Changement de cap pour ce douzième entretien de l’EAQ et direction un petit pays pour la première fois présent dans cette rubrique. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir aligné les beaux résultats au concours. Regardez un peu : pas moins de cinq victoires, avant un retrait en 1993, sans retour à ce jour – mais l’espoir fait vivre. Nous parlons évidemment du Luxembourg, le grand-duché niché aux portes nord-est de la France, du côté de la Moselle, qui fut représenté par bien des artistes français.e.s qui ont marqué l’histoire de l’Eurovision. Et parmi elles …

Mais le temps nous a trahi
Alors pourquoi m'avoir promis la terre entière?
Notre amour aurait suffi
Je ne voulais pas d'un bonheur imaginaire
Si la vie est cadeau

Si Marie Myriam est la dernière à avoir remporté l’Eurovision pour la France, elle n’est pas la dernière française à avoir soulevé le trophée. Car six ans après, une jeune chanteuse marquera tant son époque que l’histoire du concours par un titre resté ancré dans les mémoires, auquel elle restera pour toujours associée et qui la propulsera vers une belle carrière musicale. Cher.e.s ami.e.s de l’EAQ, voici Corinne Hermès.

La prestation en images :

Classement : vainqueure (142 points)

Une fois n’est pas coutume, c’est par téléphone que nous avons longuement échangé avec Corinne Hermès par une fin d’après-midi du début d’automne.

On parle toujours de Marie Myriam, mais vous êtes la dernière française à avoir gagné l’Eurovision, en 1983 ! Qu’est-ce que cela fait ?

J’aurais tellement aimé représenter la France, c’est vrai. Mais il faut que je vous raconte la petite histoire de cette chanson. Quand il a écouté la chanson, le producteur, Haïm Saban, a eu la très bonne idée de vouloir la présenter à l’Eurovision. Bien sûr, on a essayé de la proposer sous les couleurs de la France, mais quand on l’a présentée, les sélections étaient déjà terminées. C’est lui qui a eu la merveilleuse idée d’envoyer la maquette à RTL et c’est pour ça que je me suis retrouvée au Luxembourg, à mon grand regret, alors que je n’avais pas de rapport particulier avec le pays. Mais je ne le remercierai jamais assez d’avoir eu cette idée. Malheureusement pour moi, je ne sais pas vraiment si je suis la dernière française, parce qu’on parle toujours de Marie, qui représentait la France et moi le Luxembourg, bien que je fusse moi-même française avant de gagner le concours. Pour moi, l’Eurovision a changé toute ma vie.  Avoir gagné un concours d’envergure internationale, chanter devant cinq cents millions de téléspectateurs et passer de l’anonymat à la notoriété, c’est vrai que ça marque la mémoire.

C’est un concours mythique, et quel rapport entreteniez-vous avec avant d’y participer ?

Mes parents et moi étions toujours fidèles au poste, et chaque année, nous regardions l’Eurovision. Nous notions nos favoris. Mais jamais je n’aurais un jour imaginé y prendre part. C’est vraiment incroyable.

Vous avez gagné en 1983 à Munich en Allemagne, l’année ayant suivi la victoire de Nicole avec Ein bißchen Frieden. Quel souvenir gardez-vous de cette expérience ?

Quand on arrive, on répète pendant une semaine avant l’évènement. C’était assez tendu dirons-nous. Bien sûr, les journalistes et les médias mettent en avant certains artistes plus que d’autres. Dans le palmarès, il y avait Ofra Haza d’Israël et la Suède (avec Carola N.D.L.R.), mais malheureusement, avec tous les artistes participants, on n’a pas pu se rencontrer et on n’a pas eu le temps de discuter. C’est vrai que c’était assez tendu, mais très excitant à la fois.

Tendu dans quel sens ?

