MERCREDI 22 MARS

Vous le redoutiez, ils l’ont fait ! La porte-parole des Services de Sécurité ukrainien a annoncé la nouvelle, ce mercredi 22 mars après-midi : la représentante russe, Julia Samoilova, est interdite de séjour en Ukraine pour les trois prochaines années.

Cette décision a été prise, suite à la présence de la chanteuse en Crimée, en 2015, après l’annexion de ce territoire par la Russie. Julia tombait de facto sous la loi interdisant l’entrée en Crimée via le territoire russe. La Russie se retrouve donc sans représentante pour Kiev et Julia voit son rêve menacé à six semaines du Concours.

L’UER a évidemment réagi à cette décision, par la bouche de Jon Ola Sand, superviseur exécutif du Concours. Celui-ci a déclaré respecter la décision des autorités ukrainiennes, mais être déçu par elle. Il estime qu’elle va à l’encontre de l’esprit-même de l’Eurovision et de ses valeurs. L’UER va à présent collaborer avec les autorités du pays-hôte et s’assurer que tous les artistes choisis participent à cette soixante-deuxième édition.

De son côté, la télévision publique ukrainienne, organisatrice cette année du Concours, a déclaré qu’elle appliquerait les décisions du gouvernement ukrainien, y compris celle interdisant l’accès au territoire de Julia. Les préparatifs de l’édition 2017, eux, continuent plus intensivement encore.

Quant à la télévision publique russe, elle a déclaré que Julia est et demeure sa représentante pour le Concours. Si elle n’était pas autorisée à entrer sur le territoire ukrainien, en mai prochain, alors elle représenterait la Russie en 2018, quel que soit le pays organisateur.

Julia s’est aussi exprimée sur la télévision russe. Elle s’est dite calme, sereine et pleine d’espoir. Elle s’attend à ce que la situation change rapidement et en sa faveur. Elle ne comprend pas, à titre personnel, le danger qu’elle représente et pourquoi les autorités ukrainiennes la considèrent comme une menace. En attendant la résolution du problème, elle continue chaque jour à s’exercer.

Là-dessus, le gouvernement russe a réagi par le biais de Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, et Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères. Le premier a appelé les autorités ukrainiennes à revenir sur leur décision et à laisser Julia participer au Concours. M. Peskov a estimé que leur interdiction était injuste et dommageable et a reproché à l’Ukraine de diminuer le prestige de l’Eurovision en la privant d’un pays aussi important que la Russie. Le second a déclaré que cette décision resterait sur la conscience des organisateurs ukrainiens.

JEUDI 23 MARS

Le jeudi 23 mars après-midi, l’UER a pris la décision d’autoriser Julia à se produire en direct, par liaison satellite, durant la demi-finale du 11 mai, au cas où elle ne pourrait se rendre à Kiev. Le dispositif serait renouvelé si la chanteuse se qualifiait pour la finale du 13 mai. L’Union veut par ce moyen maintenir le caractère apolitique du Concours et permettre à tous les participants de concourir justement. Frank-Dieter Freiling, Président du Groupe de Référence, l’organe exécutif du Concours, espère néanmoins que l’interdiction de séjour de Julia sera levée.

Cette proposition a été rejetée dans la foulée par les autorités ukrainiennes. Le vice-premier ministre ukrainien Vyacheslav Kyrylenko a déclaré sur son compte Twitter que l’interdiction pesant sur les personnes ayant séjourné en Crimée s’étendait également à leur présence sur les ondes et dans les médias ukrainiens. Selon lui, la seule solution possible est la désignation d’un autre représentant par la télévision russe.

Cette dernière a, de son côté, également rejeté la proposition de l’UER, qu’elle juge étrange et contraire à l’esprit du Concours. Elle souhaite que l’UER respecte le règlement habituel et ne le réinvente pas pour la délégation russe. Enfin, elle pointe du doigt le pays hôte qui a l’obligation de délivrer un visa à tous les participants pour la durée entière de l’événement.

VENDREDI 24 MARS

Ce vendredi, le responsable de la communication de l’UER, Dave Goodman, a informé l’agence de presse russe TASS que l’Union cherchait d’autres solutions permettant à Julia de participer. Le dialogue se poursuit avec les autorités ukrainiennes. L’objectif premier est de réunir les quarante-trois participants sur une même scène à Kiev. Toute option alternative sera prise en considération, au cas où l’interdiction pesant sur la chanteuse russe ne serait pas levée.

