Tandis que la délégation française se concentre sur l’Eurovision Junior, nous égrenons la liste des aspirants à la sélection pour l’Eurovision 2021. Sept d’entre eux se sont déjà manifestés publiquement : Ken Carlter, Kris Paradox, Lise Darly, Tom Mathis, Candice, Alex Grégorian et Maria Doyle. Découvrons-en un huitième : Shade. Lui aussi nous a accordé une interview dans laquelle il est revenu sur son parcours artistique, son univers musical et ses espoirs en matière d’Eurovision.

Qui est Shade ?

Né Steven Le Blouch, âgé de 20 ans et originaire de Bretagne, Shade chante depuis ses trois ans. Épris de musique, il suit des cours de chant et décide de devenir chanteur professionnel.

En 2014, il se lance et se présente aux castings de The Voice Kids. Non retenu, il se tente sa chance l’année suivante à la Nouvelle Star. La production souligne son potentiel et lui recommande de se représenter ultérieurement.

Durant deux années, Shade se concentre sur la maîtrise de son art et l’élaboration de son univers musical. Cela le conduit à se réinventer cette année sous ce nouveau pseudonyme et à enregistrer son nouveau single, Petit bonhomme, sorti ce 30 octobre. C’est cette chanson que Shade a proposé à la sélection française 2021.

Interview avec le chanteur

EAQ – Quel était lunivers musical de votre enfance ?

Shade – J’ai grandi en Bretagne, je suis Breton. L’univers musical de mon enfance était donc plutôt celtique. Mon grand-père navigue dans un univers marin, dans une chorale de chant marin. J’ai aussi grandi dans un univers catholique. Bref, ce n’était pas très pop, plutôt très acoustique, très simple, juste des voix a cappella, un accompagnement basique, quelques instruments.

L’artiste qui m’a fait découvrir la musique pop est Lorie. Je suis né en 1999 et elle a commencé sa carrière au tout début des années 2000. Grâce à elle, j’ai découvert cette musique-là. Ses titres passaient sans cesse à la télé et à la radio. Puis ensuite, j’ai suivi de nouveaux artistes, spécialement ceux issus des télécrochets. À commencer par Grégory Lemarchal, qui m’a beaucoup impressionné.

Ensuite, j’ai complètement changé d’univers musical. Je suis entré dans une dimension beaucoup plus pop encore. Je suis devenu fan de Lady Gaga et de ses grandes performances.

Quand avez-vous chanté en public pour la première fois ?

Depuis toujours, j’ai chanté dans mon salon, en imaginant que j’étais à l’Olympia ou dans un stade. En outre, j’ai grandi dans un cercle très musical. Mes parents ont tout de suite vu l’âme d’artiste qu’il y avait en moi. Même si moi, je ne m’en rendais pas compte.

Le déclic s’est produit au collège. J’ai commencé à chanter devant tout le monde. Au cours de musique, les professeurs passaient plus de temps avec moi, car j’avais une voix différente. J’ai donc commencé par des spectacles au collège, puis au lycée.

Ensuite, mes parents ont filmé l’un de mes passages et envoyé ma candidature à The Voice Kids. C’était en 2014. J’ai participé au casting, mais je ne suis pas allé plus loin que les auditions à l’aveugle.

En 2016, des responsables du casting de la Nouvelle Star m’ont repéré. J’ai participé aux auditions et je suis allé jusqu’à l’épreuve du théâtre.

Ensuite, j’ai arrêté ces castings télévisés. Cela ne m’a pas apporté beaucoup dans ma carrière musicale.

Qu’aimez-vous dans le chant et la musique ?

La musique est un mode d’expression très important pour moi. Je ne parle pas beaucoup de mes sentiments, de ce que je ressens. Je ne le fais qu’à travers mes musiques et mes textes. C’est un moyen de m’exprimer. Par exemple, de dire « je t’aime », alors que je suis moins expressif. Je suis marié depuis deux ans et je n’arrivais pas exprimer aussi bien mes sentiments à mon mari que je ne le fais maintenant.

