J’ai à présent besoin de mes lunettes de soleil puisqu’on parle de The Ride.

Rafał

Il avait déjà tenté de représenter la Pologne au concours en 2017. Trois ans plus tard, il co-présente l’Eurovision Junior en direct de Varsovie, avant de se voir proposer quelques mois tard de défendre les couleurs de son pays à Rotterdam avec le titre The Ride. Voici Rafał en interview !

EAQ – Que ressentez-vous par rapport à votre participation à l’Eurovision 2021 ?

Rafał – Je veux tout d’abord saluer l’ensemble des téléspectateurs européens et français. Aux eurofans, salut de Pologne ! Je mets à présent mes lunettes de soleil pour vous voir (rires). Évidemment, c’est un grand honneur et un véritable plaisir. Tout est allé très vite pour moi. La décision de me sélectionner en tant que candidat polonais a été un vrai choc. Je me sens un peu stressé et nerveux, mais c’est une véritable joie d’aller à Rotterdam et de chanter sur cette scène.

Vous connaissez le succès en Pologne en tant que chanteur depuis plusieurs années. Vous avez essayé de représenter votre pays au concours en participant à Krajowe Eliminajce en 2017. Pourquoi avez-vous accepté de participer à l’Eurovision cette année ?

C’était en février. Les règles ont évolué cette année et elles supposaient de changer de titre, puisque le concours 2020 n’a pas eu lieu. Tous les artistes devaient changer de titre. La télévision polonaise a lancé un appel à contributions pour un nouveau titre, dynamique et j’ai envoyé The Ride parce que j’étais en train de travailler sur mon nouvel album pour les dix ans de ma carrière solo. J’ai pensé à une chanson qui serait à la fois actuelle tout en conservant un style classique et des accents rétro. J’ai demandé un titre à mes amis suédois. Ils m’ont offert The Ride et je l’ai trouvée vraiment bien.

Que représente l’Eurovision pour vous en tant que téléspectateur et en tant qu’artiste ?

L’Eurovision est un grand concours, et la Pologne a une histoire émouvante avec lui. Nous connaissons un grand succès au concours Junior, mais bien que nous y participions depuis plusieurs années, nous n’avons jamais gagné l’Eurovision adulte. Quand le concours approche, tout le monde parle de l’Eurovision, de l’artiste, de la chanson. Je soutiens toujours mon représentant, je regarde tous les concours et j’adore ça ! Ces vingt-trente dernière années, la musique évolue, et beaucoup de choses se passent sur la scène de l’Eurovision.

Quels en sont vos meilleurs souvenirs ?

Vous pouvez vous rappeler de l’Eurovision par les chansons, mais aussi par ce qu’il s’y passe sur scène. J’ai aimé la victoire de Lordi, mais aussi celle de Conchita Wurst, avec Rise Lise A Phoenix, qui fut un grand moment pour toutes et tous en Autriche. Tous les classiques, comme ABBA, Olivia Newton-John, Céline Dion, mais aussi la deuxième place d’Edyta Gorniak pour la Pologne en 1994. C’était remarquable, et c’est resté dans mon esprit. Je me souviens aussi des performances de Dima Bilan et Alexander Rybak, originaire de Biélorussie. C’est une grande communauté de chansons et d’artistes qui s’est formée durant les dernières décennies.

Vous avez co-présenté l’Eurovision Junior en 2020 dans un contexte de crise sanitaire, et l’année où la France l’a emporté !

J’imagine ! (Il chantonne le refrain à tue-tête) (rires)

Pouvez-vous partager cette expérience avec nous ?

Ce fut un plaisir ! À cause de la pandémie, aucun artiste ne pouvait être présent dans le studio, et nous avons dû nous connecter avec eux depuis leurs studios respectifs dans leurs pays d’origine. Nous avons dû faire beaucoup de répétitions afin de voir comment se connecter et parler avec eux, puisqu’il y a un délai de cinq secondes dans la transmission des questions que l’on pose et durant lesquelles les artistes ne pouvaient pas répondre. Quand Valentina a chanté J’imagine, tout le monde a aimé la chanson. La France s’est faite remarquer avec elle. C’était en tout cas une bonne expérience en termes d’organisation et de préparation de l’Eurovision, avec les répétitions, les artistes, le règlement que vous explique l’EBU, comment lire le tableau des votes, comment voter, les possibilités, ce qui peut ne pas fonctionner… J’ai même demandé à Martin Osterdahl de l’EBU si, au vu du contexte pandémique, il y avait des choses qui pourraient dysfonctionner et il a répondu qu’on aurait avoir des surprises avec les connexions satellites. C’était vraiment très fun.

