Agnetha 2Nous voilà arrivés au dernier épisode de notre série ! Nous concluons ici cette rétrospective et ce bilan de la Saison écoulée. Dans moins d’un mois, nous vivrons la plus belle semaine de notre année de fans. Nous serons au sommet de notre vie, nous serons les rois du monde. Le nom du vainqueur demeure un mystère, tout est encore possible, sauf peut-être une première place de Saint-Marin (Maudit ! Sanguis bebimus, corpus edimus !)…

Notre coup d’œil dans le rétroviseur nous aura permis de récapituler les ingrédients nécessaires à une Saison réussie : d’excellentes chansons pop qui élèvent et modernisent le Concours, de touchantes ballades qui suscitent l’émotion et mettent la larme à l’œil, des morceaux faciles qui donnent envie de rire et danser. Saupoudrez de suspense, de cris de joie, de hurlements de désespoir, de coups de théâtre, de découvertes surprenantes, d’amples battements de cœur et servez chaud.

Serait-ce là tout ? Non pas ! La joie, le bonheur, la satisfaction, la tristesse et les regrets doivent s’accompagner d’un autre sentiment, nécessaire, indispensable, moteur même : la colère, la sainte et divine colère, suivie de près par ses sœurs, la rage et la haine, toutes escortées par les imprécations et les malédictions. Car que serait une bonne Saison sans ces chansons et ces artistes que l’on hait, que l’on exècre, que l’on voue aux gémonies ? Et plus ils se hissent vers les sommets des classements, plus nos cœurs et nos bouchent s’enflamment…

C’est l’heure de leur rendre hommage et de les maudire une dernière fois. Aujourd’hui donc : les dix artistes et les dix chansons que nous avons le plus détestés durant cette Saison. Ce classement ne reflète bien entendu que notre petite opinion propre. Il peut différer des avis de nos collègues rédacteurs, ainsi que des vôtres : ne le prenez pas en mauvaise part, rien de personnel, juste des goûts, des couleurs et la diversité des avis…

  1. Roumanie – Mihai – Paradisio – Cinquième en finale

La modestie est une vertu eurovisionesque. Les divas prétentieuses nous insupportent, Mihai nous a donc insupportés du début à la fin. Nos nerfs se sont tendus à chacune de ses déclarations, de ses arguties, de ses caprices. Môssieur se targuait d’être le meilleur, d’avoir la meilleure chanson, de remporter enfin la victoire pour la Roumanie. Nous étions à moitié convaincus, considérant Tornero comme une scie sur-jouée. La première écoute de Paradisiooooo a gonflé nos aigreurs : tout ce charivari pour trois minutes de synthétiseur composée par un enfant en bas âge ? Pitié ! De controverses en mauvaise publicité, notre Mihai national échoue à la sixième place. Logique. Pas pour lui : il se plaint de partialité et en rajoute sur ses chances assurées de victoire à Stockholm. Ah, Jésus, faites-le taire et rendez-nous Paula et Ovi. Eux au moins, ils étaient drôles !

  1. Suède – Samir & Viktor – Bada Nakna (Nager nu) – Douzième en finale

Oui, bon, on les a vu torse nu, voilà. Les Suédois pourraient-ils passer à autre chose, maintenant ? Bada Nakna était là pour meubler le temps d’antenne entre  les deux seules chansons valables de cette première demi-finale du Melodifestivalen, Don’t Worry et Constellation Prize. Et non seulement ce morceau ne valait pas tripettes, mais ses interprètes chantaient aussi bien que nous sous la douche (c’est dire). Pire encore : sur les deux mille chansons présentées à la SVT, il a fallu que Christer Björkman choisisse précisément celle-là ! Nous donnerions beaucoup pour entendre les mille neuf cent nonante neuf autres… Même le bruit d’eau du pédiluve de Samir et Viktor aurait eu plus de chance de succès qu’eux au Concours. Nous avons tout autant été déçus par le strip-tease de ces deux zygotos : gauchement exécuté et laissant tout à l’imagination. À poil !

  1. Lituanie – Ruta Sciogolevaite – United – Troisième en finale

Nous en remettrons-nous un jour ? Ruta fut notre reine en 2007, avec son monumental If I Ever Make You Cry. Nous l’avions quittée, en larmes, en 2011, sur I Will Break Free. Elle avait annoncé son retrait des sélections lituaniennes pour l’Eurovision, elle se disait méprisée et incomprise, pauvre louloute. Nous bondîmes de notre chaise du bureau, lorsque nous découvrîmes qu’elle revenait concourir à l’Eurovizijos Atranka. Happy, happy ! Nous déchantâmes complètement à la première écoute de United. Allo, Ruta ? Ici 2016… United est une indigeste meringue sucrée. La paix sur Terre ? Désolé, on nous l’a déjà chantée il y a trente-quatre ans : Ein Bisschen Frieden et ça sonnait plus frais et moderne que ce machin coulant. Certains ont tenté la comparaison avec A Million Voices. Nous nous récrions : la chanson russe comporte une âme. United est juste du pâté musical en conserve. Finalement, Ruta aurait dû rester sur sa promesse initiale…