C’est aussi un moyen pour mieux exprimer ma douleur et les sentiments que j’éprouve quant à mon passé. Je n’ai pas eu une enfance très heureuse, à cause du harcèlement scolaire. J’en ai beaucoup subi, tout comme des jugements émis par des personnes adultes. Notamment parce qu’un jeune garçon qui chante du Lorie, ce n’est pas très bien vu. Donc, quand j’ai commencé à écrire, ces expériences ont figuré dans les choses importantes que je souhaitais exprimer, communiquer.

C’est également le cas pour ma relation avec mon père ou pour toutes les situations qui suscitent en moi de l’énervement. Je ne dirais pas aux personnes concernées qu’elles m’énervent, mais je passerais plutôt par la musique. Et lorsque le titre sortira, elles comprendront que je parle d’elles. J’espère ainsi toucher ces personnes et leur faire réaliser à quel point elles m’ont blessé.

Avez-vous suivi des cours de musique ou êtes-vous autodidacte ?

Je suis autodidacte. Il y a deux ans, j’ai eu la chance de recevoir un piano pour mon anniversaire, un piano droit qui est à présent dans mon salon.  Il appartenait à quelqu’un qui en jouait beaucoup, une amie à moi qui n’avait plus de place chez elle et qui devait s’en séparer. Je l’ai accepté et c’est sur ce piano qu’est née la première chanson que j’ai composée tout seul, Petit bonhomme.

Bref, je n’ai pas étudié ni la musique, ni le solfège. Quand je suis arrivé pour la première fois en studio, les responsables ont dû m’expliquer les accords et tout cela. J’ai regardé aussi quelques tutoriels sur YouTube.

Dans quelles circonstances vous êtes-vous réinventé ?

Il y a deux ans de cela, j’étais parti dans une autre direction musicale, avec un autre nom de scène, un autre personnage, un autre univers, plus sombre. J’étais alors Prince of Shadow. Mais je n’ai pas plus expérimenté ce personnage-là, parce qu’au final, je ne m’y retrouvais pas. Je ne me sentais pas encore tout à fait à l’aise. Pas autant qu’avec la personne que je suis actuellement, Shade.

Il m’a fallu ces deux années pour écrire tout seul, pour sortir des titres en solo, pour faire les choses seul, dans mon coin. Je me suis donc construit. Je voulais également savoir ce dont je voulais parler concrètement, ce à quoi je voulais ressembler, ce que je voulais exprimer, si j’employais mon véritable prénom, si je préférais recourir à un nom d’artiste, etc.

J’ai aussi connu beaucoup de changements sur un plan privé, j’ai beaucoup évolué et j’ai aussi rencontré un entourage professionnel, posé des choix. Ainsi, au départ, je chante en anglais. Tous mes titres sont écrits en anglais. Ce n’est qu’après que je les traduis en français. Je ne suis pas anglophone, mais j’ai grandi avec l’anglais et ma famille vit un peu partout dans le monde. J’ai donc facilement appris cette langue, que j’aime beaucoup.

Un artiste de l’Eurovision m’a aussi fait aimer l’anglais. C’est Loïc Nottet, qui m’a éclairé dans toute ma carrière. En 2017, quand il a sorti son premier album, Selfocracy, j’ai eu la chance de monter sur une scène à Rennes et d’y interpréter son titre Million Eyes  devant lui. Cela a été un autre déclic. Il y avait deux mille personnes présentes et le public s’est montré très réactif. Je me suis dit que je voulais faire ça et rendre au public les émotions que j’ai reçues de lui.

Qu’avez-vous ressenti au plus profond de vous, à ce moment-là ?

