Bom dia l’EAQ !

J-2 avant que ne démarrent les festivités portugaises dont je sais que vous vous délectez chaque année avec plaisir et malice. Comme à son habitude, le Festival da Canção nous offre vingt fois trois minutes de nuances de la scène musicale portugaise, pour une destination finale en cette édition 2021 : Rotterdam. Qui succèdera à Elisa, candidate malheureuse de 2020 que l’on ne retrouve pas dans cette liste ? Loreen a son avis sur la question, et vous la connaissez : elle ne se privera pas de vous le donner !

LOREEN

Les Loreen n’engagent que l’avis personnel de leur auteur. N’hésitez surtout pas à le discuter dans les commentaires de l’article !

Première demi-finale (20 février)

ChansonCommentairesLoreen

The Black Mamba Love is On My SideBelle entrée en matière pour cette édition 2021 avec un titre à la délicieuse ambiance blues soul à la composition subtile et très professionnelle. Love is On My Side a autant de chien que le groupe talentueux qui le défend et qui a les armes pour se faire remarquer à Rotterdam en mai prochain et offrir un joli moment de grâce au concours au nom du Portugal.

Valéria – Na mais profunda saudade Quoi de tel pour une interprète de fado qu’un titre de … fado ? L’interprétation est excellente et d’autant plus impressionnante vu la jeunesse de l’artiste. Il nous est ici proposé un titre dans la plus pure tradition du fado, joyau musical du Portugal, qui colle pile à l’identité musicale de Valéria. Na mais profunda saudade nous fait voyager dans une casa de fado traditionnelle et authentique dont les artistes nous subjuguent et l’atmosphère nous transporte. Cela a beau être très beau à l’écoute, mais l’ensemble ne renouvelle pas les codes du genre et reste très classique, d’autant plus pour l’Eurovision, pour laquelle j’ai d’autres attentes.

mema. – Claro como água Petit coup de coeur pour ce titre difficile d’accès mais à l’atmosphère musicale très marquée indie pop et teintées de marques de guitare fado. Une construction très intéressante et plutôt singulière, doublée d’une âme et d’une essence indéniables, mais qui rend l’ensemble difficilement mémorable à l’oreille, et donc difficile à défendre sur la scène du concours. Ne serait-ce pas là davantage une musique d’ambiance que de scène ? À voir en live. Le tout est que cela m’est quand même fort envoûtant.

Nadine Cheguei Aqui Deuxième fado de la demi-finale pour une deuxième artiste de fado, et une grande interprète du genre, puisqu’elle écume les scènes portugaises les plus réputées en la matière. Cella donne un beau titre pour une belle composition, c’est certain. Tout comme Valéria, on a là le fado que j’aime entendre lorsque je déambule dans les ensorcelantes rues de l’Alfama. Mais là aussi, en dépit de ses qualités, Cheguei Aqui ne révolutionne pas la musique traditionnelle portugaise et m’évoque un seul et unique mot : classicisme.

Miguel Marôco GirassolLoreen est peut-être sévère sur le coup, dans le sens où Girassol est loin d’être un mauvais titre. La composition est simple (ou simpliste ?) et sans prétention, et assumée comme telle. Une guitare et trois accords (peut-être quatre) pour un ensemble enthousiaste et un rythme entêtant et égal à lui-même trois minutes durant, telle une comptine. Hélas, le constat est là : le titre me laisse froid, voire glacial, pour ne pas dire qu’il m’irrite légèrement. Outre le fait que l’ensemble gagnerait également à plus d’aboutissement.

Fábia Maia – Dia LindoLe Portugal recèle de voix, et celle cristalline et pure de Fabia offre une belle teinture à ce titre, dont la composition est élégante et délicate. L’ensemble, touchant, est très beau à l’écoute, mais Dia Lindo est un titre très linéaire, qui n’offre pas une once de variations à celles et ceux qui l’écoutent. Trois minutes appréciables, mais répétitives, qui pourraient en laisser sur le carreau plus d’un.e tenté.e.s de fermer les paupières faute de décollage ou de légère envolée. Ce qui est en soi compliqué lorsqu’il s’agit de conquérir un public international à la première écoute.