Dans le sens où c’était quand même stressant. Il y avait beaucoup d’heures de répétition, beaucoup d’attente. Il y avait le stress de faire ce concours, et ce n’était pas évident. En plus cette année-là, j’étais la dernière à chanter. Pour moi, c’était terrible ! Terrible ! Depuis, l’Eurovision a évolué et tout le monde est réuni dans la même pièce et partage le moment, mais à cette époque-là, on était tous isolé dans des pièces différentes. J’ai le souvenir d’être restée dans une petite pièce dans laquelle il y avait la télé et où il fallait que j’attende mon tour. Je ne me sentais pas prête. L’ambiance était ambivalente. J’étais à la fois très heureuse de le faire, et effectivement je venais pour gagner, et c’était très stressant.

Je n’ose l’imaginer, surtout lorsqu’on débarque sur une scène aussi mythique. C’était la première fois que vous vous retrouviez dans un tel environnement ?

Oui, dans ces conditions, oui, c’était vraiment la toute première fois. Je peux vous assurer que ça fait drôle, quand on passe comme ça pour défendre sa chanson et que d’un seul coup, tout le monde, les journalistes, les photographes, court vers vous ! J’avais l’impression de vivre une situation très étrange, comme les grandes stars aux États-Unis. C’était tout à coup impressionnant. On vous annonce que vous avez gagné, tout le monde est autour de vous, les photographes, les journalistes, les pays, c’était terrible.

Surtout quand on vient avec un statut de favorite lourd à porter, qui doit engendrer une pression supplémentaire.

Oui, c’est vrai, on m’avait mis dans les favorites. C’est ce qui est rapporté, après on n’est jamais sûr de rien.

Vous l’avez fait, d’autant plus avec un vote très serré.

Le vote était serré, puisque j’étais à six points près d’Israël, avec Ofra Haza, et il y avait la Suède qui suivait ensuite. En tout cas, ce concours de chant a vraiment changé toute ma vie. Grâce à cela, j’ai pu vraiment faire une carrière internationale, c’est le cas de le dire, de représenter la chanson française un peu partout, d’avoir des disques d’or … Même des années plus tard, je reçois plein de petits mots du monde entier.

En tant qu’eurofans, on le constate aussi, parce que vous êtes inscrite en tant que gagnante dans l’histoire de l’Eurovision. Vous faites même partie des vainqueur.e.s emblématiques du concours, dont on se souvient encore aujourd’hui. Pour vous, le concours a été clairement un accélérateur.

Oui, mais ça reste un concours. Après, si on parle en termes de carrière, c’est autre chose. C’est un ensemble de choses qui font que le parcours est très différent pour les uns et les autres. Du fait d’avoir gagné l’Eurovision, je vis encore aujourd’hui de mon art, mais mener une carrière, c’est différent.

Il y a eu la période Eurovision, avec l’exposition médiatique qui a suivi. Mais comment avez-vous géré l’après ?

C’est là où ça devient très compliqué. Il faut avoir la chance d’avoir un bon entourage et de faire les bons choix. Évidemment, j’ai sorti d’autres chansons, mais elles n’ont pas rencontré le même succès que Si la vie est cadeau. Ce n’est qu’en 1990 que j’ai eu la chance de faire un deuxième succès avec Dessine-moi, avec une autre équipe. Une carrière suppose d’enchaîner tout le temps, et encore une fois il faut avoir la chance d’être bien entourée et d’avoir des gens qui pensent pour vous avant de penser pour eux, clairement.

Vous estimez avoir été bien entourée ?

Je ne pense pas. Si cela ça avait été le cas, j’aurais fait beaucoup plus de choses. Malheureusement pour moi, ça ne s’est pas passé comme ça. Mais le parcours de chacun est différent. J’ai un exemple flagrant en tête, c’est celui de Céline Dion, qui a gagné l’Eurovision par la suite et qui a eu la chance d’avoir René comme mentor. Il a bien géré sa carrière. Mais je n’ai aucun regret. Je suis très heureuse d’avoir vécu tout ça, de vivre encore plein de choses grâce à ça. Plein de gens me sollicitent pour participer à des évènements, il y a eu Dessine-moi et aujourd’hui, je suis heureuse parce que j’ai la chance de vivre encore de ma passion.

