SAMEDI 23 FÉVRIER

La sélection nationale ukrainienne se conclut avec éclat. Au terme d’une soirée électrique, nos amis Ukrainiens ont voté et désigné le vainqueur de ce Vidbir 2019. Il s’agit de Maruv, qui représentera donc son pays à Tel Aviv, en mai prochain, avec sa chanson Siren Song.

LUNDI 25 FÉVRIER

C’est l’Eurodrame en Ukraine : la télévision publique ukrainienne vient d’annoncer que Maruv ne représenterait pas le pays à l’Eurovision 2019. La chanteuse avait pourtant remporté ce samedi la sélection nationale ukrainienne pour Tel Aviv.

Petit rétro-acte pour ceux d’entre vous qui n’auraient pas suivi les événements de ces derniers jours. Lors de la finale de ce Vidbir 2019, Maruv avait été questionnée vivement par le jury, en particulier Jamala, sur ses liens avec la Russie et ses opinions politiques personnelles. Pressée de questions, Maruv avait dû déclarer en direct qu’elle considérait la Crimée comme faisant partie de l’Ukraine. D’autres candidats, dont le duo Anna Maria, avaient également été visés sur un plan personnel, quant à leurs liens avec la péninsule annexée et le voisin russe.

Juste avant le lancement du télévote, le présentateur Serhiy Prytula avait en outre lu une note officielle de l’UA:PBC, stipulant que le diffuseur se réservait le droit de ne pas choisir le vainqueur du Vidbir pour le représenter à Tel Aviv.

Au final, Maruv était sortie gagnante de la sélection. Sa victoire avait aussitôt suscité l’ire du vice-premier ministre ukrainien, Vyacheslav Kyrylenko. Ce dernier, dans une déclaration fulminante sur Twitter, estimait qu’une artiste aussi compromise avec la Russie ne pouvait représenter l’Ukraine. Il faisait là allusion à la carrière florissante de Maruv en Russie, les nombreux concerts qu’elle y avait déjà donné et ceux qu’elle avait déjà programmé.

Par conséquent, l’UA:PBC avait soumis dimanche à Maruv un contrat drastique, l’interdisant notamment de toute représentation sur le sol russe. Sur Instagram, la chanteuse en avait révélé les termes et s’était déclarée prête à les accepter, de sorte à pouvoir représenter son pays au Concours. Elle se disait cependant sous pression, avec l’impression que le diffuseur ukrainien souhaitait son retrait.

La conclusion (provisoire) est donc tombée aujourd’hui. L’UA:PBC et Maruv ne sont pas parvenus à un accord. La chanteuse n’ira pas à Tel Aviv. Par ailleurs, dans son communiqué, le diffuseur regrette que la politique se soit immiscée dans le Concours. L’UA:PBC estime avoir agi afin d’éviter tout risque d’escalade. Le diffuseur entamera dès demain des négociations avec d’autres artistes.

MARDI 26 FÉVRIER

Maruv a donné sa version des faits sur sa page Facebook. La chanteuse a confirmé qu’après de longues discussions, elle avait refusé de signer le contrat proposé par l’UA:PBC, estimant ses conditions inhumaines.

Elle déclare avoir été sollicitée par le diffuseur ukrainien pour participer au Vidbir, avoir accepté, l’avoir gagné et en être fière. La chanteuse ajoute se sentir ukrainienne, payer ses impôts en Ukraine, être une citoyenne sincère, aimer son pays et être fière de le représenter à l’étranger.

Elle était prête à faire certaines concessions, notamment renoncer à ses concerts prévus en Russie. Néanmoins, elle n’a pu accepter d’autres conditions énoncées. Elle aurait eu l’impression que sa participation et sa personne auraient été politisées et auraient servi à promouvoir des objectifs politiques.

Maruv estime être une chanteuse et non une femme politique. Elle remercie ses soutiens et leur demande d’accepter cette décision, sans donner dans l’affrontement. Quant à elle, elle est bien décidée à aller de l’avant et à poursuivre sa carrière normalement.

