L’Allemagne en a gros, l’Allemagne en a marre. Arriver dans le bottom 5 presque à tous les coups, ce n’est vraiment pas une vie pour un pays à l’Eurovision. Et d’autant plus lorsqu’il s’agit du Big 5. Pas faute d’essayer pourtant, mais les efforts sont mal payés (et plus que jamais en 2023 avec une proposition qui méritait bien autre chose qu’une dernière place. Fichu jury et leur snobisme vis-à-vis du metal !). Alors que faire ? Ce vendredi, nous connaîtrons les artistes (sans compter une wildcard attribuée dans un format au bazar sans nom) qui tenteront de porter les couleurs de nos voisins allemands.

Les rumeurs vont bon train et se concentrent surtout sur une certaine proposition tout à fait risquée et satyrique, devenue virale à grands coups de marteau et d’Ich Kundige ! Mais de mon côté, je rêve. Comme toujours. Un peu trop, je crois. Dans mon coin, j’ai d’autres espoirs. En particulier un groupe, un talentueux et jeune quatuor venu de Hanovre, qui montrerait à l’Europe entière combien l’allemand peut être aussi poétique que dansant. Si vous avez suivi le Quorovision 2023, vous vous souvenez peut-être d’eux. Ils avaient survécu à l’hiver, s’étaient qualifiés de peu en supplantant la Géorgie grâce aux huit points attribués par Bêta à la dernière minute et ils avaient terminé sur une très honorable quinzième place en finale. Leur nom ? JEREMIAS

Pour moi, tout avait réellement débuté en 2020. JEREMIAS, c’était un nom qui traînait vaguement dans les fans-contests les plus indie. Schon Okay et HDL avaient attiré mon attention, suffisamment pour que je me rappelle d’eux, mais ça n’allait pas plus loin. En 2022, alors que j’étais en pleine période d’écriture, Mit Mir était passée dans ma playlist « Découvertes du lundi ». Je l’avais trouvée belle, suffisamment belle pour y revenir de temps à autres et garder un peu plus sérieusement JEREMIAS dans un coin de ma mémoire. Et c’est grâce à cela que, lorsqu’il avait fallu chercher une chanson allemande pour le Quorovision 2023, leur nom était venu se rappeler à mon bon souvenir. Par chance, ils venaient de sortir une chanson la semaine précédant le début mes recherches musicales. Youpi, c’est parfait, on les engage ! M’étais-je alors dit. En plus, la chanson est jolie, on manque de ballades, c’est en allemand… Génial pour la diversité. C’est validé !

J’étais loin de me douter, en prenant cette décision, que les ennuis allaient commencer. Wir Haben den Winter überlebt s’est glissée, petit à petit au fil des écoutes, au creux de mon crâne. La douce mélodie de son refrain et son ambiance planante, mélancolique mais étrangement appropriée pour l’été, en firent l’une des chansons que j’écoutais le plus souvent dans la playlist du Quorovision… Et pendant tout l’été… Si bien qu’à l’instar d’autres artistes « Made in Quoro » (comme Ladaniva par exemple), je me mis à suivre JEREMIAS pour de bon, histoire de ne plus louper leurs prochains titres. C’était à la fois la pire (pour mes proches) et la meilleure (pour moi) décision possible. Car, chose que je ne savais pas à l’époque, le groupe sortait son second album en 2023 et Wir Haben den Winter überlebt en était l’un des singles annonciateurs.

Puis vinrent Verrückt, Da für dich, Egoist et Goldmund. Plus les chansons se dévoilaient, plus mon intérêt grandissait. Jusqu’à ce jour fatal de sortie d’album, où tout allait changer : le 22 septembre. Une écoute (et de grosses larmes !) plus tard, JEREMIAS n’était plus seulement le chouette groupe allemand du Quorovision. C’était à présent ma grande obsession musicale, mon coup de foudre artistique Von Wind und Anonymität devint mon album le plus écouté de cette fin d’année et m’accompagna dans des moments importants. Sans compter tout le reste de la discographie du groupe, que j’ai fini par connaître en long, en large et en travers. Deezer m’a d’ailleurs claironné haut et fort que je les avais écoutés en tout, pendant 43 heures en 2023. Quand on aime, on ne compte pas !