Ce vendredi toujours, dans la soirée, un premier diffuseur tiers s’est exprimé sur la question. Le directeur général de la télévision publique saint-marinaise, Carlo Romeo, a commenté la décision ukrainienne d’interdire l’entrée de Julia en Ukraine. M. Romeo a déclaré qu’en tant que diffuseur publique, SMRTV n’était pas satisfait de l’attitude de l’Ukraine. Tout conflit devrait, selon lui, demeurer éloigné de l’Eurovision.

SAMEDI 25 MARS

Ce samedi, un second diffuseur participant a fait entendre sa voix. Jan Lagermand Lundme, directeur des divertissements de la télévision publique danoise, a exprimé son vif mécontentement de voir l’Eurovision devenir un champ de bataille politique. Il juge insupportable la tournure prise par les événements et encourage l’UER à réagir fermement. M. Lundme a rappelé que le Concours était une occasion de rencontres par delà les frontières et les différences. Il a par ailleurs exprimé ses soucis quant à l’organisation générale et exigé une production télévisuelle décente. Ses craintes trouvent leur origine dans l’incertitude où sont plongés les participants à l’heure actuelle. Il a néanmoins renouvelé sa confiance pleine et entière en l’Union et en ses capacités à résoudre ces problèmes. Il a conclu en réaffirmant la participation du Danemark à cette édition 2017 et ce, quelles que soient les circonstances à venir.

Jon Ola Sand s’est également épanché dans une interview accordée à la DR. Il a confirmé que de nombreux diffuseurs participants avaient interpellé les organisateurs ukrainiens au sujet de l’interdiction frappant la candidate russe. Il a aussi admis avoir été plongé dans le doute et l’incertitude quant à la tenue du Concours à Kiev, mais il en est à présent convaincu : l’Ukraine offrira au monde trois spectacles télévisuels d’excellente facture. Quant à la participation de Julia, Jon Ola a admis que sa proposition de participation par satellite était contraire aux principes du Concours. Néanmoins, il a rappelé être en quête d’une solution pour résoudre au mieux un défi unique dans l’histoire de l’Eurovision. Il en propose donc une nouvelle : que les autorités ukrainiennes postposent l’entrée en vigueur de l’interdiction pesant sur Julia. Celle-ci ne prendrait cours qu’au lendemain du Concours, permettant ainsi à la candidate russe de se rendre à Kiev. La demande a été transmise officiellement par l’UER au Premier Ministre et au gouvernement ukrainien.

LUNDI 27 MARS

Ce week-end, la saga s’est poursuivie. Le vice-premier ministre ukrainien, Vyacheslav Kyrylenko, a maintenu la position de son pays : la loi ukrainienne ne sera pas modifiée et l’interdiction concernant Julia ne sera pas levée. Selon lui, la seule solution possible est que la Russie désigne un représentant respectant la législation de l’Ukraine. Il a ajouté ne pas s’attendre à ce que la Russie change d’avis, car elle n’agit, selon lui, que par pure provocation. Il a replacé ces dissensions autour de l’Eurovision dans le contexte géopolitique conflictuel entre les deux pays. Pour lui, il s’agit d’une autre tentative de la Russie de soumettre l’Ukraine et d’interférer dans sa souveraineté.

Une autre personnalité ukrainienne est intervenue dans le débat, via sa page Facebook. Ruslana a, elle aussi, dénoncé l’attitude de la Russie. Selon elle, la provocation est évidente : les responsables de la télévision russe connaissaient parfaitement la législation ukrainienne. La réaction des services de sécurité et du gouvernement ukrainien est donc pour elle, logique et ne pouvait être différente. Elle a rappelé que chaque jour, des Ukrainiens mouraient à cause du conflit actuel.