De son côté, le présentateur du Vidbir, Serhiy Prytula, s’est également fendu d’une longue déclaration sur Facebook. Il y rappelle les circonstances difficiles que traversent actuellement l’Ukraine et la guerre qui continue d’ensanglanter l’est du pays.

Pour lui, ce Vidbir 2019 aura été une épreuve. Il a assisté impuissant et désappointé à son déroulement. À ses yeux, il aurait fallu informer de meilleure manière les participants de la sélection des conditions requises, et ce avant qu’ils ne s’y inscrivent officiellement. La plupart des finalistes étaient dans l’ignorance de clauses spécifiques du contrat, notamment celles relatives à des concerts en Russie..

Néanmoins, Serhiy prend position à titre personnel dans la querelle : pour lui, l’Ukraine ne peut être représentée par des artistes ayant des liens avec la Russie. À ses yeux, il s’agit d’une trahison nationale et d’une facilité supplémentaire offerte à la Russie pour mener à bien sa propagande.

Quant à la STB, le diffuseur privé ukrainien, qui a organisé le Vidbir pour le compte de l’UA:PBC, elle s’interroge pour l’avenir. Selon sa déclaration, la STB s’est engagée de bonne foi et avec enthousiasme dans cette édition 2019. D’autant plus que le Vidbir est devenu en quatre ans, un événement musical reconnu et populaire, autant auprès du public et des Eurofans, que des artistes et des professionnels du monde de la musique.

Cette année encore, la STB a tenté d’organiser la sélection la plus honnête et la plus transparente possible. Le diffuseur a reçu 860 chansons et en a sélectionné 16. Suite à la défection de Tayanna, la STB a retenu Maruv pour la remplacer. L’UA:PBC a marqué son accord à sa participation et aux autres.

Les conditions relatives aux tournées en Russie n’étaient pas initialement incluses dans le règlement du Vidbir 2019. Elles n’avaient pas été réclamées par l’UA:PBC lors des trois précédentes éditions, mais ont été introduites avant la finale, à la demande de l’opinion publique ukrainienne. La STB a finalement opté pour une interrogation publique des candidats lors de l’émission, afin qu’ils clarifient leur position. Les téléspectateurs ont ainsi pu voter en connaissance de cause.

Selon la STB, le télévote s’est déroulé sous contrôle d’un organisme indépendant et s’est révélé honnête et sans tricherie. Par conséquent, le diffuseur a présenté le vainqueur de cette sélection à l’UA:PBC. Sa mission s’achevait là et la STB estime l’avoir accompli selon les termes prescrits. À présent, toute décision ultérieure et finale dépendra de l’UA:PBC. La STB n’a plus rien à voir avec l’Eurovision 2019.

À présent, la STB va évaluer la situation et décider s’il est encore judicieux pour elle de renouveler sa collaboration avec l’UA:PBC et d’organiser d’autres sélections pour l’Eurovision. Dans l’attente, la STB se dit prête à reverser à des organismes de charité, le montant des votes des téléspectateurs ukrainiens.

MERCREDI 27 FÉVRIER

En quête d’un artiste pour la représenter à Tel Aviv, l’UA:PBC a approché les candidats ayant terminé deuxièmes et troisièmes du Vidbir 2019, en l’occurence les groupes Freedom Jazz et Kazka. Tous deux ont confirmé sur Instagram qu’ils avaient refusé la proposition de l’UA:PBC.

Freedom Jazz n’a pas livré d’explications particulières. De son côté, Kazka ne souhaite pas assumer une victoire par défaut et au coût potentiel exorbitant, malgré tous les efforts investis dans leur participation.

Le diffuseur ukrainien demeure donc sans représentant officiel pour l’heure. Dans l’attente d’une solution, l’UA:PBC a confirmé qu’il diffuserait cet Eurovision 2019 dans son intégralité, même sans y participer, de sorte à éviter toute sanction et pénalité. Néanmoins, le diffuseur a reconnu être dans une impasse, sans solution visible et correcte.

(avec la collaboration de Sakis)