Le premier juillet est l’annonce traditionnelle des vacances d’été. Pour les plus chanceux, deux mois de repos et d’insouciance. Pour tous, deux mois de soleil et de douceur de vivre. Pour les fans de l’Eurovision, deux mois pour revivre le meilleur du Concours, dans l’attente de la prochaine édition.
Les riches heures de l’Eurovision couvrent à présent soixante-et-un ans d’éditions et de sélections, des heures-fleuve de musique et de télévision et surtout, des souvenirs à la pelle. De beaux souvenirs, de tendres souvenirs, d’hilarants souvenirs, mais aussi de rudes souvenirs. Six décennies à l’impact majeur sur la culture pop et la mémoire collective, six décennies qui ont transformé nos vies et surtout, qui les ont rendues plus intenses, plus drôles et plus palpitantes.
Vous l’avez constaté : votre site préféré ne chôme pas durant ces congés eurovisionesques. Chacun y va de sa chronique, de son concours, de ses analyses. Il se publie autant d’articles que durant la Saison. Voilà qui est réjouissant ! Après « Le Vainqueur du Mercredi », j’apporte une nouvelle pierre à cet édifice, avec la troisième série du « History Book On The Shelf ».
Oui, rouvrons notre livre d’histoire du Concours et parcourons ensemble ses meilleurs chapitres. Chaque samedi de juillet et d’août, nous prendrons une thématique et nous la déclinerons en cinq vidéos, complétées par un bonus. Vous prendrez garde : il s’agit de commentaires et de classements personnels qui n’engagent que moi. Le choix des artistes et des chansons relève de mes goûts personnels et subjectifs. Si vous avez des propositions alternatives, présentez-les nous dans les commentaires.
Aujourd’hui, comme c’est la tradition déjà, inaugurons notre série avec le vainqueur de l’année : le Portugal. Le Portugal et l’Eurovision, ce fut une longue histoire de désamour et d’incompréhension respective. Les faits vous ont été rappelés par mes camarades Antoine et Marie. Wikipédia comblera vos éventuelles lacunes.
Ce qui me fascine, à titre personnel, est l’attitude de la télévision publique portugaise par rapport au Concours : depuis ses débuts, en 1964, elle n’a pas varié d’un iota. Constance, constance, constance : elle a toujours présenté des artistes portugais, chantant en portugais, des chansons très (très) portugaises. C’est l’Eurovision comme vitrine de la musique populaire au sens traditionnel du terme. Je vous l’avoue : je n’ai jamais été partisant de cette approche, préférant l’Eurovision comme vitrine de la musique pop au sens contemporain du terme.
Quelle moralité tirer de cette approche luso-lusitanienne ? Simplement qu’elle est une stratégie comme une autre pour remporter la victoire. Une stratégie longue et amère (cinquante-deux ans sans dépasser la sixième place), mais une stratégie tout de même, couronnée par une victoire monumentale.
Revenons donc sur le chemin tortueux et caillouteux emprunté par le Portugal. Je le concède : il y a eu de bons moments, de très bons moments, des instants de grâce et de magie, des moments où la RTP aurait mérité une meilleure récompense de son obstination et de sa persévérance. Aujourd’hui donc, cinq chansons portugaises qui ont embelli l’Eurovision et dont la qualité a élevé le niveau du Concours.
1. 1969 – Simone de Oliveira – Desfolhada portuguesa (Effeuillage portugais) – quinzième
Elle s’avance sur la scène du Teatro Real, glissant dans sa robe émeraude, et nous offre trois minutes d’anthologie. Simone de Oliveira est une diva, au sens noble du terme, passionnée, passionnante, habitée par son art et par sa culture musicale. Sa chanson, trop poétique que pour être littéralement traduite, compare le Portugal à l’amour, la nature au corps humain, les images aux émotions. Simone impose un style : la représentante portugaise chantant une ode patriotique à son Portugal natal, style qui connaîtra bien des avatars.
2. 1971 – Tonicha – Menina (Jeune fille) – neuvième
Après un retrait en 1970, pour fâcherie quant au règlement, le Portugal revient à la compétition en 1971. Une robe bouquet, des choristes coquelicot et du portugais fleuri, Tonicha chante les jeunes filles en fleurs. Ces jeunes filles portugaises qui courent dans les forêts de pin, boivent à l’eau des sources claires et sentent la menthe et la lavande. Une ode à la ruralité portugaise, un retour aux joies simples de la vie à la campagne, une chanson lumineuse qui volera le cœur des jurés espagnols.