De son côté, le directeur des divertissements de la télévision publique allemande, Thomas Schreiber, a critiqué l’attitude des deux pays. Selon lui, l’Ukraine et la Russie sont responsables à parts égales : les responsables de la télévision russe ont sciemment choisi Julia et les autorités ukrainiennes étaient parfaitement conscientes des conséquences de leur interdiction. Pour la télévision allemande, la participation de la Russie est nécessaire, mais dépendra de la bonne volonté des deux parties. M. Schreiber a souligné que les gouvernements ukrainien et russe attachent une telle importance symbolique à cette querelle, que leurs diffuseurs publics ne doivent vraisemblablement plus agir de manière indépendante. Il a ensuite critiqué l’approche actuelle du problème : celui-ci ne se résoudra pas en étalant les opinions et les réactions des parties sur la place publique. Enfin, M. Schreiber s’est dit fort préoccupé des dégâts causés par ce conflit à l’image du Concours dans l’opinion publique internationale. Il a rappelé qu’il s’agit d’un concours de chansons et de rien d’autre.

Ce lundi, le président du Groupe de Référence, Frank-Dieter Freiling, s’est à nouveau exprimé. L’UER n’a encore reçu aucune réponse officielle de la part du gouvernement ukrainien, à sa demande de postposer l’interdiction d’entrée du territoire frappant Julia. Un décret du Président ou du Premier Ministre pourrait seul le permettre. Dans l’attente, l’UER réitère son souhait de voir tous les participants présents sur la scène de Kiev. L’Union continuera à la fois à respecter la législation ukrainienne et à s’assurer que la Russie participe à cette édition 2017. M. Freiling a appelé les deux parties à prendre leurs responsabilités, soulignant que les responsables de la télévision russe n’avaient participé à aucune des réunions préparatoires, pourtant obligatoires, et n’avaient procédé à aucune réservation d’hôtels. Selon lui, l’Ukraine décidera, mais la Russie doit éclaircir ses intentions.

MERCREDI 29 MARS

Après le superviseur exécutif du Concours et le président de son Groupe de Référence, c’est aujourd’hui au tour de la Directrice Générale de l’UER de s’exprimer sur les dissensions russo-ukrainiennes. Ingrid Deltenre a déclaré dans la presse helvétique que l’attitude de l’Ukraine était totalement inacceptable. Elle a vivement déploré les manipulations qui sont faites du Concours. Selon elle, l’Eurovision est dévoyé à des fins politiques. Madame Deltenre a rappelé que cet événément a pour but de divertir et de rassembler des millions de personne à travers le monde, pas de les dresser les unes contre les autres. Selon la presse helvétique, si aucune solution satisfaite n’était trouvée, l’UER pourrait sanctionner l’Ukraine, par exemple d’une exclusion temporaire du Concours.

VENDREDI 31 MARS

La presse ukrainienne a publié aujourd’hui la lettre officielle adressée au Premier Ministre ukrainien par Ingrid Deltenre, Directrice Générale de l’UER.

Cette publication confirme les propos rapportés antérieurement. Deux précisions sont ajoutées cependant :

  • l’Ukraine encoure des sanctions pour les prochaines éditions du Concours, mais pas pour celle en cours ;
  • l’UER n’est au courant d’aucun élément impliquant que Julia présenterait une menace pour la sécurité de l’Ukraine.

Mais le point le plus grave apparaît au quatrième paragraphe : certains diffuseurs participants envisageraient de se retirer, par mesure de protestation.

Enfin, selon la presse ukrainienne, le délai de réponse à cette lettre expirerait aujourd’hui.

SAMEDI 1er AVRIL – POISSON D’AVRIL !

Comme vous êtes futés et sagaces ! Ce retrait de l’Italie était effectivement un poisson d’avril. Bravo à ceux d’entre vous qui avaient tout de suite compris. Ceci étant dit, certains diffuseurs ont bien songé au boycott. Perspective glaçante… Là-dessus, vivement que nous soyons en mai, vivement que les trois soirées se déroulent, que le gagnant soit couronné et que nous puissions nous réjouir !

Parmi les autres poissons d’avril auxquels nous avions songé :

  • Jon Ola Sand démissionne ;
  • La Russie accepte, mais Julia chantera depuis Simféropol ;
  • L’UER propose l’hologramme, la Russie accepte ;
  • La Russie se soumet et envoie Philipp Kirkorov ;
  • Le Conseil de l’Europe appelle à l’annulation du Concours.

