), eux qui me dévisageaient à la fois avec admiration, surprise et crainte. Seul René Coll, soutien évident de ma concurrente, daignait exprimer quelques réticences sur ma performance, qu’il agrémentait de conseils artistiques dont l’audace me rendait intérieurement furieuse. Car Davidna sait qui elle et ce qu’elle veut et vaut, et n’a nul besoin de l’avis de quiconque n’a pas une expérience digne de la sienne. Aplomb qui me permis, d’ailleurs, de conter l’histoire de ma chérie, mon hamburger, ma Sylvie, ma Nayah, à quelques indiscrètes oreilles journalistiques présentes sur place, histoire d’accentuer l’ascension de ma pente, que les faits allaient grandement confirmer.

Les yeux pleins d’étoiles et de rêves, je me voyais déjà en haut de l’affiche. L’Olympia, baigné de l’esprit de Dali (Da, comme Da Di Da, et non le portraitiste d’Amanda Lear). L’orchestre. Le tapis rouge. Les caméras de télévision, dans mon mirage. La presse, unanime. Les maisons de disques, à mes pieds. Le public, acquis et trié sur le volet. Le jury, avec Sainte Marie Myriam patronne de l’Eurovision France, Lââm, pour éviter les vagues à l’âme, Gilbert Bécaud, pour me transmettre le flambeau, ou encore Richard Cocciante, pour m’épargner un coup de soleil au profit d’un coup de je t’aime. Tous me jetaient des roses par dizaines, par milliers, par millions, bien que j’eus préféré les fleurs de lys offertes par mon loup Garou.

Tout était écrit. Intuitive, anticipatrice, je décidais alors de prendre les devants, et alors même qu’il restait quelques semaines d’épreuves à affronter avant la finale nationale du 2 mars, je pris l’initiative de me ramener avec un magnum de champagne, que j’explosais à la gueule de la concurrence pour célébrer avec elle mon triomphe annoncé. Manière subreptice de leur sous-suggérer la plus engageante perspective de s’incliner d’ores et déjà devant ma victoire et, par conséquent, de se retirer au préalable de la compétition, que nous annulerions collectivement en faveur du programme Davidna pour la France 99, dans lequel je serai intronisée par acclamation conformément aux coutumes de certains mouvements. Cela ferait faire non seulement de substantielles économies à France 3 en vue de la promotion et de l’organisation de ma candidature, mais aussi, trancherait d’ores et déjà un très léger soupçon de doutes personnels : Jéru ou Paris ? So Call Me Maybe !

Tandis que je sabrais le champagne sous le regard éberlué de mes concurrents visiblement gênés (depuis quand le champi rime-t-il avec génance ?), Nayah s’avança vers moi, regard ému de l’affaire conclue, même si une pointe de tristesse fort étrange se lisait dans son regard. Chevelure couverte d’une charlotte de protection, elle posa sa main sur mon épaule, et soupira.

Nayah :

  • Davidna …

Ma déesse intérieure dansait déjà au son de ses félicitations.

  • … Paris vient de débarquer …

Mon cœur explosait.

  • Ils ont à te parler …

Inutile. « Bingo » suffira pour ouvrir le temps de la picole, et signer le début de ma gloire annoncée.

Paris, via la voix de deux envoyés du chef de délégation, absent pour préparation des championnats du monde de natation.

  • Davidna …

Doodjez, ça y est.

  • J’ai une nouvelle à vous annoncer …

Nayah en larmes.

Alves désespéré.

Gin Tonic, et un shot.

  • … Et je crains qu’elle ne vous plaise guère.

Ferment a du mal avec le principe de l’élection par acclamation ?

  • Bref, j’ai une mauvaise nouvelle.

Quoi ? Ils refusent finalement d’annuler la sélection en ma faveur directe ? Damn.

  • Davidna …

Accouche.

  • Davidna …

Accélère, les bookmakers n’attendent plus que moi.

  • Je suis désolé de vous l’annoncer de la sorte devant vos collègues, mais vous ne faites plus partie de la sélection nationale.

J’ai mal entendu.

  • Nos quotas diversité n’ayant pas été respectés, et votre style musical étant surreprésenté, il nous a fallu faire un choix pour éviter les tribunaux.

Quoi ?

  • Il était évident qu’il n’y avait pas match …

Normal, puisque j’étais en lice. Mais pourquoi …

  • … car Davidna Davidmoi n’était clairement pas à la hauteur.

PLAÎT-IL ???!???

  • Davidna, je suis au regret de vous le dire …

Pincez-moi, c’est un cauchemar …

  • Davidna. Vous êtes le maillon faible. Au revoir.

Cris et jérémiades dans le public.

Nayah à terre.

Alves à genoux.

Un gin to et un shot.

Ouragan intérieur qui passait sur moi.

  • Merci de laisser place à nos amis basques de Kukumiku avec « Irradaka ».

C’en était trop, tandis que les basques débarquaient joyeusement avec leur accordéon et leur flûte à bec. Trenuletul avant l’heure.