Sur votre participation au concours, des instants, des souvenirs sont-ils particulièrement restés inscrits dans votre mémoire ?

Ce qui est resté dans ma mémoire, c’est surtout le Jour J, quand on vous dit que ça y’est, c’est à vous de passer et que quand on y est, on sait qu’il y a cinq cents millions de téléspectateurs qui vous regardent, plus la salle. La chance que j’ai eue, pour la petite anecdote, c’est que j’étais extrêmement tendue et stressée, vous l’imaginez, surtout en passant la dernière, et figurez-vous que j’avais une coiffeuse présente pour m’arranger une dernière fois avant de monter sur scène. Je ne pourrais plus du tout vous dire ce qu’elle m’a dit à ce moment-là, mais j’étais quand même bien déstressée. Je ne sais ce qu’elle m’a sorti, mais elle a trouvé les mots et j’ai éclaté de rire ! Je n’en pouvais plus tellement je riais, je vous assure, alors que j’allais monter sur scène. Elle m’a complètement détendue, ce qui a fait que quand je suis montée sur scène, j’étais tout à fait à l’aise.

Vous avez aussi offert au pays sa dernière victoire au concours, je suppose qu’elle a dû déclencher un engouement extraordinaire sur place.

Ah oui, bien sûr, ma victoire a été fêtée, puisqu’après j’ai reçu les disques d’or, et surtout, elle a suscité la joie du Luxembourg et de RTL. Mais c’est surtout la France que j’ai représenté dans le monde entier.

Vous avez sorti un album l’année dernière, Intemporelle.

C’est un album de reprises, où je revisite quelques-unes de nos plus belles chansons françaises et de nos standards internationaux. J’avais envie de rendre hommage à des artistes que j’admire, comme Shirley Bassey, qui a une carrière incroyable, qui a joué dans Goldfinger et qui est vraiment mon idole à ce jour, Frank Sinatra, Barbara, Véronique Sanson, Roberta Flack. J’ai joué un rôle complet, et c’était un peu compliqué pour tout vous dire. Il m’a fallu cinq ans pour monter ce projet, parce qu’il m’a fallu au départ faire un choix de titres, ce qui était très compliqué tellement il y avait de belles chansons et je n’en avais que huit à choisir. Il a fallu ensuite trouver les ambiances, comme j’ai créé les arrangements avec un musicien, je savais exactement ce que j’avais envie d’entendre, mais avant d’entendre ce que j’avais envie d’attendre, j’ai fait beaucoup de dessins – j’appelle ça des dessins – par rapport à la manière de les jouer et de trouver les ambiances, l’interprétation aussi. Il faut aussi les interpréter sans les dénaturer, ni faire de copier-coller, parce que c’est ça qui est intéressant dans les reprises.

Je l’ai beaucoup aimé.

Je suis contente alors ! C’est vrai que ce n’était pas simple, parce qu’il faut essayer de les réinventer tout en restant dans l’ambiance originale, et ce n’est pas évident. J’ai même appris à travailler sur Pro Tools, un logiciel de musique, qui m’a permis de construire mes titres, d’effacer, de recaler, de coller, pour bien me faire comprendre avec les musiciens, et ne pas perdre de temps, comme je savais ce que je voulais. C’est pour cela que ça m’a pris du temps avant d’entendre ce que je voulais. Je suis heureuse que ça vous ait plu.

Vous vous êtes attaquée à de sacrés titres, exigeants, comme celui de Barbara. C’est toujours très difficile de reprendre Barbara. Je pense aussi à Les moulins de mon cœur. Je trouve que vous y amenez votre rythme et votre rythmique, votre touche. Vous n’abandonnez pas l’original et en même temps, ce n’est pas un copier-coller. Votre débit m’a marqué.