Alors pourquoi m’attacher autant à vous parler de JEREMIAS ? Pourquoi vouloir les voir à ce point à l’Eurovision ? Est-ce juste un désir de fan obsessionnelle et un peu trop investie ? Peut-être, mais il y a aussi de l’objectivité, je vous le promet. Alors, avant que l’Allemagne ne dévoile ses candidats et qu’il ne soit trop tard pour rêver, partez avec moi à la découverte de ce groupe qui vaut le coup d’oeil. Avec un peu de chance, à la fin de cet article, vous deviendrez aussi mordus que je ne le suis.

Qui sont JEREMIAS ?


JEREMIAS est un jeune groupe allemand originaire de Hanovre, au Nord de l’Allemagne. Il s’agit d’un quatuor composé de : Ben Hoffmann (à la basse et aux chœurs), Jonas Hermann (à la batterie et aux chœurs), Oliver Sparkuhle (à la guitare et aux synthés) et enfin, celui qui donne son prénom au groupe : Jeremias Heimbach (au chant, au piano et à l’écriture des textes).

C’est en 2018 que le groupe se forme et commence réellement à faire de la musique ensemble. Une alliance qui ne tarde pas à donner naissance à un premier projet : l’EP Du must in der Frühling glauben sorti en 2019. Ces 5 premiers titres attirent rapidement l’attention des plus mélomanes sur les quatre jeunes gens. D’autant plus que ce premier EP pose avec force le style du groupe : des instrumentales résolument disco funk et des paroles en allemand dont la mélancolie poétique contraste avec l’ambiance dansante de la musique.

La pandémie freine quelque peu l’ascension du groupe, mais ne l’arrête pas pour autant. En 2020, paraît leur second EP Alma, qui reste fidèle à leur esthétique précédemment mise en place (mais laisse aussi entrevoir un côté plus doux et calme grâce notamment à la ballade Mit Mir).

Puis en 2021, fini les EPs, place à l’album. Et ce premier opus n’est autre que Golden hour, disque ensoleillé ou la disco-pop aigre-douce du groupe fait à nouveau merveille. L’album ira même jusqu’à se classer neuvième des charts allemands et offrira au groupe une grande tournée à travers l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse.

En 2023, paraît donc ce fameux second album, Von Wind und Anonymität. Ce nouveau disque marque un tournant dans le style de JEREMIAS : le groupe y évoque les deux années écoulées depuis la sortie de Golden Hour, mais aussi les hauts et les bas d’une ascension rapide comme la leur. Dans cet opus, les quatre musiciens s’autorise davantage d’expérimentation musicale, de la folk à la synth-pop en passant par les ballades.

Après avoir défendu ce second album lors d’une série de 17 concerts à guichets fermés, le groupe repartira sur les routes à l’été 2024, pour amener leur belle énergie dans les festivals d’Allemagne. Bref, JEREMIAS est un groupe prometteur qui monte petit à petit et qui mériterait bien de devenir la prochaine sensation dont tout le monde parle… Et à mon avis, ça ne saurait tarder !


Quel est l’univers de JEREMIAS ?


Si j’avais découvert JEREMIAS il y a deux ou trois ans, je vous aurais répondu du tac au tac : « disco-funk ». Sauf que voilà, depuis Von wind und Anonymität, une véritable rupture stylistique a été marquée. Alors je vous dirais qu’à présent, leur univers est fait d’une pop inclassable. Si vous écoutez leurs premiers EP ainsi que Golden Hour, vous retrouverez ce funk diabolique qui vous donne envie de remuer la tête, à l’image d’artistes comme Parcels ou Benny Sings. Je vous défie de ne pas danser en écoutant Diffus, HDL, Paris ou encore Ich Mag.

Seulement voilà, on ne peut pas résumer JEREMIAS à un seul genre. Car voyez-vous, Jeremias Heimbach est un expert des ballades au piano qui font fondre les cœurs de glace et vous donnent envie de tomber amoureuse. Ainsi, dans le répertoire de JEREMIAS, vous pouvez donc trouver Mit Mir, mais aussi Julia ou leur plus grand succès à ce jour : Grüne augen lugen nicht. Vous trouverez aussi des morceaux au flow plus hip-hop (Clown zum Freak, Stille). Des titres aux influences latines (Unique et ses airs sensuels de bossa nova ou Pasajero, chanté tout en espagnol). De la folk acoustique (Egoist, Hier). De la pop-rock (Mit dirkann ich Aleine sein), Des morceaux plus inclassables (97 et ses chœurs religieux, Der Schmerz ist vorbei et ses harmonies déchirantes au vocodeur). Ou encore de grandes ballades théâtrales et infiniment belles (Einfach, Goldmund, Da für Dich).