3. 1979 – Manuela Bravo – Sobe, sobe, balão, sobe (Monte, monte, ballon, monte) – neuvième
Délicate mission que d’ouvrir l’Eurovision. Manuela Bravo s’en acquitta à merveille, à Jérusalem, pour la première édition du Concours organisée en-dehors du continent européen. Elle interprète une chanson d’amour à la portugaise : métaphores à tous les étages et passage obligé en mode douceur. Manuela envoie un ballon dans le ciel, à la recherche de l’endroit idéal pour y aimer l’homme de sa vie. Cela pourrait être sur une étoile, cela pourrait être dans un rêve… Les jurés français lui attribueront leur deuxième place.
4. 1994 – Sara Tavares – Chamar a música (Appeler la musique) – huitième
Elle ne fut pas la première, mais l’héritière : le Portugal fut le deuxième pays de l’histoire du Concours à être représenté par un artiste noir. C’était en 1967 déjà. Vingt-sept plus tard, Sara Tavares ose répudier la télévision et saisir sa bouteille d’alcool pour composer une chanson, une chanson pour celui qu’elle aime. Elle appelle à elle, sa muse et la musique, dans un style inimitablement portugais. Une audace que prisa le jury espagnol, dont la chanteuse obtint « douze points ».
5. 2008 – Vânia Fernandes – Senhora do mar (Dame de la mer) – treizième en finale
Tant aimée en demi-finale, où, portée par les « douze points » suisses et français, elle termina deuxième ; tant oubliée en finale, où les téléspectateurs commirent l’injure de la placer derrière ceci, cela et ça. Désolé, Salvador ; désolé, Lúcia ; désolé, Carlos ; pour moi, Vânia reste la meilleure des représentantes portugaises, ma préférée pour l’éternité. J’ai versé une larme sur ces eaux noires, ces vagues de chagrin et cette très imméritée treizième place. Portugal no coração…
BONUS
Le Portugal n’a pas présenté que des morceaux inspirés et émouvants au Concours. De temps à autre, il s’est fendu de chansons légères et dansantes. Certains ont trouvé leur place dans mon imaginaire eurovisionesque. Dansons, mais toujours en portugais, s’il-vous-plaît !
1980
Première et timide tentative d’internationalisation, la chanson comportant des paroles en italien, en français, en allemand et en anglais. Assez irrésistible dans son genre…
1981
Mon plaisir coupable portugais ! Une plaisanterie lusitanienne sans équivalent, un sarcasme à la face du Concours et l’une des rares fois où le Portugal opta pour le second degré.
1982
L’année de ma naissance ! J’ai toujours été convaincu que si le Prix Barbara-Dex existait alors, elles seraient reparties avec. Ces costumes de mousquetaires revisités par les années 80, ces maquillages outranciers, ces perruques extravagantes, ce petit silence, cette chorégraphie inimitable… De l’or portugais en barre…
1990
Le chef d’orchestre vole ici la vedette à l’interprète. Reste une chanson oubliée, mais irrésistible à mes oreilles. La mayonnaise n’a pas pris avec les jurys. Mystère…
2007
Je la pleure encore, dix ans plus tard. Vous ne sauriez imaginer à quel point j’ai aimé cette chanson. Mais cette demi-finale 2007 fut un crève-cœur. Le meilleur moment de la chanson est bien entendu la strophe en français.
Sur ce, passez un bon week-end et rendez-vous samedi prochain ! Au menu : trois îles et deux anciennes républiques yougoslaves. Mais quel est donc le point commun les unissant ?
Il manque 1996 trop top
j ai deja grand hate d etre à Lisbonne en mai prochain pour vivre le concours et voir la ville s enflammer pour lui..