J’ai ressenti plusieurs strates d’émotions. Le présentateur du spectacle a d’abord demandé si nous avions des questions. Une de mes amies m’a poussé en avant et j’ai posé ma question à Loïc Nottet. Là, j’ai été invité sur scène pour le rencontrer. J’ai ressenti un grand stress. Comme tous les fans d’un artiste lors d’une rencontre, je ne savais plus quoi faire, comment réagir. Je suis arrivé face à lui et il m’a demandé ce que je faisais dans la vie. Je lui ai répondu que je chantais et il m’a alors demandé de chanter avec lui durant son spectacle. J’ai eu peur que ce ne soit que des paroles en l’air et qu’il l’oublie, mais après avoir chanté deux morceaux, il m’a rappelé sur scène. J’ai donc chanté Million Eyes  avec lui. C’était incroyable : les papillons dans le ventre, la sensation de ne plus savoir quoi faire, puis de s’envoler. J’ai ressenti comme une libération et su que c’était cela que je voulais faire. Quand je suis sorti de scène, son équipe m’a regardé bouche bée. Puis, quand je me suis vu sur les réseaux sociaux, j’ai aussi été sous le choc. Cela a donc été un moment très important pour moi.

Quand je suis rentré chez mes parents et qu’ils m’ont demandé comment cela s’était passé, je leur ai montré la vidéo. Ensuite, je leur ai dit que je voulais faire de la musique. Mon père, avec qui je ne suis pas très fusionnel, m’a alors répondu que je n’y arriverais jamais. Pour lui, Loïc Nottet est une star, il a concouru à The Voice, à l’Eurovision, à Danse avec les stars. Moi, j’avais fait des castings, mais je n’y arriverais jamais. Face à cette réaction, j’ai préféré rester sur le bonheur que je ressentais intérieurement. Puis, il y a eu des articles de presse, se demandant qui était cette personne ayant chanté avec Loïc Nottet. Quand j’arrivais à l’école, tout le monde me reconnaissait. Cela a pris une ampleur assez inattendue.

C’était une sensation très agréable. Mais l’après-coup a été plus rude. Je me suis demandé si j’avais fait une erreur.

Que souhaitez-vous transmettre à votre public quand vous êtes sur scène ?

Depuis que je fais des concerts, c’est-à-dire depuis deux ans, des concerts de reprises, j’essaie de lui transmettre, par mes choix de chansons, ce que j’ai vécu. Je reprends des textes qui me parlent, qui reflètent mon histoire personnelle. Mon titre-phare que je reprends dans tous mes spectacles, est Monsieur Madame de Loïc Nottet. Cette chanson-là marque toujours beaucoup les gens. Ils me disent que j’ai une façon particulière de l’interpréter, différente de celle de Loïc. Il y a des similitudes vocales entre nous, des similitudes au niveau du phrasé, mais mon interprétation est très différente.

Idem pour le Beautiful Mess de Kristian Kostov, un autre de mes titres phares. J’adore cette chanson et j’aimerais beaucoup en composer des semblables. Elle m’a beaucoup parlé et j’aime toujours autant l’écouter. Au final, ce sont souvent des titres anglophones, parfois français que j’interprète, mais je le fais toujours avec mes tripes. Quand j’arrive face au public, je me concentre et j’essaie de lui envoyer tout ce que j’ai. Ainsi, lors de ma dernière prestation, en Bretagne, j’ai interprété Monsieur Madame devant un public qui ne me connaissait pas. À la sortie de la salle, j’ai constaté que ma prestation avait porté. La chanson comporte des insultes et je les ai fait résonner. Elle parle de cette violence que j’ai moi-même vécu. J’ai donc exprimé la colère au fond de moi, devant ce public. 

Outre Loïc Nottet et Kristian Kostov, quels sont vos artistes de référence ?

Yseult est une artiste que j’aime énormément, surtout ses dernières publications et ses EP, Noir et Rouge. Ses sonorités sont incroyables, j’aimerais beaucoup avoir les mêmes dans ce que je produis. J’aime aussi beaucoup Bilal Hassani et ses sonorités pop. Son premier album, Kingdom, m’a particulièrement inspiré, car ses paroles sont profondes et importantes. J’aime aussi Pomme. Je trouve qu’elle serait très intéressante pour l’Eurovision. J’aime sa simplicité, sa personne.