Quoi que vous aimiez, vous en trouverez dans le répertoire éclectique de ce groupe, qui semble n’avoir pas peur de tester de nouveaux horizons musicaux. Et pourquoi pas tenter l’aventure de l’Eurovision ? Au niveau des paroles, les thèmes ne sont pas révolutionnaires (l’amour, la peur de l’échec ou de l’engagement, l’introspection), mais ils sont traités avec beaucoup de sincérité, ce qui donne un cachet suplémentaire aux chansons. On ressent qu’elles sont écrites avec le coeur. Je vous recommande en particulier Da für Dich (merveilleuse déclaration d’amitié) et Goldmund (inspirée d’un roman de Hermann Hesse).

L’avantage est que JEREMIAS ne chante quasiment qu’en allemand. Ce qui serait l’occasion non seulement d’entendre cette langue qui se fait si rare à l’Eurovision, mais aussi de réaliser à quel point c’est un beau langage qui peut être mis en valeur. Avec des morceaux comme 97, Egoist ou Julia, vous oubliez presque instantanément le côté rêche de l’allemand, tant les mots sont posés avec douceur et délicatesse. Vous serez presque réconciliés avec l’allemand… Presque. Et vous aurez peut-être même envie d’apprendre la langue pour comprendre ce que vous écoutez. C’est le cas de l’autrice de ces lignes, qui travaille désormais son accent germanique !

Pour ajouter à l’intérêt linguistique, il arrive aussi à JEREMIAS de chanter en espagnol et même en italien ! (Moi, je n’attends qu’une chose maintenant, c’est un morceau en français. Entendre le nom de « Paris » dans une chanson, ce n’était définitivement pas assez !). Pour ce qui est du live, il n’y a aucun, mais alors aucun souci à se faire. JEREMIAS fait partie de ses groupes qui sont aussi bons (voire meilleurs) en live qu’en studio. Je n’ai pas (encore) eu la chance de les voir en concert, mais j’en ai entendu suffisamment pour savoir que, non seulement Jeremias Heimbach fait preuve d’une justesse et d’une puissance irréprochables mais Oliver, Jonas et Ben ne sont également pas en reste ! À l’image de Joker Out (à qui ils me font beaucoup penser), les quatre garçons forment un tout complémentaire à l’alchimie indéniable et attachante. Tous quatre dégagent beaucoup de charisme et les plus mélomanes ne s’y tromperont pas. Pourraient-ils gagner ? Ça je ne sais pas. Mais remettre l’Allemagne sur la bonne voie ? Ça, c’est certain. Les fans de Joker Out et autre Sudden Lights s’uniraient très certainement pour les porter loin et pour faire retrouver à l’Allemagne le chemin de la partie gauche du tableau.


Leurs points forts ?


Un style divers qui peut s’adapter à tous les genres. Des chansons acrocheuses et mémorables, même pour les plus mélancoliques. Des paroles pleines de sincérités qui remettent en valeur la beauté de l’allemand. Une présence charismatique. Une justesse en live qui ne susciterait aucune inquiétude pour le jour J.


Leurs points faibles ?

Un style qui pourrait rappeler celui de Joker Out (qui, bien que populaires dans le fandom, n’ont pas réussi hélas à aller plus loin que le bottom 5. La langue allemande en elle-même (c’est une langue clivante que toutes les oreilles n’apprécient pas forcément).


Le titre à découvrir d’urgence :


Autres titres à découvrir :


Parce que JEREMIAS peut vous ramener dans les années 80 bien mieux que Fyr og Flame.


Parce que JEREMIAS peut suspendre le temps en une seule ballade au piano.

Parce que JEREMIAS en live, je vous assure que c’est quelque chose !

Parce que JEREMIAS peut vous faire entendre la beauté de l’allemand.

Parce que JEREMIAS en italien, c’est incroyablement classe ! Un peu plus, et c’est à Sanremo qu’il faut les envoyer !

Conclusion

Alors ? JEREMIAS, est-ce une bonne idée pour ramener l’Allemagne sur le droit chemin de l’Eurovision ou est-ce que votre chère Juliette est bien trop biaisée ? Vos avis m’intéressent comme toujours, alors ne lésinez pas sur les commentaires ! Je me ferai un plaisir de vous lire. Sur ce, je vous laisse. Entre le Festival da Canção et ces futures annonces allemandes qui mettent mon cerveau dans tout ses états, il n’y a vraiment pas de quoi s’ennuyer !

Musicalement,

Juliette.

Crédits photographiques : JEREMIAS | Universal Music