Dévastée, j’explosais la tronche de la délégation de deux bouchons de magnum, que je m’enfilais aussitôt avant de défoncer le studio d’enregistrement, le piano, l’équipe, mais aussi les magnums de champagne – et les basques avec – avec le puissant jet de trois extincteurs, et d’être placée pour 48 heures en garde-à-vue pour actes de violence (notamment envers la gendarmerie, qui ne fut pas sourde devant l’accueil qu’elle me réserva). Ce avant mon retour contrainte et forcée à Paris, où Javier m’attendait sur le quai d’Austerlitz où je débarquais en train corail de couleur rouge. Rouge, comme la couleur de ma saine colère.

Les semaines qui suivirent ne furent que déprime. Tandis que je disais f*** au Franprix non sans m’être généreusement servie dans la caisse le soir de ma démission, je me faisais toujours quelques soirées au tease strip, privilégiant néanmoins les performances en clubs et en piano bar pour promouvoir mon début de carrière, sur les conseils de mon impresario lui aussi dévasté et furieux, dont l’altercation visiblement historique avec la délégation française lui valut également quarante-huit heures de cachot et une comparution pour faits de violence. Lucide, j’attendais néanmoins la sortie de mon single dans les bacs avant de lui signifier son congé en plein concert au Manhattan, qu’il ne daigna bien prendre, et promettant même de me ruiner ma carrière.

Qu’il doit aujourd’hui regretter de ne pas m’avoir retenue, et d’avoir laissé échapper son plus grand talent, aujourd’hui bien plus célèbre que lui.

Au terme de plusieurs mois de promotion qui me donnèrent droit à de nombreux show cases et à une petite médiatisation dans France Soir et le Canard du fait de l’affaire de la sélection, les ventes de Davidna David moi s’élevèrent à 98 exemplaires, soit autant que France 98 au football. Un début prometteur, qui m’octroya le droit d’enregistrer un premier album, qui connaîtrait ensuite un carton inexpliqué au Zimbabwe, avant de réussir à conquérir mon pays, où je réussis à enchaîner les premières parties dans les plus grandes et les plus prestigieuses salles. Mon premier album Les nuits avec Davidna Love allait décrocher un double disque d’or, et même frôler le top 10 des meilleures ventes de disques en France trois mois après sa sortie (merci le bouche-à-oreille, et à bouche avec).

Dans la voiture qui me menait à la gare de Bordeaux (faute de jet privé affrétable – moi qui me disais que je devais changer de secrétaire), je me souvenais non sans émotion de cette année 99, dont je gardais la satisfaction intrinsèque d’avoir lancé ma carrière avec succès, mais l’amère désillusion d’un rendez-vous loupé avec l’Eurovision. Je gardais en travers l’image de l’injustice frappant à ma porte, excluant Davidna David moi d’une sélection qu’elle relevait très fortement (les résultats de Jérusalem en témoignent d’alleurs a posteriori) au profit d’un groupe de basques sélectionné au nom de la diversité (raison pour laquelle je candidaterai ultérieurement avec Un nem, un destin). Du moins, c’est ce que je croyais alors.

Restée profondément liée à Nayah, cette dernière – au final victorieuse, Thanks Céline – ne se remettait moralement pas de mon exclusion, bien qu’elle assumât en bénéficier de tous les avantages et privilèges, à commencer par celui d’avoir remporté une sélection que je dominais de la tête et des épaules. Chacun de ses appels quotidiens était jalonné de larmes, de larmes et de larmes, ponctuées de « Je veux donner ma voooooooooooix » qu’elle me hurlait à travers le combiné. Mon amie désormais de vingt-trois ans me soutint jusqu’au plus profond de ma chair de ma chair, à tel point qu’elle me révéla le pot aux roses avant même qu’il ne fut médiatisé.

Alors que la sélection s’apprêtait à être rendue publique, il apparut bizarrement douze noms sur la liste des candidats. Celui des basques, évidemment. Pas celui de Davidna, malheureusement. Mais également un douzième, étrangement.

Le nom d’une artiste, jeune, pop, femme, comme moi. Le nom d’un titre, Euroland, de ce en quoi même je voulais transformer la France en mon propre nom. Diversité, vous dites ?

  • Davidna, me dit-elle. Je ne connais ni les tenants, ni les aboutissants, mais ils t’ont fait le même coup qu’à moi en Suisse en 90.

Et hop, un pot de Haagen Daas de plus dans mon estomac.

  • Davie, ajouta t-elle de son accent catalan. Ils t’ont délibérément évincée au profit de Karine Trécy.

Le coup de bambou final.

Ni une, ni deux, je raccrochais et fomentais ma vengeance. Quelques jours plus tard, je « croisais » « par hasard » nos douze joyeux lurons, parmi lesquels ma « remplaçante », à la sortie d’un studio de répétition de la rue de Rome.

Welcome to Euroland. Et une deuxième garde-à-vue.


[1] Référence à Jacques et Bernadette Chirac