On le sait maintenant depuis plusieurs semaines : France Télévisions a décidé de reconduire sa sélection nationale.

Chouette ! Eurovision France, c’est vous qui décidez revient !

Merveilleuse nouvelle que voilà, à bien des égards !

Après le très bon line-up de l’année dernière, les excellentes découvertes que furent Philippine, Céphaz ou encore Juliette Moraine, et surtout la confirmation du talent incroyable de Barbara Pravi, les mauvaises surprises et les faux espoirs ne sont plus permis…

Enfin, si tout va bien !

Néanmoins, ce qui m’enchante surtout, et comme chaque année, c’est l’occasion en or qu’offre ce processus de sélection : celle de mettre en valeur les artistes les plus convaincants de la scène française.

Il n’y a plus qu’à espérer que France Télévision choisisse les bons musiciens et n’aille pas se fourvoyer, mais j’ai étrangement confiance cette année.

Malgré tout, je ne peux m’empêcher de rêver. Cela n’arrivera sans doute jamais, mais il est un groupe qui, s’il se présentait à Eurovision France, c’est vous qui décidez, bousculerait les évidences, déchaînerait les passions, diviserait les foules, et se démarquerait tellement, tellement !

Et à l’Eurovision, leur impact, leur aura et leur charisme n’en seraient que décuplés !

Si je puis me permettre ce jeu de mot, ils mettraient littéralement le Feu! à la France, à l’Italie, à l’Europe entière.

Vous commencez à deviner de qui je veux parler, bien sûr.

Du quintette Parisien Feu! Chatterton, et de leur rock décoiffant, dandy, et diablement romanesque !

Êtes-vous prêts à vous embarquer dans cet étrange voyage ?

Alors attachez vos ceintures et suivez-moi. Je vous entraîne dans leur univers.

Connaissez-vous, chers lecteurs, la trame du roman Orgueil et Préjugés de Jane Austen ?

Eh bien, c’est exactement ce qu’il m’est arrivé à l’égard de Feu! Chatterton. Ma relation musicale avec le groupe fut, pour le moins, tumultueuse à ses débuts, avant que ma première impression ne change aussi radicalement que l’opinion de Lizzie Bennet sur Fitzwilliam Darcy.

Lorsque je les ai découverts en 2016 avec La Malinche, j’étais tout bonnement hostile à leur style. Il ne fallait pas m’en parler, c’était un non catégorique !

J’imagine que j’avais dû être piquée au vif par je ne sais trop quelle fierté, la Maalinche étant l’une de mes figures historiques préférées.

Et puis, en 2018, sans explication aucune, tout bascula.

J’entendis Ginger à la radio… Et ce fut le coup de foudre artistique. Grand, passionné, intense.

Envolées les rancoeurs ! Aux oubliettes le mépris !

En y repensant, la Juliette de 2016 était littéralement aveugle ; trop effrayée par cette musique si détonante et aux antipodes de mes habitudes, j’avais occulté la finesse des textes. Quand je pense que La Malinche est à présent ma chanson fétiche de leur répertoire… Comme quoi…

Je crois qu’en deux ans, j’avais tout simplement appris à ouvrir mon esprit.

Toujours est-il que, depuis, je me suis toujours demandée ce qu’un groupe de leur trempe pourrait donner à l’Eurovision. Ce serait, je crois, très intéressant à observer.

Si vous aimez le rock, vous serez servis.

Si vous aimez la littérature et la belle écriture, vous serez comblés, et plus encore !

Soyez simplement prêts à sortir de votre zone de confort musicale !

Andiamo !

Qui sont-ils ?

Feu! Chatterton est un quintette parisien, fondé en 2011. Le groupe se compose d’Antoine Wilson à la basse, de Sébastien Wolf et Clément Doumic aux guitares et aux claviers, de Raphaël de Pressigny à la batterie, et d’Arthur Teboul au chant ainsi qu’à l’écriture des textes. Parmi leurs influences musicales, on retrouve autant Jacques Brel, Barbara et Serge Gainsbourg que Radiohead, les Pink Floyd ou Chet Baker.

Feu! Chatterton, c’est un nom bien étrange, me direz-vous.

D’où cela vient-il ?