Au vu des resultats passés, la victoire de Salvador tient du miracle…Elle va conforter la RTP dans son intention de persister dans une selection avec beaucoup de
chansons qui feront couleur locale, pour le meilleur comme pour le pire…
en parlant du concours 2018, ..des infos filtrent sur certaines selections nationales…la souscription pour le Melodifestivalen 2018 est lancée et on connaitra vers Novembre les 28 postulants (avec toujours le meme mode de selection : 14 selon un .critere, 13 d apres un autre et une wild card donné à un participant à un concours radio). j ai aussi appris qu il y avait un critere de langue. la Svt fait en sorte qu il y ait une dizaine de chansons en suedois.
du coté de Malte la finale nationale aura lieu tres tot cette année . Dès le mois de Janvier !.et le nombre de finalistes a eté reduit (16 je crois). .preselection en deux phases : 60 puis 30 retenus avec intervention d un jury international pour la seconde phase
En 2008, même si les 12 points de la France et de la Suisse pour Vânia Fernandes étaient assez logiques, car ces deux pays comprennent la communauté portugaise la plus importante, ils étaient largement mérités et je suis d’accord avec Pauly quand il dit qu’elle aurait du gagner cette année-là. Senhora do mar est pour moi et restera, la meilleure et la plus belle contribution que nos amis portugais nous ont offert depuis qu’ils participent à l’Eurovision,
Cette chanson est juste magnifique et son interprétation par l’artiste fût magistrale, à chaque fois que je l’écoute, je suis pris par une émotion totalement incontrôlable. Et je me souviens avoir également adoré la chanson de Sara Tavares en 1994 qui aurait mérité un Top 5, voir un podium.
Et pour terminer, je vous avouer que j’étais très heureux de la victoire de Salvador cette année mais à ma grande surprise, je me suis vite lassé, et je n’arrive plus à écouter Amar Pelos Dois jusqu’au bout.
C’est vrai qu’à la vue des résultats du Portugal, personne n’aurait pu penser que cette année , il aurait fait un razzia complet.
Le Portugal est toujours resté lui-même et c’est tout à son honneur m^me si j’avoue que je ne suis pas fan de leurs chansons.
Question interprétation 2008 mais je préfère les chansons des années de 1971 et 1994, 2007 c’est pas mal aussi.
Par contre celle-ci est dans les bêtisiers portugais tellement la fille chantait faux 😀 c’était dans la sélection nationale en 1983 un supplice pour les oreilles 😀 https://youtu.be/tluQrYw3r1I
Cette chanson de 2008 était (et est toujours en fait) magnifique! Pour moi l’édition de Belgrade est une véritable injure au concours. C’est l’année du WTF où l’Europe a voté pour du grand n’importe quoi. C’est à mon sens l’année représentant le mieux la force des pays d’ex URSS et des pays balkans dans la compétition… Combien étaient en finale? Beaucoup trop!
Au moins Irlande et Estonie n’étaient pas présentes à la soirée du samedi, il aurait manqué plus que ça…
Pour le reste, je ne porte pas d’avis vraiment tranché sur le pays. La plupart de ses places me paraissent méritées. Il y a juste la non qualification de Suzy en 2014 qui me fait un peu mal mais franchement je ne l’aurais pas placée plus haut que 20è donc pas vraiment une énorme perte.
2007 et 2008 même dérive du 100% télévote
Absolument d’accord avec toi Pauly. J’adore quasiment toutes les chansons portugaises que tu as montrées.
Manquent juste pour moi « Ele e ela » de 1966 et « A cidade até ser dia » de 1993.
Mention spéciale à « Playback » de 1981 qui est tellement raccord musicalement à son époque… pour une fois ça change de voir le Portugal à la page.
Le crash de 1990 reste inexplicable 🙁 dommage bonne chanson enjouée.
Autant j’aime beaucoup les chansons portugaises jusqu’aux années 90, à partir des années 2000, c’est plus compliqué pour moi de trouver des chansons intéressantes.
Je m’insurge où sont Dulce Pontes, Anabela et Rita Guerra 🙂 ?
Effectivement la première gagnante pour le Portugal aurait dû être Vania Fernandes…
Et j’avais également adoré Nucha, Carlos Paiao, Dolce (cultissime) et Manuel Bravo
Ce pays a vraiment connu de grosses injustices de classement
Petite rectification : le premier artiste noir ne fut pas la chanteuse hollandaise de 1966 ?
Mais oui ! Corrigé et merci pour ta relecture attentive.
