Nous avons toutes et tous découvert ces dernières semaines trente-neuf chansons qui vont participer au concours de l’Eurovision 2021 à Rotterdam. Je lis ici et là les réactions de chacun sur chaque chanson : en premier lieu celles des Eurofans qui sont toujours très pointues et constructives ; il y a aussi celles sous forme de paris des bookmakers qui s’avèrent plus ou moins justes mais qui ont le mérite de donner des favoris plus ou moins crédibles. Enfin, il y a les réactions moins nombreuses mais plus directes et sans concession du public lambda (un peu les « Moldus » eurovisionnesques) qui n’y connait rien ou pas grand chose mais qui regarde par curiosité, par amour du spectacle ou simplement pour critiquer et se moquer. Enfin, perdu au milieu de cette foule immense, quasi-invisible : moi !

Aucune intention de ma part de me mettre en avant : si je parle de moi, c’est uniquement pour la raison suivante car bien souvent je me sens seul mes choix étant bien différents des Eurofans et des bookmakers en particulier. Suis-je un cas particulier ? Un peu quand même notamment pour certaines chansons et pourtant, je n’ai pas honte pour autant d’adorer des chansons que quasiment personne n’aime : combien de fois dans la décennie 2010, certaines de mes chansons préférées sont restées à quai dans leur demi-finale pour mon plus grand malheur ?

Pourquoi ces choix, ces attirances spécifiques vers des chansons qui à priori n’ont aucune chance ? Si vous même en lisant cet article, vous avez eu cette même sensation de solitude, vous avez dû chercher les raisons de ces goûts décalés et si on creuse le sujet, on s’aperçoit bien vite qu’il y a bien peu d’explications à donner. En effet, il serait malhonnête de dire que l’Eurovision présente chaque année des chansons qui se ressemblent absolument toutes : bien au contraire ! Certes, certains styles sont plus représentés que d’autres, mais je certifie que tout le monde peut y trouver son compte et je défie quiconque de m’affirmer qu’il n’y a jamais une chanson qui lui convienne dans le concours. Je parle en connaissance de cause car j’ai souvent eu l’occasion de faire découvrir le concours à des non-initiés, et malgré les sarcasmes et le tollé en écoutant certains titres, il est toujours arrivé l’instant fatidique où il y a eu au minimum une chanson qui retienne leur attention.

Il est temps de poser la question essentielle : pourquoi une même chanson écoutée par des millions de personnes recueille des avis et des réactions diamétralement opposés ? Y a-t-il une explication rationnelle à cet état de fait ? La réponse est clairement NON : certes, il y a des degrés dans l’adoration ou la détestation d’une chanson, mais jamais aucune d’entre-elles ne fera l’unanimité absolue ou sera complètement vouée aux gémonies.

La raison principale est évidente : tous les fans de musique ont une sensibilité différente face à une même chanson. Certains vont « tomber en pâmoisons » dès la première écoute, d’autres resteront de glace sans la moindre répartie enfin il y en aura qui vont déverser tout leur fiel au bout de quelques secondes. Une chanson, c’est toute une alchimie complexe qui s’incruste dans notre cerveau de façon positive ou négative, qui résonne dans nos oreilles et enfin qui influence notre cœur et notre âme. Chacun est différent face à ce processus et il n’y a aucune recette pour y remédier : c’est la loi de la diversité des goûts et c’est absolument incontestable.

Voici comment ça se passe très concrètement : chaque année, des chansons sont largement favorites et préférées des fans par rapport aux autres, d’autres sont sur une balance assez équilibrée avec presque autant de personnes qui les aiment ou qui ne les aiment pas, enfin, il y a celles qui sont définies comme ayant aucune chance de se qualifier en finale et encore moins de prendre place dans le Top 10. Et pourtant chaque année il y a des surprises, ce qui prouve bien que les affirmations bien pensantes ne sont jamais « parole d’Evangile ».