  1. Estonie – Cartoon – Immortality – Troisième en super-finale

Non ! Nous disons non ! Des ayatollahs du Concours : l’Eurovision doit rester comme il est, prière de ne pas y toucher ! C’est un Concours de chanson avec des vraies chansons interprétées par des vrais chanteurs, en chair, en os et en direct, devant des caméras, ce n’est pas un concours de vidéos préenregistrées ! Non, mais. De prime abord, nous avons trouvé qu’Immortality était un morceau passe-partout. Nous n’en pensions rien de laudatif, sa présentation en demi-finale nous a révoltés. Pourquoi ? C’est là que commence le mystère et l’intéressant. Pourquoi cette vidéo nous a semblés ruiner l’esprit du Concours ? Nous ne pourrions l’expliquer rationnellement : nous avons eu l’impression de subir un préjudice moral. Étrangeté de l’âme humaine… Nous hurlâmes au scandale en final, même lorsque Kristel apparut sur scène déguisée en sapin de Noël du futur. Nous rugîmes de rage lorsque le groupe fut appelé pour la super-finale. Dieu merci, ils y terminèrent troisième. À la revoyure !

  1. Hongrie – Petruska – Trouble In My Mind – Éliminé en super-finale

À première écoute, nous étions passés à côté de la chanson de ce barbu hongrois. Nous n’avions d’oreille que pour d’autres. Et dans cette troisième épreuve qualificative d’A Dal, nous supportions de tout cœur Ív et Bálint Gájer. Nous devînmes dragons lorsque nos deux chouchous furent congédiés pour deux malheureux points et que le batelier de la Volga se qualifia pour la demi-finale. Ce fut alors la spirale de la haine : Petruska fut porté à bout de bras par le jury, dépassant notre András à nous. Honte et scandale ! Trouble In My Mind est un tout petit morceau de rien du tout, interprété par un hipster affecté qui gratouille sa guitare le dimanche pour tuer l’ennui. Nous grimpâmes aux rideaux à l’annonce des super-finalistes. Le crampon barbu s’accrochait à la sélection hongroise. Le doute nous étreignit, nous eûmes peur. La victoire de Freddie nous délivra et nous soulagea. Nous avions perdu beaucoup de temps à cause de Petruska, la révélation des résultats finaux nous plongea dans la perplexité : le jury l’avait complètement lâché dans la dernière ligne droite. Nous voulons croire au miracle et à l’utilité de nos prières.

  1. Finlande – Cristal Snow – Love Is Blind – Sixième en finale

Nous l’admettons : nous ne sommes ni musiciens, ni musicologues. Nous n’avons pas étudié le solfège, ne savons ni chanter, ni jouer d’un instrument de musique. Nous sommes nuls en musique classique et en opéra. Nous ne savons pas distinguer un « do » d’un « ré ». Mais il y a trois choses dont nous sommes capables : distinguer une bonne chanson, distinguer un bon chanteur et distinguer une fausse note. Et nous l’avons distingué dès la première seconde : Love Is Blind n’est pas une bonne chanson, Cristal Snow n’est pas un bon chanteur et sa prestation fut émaillée de fausses notes. Que cette catastrophe industrielle se soit hissée en finale et y ait terminée sixième, demeure toujours pour nous un mystère impénétrable. Nous avons vu un massacre musical là où d’autres ont vu un gagnant potentiel du Concours… Nous en revenons à notre analyse personnelle de l’UMK : l’Yle aurait intérêt à s’offrir un jury international pour remettre un peu d’ordre dans ses sélections. Mieux encore : permettre aux fans internationaux d’y être impliqués.

  1. Allemagne – Avantasia – Mystery Of A Blood Red Rose – Troisièmes en super-finale

Nous sommes nostalgiques des années 90 (prononcez-les comme vous le voulez). Nous étions jeunes et écoutions des bêtises et des morceaux sublimes. Nous avions l’avenir devant nous. Nous n’étions pas très audacieux musicalement, nous apprenions. Il y a cependant une chose dont nous ne sommes pas nostalgiques : le rock commercial de cette décennie. Nous avons poussé un soupir mi-apitoyé, mi-exaspéré lorsque nous avons écouté Mystery pour la première fois. Ce morceau (et ses interprètes) arrivaient avec vingt ans de retard. Et puis cette scénographie, ce bruit de fond, ces attitudes, d’une originalité ! Nous étions gonflés à l’avance. Nous enflâmes de dépit, lorsque le groupe fut appelé en super-finale. Ils furent aplatis par Jamie-Lee, nous nous en réjouîmes. Nous caressons depuis l’idée que leurs commentaires idiots et leurs réponses stupides leur auront coûté leur classement.