Irma –LivrosUn joli titre pop comme le Festival da Canção nous en régale chaque année. Il
nous offre une belle musicalité, qui mêle harmonieusement sonorités actuelles et cordes, qui plus est appuyée par un joli texte et la jolie voix d’Irma. Ça fait beaucoup de « jolis » tout ça, non ? Si Livros a le potentiel d’une agréable musique d’ambiance printanière et lumineuse, je suis par contre moins persuadé qu’il a la force et la carrure nécessaire pour se distinguer dans un concours international. Ce qui ne m’empêche pas de fortement l’apprécier.


Karetus & Romeu Bairos –SaudadeOu l’art de la collaboration entre deux artistes dont les univers se mêlent avec finesse sans que les deux ne s’entre-dévorent ou que l’un se retrouve complètement absorbé. En cela, la construction du titre est extrêmement intelligente et marie une interprétation « traditionnelle » à des sonorités contemporaines qui lui confèrent à la fois du rythme et quelque chose d’électrique. Le refrain est extrêmement simple, mais efficace et entêtant. Un très joli potentiel.

Sara Afonso –Contramão Loreen boucle à peine son tour de la première demi-finale que je risque déjà de me répéter et d’être à court tant que sur le plan du vocabulaire que des synonymes… Oui, c’est une nouvelle fois joli, et très joliment porté. C’est délicat, une fois de plus, et peut-être trop, car plutôt linéaire, voire très linéaire. Contramão représente une bien agréable musique d’ambiance par laquelle être bercée et emportée, mais de là à imprégner les foules…

IAN – 
Mundo
Le Festival da Canção comme je l’aime ! Audacieux et réflexif sur le plan musical, et on sent complètement à l’écoute la trajectoire qui est celle de ce premier violon qu’est à la base IAN. On sent le travail sur les formes et sur les styles musicaux, qu’elle mêle et entremêle pour offrir quelque chose d’indéniablement actuel et extrêmement intéressant au niveau de la composition. Le moins qu’on puisse dire est que l’ensemble est singulier, peut-être trop pour le public, je ne sais pas, mais je trouve en Mundo une belle incarnation de la diversité de la scène musicale portugaise, qu’il me plairait de voir au concours.

Deuxième demi-finale (27 février)

ChansonCommentairesLoreen

Da Chick – I Got Music« Thanks God I Got Music » et Obridago Céline, nous avons Da Chick – alias le poulet. L’univers de l’artiste, c’est une pop-disco indépendante aux relents vintage et teintée de sonorités contemporaines qui rendent l’ensemble tendance. Le texte est relativement simple (une déclaration d’amour à la musique), mais le son fait mouche et le charme opère pleinement, en tout cas sur moi. Seul bémol : le choix d’un titre en anglais, certes international, mais dans une sélection comptant une majorité de titres en portugais. Il n’empêche pour autant que je valide !

Tainá –JasmimBis repetita. J’aime écouter Jasmim, posé sur mon canapé jaune un dimanche d’après-midi entouré de mon lierre baptisé Afida Turner (ça ne s’invente pas) ou bien dans mon bain un verre de Porto à la main. C’est un titre extrêmement agréable, fait de ce velours et de cette poésie dont seule l’indie pop lusitanienne a le secret et qui, personnellement, m’emporte. Pour autant, une musique d’ambiance est difficile à exporter sur scène, et encore plus à l’Eurovision, où son manque de variations le mettrait en difficulté pour se distinguer parmi quarante-et-un titres.