Les salles de concert sont fermées dans la plupart des pays. En tant qu’artiste, comment vivez-vous cette période où il vous est impossible de monter sur scene pour chanter face à un public ?

C’est une période vraiment étrange, difficile et horrible pour tout le monde. Dans l’industrie musicale, c’est vraiment un choc parce qu’elle ne touche pas que les musiciens. Autour des chanteurs et des performeurs, il y a une équipe technique, qui se charge des lumières, du son, … Il y a aussi les acteurs, qui attendent la réouverture des théâtres. C’est une période très compliquée, et avoir l’opportunité de chanter sur une grande scène devant une demi-jauge à Rotterdam est une bouffée d’air frais pour toute cette communauté. Cela signifie que le meilleur reste à venir pour nous, et c’est positif.

Votre parcours musical a démarré tôt. En parallèle, vous étiez champion de lutte. Votre carrière est diversifiée, puisque vous êtes également présentateur en Pologne. Comment vivez-vous cette multiplicité de rôles ?

Avec ma carrière musicale, c’est beaucoup de travail. J’ai commencé par le sport, puis j’ai basculé vers la musique et l’animation à la télévision polonaise, avec Jaka to melodia ? et Kolo Fortuny (la Roue de la Fortune), deux émissions quotidiennes, mais aussi avec ce grand show qu’est The Voice of Poland. Si vous travaillez dans l’industrie musicale, vous avez besoin d’expérience dans votre vie et dans vos passions. Si vous êtes sportif, vous devez utiliser cette compétence et vous préparer à 400% pour chaque show. Pour animer une émission ou chanter dans un spectacle, vous devez être prêts à 400%. Si vous êtes candidat à l’Eurovision, vous participez à une sorte de championnat d’Europe ou du monde, puisque l’Australie participe et que nombreux téléspectateurs regardent le programme depuis l’Amérique Latine, le Canada ou les États-Unis. Le public vous regarde depuis partout à travers le monde. Si vous combinez toutes vos passions et vos compétences en une seule, vous pouvez faire quelque chose de bien avec ça.

Comment décririez-vous The Ride ?

J’ai à présent besoin de mes lunettes de soleil puisqu’on parle de The Ride (rires). C’est une chanson un peu rétro, mais dans un style nouveau avec des sonorités eighties. Elle parle de la vie et des relations. Vous pouvez avancer dans la vie avec votre partenaire – ami, petite-amie, ambition… Vous pouvez embarquer quelqu’un avec vous dans la vie, mais si vous sentez que cela vous bloque ou vous arrête, vous pouvez lui demander de vous laisser partir ou de vous donner de l’espace, parce que je veux aller haut et atteindre des objectifs. Je peux tomber, je peux trébucher, je peux ne jamais atteindre le sommet, donc tu viens avec moi, ou non. Nous pouvons aller faire un tour de nuit dans la ville endormie, et vous pouvez vous questionner sur votre idée de la vie, votre expérience et sur ce que vous souhaitez accomplir. Et vous devez tout faire pour réaliser tous vos rêves/accomplir toutes vos passions. The Ride is The Ride of your Life, c’est le trajet de votre vie, et la voie dans laquelle vous vous engagez.

Vous évoquez l’aspect rétro de votre chanson. Quand j’écoute et regarde le clip de The Ride, je perçois cet aspect vintage tant dans les sons que dans l’esthétique. Quelles ont été vos influences en la matière ?

Les années 80. The Weekend. Dua Lipa. Des artistes vraiment connus à travers le monde, avec de belles et formidables chansons. Je suis issu des années quatre-vingt, et je cherchais un titre dans ce ton. J’ai donc demandé à mon producteur suédois s’il avait une chanson dans cette vibe, dans un style classique (12 :36 cityzator), et il l’avait. J’écoute les titres qui sont sont actuellement populaires sur le marché, et c’est le cas de ceux qui ont des sonorités eighties. J’ai décidé de faire ça : une chanson énergique avec un style rétro.