Eh bien, Chatterton est un hommage à Thomas Chatterton, un poète britannique qui s’est suicidé à l’âge de dix-sept ans car ses œuvres ne trouvaient pas leur public.

Feu! Chatterton se fait d’abord remarquer en 2012 grâce à son premier single, baptisé La Mort dans la Pinède. Leur premier EP, Feu! Chatterton, sort en 2014, suivi par Bic Médium, paru en 2015.

À l’heure où j’écris ces lignes, le groupe a déjà trois albums à son actif : Ici le jour (a tout enseveli) sorti en 2015, L’Oiseleur publié en 2018, et le tout récent Palais d’Argile, qui a vu le jour cette année 2021.

Même si le fringant quintette n’en a encore jamais remporté une (ce qui constitue une petite injustice à mes yeux), Feu! Chatterton a déjà été nommé deux fois aux Victoires de la Musique, respectivement en 2016 (catégorie « Révélation Scène ») et en 2018 (Catégorie « Meilleur album rock » pour L’Oiseleur).

Si, l’année prochaine, ils ne décrochent pas un trophée pour l’excellent Palais d’Argile, je n’y comprendrais plus rien !

Si vous êtes coutumiers des festivals, vous avez sans doute pu les croiser, notamment en tête d’affiche des plus grands festivals français, comme les Vieilles Charrues, les Francofolies de La Rochelle ou bien le Printemps de Bourges. Ils y étaient cette année encore.

Et, pour l’anecdote, il y a peu, ils ont assuré la première partie du concert virtuel à Paris de… U2 ! Vous avez bien lu. La Bande à Bono ! Et leur prestation a été couverte d’éloges !

Bref : même s’ils restent encore un peu cachés dans l’ombre, Feu! Chatterton est un groupe qui monte, qui monte, et sur lequel il faudra durablement compter !

Quel est leur univers ?

Pour décrire le style musical de Feu! Chatterton, j’emploierais quatre mots : romantique, élégant, audacieux et imprévisible.

J’ai choisi le mot romantique en particulier, non pas en référence à l’amour et à la romance, mais bien au mouvement littéraire du XIXe siècle. Il se dégage de leurs textes une poésie qui me rappelle les poètes comme Baudelaire, Raimbaud ou Verlaine. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’ils mettent en musique des poèmes d’Aragon (Zone Libre), d’Éluard (Le Départ), de Prévert (Compagnons) ou bien de William Buttler Yeats (Avant qu’il n’y ait le monde).

Et quand ils ne les réadaptent pas en chanson, ils glissent de magnifiques références aux grands poètes d’antan, comme sur l’éblouissant Souvenirs, que n’aurait définitivement pas renié Guillaume Apollinaire.

Oui ! La poésie est partout, avec Feu! Chatterton, et cela fait partie de leur charme.

Moi qui suis une férue de littérature, je ne pouvais que chavirer en entendant ces jolis mots que je me plais à utiliser, et que j’ai malheureusement l’impression d’être la seule à connaître. Feu! Chatterton est venu me prouver qu’on pouvait encore placer « turpitudes », « agave », « vanité », « gémonies », « rêveries », « hargne », « missive », « désarroi », « quiétude », « rancœur » et tant d’autres merveilleux mots dans une chanson.

Se pose le problème de la barrière de la langue, c’est vrai.

Il faut être francophone pour comprendre toute la subtilité des textes de Feu! Chatterton, tous les jeux de mots et toutes les figures de styles que l’on peut y trouver.

Ou bien alors il faut être curieux, et regarder une traduction des paroles…

Mais soyons honnêtes : personne, à part les plus téméraires et les Eurofans les mieux informés, ne va chercher le sens des chansons le soir de l’Eurovision !

Cela dit, les Maneskin n’ont pas eu besoin de traduire Zitti e Buoni en anglais pour l’emporter cette année, pas plus que Barbara, pas plus que Gjon’s Tears ou Go_A.

Alors pourquoi pas ?

De plus, même sans rien y comprendre, même le plus exigeant des jurés albanais se rendrait vite compte de l’aura presque magnétique et électrisante que dégage le groupe.

Et cela est dû, en grande partie, à… Arthur.