J’aime également Tessae et sa pop urbaine. C’est une nouvelle venue sur la scène francophone, elle a sorti son premier EP et avec son titre Bling, elle a fait le buzz sur TikTok. Je l’ai d’ailleurs rencontrée sur un groupe de fans de Loïc Nottet et quand je vois sa carrière décoller comme ça, je suis fier d’elle et de sa musique. Désormais, elle est signée sur un grand label. Je suis très content pour elle.

Parmi les artistes internationaux, j’écoute beaucoup le dernier album de Lady Gaga

Comment décririez-vous votre univers musical ?

Il est à la fois mélancolique, sombre, artistique, avec des sonorités électroniques. Je suis extrêmement fan de Tim Burton, j’adore son univers sombre, un peu enfantin, mélangé à de l’horrifique. J’ai donc des aspects de caractère très éclairé et très sombre.

Je porte ainsi des couleurs très simples, à commencer par le blanc. Cela me permet d’incarner Shade. Cela reflète aussi mon travail sur mon image personnelle. Je suis très perfectionniste quant à mes visuels, mes photos, mes pochettes. Je les crée moi-même et je veux atteindre la perfection. Par contraste, mes textes sont fort sombres.

D’où tirez-vous votre nom de scène, Shade ?

Cela vient de l’initiale de mon véritable prénom, « S » pour Steven. Je voulais également un nom anglophone. J’avais d’abord pensé à Steven Shade, mais au final, je n’ai gardé que Shade. Cela rappelait en outre mon personnage précédent, Prince of Shadow.

Une fois le nom trouvé, il a fallu concevoir le personnage, son image, les visuels qui l’accompagnent et qui se retrouveront dans les clips. Le premier d’entre eux sera d’ailleurs très simple, un peu dans la lignée d’Arcade de Duncan Laurence, avec une esthétique simple, des couleurs neutres.

Tout cela me permet de retranscrire mes émotions dans des images, mais aussi le parcours créatif à l’origine de la chanson.

Shade est-il un personnage intégralement créé ou est-ce vous par certains aspects ?

C’est un personnage que j’ai créé. C’est un gosse qui aurait voulu avoir toutes les cartes en main pour réussir, pour jouer dans un monde où l’hypocrisie, le mensonge et la haine sont omniprésents. Shade, c’est donc moi, mais en plus fort. Il n’est pas, comme moi, une passoire à émotions. Il est ma carapace.

Comment s’est déroulée la genèse de Petit bonhomme ?

Cette chanson est née en plein confinement, un soir de pleine lune, un soir où je ne me sentais pas très bien. Je ressentais alors un profond doute existentiel sur mes choix artistiques, sur la direction à prendre. Je n’avais encore jamais dit à mon père ce que je ressentais pour lui, alors que j’avais beaucoup de sentiments et d’émotions à lui communiquer.

Je me suis installé au piano, j’ai plaqué quelques accords aléatoires et soudain, la chanson est née. J’ai ensuite écrit ses toutes premières paroles et j’ai constaté que l’ensemble restait en tête. Petit bonhomme prenait forme et s’imposait comme un titre phare parmi mes créations, car son potentiel se sentait immédiatement.

C’est une ballade pop, mélancolique, avec des sonorités instrumentales réalisées avec de véritables instruments, pas avec des sons synthétisés. Je voulais enregistrer la résonance exacte de chaque instrument.

Ensuite, est intervenue mon amie Roxane Paradinas, chanteuse parisienne. Je l’avais croisée lors de castings et j’étais resté en contact avec elle. Je savais qu’elle écrivait de son côté et j’avais envie de lui faire écouter cette chanson, pour qu’elle me donne son avis. Elle en a repéré le potentiel et a écrit des paroles pour la mélodie. Nous avons passé des heures au téléphone, à parler, à trouver des accords, à écrire et c’est ainsi qu’ont été écrites les paroles finales de Petit bonhomme.

Ensuite, j’ai rencontré Nick et Ludo du studio Transversal à Vannes. Je les ai appelés et je leur ai demandé d’écouter la chanson. Lors de la séance d’écoute commune, ils ont également repéré le potentiel de Petit bonhomme. Ils ont décidé de s’engager et deux mois plus tard, la chanson était enregistrée. 

