Que dire, que faire, qu’ajouter face à pareille folie ? L’assassinat de la rédaction de Charlie Hebdo par des extrémistes enragés plonge le monde dans la stupeur et la consternation. Penser que le rapport avec l’Eurovision, ses chansons, son univers enchanteur n’est que lointain et anecdotique, serait un contresens. Notre Concours favori partage en effet des valeurs communes avec le journal satirique : la liberté d’opinion, la liberté d’expression et la liberté de conscience.
Nous tenions à rendre hommage à notre façon, à Charb, Cabu, Wolinski, Tignous et leurs collègues, morts pour leurs idées et pour notre liberté. Un hommage en chansons et avec une anecdote eurovisionesque, l’un des moments les plus symboliques et les plus importants du Concours, un moment sur lequel passe le souffle de l’Histoire et qui s’éclaire d’un jour nouveau, après cet attentat aussi injuste qu’atroce.
En 1983, la sélection israélienne, le traditionnel K-Dam, connut l’un de ses épisodes les plus épiques. Deux divas de la chanson s’y livrèrent une lutte mémorable pour la victoire, lutte qui tint en haleine tout Israël et fit la une des médias hébreux de longues semaines durant. À gauche, Yardena Arazi, déjà sélectionnée en 1976, présentatrice du Concours en 1979, deuxième en 1982, en lice avec Shiru Shir Amen (Chante une chanson d’amen). À droite, Ofra Haza, reine de la pop israélienne, couronnée par Shir Ha’frecha, Tfila et Gabriel, en lice avec Hai (En vie). Une nation, divisée en deux camps égaux, assista à une soirée renversante et à une procédure de vote anthologique, qui se conclut par la victoire d’Ofra… avec un seul petit point d’avance sur Yardena !
Mais quel symbole soudain que cette chanson victorieuse, dans laquelle Ofra répétait qu’elle et Israël étaient en vie… Car cette année-là, le Concours était organisé en Allemagne, à Munich. Munich, là où onze ans auparavant, durant les Jeux Olympiques, onze athlètes israéliens avaient perdu la vie, lors d’un terrible attentat ; Munich, là où en 1923, les nazis avaient tenté de renverser la République de Weimar ; Munich, à seize kilomètres de laquelle avait été ouvert en 1933, le premier camp de concentration du Troisième Reich, Dachau. C’est justement lors de la visite de ce camp qu’Ofra fut interpellée par l’un des survivants. Ayant appris qu’elle était la représentante d’Israël au Concours, il lui demanda qu’une fois sur scène, elle chante pour toutes les victimes de la Shoah. Le grand soir venu, Ofra s’exécuta et reçut la plus longue ovation du public présent dans la salle. Elle termina à la deuxième place, derrière Corinne Hermès, et ce fut pour elle la première étape d’une formidable carrière internationale, qui culminera en 1988 avec son immortelle reprise d’Im Nin’alu.
Ofra Haza nous a été, elle aussi, trop tôt enlevée par la Mort. En ces jours de deuil, nos pensées nous ramènent à sa chanson, puis nous conduisent à toutes les victimes de l’oppression et de l’intolérance. Nous leur dédions Hai, que nous paraphraserons ainsi :
Hai, hai, hai – En vie, en vie, en vie
Ken, ani od hai – Oui, je suis toujours en vie
Ze hashir sheSaba shar etmol le’Aba – Voici la chanson que mon grand-père chantait hier à mon père
Vehayom ani – Et aujourd’hui, c’est mon tour
Ani od hai, hai, hai – Je suis toujours en vie, en vie, en vie
Am Charlie hai – Charlie est vie
Ze hashir sheSaba shar etmol le’Aba – Voici la chanson que mon grand-père chantait hier à mon père
Vehayom ani – Et aujourd’hui, c’est mon tour
Je suis Charlie aussi
Le règlement est le règlement. Les diffuseurs participants demeurent libres de l’accepter ou de le refuser. Ils l’ont tous fait en 2009, y compris la télévision publique géorgienne, acceptant par là d’éventuelles sanctions.
Je vous rappelle de plus que « We Don’t Wanna Put In » avait été intentionnellement rédigée pour porter atteinte à la réputation du président russe. Et à nouveau, la télévision publique géorgienne était consciente de son acte, lorsqu’elle a retenu cette chanson pour sa sélection nationale. Au final, la chanson a bien été disqualifiée, mais jamais censurée par l’UER.
Vous vous souviendrez enfin que d’autres chansons ont concouru, qui étaient porteuses d’un message politique critique, mais qui l’exprimaient sans intention de nuire à une personne explicitement désignée. Ainsi des chansons israéliennes de 2007 (http://youtu.be/424dX16SObQ) et de 2009 (http://youtu.be/6H9_A30MA6A).
Amandine Bourgeois et les Twin Twin font parti des personnalités ayant montré leur soutien face à ce drame.
La meilleure réponse que la France pourrait faire à l’Eurovision, ce serait d’envoyer une chanson sur le thème de la liberté et de la tolérance contre tous les extrêmismes.
J’aimerais quand même que l’Eurovision reste relativement détaché de ça. Nous ne pourrons pas nous montrer endeuillés.
Ce n’est que mon point de vue, mais j’aime l’Eurovision pour ces quelques soirées detachees du monde, ou chaque chanson nous porte un univers.
Dans tous les cas, des pensées aux familles touchées par ces drames. Nous sommes tous Charlie.
Après, nous avons déjà eu des chansons qui parlaient de thèmes très graves, comme l’année dernière avec la Hongrie et sa chanson sur la maltraitance infantile.
Mais je comprends ton point de vue, bien que ce sera toujours mieux qu’un délire franco-français comme Moustache.
Déjà fait !!! Allemagne 1982 ! .Ein Bisschen Frieden !
La Hongrie 2014 et l’Allemagne 1982 n’étaient pas lié un événement précis il me semble. Je voulais dire que, par exemple, l’Ukraine et la Russie n’ont pas fait une chanson drama sur le conflit en Crimée. L’Espagne n’a pas envoyé une chanson hommage aux morts des attentats de Madrid dans les années 2000.
Fin pour moi l’Eurovision doit rester détaché de l’actualité, au moins au niveau des chansons en elles-mêmes.
Merci pour ce bel article.
Moi aussi je suis choqué et consterné par les actes de barbaries qui vous frappent amis français.
La liberté d’expression et l’ironie subsisteront plus que jamais ! Mais plus jamais ça ! je l’espère.
Moi aussi je suis Charlie et et je trouve que Calogero offre un bel hommage à tous ceux qui sont morts dans ces attentats ! ( sans le savoir ) à travers sa chanson
Au mauvais endroit …