  1. Malte – Lawrence Gray – You’re Beautiful – Douzième en finale

La vie comporte bien des beautés, la chanson de Lawrence ne fait pas partie de la liste. Depuis dix-sept ans, le chanteur pour croisières du troisième âge hante le MESC. Il a même failli le gagner en 1999 et en 2003. Dieu nous en garde, mais le voilà devenu crampon officiel de la sélection maltaise. Il atteint le fond cette année avec cette ballade cachectique. Nous avons hurlé d’indignation lorsque Lawrence s’est qualifié pour la finale. Nous l’avons hué lors de son passage. Nous avons applaudi lorsqu’il a terminé dans les tréfonds du classement. Comment est-ce encore possible de chanter pareille niaiserie en 2016 ? Quel artiste de dimension internationale accepterait d’enregistrer cette chose ? Pitié : empêchez-le de revenir l’année prochaine ! Et donnez-nous Fabrizio Faniello à la place. Non pas que ses chansons soient intersidérales, mais lui au moins nous a laissé de bons souvenirs

  1. Norvège – Suite 16 – Anna Lee – Troisième en super-finale

Le débat a déjà fait rage sur ce site : les boybands, stop ou encore ? En ce qui nous concerne, ce sera stop ! Cet autre héritage des années 90 (prononcez à la mode de chez vous) a cessé de nous amuser il y a longtemps. Nous avons donc haussé un sourcil lorsque Suite 16 (jeu de mot que nous n’avons compris qu’une fois le MGP terminé) fut dévoilé parmi les élus de la NRK. Notre découverte de Anna Lee confirma nos soupçons : de la soupe en boîte pour prépubères en mal d’idoles. Notre courroux enfla au fur et à mesure des commentaires élogieux lus ici et là. Là-dessus, Loreen nous acheva en leur attribuant trois de ses merveilleux sourires. Nooon ! Pourquoi ? Leur prestation en finale nous fit tendre du poing vers la télévision. Sur ces cinq minets, trois chantent approximativement, un chante fort mal et le dernier fait de la figuration. Remboursez ! Nous nous étranglâmes lorsque ces gamins furent appelés en super-finale. Plutôt encore Freddy… Agnete mit tout le monde d’accord. Nous ne fûmes que vaguement soulagés, car Brise-glace n’était pas notre favorite. Suite 16 termina sur la troisième marche du podium et dans les profondeurs de nos noirs sentiments. Vivement pas qu’ils reviennent, nous en avons assez de nous sentir vieux et ringards.

  1. Lettonie – Catalepsia – Damnation – Deuxième en finale

Alors, eux ! Que les portes de l’Enfer s’ouvrent béantes et qu’ils soient engloutis à jamais ! Ils ont d’autant plus mérité cette première place dans notre classement des haines recuites qu’ils nous auront collé la plus grosse trouille de la Saison. Limite si nos pantalons en sont sortis immaculés… Car ils ont bien failli gagner Supernova, ces damnés de la chanson ! Lors de cette sélection lettone, nous n’avions d’yeux que pour Justs. Nous avions accueilli avec froideur et hauteur Damnation, brontosaure musical à nos yeux. Les qualifications et la demi-finale voyaient triompher Heartbeat dans un fauteuil, nous étions pépères, nous détestions Catalepsia en mode mineur. Puis, lors de la finale, les téléspectateurs lettons reprirent leurs bonnes vieilles habitudes et l’incroyable se produisit : Catalepsia dépassa Justs en votes téléphoniques. Nous devînmes fous, manquâmes de perdre la raison, fûmes saisis de convulsion. Notre haine pour Catalepsia prit des proportions bibliques. Nous nous ruâmes sur le site Internet de la LTV et ajoutâmes notre voix au vote en ligne. Nous priâmes, nous suppliâmes le ciel, nous jurâmes de ne plus jamais écouter ça, ça et ça, si cela pouvait sauver Justs. Le beau letton se qualifia pour Stockholm sur un fil et probablement grâce à nos votes virtuels. Nous remerciâmes le Ciel de nous avoir épargné ce drame, sommes depuis un brin revenu sur notre promesse de ne plus écouter nos plaisirs coupables très coupables et portons Heartbeat aux nues. Quant à Catalepsia, nous espérons ne plus jamais les revoir sur nos écrans. Maudits !

Et vous ? Qui avez-vous aimé détester ? Qui vous a fait sortir de vos gonds et montrer les crocs ? Avouez ci-dessous. De notre côté, nous vous remercions mille fois pour votre lecture et votre fidélité. Nous vous retrouverons fort bientôt dans d’autres articles, dans d’autres comptes rendus. Encore quelques semaines et ce sera l’apothéose de notre année ensemble. Il nous tarde d’y être ! D’ici-là, portez-vous pour un mieux et soyez heureux. À très bientôt !