Aviez-vous déjà écrit et composé auparavant ?

Oui, bien sûr, j’avais déjà écrit d’autres titres, dont l’un était sorti à l’époque et qui s’intitulait Show Off, entièrement en anglais, mais qui n’est plus disponible actuellement. Ensuite, j’ai écrit des titres personnels, qui sont restés dans mes cartons et que je ne compte pas sortir. Mais Petit bonhomme est bien mon premier titre en tant que Shade. 

Comment s’est déroulé son enregistrement ?

Je l’ai enregistré en deux jours. J’ai fait venir mon amie auteur et toute mon équipe. Nous avons travaillé ensemble sur la chanson. Durant deux jours, nous avons dû sortir nos tripes. Mais l’enregistrement en lui-même s’est révélé assez simple. Au final, le titre est brut, simple, pas travaillé. Je n’ai pas eu recours au vocodeur. Je recherchais vraiment cette simplicité.

J’ai également enregistré d’autres titres pour mon EP. Mais nous avons passé beaucoup de temps à écouter Petit bonhomme en boucle, pour en peaufiner chaque détail. Nous avons ainsi enregistré une guitare, ce qui n’était pas prévu. Nous avons également ajouté une violoncelliste. Ce qui était une ballade simple est devenu progressivement une « power ballade », mélancolique, tout en restant acoustique.

Quel est le message de cette chanson ?

Son message est : « Dites aux personnes que vous aimez, ce que vous ressentez pour elles. » J’y parle également de mon enfance, de mon père, de tous les pères du monde, de tous ces pères qui ne se sont pas intéressés à leur fils. Cela parle aussi des personnes qui communiquent peu avec leurs parents. C’est pour cela que le « je t’aime » final est aussi important. C’est donc un hymne à l’amour aux parents.

Avez-vous déjà tourné un vidéoclip ?

Pas encore. Nous sommes actuellement en pleine préparation. Il sera composé d’images très simples, de couleurs très basiques. J’ai une idée de ce clip depuis longtemps, filmée en plan séquence. Je pense qu’il accompagnera la chanson avec émotion.

Quels sont vos autres projets pour la suite ?

Un EP suivra, qui sortira en fin 2020 début 2021. Il comportera quatre titres. Il ne porte pas encore de nom définitif, mais je l’appelle Chapitre I. C’est mon premier chapitre en quatre chansons : Petit bonhomme, Pauvre gosse, Clair de lune, qui parle de ma rencontre avec mon mari et Playground, lien entre les deux précédentes et réponse à ceux qui m’ont fait du mal. Chaque chanson a été écrite comme un single, mais l’EP doit s’écouter dans sa globalité, car il raconte une histoire.

Quels sont à présent vos rêves et vos attentes ?

Je me demande effectivement quel sera le prochain chapitre de ma carrière. Je lui donne pour l’instant un début, en écrivant de nouveaux titres, tout à fait différents. Mon EP est très acoustique et mélancolique. Mais mon Chapitre II sera à l’opposé, plus pop, avec des sonorités plus rock, dans la lignée de Woodkid.

Cela n’était pas prévu, mais j’ai aimé posé ma voix sur ces titres pop-rock. J’ai réalisé que cela fonctionnait, que cela formait un contraste noir/blanc, yin/yang. Comme si le petit garçon du premier EP, très simple, très sombre, avait atteint son opposé.

Durant cette interview, vous avez cité les noms de nombreux participants à l’Eurovision. Suivez-vous régulièrement le Concours ?

Oui, je le suis depuis 2014 et Conchita Wurst. Cela a été le déclic. Je l’avais découvert l’année précédente, grâce à Amandine Bourgeois, mais sans m’y intéresser plus.

Puis, le groupe Twin Twin a été sélectionné. Or je les connais parce que mes amis avaient participé à l’aventure « Bouge ta planète ». Le prix à gagner était une rencontre avec Twin Twin et l’enregistrement d’un titre. Ils avaient remporté le prix, étaient allés à Paris et avaient enregistré le titre « Bouge ta planète ».