Voix et plume du groupe, il vous captive immédiatement avec ses mots élégants, son timbre écorché, et sa manière théâtrale et passionnée de chanter ou de scander ses textes, par lesquels il est véritablement habité. À côté de lui, Damiano David n’a qu’à bien se tenir !

Je ne voudrais pas non plus laisser sur le banc de touche Clément, Sébastien, Antoine et Raphaël, qui sont tout aussi essentiels à l’originalité de Feu! Chatterton. Les mélodies et les compositions de chaque titre sont toujours soignées et travaillées, presque jusqu’à l’obsession. On ressent autant de perfectionnisme que d’implication de la part de chaque musicien, et c’est là ce qui fait le sel des grands groupes : la complémentarité.

Enfin, le dernier atout majeur de Feu! Chatterton, c’est leur richesse musicale.

C’est simple : à chaque nouveau morceau, on ne sait jamais sur quoi on va tomber. Ils se réinventent sans cesse.

Leur musique, pleine d’aspérités, est relativement différente de ce que l’on peut entendre de nos jours à la radio… Et c’est un doux euphémisme !

C’est un style clivant, qui peut rebuter à la première écoute. Mais en explorant leurs différents morceaux, on trouve de la pop (Monde nouveau), du rock (La Fenêtre), de l’électro (Écran Total), et parfois même du hip-hop (L’Ivresse) !

Pas le temps de s’ennuyer, et, de ce fait, pas le temps de se lasser !

Si Feu! Chatterton représentait un jour la France à l’Eurovision, ils mêleraient l’exigence du texte et de la musique, à un soupçon d’audace et de nouveauté.

Après tout, si l’Italie, l’Ukraine et la Finlande ont réussi à atteindre le top 6 en prenant des risques, ne serait-il pas temps, pour nous aussi, de casser les codes ?

Leurs points forts

  • Des textes remarquablement bien écrits et une plume que l’on reconnaît entre mille
  • Un amour et un goût évident pour la poésie.
  • Un style caméléon qui se renouvelle sans cesse.
  • Un chanteur charismatique et fascinant qui vit la musique des mots.
  • Des musiciens de talents.

Leurs points faibles

  • Il faut être francophone pour saisir la poésie et la richesse des paroles.
  • Leur style va diviser. Énormément. Sur une échelle de 1 à 10, on se situerait à mi-chemin entre Telemóveis, Hatrid mun Sigra et Midnight Gold… Voilà qui annonce la couleur.
  • Le fait que les musiciens ne puissent toujours pas jouer. Feu! Chatterton est connu pour être un groupe à voir absolument en live, tant leur énergie est débordante et communicative. Je ne les ai moi-même jamais vu en concert (c’est un regret personnel), mais j’ai déjà écouté plusieurs de leurs lives, et je peux vous confirmer que cela est vrai… Malheureusement, l’impossibilité d’utiliser de vrais instruments nous priverait de l’essence du groupe, et de ce qui pourrait faire leur force.

Le titre à découvrir d’urgence

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Parce que Feu! Chatterton peut vous donner l’impression d’écouter la BO d’un film des années 70 :

Parce que Feu! Chatterton sait maîtriser l’art du refrain qui reste en tête :

Parce que Feu! Chatterton peut créer des moments de grâce et de poésie :

Parce que Feu! Chatterton sait maîtriser l’art du refrain qui reste en tête, partie 2 :

Et en bonus, ce merveilleux duo entre Arthur Teboul et Clara Luciani, un moment de pure magie pour une reprise toute en douceur :

Alors, qu’en pensez-vous ?

Feu! Chatterton à l’Eurovision, serait-ce un feu d’artifices, ou bien un simple feu de paille ?

J’attends vos avis avec une hâte non dissimulée, tant je sais à quel point les opinions pourraient être tranchées. Je vous lirai avec joie et curiosité.

Sur ces mots, je vous laisse, et je continue de creuser les différentes scènes européennes, à la recherche de (potentiels) futurs participants à cet Eurovision 2022 qui nous promet monts et merveilles, et qui sera épique, je n’en doute pas.

Musicalement,

Juliette.

Crédits photographiques : Fanny Latour-Lambert