Je trouve que ce pays a un énorme mérite et un courage fou! Cette persévérance en devient touchante: ils n’ont jamais fais de compromis sur le fait de chanter autrement que dans leur langue, et on toujours trouvé dans le concours Eurovision l’opportunité de faire un part belle à leur culture… En ne se soudoyant pas aux suédoiseries ou en ne creusant pas dans la facilité de l’anglais! C’est louable! La victoire de 2017 en devient, pour le coup, terriblement méritante!
Même si je ne suis pas fan de toutes les participations portugaises, j’apprécie souvent quand même la « Portugal Touch’ « !
Je reste un grand fan de la chanson de 2012, Filipa Sousa étant sous estimée à mon goût! Et puis forcément, Suzy, qui reste une petite déception de qualification en DF.
J’ai écouté attentivement les chansons que tu proposes, Pauly, et je dois dire que j’aime vraiment beaucoup la chanson de Manuela Bravo et le sympathique « Play Back » de Carlos Paião. Merci pour ces découvertes!
Merci à toi d’avoir lu cet article ! Il a atteint son but, puisque tu as redécouvert le meilleur de l’Eurovision.
Le meilleur de l’Eurovision… c’est vrai car les éditions de 1979 et 1981 sont vraiment très bonnes. 🙂 🙂
La meilleure sans aucun doute reste Vania. C est certain!!!!
Ma première demande en mariage virtuelle ! J’en suis tout ému…
Le Portugal doit être un des seuls, voire le seul, pays qui choisit son représentant en fonction de ses goûts et non pas en fonction de ce qui pourrait plaire au reste de l’Europe.
Il a trop souvent été « sanctionné » mais la victoire de cette édition fut magistrale.
Trois îles et deux républiques yougoslave? Pour les trois iles a ne peut être que Malte, Chypre et l’Islande 🙂
Ou peut-être bien l’Australie et l’Irlande…
Aha baah justement je pensais à ces 3 îles-là : l’Australie, l’Islande et Malte ! Le lien les unissant ? Le fait qu’ils aient frôlés la victoire en ayant atteint les places de runner-up à l’Eurovision ! L’Islande avec Selma en 1999 (runner-up de Charlotte Nilsson) et avec Yohanna en 2009 (runner-up d’Alexander Rybak), Malte avec Ira Losco en 2002 (runner-up de Marie N) et avec Chiara en 2005 (runner-up d’Helena Paparizou) ; et enfin l’Australie avec Dami Im en 2016 (runner-up de Jamala) 😉
Après pour les 2 républiques yougoslaves, je ne vois pas de liens … j’ai pensé à la Bosnie et la Croatie, qui auraient pu également décrocher leur première victoire et qui étaient proches de le faire mais qui n’ont pas réussi, notamment avec Danijela en 1998 pour la Croatie (5ème derrière Katrina and The Waves), et avec Hari Mata Hari en 2006 (3ème derrière Lordi) 😀
Mais il faudra attendre le prochain article de Pauly ^^
PS : mes chansons portugaises préférées resteront toujours celles de Suzy et de Leonor Andrade 🙂
*attendre le prochain article pour savoir si j’ai vu juste ^^ (décidemment, je ne changerais jamais par rapport à l’an dernier quand j’essayais de deviner de qui parleraient les articles »The Winner Takes It All » de Pauly) 😀
*rectification : Dana International en 1998
Tu as raison maxime, les trois îles, cela ne peut être que Chypre, Malte et l’Islande et le 2 pays de l’ex Yougoslavie sont à mon avis la Croatie et le Monténégro . Pour le point commun, je ne vois pas vraiment, sinon que ces 5 pays n’ont jamais remportés l’Eurovision. Cela doit être plus complexe que ça à mon avis. Ce cher Pauly, il a l’art de mettre en haleine jusqu’à son prochain article. Je donne ma langue au chat ….
La Croatie n’a jamais gagné politiquement l’Eurovision. Pas au sens des votes géopolitiques, bien sûr mais en tant que pays indépendant. Toutefois, intrinsèquement, elle a gagné en 1989 pat le biais d’un groupe croate et a accueilli l’édition suivante sur ses terres, à Zagreb.
Bon, he bien MERCI Pauly, je suis complètement obnubilé par la chanson de Manuela Bravo! J’en ai même acheté le 45 tours! Merci!