Du coup, j’ai regardé l’Eurovision 2014, pour les voir représenter la France. Ils avaient terminé derniers. Mais Conchita m’a terriblement marqué. J’ai souhaité être elle, j’ai souhaité être sur la scène de l’Eurovision. Je suis entré comme cela dans le monde de l’Eurovision.

L’année suivante, en 2015, quand Loïc Nottet a participé, je suis devenu fan. J’ai téléchargé l’application, j’ai regardé les informations sur Internet, j’ai téléchargé des tableaux de vote,… et puis, je me suis mis à vous suivre, que ce soit sur votre site ou sur la chaîne « Parlons Eurovision ».

Qu’aimez-vous dans l’Eurovision ?

La diversité des titres proposés. Il peut y avoir des chansons pop, rock, acoustique, r’n’b… et parfois des faussetés monstre ! C’est cela le meilleur : l’Eurovision est un divertissement pur et dur. C’est parfois le carnaval européen des artistes : certains chantent très bien, d’autres font peur.

C’est un spectacle attrayant, que j’ai surtout appris à aimer grâce aux artistes s’y présentant. Par exemple, je suis désormais fan de la représentante bulgare Victoria, alors que je ne m’intéressais pas a priori aux chanteurs de ce pays. Idem pour Måns Zelmerlöw, dont l’univers musical m’a tout de suite plu. Plein d’artistes m’ont intéressé personnellement.

Personne de mon entourage n’aime l’Eurovision. Sauf mon mari, qui a appris à aimer, grâce à moi. J’ai dû vivre avec cela. Mais désormais, tous les ans, nous sommes devant notre télévision, nous faisons nos pronostics. Je me considère donc comme un Eurofan !

Avez-vous suivi les deux dernières sélections françaises ?

J’ai regardé effectivement les deux éditions de Destination Eurovision. La victoire de Madame Monsieur a été très importante pour moi. Cela a été aussi un déclic : j’ai tout de suite voulu marcher dans leurs pas, j’ai voulu y croire, y arriver. Même si en fait, je supportais Lisandro. Je me suis surtout rendu compte que cette sélection ouvrait la porte à des artistes encore inconnus, leur permettait de monter sur la plus grande scène d’Europe. Un élément déclencheur, donc. Je me suis dis : pourquoi pas moi ?

J’ai également regardé la deuxième édition. J’ai été plus impressionné car il y avait des artistes que je connaissais, comme Chimène Badi et Emmanuel Moire. J’ai eu des doutes : était-ce si accessible ? J’ai un peu décroché et je n’ai pas regardé la finale. J’avais une préférence pour Seemone, mais Bilal est arrivé, avec sa chanson très radiophonique. Voilà.

Par contre, je me suis bien plus intéressé au Melodifestivalen. J’adore la sélection suédoise. Je suis aussi beaucoup la sélection bulgare. Je continue à suivre tous les artistes bulgares sélectionnés, je les adore tous. La télévision bulgare a l’œil et l’instinct pour découvrir des artistes, des titres très forts. Je les reprends d’ailleurs dans mes stories Instagram. Victoria m’a même reposté !

Dans quelles circonstances avez-vous postulé à la sélection française ?

J’ai reçu une invitation via Facebook de la part de Fred Valencak. Il m’avait repéré et m’a demandé si j’avais un titre à proposer à la délégation. Nous avons alors parlé de Petit bonhomme. Il s’est intéressé à la chanson et m’a demandé de le tenir informé de ses évolutions. Mon nom a alors circulé dans la délégation.

Après avoir produit et terminé Petit bonhomme avec mon équipe, je l’ai envoyée. J’ai rapidement reçu un email m’indiquant qu’elle allait être examinée. Et deux ou trois jours plus tard, j’ai reçu un autre email me disant que la chanson ne convient pas d’un point de vue mélodique pour l’Eurovision. Il était souligné que ma candidature était sincère, que mes paroles l’étaient aussi, mais que ce n’était pas ce que recherchait la délégation.