Merci beaucoup de votre compliment, Rémi. Je visais exactement ce que vous venez de me dire, et voulais trouver une interprétation sans trop en sortir. Je suis extrêmement flattée de votre ressenti, parce que c’est exactement là où je voulais aller. Je voulais les interpréter de manière personnelle, en y apportant quelque chose de différent par rapport à toutes les versions qu’on a l’habitude d’entendre, mais sans en sortir. C’est pour ça que c’est compliqué. C’est marrant que vous me parliez de celle-là, parce que le jour où je l’ai interprétée, je l’ai faite d’un bout à l’autre. Je me suis dit que j’allais me laisser aller et je l’ai chantée comme ça. On ne sait pas parfois par quoi on est guidée. Et ce jour-là, je ne sais pas pourquoi, c’est comme si j’étais guidée par quelque chose, qui m’a amené à cette manière-là de l’interpréter. Je crois à ça, et je ne sais pas ce qui m’a aidé. Il y a quelque chose qui était là ce jour-là. Je suis contente que ça vous ait plu.

Aujourd’hui, vous suivez toujours l’Eurovision ?

Je pense que je l’ai suivie toute ma vie (rires). J’adore la regarder. Évidemment, tout évolue. Au moment où j’ai fait l’Eurovision, cela se passait d’une certaine manière. Quand je pense que nous étions trois cents candidats et que j’étais dans un petit bureau lorsque j’ai présenté ma chanson, je me dis que c’était déjà pas mal, mais aujourd’hui, tout a changé. Il y a des pré-sélections qui se font déjà, les chansons ont changé, les artistes ont changé, tout a évolué. On aime ou on n’aime pas, mais il y a toujours de très belles choses à entendre à l’Eurovision. Chaque année, je la suis, et je trouve qu’il y a toujours de très belles voix.

Des titres vous ont marqué ces dernières années ?

Récemment, je pense à Conchita Wurst. Je l’ai beaucoup aimée parce que c’était en même temps original et sa prestance était incroyable. Elle a une très belle voix et c’était une magnifique chanson. Évidemment, il y en a d’autres. Le groupe ABBA me vient immédiatement à l’esprit, parce qu’il a vraiment marqué l’histoire de l’Eurovision. Au fil des années et des écoutes, j’ai découvert plein de belles chansons. Je n’en ai pas retenu les noms, mais il y a par exemple de très belles voix en Russie et en Pologne. Mais j’ai immédiatement pensé à Conchita, parce que c’est récent et parce que j’avais vraiment trouvé ça majestueux.

Conchita Wurst est un nom qui revient souvent dans la bouche des eurostars lorsque je leur pose cette question, avec Salvador Sobral.

Ah oui ! Vous faites bien d’en parler. Rien à voir, c’est tout autre chose, on est dans l’émotion. Mais il y avait aussi beaucoup d’émotion chez Conchita. À mon regret, je pense que la France ne fait pas toujours les bons choix depuis quelques années. Il faudrait remettre les choses en place, c’est ce que je veux dire.

J’allais justement vous en parler. Si Amir, Alma ou Madame Monsieur nous ont apporté de bons résultats, dans l’ensemble, la réussite de la France à l’Eurovision reste très mitigée ces dernières années.

J’avais bien aimé Bilal Hassani, par exemple. C’est un personnage, il marque les esprits, il a quelque chose qui sort du commun, qu’on adhère ou qu’on n’adhère pas. J’ai bien aimé sa chanson, mais pas pour le concours. L’Eurovision pour moi – mais je suis peut-être restée sur un vieux schéma – c’est avant tout une grande mélodie, une belle voix et un beau texte. Malheureusement, je trouve que beaucoup de choses se ressemblent maintenant.

Même si le concours connaît plus de diversité depuis quelques années, je pense par exemple à l’arrivée des musiques urbaines, on reste sur un schéma plutôt orienté sur la pop.

Voilà ! Sur des titres un peu dance ! Je trouve que, pour le coup, ça n’a plus rien à voir avec l’Eurovision, mais c’est parce qu’encore une fois, je suis peut-être restée sur un vieux schéma. Pour moi, l’Eurovision, c’est comme un sportif de haut-niveau qui ferait autre chose. Je trouve ça un peu dommage que cela ait évolué de cette manière, même si c’est vrai qu’il faut évoluer avec son temps.