Et vous, qu’auriez-vous proposé ? Attention, nos confrères ont fait preuve d’une imagination débordante :

Les dissensions entre l’Ukraine et la Russie au sujet de cet Eurovision 2017 prennent aujourd’hui un tour spectaculaire, confirmant la teneur de la lettre de l’UER publiée hier par la presse ukrainienne. La rumeur en avait couru sur les réseaux sociaux durant la nuit et c’est ce matin une quasi-certitude : l’Italie s’apprête à annoncer son retrait du Concours. La télévision italienne entendrait ainsi protester contre les manipulations politiques de l’Eurovision faites par les deux pays belligérants.

De nombreux fans ont déjà exprimé leur consternation et leur désarroi. Comme vous le savez, la chanson italienne était donnée favorite pour remporter le Micro de Cristal et Francesco Gabbani faisait l’unanimité parmi les parieurs et les sondés. Hélas, le pire reste encore à venir : d’autres diffuseurs pourraient emboîter le pas à la RAI et se retirer à six semaines du Concours, en premier lieu desquels Saint-Marin, l’Albanie, la Suisse, la Belgique et la France.

Restez en ligne pour la confirmation officielle qui devrait suivre et que nous publierons sur le champ.

LUNDI 3 AVRIL

Après les plaisanteries d’usage, le flux d’informations reprend ses droits. Julia Samoilova a filmé ce week-end, sa carte postale pour Kiev, sur la Place Rouge de Moscou, en compagnie de son mari. La chanteuse a par ailleurs déclaré travailler avec deux coachs vocaux et un professeur d’anglais. Elle a aussi rencontré plusieurs créateurs de mode, afin de choisir ses vêtements de scène. Enfin, dans les prochains jours, elle filmera d’autres vidéos promotionnelles.

Cependant, le Ministre des Affaires étrangères ukrainien, Pavlo Klimkin, a déclaré, vendredi dernier, qu’aucune concession ne serait faite par l’Ukraine dans ce dossier. La loi ukrainienne s’appliquera à Julia, comme à toutes les autres personnes ayant séjourné en Crimée sans autorisation.

MERCREDI 5 AVRIL

La télévision ukrainienne a répondu à la lettre de la Directrice Générale de l’UER, Ingrid Deltenre. L’UA:PBC souligne que ses représentants ont toujours respecté la législation en vigueur dans les pays hôtes et attend en retour que les participants de cette édition 2017 respectent tous la législation ukrainienne. Ce qui n’est pas le cas de la représentante russe. L’UA:PBC regrette également que le Concours soit ainsi manipulé à des fins politiques, mais s’étonne que l’UER intervienne de façon aussi partisane. Selon la télévision ukrainienne, l’Union tente d’interférer avec la loi du pays hôte et prend clairement parti pour la Russie. Elle dénonce par ailleurs les menaces d’exclusion du Concours qui pèsent sur elle, les considérant comme contraires aux valeurs de l’Eurovision. Enfin, l’UA:PBC demande que l’UER cesse elle-aussi de manipuler les faits et le Concours à ses propres fins.

Le diffuseur hôte a par ailleurs reçu le soutien du président ukrainien, Petro Poroshenko. Il a déclaré lors d’une conférence de presse que le choix de Julia Samoilova était une provocation volontaire de la part de la télévision russe.

Cette querelle irrésolue a eu une autre conséquence : les organisateurs de l’Eurovision Party de Moscou ont décidé de suspendre l’événement. De nombreux diffuseurs participants ont annulé la venue de leur représentant dans la capitale russe, arguant d’un retrait quasi certain de la Russie. Ils ont déclaré ne venir que si cette dernière participait ou du moins, conservait son droit de vote. La vente des tickets a donc été arrêtée. Les organisateurs attendent à présent une confirmation officielle.

MARDI 11 AVRIL

C’est désormais officiel : l’Eurovision Party de Moscou qui devait avoir lieu le vendredi 21 avril prochain, a été annulée. Ses organisateurs se sont retrouvés victimes de la querelle opposant l’Ukraine et la Russie et se déclarent « otages de la situation politique ». Ils regrettent profondément pareille extrémité ; mais face aux désistements des participants et à la polémique persistante, ils n’ont eu d’autre choix.

À suivre…