Une réponse pas extrêmement positive. J’ai ressenti une grande déception, car je m’étais investi corps et âme. Je pense avoir été considéré comme un ovni et je ne comprends pas très bien pourquoi au dernier moment, ma chanson a été recalée. Mais l’on m’a expliqué ensuite que d’autres chansons et d’autres artistes s’étaient mieux démarqués.

Une déception sur le moment, mais je reste confiant : l’année prochaine, s’il y a une sélection nationale, je retenterais ma chance. La délégation a mon nom dans ses tuyaux ! De mon côté, j’aimerais porter une chanson entièrement en français. Cela devient de plus en plus rare, or c’est une langue importante. Un artiste français avec une chanson en français !

Mais j’ai rebondi. Avec mon équipe, nous avons décidé de sortir la chanson en single et de voir l’accueil qu’elle recevrait. Et quand je vois l’intérêt porté à Petit bonhomme, les messages que j’ai reçu de la part de producteurs, je suis content. C’est ce que je souhaitais !

Selon vous, quels seraient vos atouts pour représenter la France à l’Eurovision ?

Ma sincérité et la personne que je suis. J’ai l’air timide, mais en réalité, je suis extravagant, solaire, j’aime beaucoup rire. Mon histoire également, celle d’un petit garçon venu d’un patelin breton qui représenterait la France à l’Eurovision. Ce serait une image à la fois drôle et tirée d’un conte de fées. Puis aussi, j’aimerais porter mes valeurs, celles de la différence, de la tolérance, du respect. Et comme je suis quelqu’un de perfectionniste, je proposerais quelque chose de qualité, très poli.

Seriez-vous éventuellement tenté par une autre sélection nationale qui accepterait des artistes étrangers ?

Si cela était possible, pourquoi pas la Suisse ? Ce serait en tout cas un pays francophone, la Belgique ou la Suisse. Mais pas des sélections comme le Melodifestivalen, où les chansons sont très produites, alors que je préfère la simplicité.

C’est d’ailleurs mon idée : l’image et l’impact de l’Eurovision en France ne sont pas aussi forts qu’en Suède. Alors pourquoi ne pas présenter un titre très simple, que les Français aimeront justement pour sa simplicité ? Actuellement, beaucoup d’artistes proposent des chansons simples et rencontrent le succès.

À votre avis, pourquoi l’image de l’Eurovision en France n’est pas au sommet pour l’instant ?

Je pense que cela est dû en partie aux représentants. Bilal a accompli beaucoup pour redorer l’image de l’Eurovision et on peut l’en remercier. À l’avenir, il nous faudrait des artistes plus jeunes, moins connus, des artistes débutants.

Il faudrait aussi rajeunir l’image en changeant les présentateurs par exemple. Moderniser, redonner un nouveau souffle, comme la délégation l’a fait avec l’Eurovision Junior. Mieux mettre en avant les représentants, aussi. Améliorer la communication, donner envie aux Français de regarder l’Eurovision et bien entendu, choisir d’excellentes chansons ! Il faut que la France envoie un artiste qui porte une chanson reflétant sa personnalité. 

En plus les mauvais résultats des décennies 2000 et 2010 ont contribué aussi à éloigner les Français du Concours. Les téléspectateurs se sont désintéressés. Mais le jour où un Français remportera l’Eurovision, je pense que leur intérêt reviendra.

Aviez-vous déjà réfléchi à l’aspect visuel, scénique, télévisuel de votre candidature ?

Bien sûr,  C’était aussi quelque chose de très simple. J’aurais été habillé en blanc et j’aurais été accompagné d’un piano blanc. De la fumée épaisse et voilà ! Ma voix, le piano, la chanson et du blanc partout pour symboliser la pureté.

Pour conclure, auriez-vous un message à adresser à nos lecteurs ?

Merci infiniment pour l’intérêt qu’ils me porteront. J’espère les retrouver bientôt pour une autre sélection française ou pour l’Eurovision !

Nous remercions Shade d’avoir ainsi répondu à nos questions et lui souhaitons toute la réussite possible pour la suite de sa carrière. De votre côté, retrouvez-le sur :