Nous allons nous focaliser à titre d’exemple sur le concours 2021 qui va avoir lieu dans quelques jours précédé par les traditionnelles répétitions : si je vous dis que je suis convaincu de la qualification en finale de la Macédoine du Nord et de la Pologne, que ma chanson préférée du BIG 5 + Pays Hôte est l’Allemagne et que ma chanson favorite pour la victoire finale est la Grèce, beaucoup d’entre vous qui êtes en train de lire l’article vont halluciner et même imaginer que je suis complètement cinglé ! Si on se fie uniquement aux pronostics récents, je conçois que l’on peut réagir ainsi et pourtant, je l’affirme, je ne suis absolument pas un illuminé.

En effet, de mon point de vue, je pourrais penser exactement la même chose de tous ceux qui voient la France gagner et qui voient le Portugal et la Bulgarie dans la partie gauche du tableau en finale : j’ai cité ces trois pays volontairement puisqu’ils font partie de ma liste de ceux que je n’apprécie pas du tout. Pourtant, jamais je ne penserai cela de vous, toutes celles et ceux qui ont fait ce choix : chacun a son propre ressenti face à une chanson et ce qu’il faut bien souligner c’est qu’aucune chanson est nulle et mérite l’irrespect total. On peut la critiquer, la détester mais jamais l’humilier et la jeter aux orties car ce qu’on n’aime pas nous plaira à d’autres et inversement. Il y a de la place pour tout le monde et quel que soit le style de la chanson, elle aura toujours des inconditionnels, qu’ils soient en petit ou en grand nombre et ce n’est pas qu’une évidence pour le concours de l’Eurovision : c’est exactement la même chose pour toutes les chansons que l’on entend régulièrement à la radio ou autres média.

Ne pas oublier également qu’au concours, il n’y a pas que la voix et la musique qui comptent : le décor, la tenue vestimentaire, la gestuelle, la prestation en général ont une grande importance et parfois, il peut arriver que ce ne soit même pas la chanson qui nous plait, mais ce qu’on voit sur scène cité précédemment. En résumé le visuel peut primer sur l’auditif et là encore, la vision de chaque élément peut varier d’un individu à l’autre ce qui peut modifier la perception globale de la prestation de l’artiste. Autrement dit, que ce soit au niveau auditif ou visuel, il y a une infinité de réceptivités et c’est bien là un des principaux attraits du concours et qui fait son charme irrésistible.

De tout ce qui vient d’être énuméré précédemment y a-t-il vraiment des chansons exceptionnelles et des chansons nullissimes ? Oui si on raisonne individuellement : il y aura toujours des détracteurs forcenés de chansons adulées par la majorité des fans (et j’en ai fait partie de très nombreuses fois !) et il existera toujours des adorateurs de chansons délaissées, ignorées ou détestées (là aussi je pourrais citer de nombreuses chansons dans cette catégorie). Autant dire qu’il n’y a aucune vérité et que des surprises peuvent survenir chaque année grâce à la multitude de réceptivités et de perceptions d’une chanson.

En fonction de tous les éléments accumulés dans les paragraphes précédents, nous pouvons conclure qu’il n’y a aucune chanson qui fasse l’unanimité dans un sens ou dans l’autre : affirmer avec force qu’une chanson est la meilleure, qu’elle va gagner, c’est un excès de confiance et cet avis est souvent mal toléré par ceux qui n’aiment pas la chanson et qui trouvent exagéré de tels propos. Idem pour une chanson qualifiée d’archi nulle, bonne à jeter ou encore des propos pires que ceux-ci que je ne répèterai pas ici : ça fait de la peine aux fans de ces chansons et ça peut même les vexer. La meilleure des attitudes est de se respecter mutuellement : non seulement la sensibilité de chacun à l’écoute d’une chanson tout en confrontant ses arguments « pour ou contre » mais aussi en étant beau joueur : si les chansons qu’on aime ne se qualifient pas ou sont très loin dans le classement de la finale, soyons heureux pour les autres qui ont les leurs au sommet de ce même classement. Il y aura toujours des heureux et des malheureux et absolument rien ne pourra y remédier et encore moins la haine contre ceux qui ne partagent pas nos goûts. Et si le vainqueur officiel ne nous convient pas, il restera toujours dans notre mémoire et notre cœur « notre vainqueur personnel officieux » et ça, personne ne pourra nous l’enlever.