Ariana –Mundo Melhor L’interprète a dans la voix et dans son interprétation la fraîcheur de ces jeunes talents qui restent encore à tailler, et je pense qu’Ariana est de celles et ceu-là. À ce titre, la chanson est le reflet de son interprète : un ensemble qui n’est pas désagréable, auquel l’instrumentation et les choeurs donnent un petit relief, mais qui reste cependant trop simple et trop brut à mes yeux. Dans la famille pop de ce FdC, Mundo Melhor n’a rien de rédhibitoire, loin de là, mais ce n’est le titre ni le plus marquant, ni le plus intéressant de la sélection.

EU.CLIDES –Volte-Face Le FdC aime décidément l’indie pop – et Loreen avec -, mais ici dans ses relents plus rythmiques doublés de sonorités de guitare sèche chères à son interprète, guitariste de formation (cf. portrait). À la différence près que ce Volte-Face n’est pas foncièrement Passe-Partout de par son agréable rythmique et sa composition de qualité. Pas forcément évident à défendre au concours, là aussi, mais pile dans la veine de cette jeune scène pop qui fait son chemin depuis quelques petites années et, petit à petit, fait son nid, tant à l’international que sur les scènes musicales locales.

Joana Alegre –Joana do Mar« Tiens bon la vague, et tiens bon le vent, hissez haut ! … » Joana Alegre nous vend la mer, et nous avons la mer, ou plutôt l’Atlantique, celui-là même qui borde les côtes portugaises et depuis lesquelles Vasco de Gama – parti de Belem – s’est lancé à la conquête des Indes. En cela, le titre respire par quelques accents la celtitude et le bon goût de la gigue, ce que ma très chère Nolwenn Leroy (coeur sur toi) n’aurait probablement pas renié à son époque Bretonne et Ô fIlles de l’eau. En cela, l’objectif voulu est atteint : c’est pop-folk, et j’aime ça. D’autant plus que l’ensemble est porté par la très belle voix de Joana, que Joana do Mar met en valeur à la perfection. De là à l’envoyer à Rotterdam ? C’est une autre affaire …
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Pedro Gonçalves –Não vou ficarTous les ingrédients de la chanson d’amour sont réunis : le texte, le refrain, … Et force est de constater que ça marche et que ça parle à mon petit coeur en mode plaisir coupable mais point coupable. Les arrangements pourraient gagner à une lichette d’actualité en plus – surtout le solo de trompette de quelques secondes terriblement kitsch et old school pour lequel je retournerais son instrument contre le pauvre trompettiste -, mais c’est terriblement efficace. En tout cas, je suis tout chose. Et pourtant, musicalement parlant, on a bien plus intéressant et original dans la sélection …
`Ana Tereza –Com Um AbraçoLoreen est ennuyée pour le coup. Car le titre a une véritable atmosphère, une essence, une texture, une composition actuelle et intelligente qui prend appui sur les traditions de la musique portugaise. Pour ses débuts en solo, la voix d’Ana Tereza colle à merveille au titre écrit par Viviane qui appelle les délicates cordes du fado sans être de ce style. Mais, fait très personnel : Com Un Abraço ne me parle pas le moins du monde, et j’ai un mal irrépressible avec son refrain. Quand bien même parle t-on d’un bon titre dans l’ensemble.

Carolina Deslandes –Por Um TrizL’une des grandes favorites, très populaire au Portugal (preuves en sont les près de 150 000 vues enregistrées pour la vidéo officielle), nous propose un titre d’une délicatesse et d’une douceur extrêmes, que Carolina incarne à merveille dans son interprétation et dans sa voix. Oui, le titre a quelque chose, et ne laisse pas de marbre, au contraire : il parvient à toucher notre corde sensible. Néanmoins, le vois-je sur la scène de l’Eurovision en mai prochain ? Je suis perplexe. Car en dépit de ses qualités, Por Um Triz reste une ballade assez linéaire à fort risque soporifique pour une partie du public, ce qui est assez rédhibitoire pour un concours tel que l’Eurovision.