Pour la scénographie, comptez-vous rester dans ce style et cette esthétique, ou faire évoluer le concept ?

Le concept scénique ne sera pas exactement le même que celui du clip, mais nous devons garder une partie de l’esthétique. C’est une bonne idée de comparer les deux. Sur scène, nous ne pouvons pas emporter le musée des néons (très populaire dans les années 80) dans lequel nous avons tourné le clip. J’aurais quatre danseurs et un choriste avec moi. Nous allons apporter quelques changements. Je pense que je démarrerai la performance avec mes lunettes de soleil, comme dans la vidéo, et que je les retirerai ensuite pour saluer l’Europe.

La plupart de vos grands succès sont en langue polonaise. Pourquoi chanter en anglais pour l’Eurovision ?

Mon esprit était focalisé sur le marché polonais, donc je devais chanter en polonais. À présent, je suis tourné vers le marché européen, donc je dois changer cela. C’est étrange, parce que l’anglais n’est pas ma langue maternelle, et je continue d’améliorer ma manière de chanter dans cette langue. Je sais comment bien chanter en polonais, là, c’est différent. Mais j’aime chanter dans plein de langues, comme l’italien, l’espagnol, le russe, et même en français quelquefois, même si je ne m’exprime pas très bien en français. Si vous souhaitez chanter dans une langue étrangère, vous le pouvez, mais c’est une question de temps et de travail en fonction de votre expérience dans la langue.

Je suppose que vous avez découvert les réactions du public et des eurofans à propos de votre contribution. Comment abordez-vous cela ?

Les réactions sont parfois positives et parfois négatives, en mode « Je n’aime pas cette chanson, je la déteste ». Vous savez, je n’ai pas peur des réactions. Les gens ont besoin de dire ce qu’ils pensent. Je suis un artiste et un musicien à présent, et je me dois de créer la meilleure chanson et la meilleure performance. C’est mon objectif et je suis focalisé dessus. Les retours sont cependant plutôt bons. Et s’il n’y a pas de retours de la part des gens, cela n’est pas bon signe (rires).

Vous évoquiez votre futur album. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Je dois le construire. Ma carrière solo a commencé il y a dix ans et je pense que l’Eurovision apportera des changements. Cela dépendra de ce qu’il s’y passera avec The Ride : quelque chose de rafraîchissant et de nouveau pour moi, en termes de look, de style, de performance. Si cela se passe bien ou mal, que je connaisse ou non le succès, cela m’indiquera la direction musicale à emprunter. Bien sûr, j’ai trois ou quatre chansons qui sont prêtes pour l’album, mais j’attends pour le moment de savoir ce qu’il va se passer à l’Eurovision.

Avez-vous des titres favoris à l’Eurovision 2021 ?

Oui. Mes douze points vont à la Suisse et mes dix points vont à la France cette année ! (Rires) J’aime beaucoup ces chansons. Elles sont vraiment bien.

Pour conclure, qu’aimeriez-vous dire à nos lectrices et lecteurs ? Je vous rappelle que la France vote dans la même demi-finale que la Pologne cette année !

Je veux leur dire que je vais envoyer un tas de bonnes ondes et d’énergie depuis la Pologne. Merci de la soutenir et de soutenir The Ride. Nous vivons toutes et tous des heures difficiles avec la crise sanitaire. Il n’y a plus de concerts. Alors, amusons-nous, rassemblons-nous. Nous sommes des fenêtres d’opportunité pour l’Europe et le monde. La situation va dans la bonne direction pour l’industrie musicale. Passez une bonne soirée, croisons les doigts pour la délégation française et toutes les autres délégations à travers l’Europe. Merci pour l’opportunité de notre rencontre et celle avec le public. J’espère que nous pourrons nous rencontrer physiquement à Rotterdam. C’est mon rêve, et embarquons-nous ensemble pour The Ride. (En français) Merci beaucoup !

Un grand merci à Rafał de nous avoir accordé cette interview. Nous le retrouverons en sixième position de la seconde demi-finale le 20 mai prochain à Rotterdam.

Crédits photographiques : UER