Et vous, quelles solutions verriez-vous pour que la France ait de meilleurs résultats ?

La solution serait peut-être de revenir vers des artistes avec une voix, une belle mélodie et un joli texte. J’aurais tendance à proposer ça pour la France, à dire qu’il faudrait tendre vers ce choix-là. Tout a changé, encore une fois, mais est-ce que la France a envie de gagner ? Je ne sais pas. (rires) Je repense à Mercy. C’était super. J’ai beaucoup aimé le duo et la chanson, il y a du talent dans tout ça, mais je trouve que c’est anxiogène. Ce n’est pas fait pour l’Eurovision selon moi. C’est très bien, c’est recherché, c’est original, mais hors-sujet. Cette année, l’Eurovision n’a pas eu lieu, mais c’est le fils de Michel Leeb qui aurait dû présenter sa chanson. Il chante très bien, mais je trouve la mélodie un peu légère. C’est vrai que si on me demandait demain mon envie, je repartirai vers quelque chose de grandiose. Pourquoi Conchita a-t-elle d’ailleurs gagné ? Parce qu’il y avait ce côté grandiose.

Vous avez déjà été sollicitée par France Télévisions pour donner votre avis, fut-ce dans le cadre d’une sélection interne ou d’une finale nationale ?

J’avais annoncé les points de la France à l’Eurovision 2001. J’ai aussi fait partie du jury français pour le concours de l’Eurovision en 2009 et en 2012, aux côtés d’Amaury Vassili, Merwan Rim, Daniel Moyne et Elisabeth Anaïs. Sous la forme que vous décrivez par contre, non, parce que tout a changé ensuite pour la France. Tout est déjà préparé. Le type de sélection dépend des années. Peut-être reviendrons nous à autre chose, mais ce qui me plairait beaucoup – je ne sais pas si ce serait possible –, ce serait de composer pour l’Eurovision. Cela m’amuserait de proposer une chanson. Parce que je compose beaucoup en parallèle. J’ai eu l’occasion de faire des chansons pour la jeune génération, celle de la Star Academy ou de la Nouvelle Star, dans un style plus pop, adapté aux artistes. J’ai ainsi composé des titres pour Ludovic Delamoga, Jean-Sébastien Lavoie, Jonatan Cerrada ou encore Emma Baya et Cindy. Je dans des styles très différents. Je peux faire de la pop, du rock s’il le faut, des musiques de dessins animés, comme je l’ai pour TF1 sur la série Pat et Stanley. Mais cela m’intéresserait de proposer un titre pour le concours.

Vous l’interprèteriez vous-même ?

Non. Si vous m’aviez dit « Est-ce que vous auriez refait le concours ? », je vous aurais répondu non, parce que je préfère rester sur ma victoire pour tout vous avouer. Je ne l’aurais pas refait, mais en tant que compositrice, oui. Si j’en avais l’occasion, je le ferai. Si demain on me demandait de composer un titre pour l’Eurovision, je le ferai avec grand plaisir.

Des artistes vous inspireraient pour cela ?

Ça, il faut voir, parce qu’il y a tellement de jeunes talents dans la nouvelle génération, qu’il faudrait faire une petite recherche. Je n’ai pas de noms en tête à cet instant. Évidemment, si j’étais dans le sujet, qu’on me le demandait, j’aurais pu vous le dire à la réflexion.

Et sans en être forcément la compositrice, vous auriez des noms de candidats potentiels en tête ?

C’est une question compliquée, mais j’irais vraiment vers des artistes lyriques. Je pourrais vous parler par exemple de Vincent Niclo, qui a une grande voix. Je n’irai pas jusqu’à Roberto Alagna, mais il faut que ce soit du costaud.

Surtout qu’on voit parfois des artistes lyriques à l’Eurovision, comme l’estonienne Elina Netchaeva il y a deux ans.