Graciela – A vida sem acontecer Indie pop, nouvel acte, et une fois de plus très réussi. Pour ses débuts en solo, Graciela nous offre un titre aux accents légèrement électro mêlant sonorités actuelles et atmosphère délicieusement vintage, un alliage tel que je les aime. On est là aussi dans la mouvance de la nouvelle vague pop qui parcourt aujourd’hui les scènes musicales du monde entier et séduit un public croissant de par son indéniable charme et ses compositions très pertinentes. Nouveau petit coup de coeur dans cette sélection même si, une nouvelle fois, je pense le titre plus évident à défendre dans une salle à l’ambiance intimiste que sur la grande scène du concours.


NEEV –Dancing in the StarsEst-ce un hasard si l’un des titres les plus accessibles de la sélection se trouve placé en dernière position dans l’ordre de passage ? NEEV figurant au rang de favori, et il est vrai que sa ballade pop fonctionne très bien. Elle s’inscrit dans un genre musical très présent en radio actuellement et en même temps, n’a ni la force ni l’aboutissement de ce que propose d’ordinaire son interprète de talent. L’approche qui semble avoir été privilégiée est un « formatage » plus classique, ce qui est fort dommage. Pour autant, Dancing in the Stars reste un titre efficace, agréable, de bonne facture et qui pourrait faire le job à Rotterdam. Un bémol : l’anglais …


Avis général

De l’avis de Loreen, le Festival da Canção nous offre une fois de plus une très beau cru, dont l’éclectisme n’a aucun égal dans la saison des sélections. La RTP a le don de faire le pari du singulier comme nulle autre, et bien des télédiffuseurs devraient s’en inspirer pour apporter un coup de neuf à leurs sélections se reposant fortement sur leurs lauriers. Avec une question toutefois : le festival ne verse t-il pas trop dans l’inaccessible, là où un titre candidat au concours se doit de parler au plus grand nombre indépendamment de son style ? Pour ma part, je persiste à penser que la diversité du Festival da Canção fait son identité et sa force. Quelque soit le résultat au bout du chemin, cette sélection a une âme indéniable et joue pleinement son rôle : celui de proposer un large éventail des trésors dont recèle la scène musicale portugaise et d’en extraire un joyau pour lui offrir la lumière de l’Eurovision.

Comme vous l’avez lu, cette édition 2021 me séduit, et offre une nouvelle fois de belles promesses, mais je serais tout de même tenté de la trouver un poil inférieure au cru 2020. Les titres proposés ici me semblent moins marquants que leurs prédécesseurs, plusieurs se ressemblant et présentant les mêmes défauts de leurs qualités. De même, là où 2019 et 2020 présentaient quelques évidences, il n’en est pas de même cette année à mes oreilles. Ce qui n’empêche pas Loreen de rester sous le charme de la sélection portugaise, et d’en ressortir très enthousiaste.

Dans l’optique de Rotterdam, quelles options se dégagent alors ? Deux : la sécurité ou la prise de risque. Si le Portugal choisit de miser sur la première, l’évidence s’appelle Dancing In The Stars, ballade pop actuelle, radio-friendly, portée par un très bon interprète, et en anglais (ce qui me pose un vrai problème pour une sélection recelant d’une large majorité de titres en portugais). On tient ici le titre le plus accessible de la sélection et le plus parlant pour un public de l’Eurovision caractérisé par son cosmopolitisme. I Got Music de Da Chick constituerait également une option séduisante avec ses sonorités club et vintage, et je pense que mon coeur pencherait davantage pour cette idée. Si, inversement, est fait le choix de la deuxième option, le jeu est plus ouvert, mais aussi plus risqué. Pour ma part, un sérieux dilemme se présenterait entre les titres de The Black Mamba, Karetus & Romeu Bairos, IAN, ou encore Graciela. Au risque de laisser sur le carreau une partie du public (et des jurys) ? Perso, je suis prêt à prendre le risque… en attendant les lives, qui nous apporteront des éclaircies sur le réel potentiel de chacun des titres.

Et vous, quel titre de cette édition 2021 du Festival da Canção vous séduit-il le plus ?

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Crédits photographiques : RTP