Dans certains pays, on entend chaque année des voix magnifiques, qui mériteraient de gagner. Mais parfois, je ne comprends pas toujours la victoire de certains titres. Des titres mériteraient de gagner quand d’autres me laissent sceptique. Je tiens toujours mes petits papiers sur lesquels j’inscris les artistes pour lesquels je voterais bien et je suis parfois un peu déçue. Je me dis « Quel dommage ! Tel pays a vraiment une belle chanson … ». Si l’artiste que je soutiens perd, je me dis que ce n’est pas normal et me demande comment ça se fait (rires). C’est personnel en fait !

Je fais un bond dans le temps et reviens en 1983. Quel souvenir gardez-vous de l’ambiance autour du concours ?

L’ambiance était un peu tendue entre les artistes. Ce n’était pas sympathique, on va dire.

Un sentiment de concurrence ?

Tout à fait. À cette époque-là, c’était un peu mon ressenti, comme nous étions dans le trio des favoris avec Israël et la Suède. Les artistes restaient chacun dans leur coin, chacun faisait ce qu’il avait à faire et puis ça a duré une semaine comme ça. Malheureusement, cette année-là, on répétait chacun de son côté et on n’a pas partagé de moment ensemble, comme maintenant les artistes chantent tous ensemble, sont dans la même salle, discutent … En 1983, non. À la fin, quand tout le monde est passé, nous étions tous rassemblés dans la même salle, chacun était par équipe. Tout le monde était tendu à attendre les résultats, mais il n’y avait pas de rapport sympathique.

Cette chaleur, vous l’avez trouvée davantage avec vos collègues vainqueures ?

Malheureusement, je n’en ai pas connu beaucoup. J’en ai retrouvé pour des évènements précis, des soirées organisées et dédiées à l’Eurovision, où j’ai rencontré d’autres générations, comme Anne-Marie David, Frida Boccara, Isabelle Aubret, des personnes que je ne connaissais pas et que j’ai croisées. Tout le monde est sympathique et discute, ça se passe dans la joie et dans la bonne humeur. Ce qui est incroyable avec l’Eurovision aujourd’hui, c’est que beaucoup d’évènements se font autour de ça. Beaucoup de fans du monde entier font venir des artistes, qu’ils aient gagné ou participé, et c’est incroyable. C’est formidable !

À refaire, vous le referiez ?

Oui, mais en m’entourant mieux, parce que c’est important pour un artiste d’avoir un bon entourage.

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L’actualité de l’artiste :

Le dernier album de Corinne Hermès, Intemporelle, est paru fin 2019 et comporte dix reprises de standards de la chanson française et internationale.

Son dernier album de titres originaux, Vraie, date de 2006.

En 2008, Corinne Hermès a sorti Si la vie est cadeau , un album collector, qui comporte six versions du titre vainqueur de l’Eurovision 1983, dont une nouvelle version acoustique guitare-voix, ainsi que des photos inédites, le clip, ainsi que les vidéos des deux prestations de l’Eurovision 1983, en tant que candidate et en tant que gagnante.

Corinne Hermès se produit régulièrement sur scène, comme ce fut le cas durant l’été pour les concerts maintenus en dépit de la crise sanitaire. Elle a également participé à Het Grote Songfestivalfeest, concert organisé en décembre 2019 au Ziggo Dome d’Amsterdam et qui a réuni une trentaine d’ancien.ne.s participant.e.s au concours de l’Eurovision, de Lenny Kuhr à Mahmood, en passant par Anne-Marie David, Sandra Kim, Marie Myriam, Dana International, Ruslana, ou encore Loreen.

Vous pouvez suivre l’actualité de Corinne sur :

Un immense merci à Corinne Hermès d’avoir accepté de partager ses souvenirs avec nous et d’avoir offert ce beau moment aux lectrices et lecteurs de L’Eurovision au Quotidien avec sympathie et générosité. Nous remercions également Daniele Allègre, attachée de presse, pour l’organisation et les images issues de la photothèque personnelle de Corinne Hermès.

Crédits photographiques : images fournies par l’artiste et son équipe